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sage?

Non encore. Est-ce un homme? Pas davantage. Qu'est-ce donc ? - Une machine à digérer qui n'admet de relâche qu'en faveur du plaisir : Sedit populus manducare et bibere, et surrexerunt ludere (Exod. xxxп, 6), disent les saintes Ecritures. En dehors de cela, n'en attendez rien.

Un jour, un médecin avait été appelé auprès d'un de ces hommes habitués, comme - nous l'avons déjà rappelé, à faire un dieu de leur ventre. La maladie était grave, et le = médecin prescrivit au malade de s'abstenir de tout aliment, et de ne boire que de l'eau. << Ne point manger et ne boire que de l'eau, dit le gastronome, un peu ivrogne; mais Ec'est la mort » C'était la mort, en effet,

Objections. Il n'y a qu'abus dans la religion, et surtout dans la religion catholique.

Admettons qu'il n'y ait, à parler rigoureusement, aucun abus dans la religion catholique considérée en elle-même; toujours est-il qu'il y en a de très-nombreux =et de très-grands qui viennent d'elle, ou, sce qui est à peu près la même chose, à son -occasion; et nous demandons comment une religion divine peut être la cause, ou, si vous voulez, l'occasion de tous ces abus. --Quoi que vous puissiez dire, c'est toujours à l'occasion de la religion qu'ont lieu les plus grands abus. On ne peut s'empêcher de le remarquer et de se demander pourquoi Dieu permet cela.

car le désespoir et la peur lui enlevant tout courage hâtèrent les progrès de la maladie qui le tua en quelques jours.

Quelle mort et combien elle diffère de celle du Chrétien ! Soldat courageux de Jésus-Christ, et digne enfant de l'Eglise, il ne se laisse abattre ni par les privations, ni par les souffrances, ni par la mort ellemême. Quand celle-ci croit le frapper, c'est lui, au contraire, qui la frappe, puisqu'il trouve en elle son triomphe, à l'exemple de son divin Maître. Habitué à s'élever audessus des sens, son âme se détache volontiers des biens du corps, et s'élève avec joic au séjour des esprits.

ABUS.

Réponse. Quand vous affirmez qu'il n'y a qu'abus dans la religion, et surtout dans la religion catholique, vous dites une chose tellement fausse que c'est précisément l'opposé de cela qui se trouve être la vérité. Oui, rien n'est plus certain, il n'y a aucun abus dans la religion, et il est impossible même qu'il y en ait aucun. Il n'y en a ni dans ses dogmes, ni dans sa morale, ni dans ses sacrements, ni dans rien de ce qui tient à son essence. Ce qu'il y a en elle, au contraire, qu'on la considère dans son ensemble ou dans les parties qui la constituent, c'est la sainteté, c'est-à-dire la fuite de tout mal, la pratique de tout bien, et, par une conséquence nécessaire, la condamnation, l'éloignement, la destruction des abus, quels qu'ils soient.

Refusez-vous de croire ce que j'avance iri? Il m'est facile de vous le prouver. Je n'entrerai point pour cela dans de longs détails. Je ne vous montrerai point que la religion catholique est sainte dans ses dogmes, sainte dans sa morale, sainte dans ses sacrements, sainte dans toutes ses parties. Ce serait long, ce serait m'exposer à répéter ici ce qui doit être dit ailleurs, et puis je ne serais jamais assuré que ma lonque énumération eût embrassé toutes les parties dont se compose notre religion. Prenons-la donc dans son ensemble et disons: Elle est divine; puisqu'elle vient de JésusChrist, qui est Dieu. Or aucun abus ne se

trouve ni ne peut se trouver en ce qui est divin; aucun abus ne vient ni ne peut venir de Dieu. Le dire, ce serait une évidente fausseté, un horrible sacrilége. Il n'y a donc aucun abus dans la religion, et il ne saurait y en avoir aucun.

Niez-vous sa divinité? ou, ce qui serait la même chose, niez-vous la divinité de JésusChrist, son fondateur! ou bien encore, niezvous qu'elle se soit conservée telle qu'elle était au moment de son institution? Ce sont là d'autres questions que nous traitons ailleurs et auxquelles nous sommes obligés de renvoyer en ce moment, pour ne point sortir du sujet qui nous occupe. Disons seulement ici, en passant, qu'il n'est guère permis à un homme de sens et de bonne foi de nier ou de révoquer en doute de semblables vérités. Nier la divinité de Jésus-Christ ou de son Eglise, c'est nier l'évidence si frappante des prophéties, la multitude innombrable des miracles, la force surnaturelle des martyrs, l'établissement si prodigieux du christianisme, et sa conservation. non moins surprenante dans le monde, malgré les obstacles qu'il y a rencontrés, et les Tuttes sans fin qu'il y a soutenues, la rénovation incompréhensible que l'esprit de cette religion a opérée et opère encore chaque jour dans la croyance et les mœurs des individus et des peuples,... c'est nier la lumière en plein midi. Dire que la religion catholique n'est plus actuellement ce qu'elle était au moment de son institution, c'est affirmer qu'une religion divine n'a pu se maintenir sur la terre, malgré les promesses d'une éternelle durée qu'elle avait reçues de son tout-puissant fondateur, puisque si la religion catholique n'est plus la religion de Jésus-Christ, il n'y a en point d'autres assurément qui puissent prétendre l'être avec quelque apparence de raison, c'est affirmer encore que l'erreur peut avoir des résultats aussi satisfaisants que la vérité, puisque la religion catholique est aujourd'hui aussi étendue, aussi puissante, aussi utile à l'humanité qu'elle l'a jamais été à aucune autre époque.

Il est donc impossible de ne pas reconnaître que la religion catholique est divine,

et que, par conséquent, elle se trouve naturellement exempte de tout abus. Que disje cette nature divine qu'elle a reçue de son fondateur, qui est Dieu, doit, au contraire, repousser tous les abus, quels qu'ils soient, les condamner et les détruire, bien loin de se les approprier, comme le bien repousse nécessairement le mal, le condamne et le détruit, au lieu de venir à lui, pour ne faire qu'un tout de deux choses incohérentes. En vain le cœur de l'homme s'approche d'elle, à chaque instant, avec ces passions violentes qui cherchent leurs satisfactions jusque dans l'abus des choses les plus saintes. Elle se renferme avec soin dans son sanctuaire, et met tout en œuvre pour repousser les ten'atives sacriléges qu'elle a en horreur. Tantôt c'est une mère éplorée qui presse avec amour ses enfants égarés de revenir à de plus nobles sentiments; tantôt c'est une reine indignée qui lance avec autorité ses anathèmes contre des sujets révoltés, et les menace des châtiments éternels de l'autre vie. Quelquefois elle a le bonheur de réussir, souvent aussi elle a la douleur de voir que ni ses prières ni ses menaces ne sont écoutées. Quoi qu'il en soit, jamais, non jamais, car cela est contraire à la nature des choses, jamais il ne lui arrive de pactiser volontairement avec le crime qui cherche à souiller son incomparable pureté.

Admettons, me direz-vous, qu'il n'y ait, à parler rigoureusement, aucun abus dans la religion catholique considérée en ellemême. Toujours est-il qu'il y en a de trèsnombreux et de très-grands qui viennent d'elle, ou, ce qui est à peu près la même chose, à son occasion; et nous demandons comment une religion divine peut être la cause, ou, si vous le voulez, l'occasion de tous ces abus.

L'objection n'est plus la même, quoi que vous en disiez. Dès lors que vous admettez qu'il n'y a point d'abus réellement dans la religion, mais seulement à son occasion, ce n'est plus elle que vous attaquez, c'est le cœur humain, qui abuse de tout; et comme nous n'avons point pour mission ici de défendre ce cœur, comme nous ne cessons de répéter, au contraire, qu'il est faible, aveugle, corrompu, qu'il a besoin de se tremper et de se retremper encore dans le sein de la religion, sa divine mère, pour se fortifier, s'éclairer et se sanctifier, nous pourrions nous en tenir là. Cependant, attendu que la manière dont vous présentez encore cette objection pourrait jeter une ombre de défaveur sur la religion, je vais vous suivre sur le nouveau terrain où vous vous êtes réfugié.

Je vous demanderai d'abord si les abus que l'on peut regarder non pas comme engendrés par la religion, nous venons de reconnaître que cela est impossible, mais comme occasionnés par elle, sont réellement aussi nombreux et aussi grands que quelques-uns le proclament hautement, et se l'imaginent peut-être. Je ne le pense pas, quant à moi; et ce qui prouve que j'ai rai

son en cela, c'est qu'on traite souvent d'abus dans le monde les choses de la religion les plus utiles et quelquefois les plus nécessaires. Qui ne sait, par exemple, que plusieurs regardent la confession et la communion fréquentes comme de véritables abus? Or, pour qui connaît sa religion, non-seulement ce ne sont point là des abus, mais ce sont, au contraire, les moyens les plus efficaces de régénération et de sanctification que peut employer la religion catholique, dont toute la mission pourtant est de régénérer et de sanctifier les âmes. D'autres regardent comme des abus et même comme de grands abus, le jeûne, la pénitence sévère, le renoncement aux choses de la terre, la vie du cloître, le dévouement au prochain, le martyre... Et cependant, pour qui interroge, dans le silence des passions, sur ces différents points, je ne dis pas précisément sa foi, mais sa raison, ce sont là deux actes d'héroïsme qui élèvent l'homme au-dessus de ses semblables et le rapprochent de la Divinité, en le faisant marcher sur les traces de l'Homme-Dieu. D'autres encore appelleront abus l'autorité dont use l'Eglise à l'égard de tous, la puissance des évêques, celle du Pape principalement... Et pourtant qui ne voit qu'au lieu d'être des abus, ce sont là des biens, au contraire, et même de très-grands biens, puisque c'est par eux qu'on peut expliquer humainement, autant que cela peut être ainsi expliqué, la force de la hiérarchie catholique, de cette divine hiérarchie à laquelle rien ici-bas ne saurait être comparé, qui a soutenu tant de luttes, remporté tant de victoires, qui a résisté jusqu'ici et résistera jusqu'à la fin, suivant la promesse de son divin fondateur, non-seulement à toutes les puissances du monde, mais encore aux puissances bien plus redoutables de l'enfer?

Je n'entrerai point dans de pius longs développements à ce sujet. Cela me paraît tout à fait inutile. Disons seulement ici que ce faux jugement que nous venons de signaler doit avoir lieu également dans une infinité d'autres circonstances, et concluons de tout cela que beaucoup de choses qui sont regardées comme des abus, et même comme de grands abus, occasionnés par la religion, sont, au contraire, des biens, et quelquefois de très-grands biens, dont nous lui sommes redevables. En sorte que, au lieu de dire que l'histoire de l'Eglise n'est que le récit continuel de tous les abus sortis du cœur de l'homme comme l'affirment quelques-uns, nous dirions avec beaucoup plus de raison que c'est le récit continuel d'actions pures, saintes, héroïques, d'actions véritablement divines, sorties du cœur humain élevé au-dessus de lui-même par la foi, avec le récit correspondant d'un certain nombre d'abus, dont l'ombre, du reste, se trouve être aux bonnes actions, ce que l'ombre ordinaire est aux traits d'un beau tableau.

Cette réserve faite, je conviendrai volontiers qu'il y a beaucoup d'abus, at si l'on

veut même, de très-grands abus indirectement occasionnés par la religion. Qui peut en être surpris? Ne devrions-nous pas nous étonner, au contraire, qu'il en fût autrement? Partout où est l'homme, il se trouve là nécessairement avec sa faiblesse, son ignorance, ses passions, avec ses misères de toute sorte. D'où il suit qu'il peut difficilement se bien servir des dons de Dieu, surtout abandonné à lui-même, qu'il en use souvent mal, et quelquefois très-mal. De là, des abus, de nombreux et de grands abus, non-seulement en religion, mais partout. Voyez l'homme en société avec ses semblables voyez-le dans cette société plus restreinte qu'on appelle famille; considérez-le dans son individualité. Ne le voyez-vous pas faire naître, là aussi, comme dans la religion, de trèsnombreux et de très-grands alus?

Nous avons parlé plus haut de différentes choses que plusieurs regardent comme des abus en religion, et que nous avons appelées, nous, des biens véritables, et même de très-grands biens. Ces choses sont la confession, la communion, le dévouement religieux, l'autorité ecclésiastique. Ce sont là réellement, comme nous l'avons dit, des biens véritables et même de très-grands biens pour l'âme religieuse. L'homme en abuse, et quelquefois d'une manière déplorable, nous devons ledire aussi, mais ce n'est point parce qu'ils tiennent à la religion, c'est parce qu'ils sont à l'usage de l'homme, et que l'homme abuse de tout, comme nous ne cesserous de le répéter. En effet, voulez-vous que nous considérions, dans la vie ordinaire, je ne dirai pas ces mêmes choses, qui ne se trouvent que dans la vie religieuse, mais des choses tout à fait analogues? Nous ne tarderons pas à reconnaître, si nous ne le savons déjà, que ces choses bonnes, excellentes en soi, peuvent occasionner aussi, et occasionnent même souvent de très-nombreux et de très-grands abus.

Qu'y-a-t-il de plus doux, de plus salutaire, par exemple, que la confidence d'un cœur inalheureux au cœur d'un père, d'un frère, d'un ami? Cette confession naturelle, si je puis m'exprimer de la sorte, a aussi quelque chose de divin. Comme la confession religieuse, quoique d'une manière intiniment moins efficace, elle console le cœur malheureux, elle le guérit, le tire de l'abîme où il était abattu, et l'élève quelquefois bien audessus de l'état où il se trouvait avant ses malheurs. Mais ne voyez-vous pas les abus qui peuvent naître des cœurs corrompus, à l'occasion d'une chose si sainte? Ne voyezvous pas déjà la trahison, l'attachement désordonné, la jalousie et bientôt la haine avec ses fureurs?

Qu'y a-t-il de plus nécessaire à l'homme que la nourriture qui lui conserve la vie? Qu'y a-t-il de plus agréable pour lui que de pouvoir prendre cette nourriture vivitiante, assis à une même table, qui peut être aussi une table religieuse et sainte, avec un père et une mère, avec des enfants, des frères, des amis? Et cependant si la nour

riture est mal préparée, ou prise avec excès, ou reçue dans des estomacs mal disposés, elle affaiblit, bien loin de fortifier, et si ces abus s'aggravent encore, au lieu de cesser, vous n'aurez plus là bientôt que des cadavres qui ne tarderont pas à entrer en corruption, à la place de corps vigoureux et réjouis.

Quoi de plus noble que le dévouement militaire ! Un soldat véritablement digne de sa mission, c'est un martyr de la patrie, une victime qui s'immole aussi pour le salut public. Mais si, au lieu de ce glorieux martyr, de cette noble victime, je n'aperçois qu'un monstre à figure humaine qui, échauffé par le vin et plus encore par la colère, tourne contre la patrie, contre ses frères d'armes, contre lui-même, le fer qu'il a reçu pour combattre l'ennemi, mes yeux se détournent avec indignation.

Quoi de plus utile à la société que cette autorité publique sous la garde de laquelle nous pouvons tous reposer en paix, et vaquer à l'accomplissement de nos devoirs! Mais si elle dégénère en despotisme, faute de contrôle, ou si, trop divisée, elle se change en anarchie, vous voyez naître autant de maux de ces différents abus de l'autorité qu'elle était appelée à produire de biens.

Voulez-vous actuellement que nous jetions un instant les yeux sur l'homme considéré individuellement? Nous arriverons toujours au même résultat, à savoir que l'homme abuse de tout absolument, même de sa propre personne. Les pieds lui ont été donnés pour se conduire, et il s'en sert pour s'égarer; les mains pour édifier et défendre, et il s'en sert pour attaquer et détruire; la langue pour louer Dieu et entretenir avec ses frères d'utiles relations, et il s'en sert pour blasphémer et semer partout la division; tout le corps pour obéir à l'âme dans le service de Dieu, et il l'emploie pour mieux faire éclater sa révolte. L'esprit lui a été donné pour connaître la vérité et l'enseigner aux autres, et il s'en sert pour former at propager l'erreur; son cœur a été créé pour aimer le bien, et il en fait un foyer de haine ou d'amour impur... C'en est assez, je pense, et même beaucoup plus qu'il n'en faut pour montrer que ce n'est pas de la religion seulement, mais de toutes choses que l'homme abuse continuellement, et quelquefois de la manière la plus déplorable.

Quoi que vous puissiez dire, ajoutez-vous, toujours est-il que c'est à l'occasion de la religion qu'ont lieu les plus grands abus. On ne peut s'empêcher de le remarquer et de se demander pourquoi Dieu permet cela.

Que tout le monde remarque plus particulièrement les abus qui ont lieu à l'occasion de la religion, je n'en suis point encore surpris. Je dirai même que c'est une nouvelle preuve que je puis apporter en faveur le son incomparable sainteté. Jetez de l'encre sur de l'encre, vous ne remarquez rien, tandis que toutes les taches se comptent facilement et paraissent dans toute leur

laideur sur une robe d'une éclatante blancheur.

Au fond, ces abus sont-ils réellement plus grands que ceux qui viennent d'ailleurs? C'est selon quelquefois oui, quelquefois non. Mais je vous accorde qu'ils le soient toujours, qu'en conclurons-nous? Tout le contraire de ce que vous semblez vouloir nous faire conclure. Oui, je ne crains pas de le dire, si la religion mal interprétée occasionne les plus grands abus, c'est précisément parce qu'elle a été établie pour être la source des plus grands biens. On l'a dit bien des fois, et on ne saurait trop le répéter, parce que rien n'est plus vrai ni plus instructif. Plus une chose est excellente en soi, plus elle devient funeste quand elle est détournée de l'usage pour lequel elle a été établie : - Corruptio optimi pessima. - C'est le torrent débordé qui porte la dévastation et la ruine partout où, maintenu dans son lit, il eût porté la fécondité et la vie. Voyez également le canon, l'une des forces les plus prodigieuses qui soient sorties de la main des hommes! Le mal qu'il fait en éclatant sur ceux qui le chargent est ordinairement en raison même du bien qu'il leur eût fait en tirant sur l'ennemi. Voyez la pensée, cet autre feu du ciel, descendu du sein même de la Divinité! Plus elle a de force, plus elle devient funeste, quand on la tourne au mal. Nous ne devons donc point nous étonner qu'il en soit ainsi par rapport à la religion, cette force divine par excellence. La grandeur des abus est encore de la grandeur; et elle en suppose bien plus dans la chose dont on abuse. Voilà pourquoi sans doute J.-Jacques Rousseau luimême reconnaît jusque dans le fanatisme une grandeur et une force qu'il est bien loin de trouver dans l'esprit philosophique et irréligieux.

«Bayle,» dit-il, « a très-bien prouvé que le fanatisme est plus pernicieux que l'athéisme, et cela est incontestable; mais ce qu'il n'a eu garde de dire, et ce qui n'est pas moins vrai, c'est que le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l'homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu'il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus; au lieu que l'irréligion, et en général l'esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l'intérêt particulier, dans l'abjection du moi humain; et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société... Si l'athéisme ne fait pas verser le sang des hommes, c'est moins par amour pour la paix, que par indifférence pour le bien; comme que tout aille, peu importe au prétendu sage, pourvu qu'il reste en repos dans son cabinet. Ses principes ne font pas tuer les hommes, mais ils les empêchent de naître, en détruisant les mœurs qui les multiplient, en les détachant de leur espèce, en réduisant toutes leurs affections à un secret égoïsme, aussi funeste à la population qu'à la vertu. L'indifférence philoso

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phique ressemble à la tranquillité de l'Etat sous le despotisme; c'est la tranquillité de la mort; elle est plus destructive que la guerre même. Ainsi le fanatisme, quoique plus funeste, dans ses effets immédiats, que ce qu'on appelle aujourd'hui l'esprit philosophique, l'est beaucoup moins dans ses conséquences. >>

Et ce n'est pas seulement la saine raison qui reconnaît et proclame hautement l'excellence de la religion jusque dans les abus qu'on en fait, les passions mêmes qui en abusent le reconnaissent et le proclament aussi à leur manière. L'hypocrisie est un éclatant hommage que le vice rend à la vertu, a-t-on dit avec une grande vérité. Il en est ainsi de tous les abus religieux. Pourquoi les plus honteuses passions aiment-elles à se cacher souvent sous le voile de la religion? C'est parce qu'elles reconnaissent que c'est une chose sainte, excellente, et que son apparence, même trompeuse, est encore le meilleur moyen d'échapper aux regards et à la justice des hommes.

Vous me direz peut-être que Dieu ne devrait pas permettre un tel abus de ses dons les plus précieux. Dieu le permet, parce qu'il ne veut point enchaîner, dans ses créatures, la liberté qu'il leur a donnée; mais, en le permettant, il commence déjà à exercer sa justice sur la terre, et dans cet exercice terrible de sa justice, il proclame encore, d'une manière incomparable, à qui sait l'entendre, l'excellence de ses bienfaits mal employés. Ne le comprenez-vous pas ? ne reconnaissez-vous pas que si l'homme tombe si profondément quelquefois, c'est parce qu'il avait été appelé à une plus grande hauteur. Elevé jusqu'à Dieu lui-même, introduit dans son cœur, si je puis m'exprimer de la sorte, nourri de sa propre substance, par la religion la plus auguste, il a méconnu, tourné à contre-sens peut-être, si je puis m'exprimer de la sorte, ces moyens si efficaces de sanctification. Dès lors, Dieu l'abandonne à luimême; et il tombe, de chute en chute, sous le poids de sa faiblesse et de ses crimes, jusqu'à ce qu'il soit descendu au plus profond de l'abîme.

Voyez Judas. Pourquoi a-t-il été le premier déicide? Parce que les leçons dont il avait abusé étaient celles d'un Dieu. D'où venaitil, quand il s'empressait d'aller trahir sor maître? De la table sainte.

Voyez les Juifs. Ce peuple n'a point été condamné à mort seulement, comme les autres peuples qui ont abusé des dons ordinaires de Dieu. Marqué au sceau de la justice irritée, ce peuple-caïn, si je puis l'appeler de la sorte, erre de contrée en contrée, traînant partout le lourd fardeau de ses crimes et de sa honte. De quels bienfaits exceptionnels a-t-il donc abusé, pour mériter ce châtiment exceptionnel?-Le Juste s'est présenté à lui, avec l'abondance de ses grâces, et il l'a crucifié!

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Voyez les démons. Pourquoi sont-ils au plus profond des enfers? Parce qu'ils étaient au plus haut des cieux, quand ils se sont révoltés. --Que faisaient-ils auprès de

Dieu? Ils l'aimaient. le servaient, chantaient ses louanges et étaient destinés à le posséder éternellement. Ils ont abusé des plus grands biens, et voilà pourquoi ils sont condamnés aux châtiments les plus terribles.

Ainsi, grands abus, grandes choses dont on abuse. Tout le prouve, et cela d'ailleurs saute aux yeux. Grands abus dans la religion, avez-vous dit. Donc aussi, religion excellente.

ACCAPAREMENT.

Objection. Comment voulez-vous que ncus aimions les prêtres et la religion qu'ils enseignent? On dit qu'ils cherchent à nous faire mourir de faim. - C'est pourtant vrai, assure-t-on; chacun d'eux met une somme, proportionnée à sa fortune, pour former une bourse, qu'on appelle bourse noire, qui est destinée à accaparer tous les blés, et à affamer ainsi la population. Il faut bien qu'il y ait quelque chose de semblable. Est-ce que, sans cela, les blés se seraient maintenus, depuis si longtemps, au prix où ils sont? Les récoltes ne sont pas mauvaises. Et puis, d'ailleurs, la plus mauvaise récolte suffit pour nourrir la France pendant plus de quatre ans...

Réponse.-Voilà quelques-uns des propos abominables, absurdes, et plus qu'absurdes, qui, à l'heure qu'il est, en plein xix' siècle, dans ce siècle des plus vives lumières, pnisque le siècle dernier était déjà le siècle des lumières et que nous allons toujours en progressant, en France, dans ce noble pays qui passe pour être le centre de la civilisation la plus avancée, volent de bouche en bouche, excitant les préventions et la haine contre les personnes et les choses qu'on doit le plus aimer et vénérer. Cela n'est pas croyable, et pourtant cela est :

Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable! (Boileau, Art poétiquè.) Cela est, vous dis-je, et vous êtes d'autant plus obligé de le croire, que mille personnes peut-être vous ont dit l'avoir entendu, et que vous-même, à moins que vous ne restiez constamment dans votre chambre, ou qu'en sortant vous ne vous bouchiez bien soigneusement les oreilles, vous avez dû l'entendre aussi, non pas une fois, mais cent fois, si ce n'est plus encore !

On serait tenté de croire que ces propos insensés, que je n'entendrais pas sans quelque surprise à Charenton ou dans toute autre réunion de fous, dussent se réfuter par leur exagération, et je dirai même par leur exagération dans l'absurdité. Car l'absurde ne se soutient pas, comme on dit communément, et ce qui est violent ne saurait être durable. Pas du tout. I paraît que les règles générales ne sont point applicables ici; car il y a trente ans peut-être que cela dure, avec des alternatives de hausse et de baisse, et, aujourd'hui encore, quand de pareils propos ont passé et repassé de bouche en bouche, il y a des hommes assez méchants et assez sots pour les répéter, et d'autres presque aussi méchants mais beaucoup plus sots pour les croire.

Quand je dis croire, c'est avec intention; car il y a certainement bonne foi chez un

grand nombre. J'appelle ici bonne foi ce que je devrais plutôt appeler une foi mauvaise, puisque de telles idées ne sauraient avoir de prise sur une âme honnête; mais je veux dire qu'il y a, chez un grand nombre, une certaine croyance, une adhésion quelconque de la volonté, fondée sur des motifs plus ou moins mauvais, et pourtant déterminants.

J'ai cru longtemps le contraire. Je me disais : Il n'est pas possible que des accusations, si évidemment fausses en soi, et si clairement démenties par les faits, trouvent la moindre créance dans une seule âme, quelque inepte ou dépravée qu'elle soit. J'ai pris, à cet égard, tous les renseignements nécessaires; et, de plus, j'ai voulu m'assurer par moi-même de la réalité des choses. J'ai questionné et recueilli avec soin les réponses qui m'étaient faites. J'ai écouté attentivement encore alors même que je n'étais point aperçu. J'ai examiné l'expression du visage, le geste, la conduite, tous ces signes enfin que la divine Providence a mis à notre disposition pour pénétrer, autant que cela est utile, au fond même des âmes; el je ne crains pas de l'affirmer ici : « Oui, il y a croyance relativement aux propos incroyables que nous venons de répéter! il y a croyance même dans la partie la plus intéressante de la population, dans celle qui habite et cultive nos campagnes!»>

D'où cela vient-il donc? Je ne saurais le dire apsolument; mais pourtant je puis en indiquer quelques sources. Il y a là dedans de l'ignorance, de l'immoralité, de l'impiété, de la méchanceté, de la jalousie, un grand abus des grâces, une tentative dernière de l'enfer qui voudrait s'assurer définitivement de la proie que depuis longtemps il convoite entièrement et pour toujours, mais qu'il n'a pu encore saisir que par parties et pour un temps.

Il semble véritablement que Dieu ait dit aux âmes simples qu'il appelait spécialement à la pratique de la vertu, mais qui, dédaignant ses grâces, ont préféré le vice: « Vous n'avez point goûté le bien; aimez le mal! Vous n'avez point écouté les bons, que j'ai faits mes ministres; écoutez les méchants qui sont les ministres du démon! Vous n'avez point voulu croire aux paroles du ciel; croyez aux paroles de l'enfer ! » Et alors le démon se serait jeté sans ménagement sur la proie qui paraissait, jusqu'à un certain point, lui être abandonnée. Et, pour donner à cette attaque furieuse plus de chances de réussite, il se serait dit à luimême, et aurait agi aussitôt en raison de ce qu'il se disait : « C'est par le prêtre, ministre de Jésus-Christ, que le peuple échappe à ma domination; établissons entre le peuple et le

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