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qui font horreur, des divisions et des guerres en quelque sorte perpétuelles, qui n'ont cessé d'ensanglanter la terre. A peine sur les vingt-quatre heures qui divisent le jour, en est-il une seule où, sur quelque point du globe, le sang humain ne coule par le glaive des combats, tant la société peut enfanter de calamités cruelles, tant il serait bon pour le genre humain de vivre errant dans les forêts comme les animaux !.. Ce que vous répondriez à ces déclamateurs contre la société, je le répondrai à ceux qui déclament contre la religion. Dans la société, il ne s'agit pas de savoir ce que peut devenir la puissance dans les mains de ceux qui en abusent, mais ce que deviendrait la socićté elle-même sans la puissance qui la gouverne: ainsi, dans le christianisme, ne cherchez pas uniquement les abus que l'homme peut en faire, mais ce que deviendraient sans le christianisme les nations qui le professent.

« Vous rappelez, dirai-je aux incrédules, les guerres de religion, mais vous dissimulez que c'est la politique ambitieuse et remuante qui, dans le secret, tramait ces projets, et qui ensuite, au nom de la religion, soulevait les peuples : Jean-Jacques en convient. Vous avez calculé par approximation le nombre des victimes que peuvent avoir faites les querelles religieuses dans l'espace de dix-huit siècles, et vous en avez compté six mille par années, réparties sur les diverses nations chrétiennes; mais vous dissimulez que les maximes de la religion ont rendu les guerres moins cruelles et les révolutions moins fréquentes, qu'elles ont introduit parmi le peuple un certain droit des gens et certaines règles d'équité qu'on ne saurait trop reconnaître, et que par là même elles ont épargné l'effusion du sang humain. Sans sortir de notre France, dit un apologiste moderne (BERGIER, Traité de la traie relig. part. II) je soutiens que la seule institution des hôpitaux pour les enfants trouvés et les soins qu'inspire aux parents l'idée des baptêmes, conservent toutes les années plus de six mille Français. La cruauté des Chinois laisse périr toutes les années, pourSuit-il, plus de trente mille enfants, de compte fait, et les philosophes nous vantent les meurs chinoises! La barbarie des Romains laissait mourir tous les ans de faim et de maladie un grand nombre d'esclaves, et les phi

losophes n'en disent rien. Vous affectez de répandre que les sanglantes querelles de religion, le zèle persécuteur ne se trouvent que dans le christianisme; mais l'histoire des peuples de l'ancienne Grèce nous présente une guerre sacrée dont la religion fut le motif, qui fut poursuivie avec fureur et qui dura dix ans (ROLLIN, Hist. ancienne, liv. XIV); mais Xerxès, adorateur du feu élémentaire, détruisit en ravageant la Grèce les temples de ses dieux; mais en Egypte, pendant qu'un peuple élevait une espèce d'animaux sur les autels, ses voisins les avaient en abomination; de là des guerres continuelles d'une ville contre une autre (Id., ibid., liv. 1o); mais le zèle du paganisme fit, pendant trois siècles, ruisseler le sang chrétien dans les provinces de l'empire; mais, au ve siècle, les Arméniens, qui avaient embrassé et qui professaient paisiblement le christianisme, eurent à soutenir une guerre cruelle contre Maximin, qui se mit lui-même à la tête de ses troupes pour aller les forcer dans leurs montagnes et relever les idoles qu'ils avaient abattues; mais Julien le philosophe fit à la religion une persécution plus redoutable que celle de Néron; mais le calife Omar détruisit plus de quatre mille temples païens ou églises chrétiennes, et étendit an loin par la force des armes la doctrine du faux prophète; mais des querelles religieuses sur le Coran ont fait naître entre le Perse et le Turc des guerres sanglantes ; mais, de nos jours, l'incrédulité sous le nom de philosophie, après s'être armée de sophismes, s'est armée aussi du glaive meurtrier contre les disciples de l'Evangile; et puis, qu'on ose avancer que le christianisme seul a été souillé par des guerres sanglantes Plaignons l'humanité d'être capable d'abuser de ce qu'il y a de plus sacré sur la terre; mais que les maux dont le christianisme peut avoir été le prétexte innocent ne fassent point oublier les bienfaits que nous lui devons, ni les vertus qu'il fait pratiquer aux hommes. Après qu'on a vu le soleil éclairer, animer la nature de son éclat et de sa chaleur, faudra-t-il done insulter à sa lumière, parce que ses feux élèvent quelquefois de la terre des vapeurs qui enfantent les orages? » (Paradoxes intéressants, p. 375 et 406.)

H

HASARD.

Objections. Le hasard fait bien des choses et même de très-grandes choses. Tout le monde en convient. Vous connaissez le mot de Talleyrand : « Comment cela finirat-il, lui demandait-on quelquefois, en parlant de ces grands événements, qui occupaient alors tous les esprits?-« Par hasard, » disait-il; et chacun d'applaudir.

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Non, dites vous, car bien des choses et souvent les plus grandes choses arrivent contre toute prévision, indépendamment des causes qui devraient naturellement les prcduire, et même par des causes tout opposées.

Et c'est précisément ce que nous avons appelé l'imprévu, de la part des hommes, de cette Providence qui elle-même prévoit tout, ne laisse arriver que ce qu'elle veut, et se sert souvent, pour obtenir les résultats les plus élevés, des moyens les plus faibles selon le monde - infirma mundi elegit Deus ut confundat fortia.

vous dites le hasard fait bien des choses et même de très-grandes choses, c'est comme si vous disiez rien fait bien des choses, et même de très-grandes choses. Ce serait évidemment le comble de l'absurdité: car rien ne fait rien ni ne peut rien faire ex nihilo nihil fit, nous dit l'axiome. Rien, c'est l'absence de tout être; donc, de toute action; donc, de toute cause; donc aussi de tout effet, suivant cet autre axiome, qui rentre dans le premier : « Il n'y a point d'effet sans cause.» Je m'étonne qu'il soit nécessaire de prouver cela. Le plus petit enfant doit le comprendre, pour peu qu'on le laisse à son bon sens naturel. Quand, poussé par cette curiosité si naturelle à son age, il demande aux grandes personnes avec lesquelles il se trouve : Qui a fait ce vêtement qui me couvre? Qui a préparé le pain que je mange? Qui a disposé dans l'état où il est le lit dans lequel je vais me coucher? Qui a construit la maison que j'habite, l'église dans laquelle je vais prier le bon Dieu? etc., etc. si on lui répondait rien, et toujours rien: il vous rirait au nez, et finirait par vous dire que vous avez envie de vous moquer de lui. Nous pouvons donc, à plus forte raison, vous dire la même chose, lorsque vous affirmez, avec le plus grand sang-froid du monde, le hasard, c'est-à-dire rien, dans votre idée, fait bien des choses, et même de très-grandes choses.

Ou bien vous entendez par ce mot de hasard la puissance aveugle qui entraînait tout, selon les idées des anciens, avec une force irrésistible, fors, ce serait moins absurde, mais non moins faux. Qui ne voit, en effet, qu'alors l'homme manquerait de liberté, qu'il n'y aurait, en ce cas, de sa part, ni crime ni vertu? chose qui ne répugne pas moins à la conscience qu'à la raison, et qui ne manquerait pas d'avoir, pour la société comme pour les individus, le plus déplorable résultat.

Il est encore un autre sens donné à ce mot de hasard, celui de cause cachée mais réelle, laquelle cause est toujours soumise à la volonté divine et souvent dirigée par elle. C'est dans ce sens qu'on a dit que le hasard n'était que l'imprévu de la Providence. Ce sens est évidemment le seul chrétien, le seul raisonnable, le seul admissible. Qui ne se rappelle, en effet, ce passage de l'Ecriture où, pour nous faire sentir avec quel soin la Providence dirige jusqu'aux plus petits événements de ce monde, il est dit en propres termes que tous les cheveux de notre tête ont été comptés : Capilli capitis vestri omnes numerati sunt? (Luc. xu, 7.) Qui ne comprend que, dans toutes les circonstances de la vie, dans celles surtout qui ont une certaine importance, notre âme est toujours disposée à s'élancer vers Dieu, soit pour le prier, soit pour le remercier, ce que nous ne ferions pas assurément, si nous n'étions profondément convaincus que tout est sous sa dépendance, et que rien n'arrive ici-bas sans son ordre ou du moins sans sa permission?

Quoi donci si la plupart des choses de ce monde, si les plus importantes surtout étaient abandonnées, comme vous le préten dez, à un aveugle hasard, est-ce que tout marcherait avec cette régularité que nous admirons? est-ce que le désordre, un désordre profond et bientôt irrémédiable, n'entraverait pas la marche des événements? est-ce que tout n'arriverait pas, peu à peu, à une ruine inévitable? Considérez le plus simple des drames produits par le génie de l'homme. Comme tout se lie, tout s'enchaine! comme tout arrive au dénouement avec une régularité plus ou moins grande! Ne comprenez-vous pas, qu'au-dessus de cette scène, plane, pour ainsi dire, une intelligence qui a tout prévu, et conduit tout, en quelque sorte, plus ou moins directement? Que diriez-vous à celui qui oserait vous soutenir que le hasard fait ici bien des choses, et même les plus grandes choses? « Ce que vous affirmez est absurde,» répondriez-vous. << S'il en était ainsi, l'action ne durerait pas cinq minutes seulement. » Or, qu'est-ce que cette scène comparativement à celle du monde? Qu'est-ce que ce drame factice comparativement à la vie d'un homme, d'un peuple, du genre humain tout entier ? Vous prétendez que beaucoup de choses et même de très-grandes choses sont ici abandonnées au hasard. Mais ne comprenez-vous pas que, s'il en était ainsi, il y aurait bientôt un bouleversement général, et que l'univers retomberait dans le chaos?

Tout le monde en convient, prétendez

vous.

C'est vrai jusqu'à un certain point. Tout le monde parle de hasard; tout le monde dit que le hasard fait bien des choses et même

très-grandes choses; mais alors ce mot est entendu comme nous venons de le dire; et non dans son sens rigoureux et absurde. Il suffit que chacun s'interroge soi-même pour comprendre que telle est, en réalité, la signification de ce mot, quand il le prononce avec intelligence, ou quand il l'entend prononcer à des personnes sincèrement chrétiennes ou seulement raisonnables. Il ne pourrait, du reste, en être autrement, pour les raisons que nous venons d'expli quer.

Vous connaissez le mot de Talleyrand, ajoutez-vous : « Comment cela finira-t-il?» lui demandait-on quelquefois, en parlant de ces grands événements qui occupaient alors

tous les esprits. « Par hasard,» répondait-il. Et chacun d'applaudir.

Oui, je connais ce mot; et, en dépit des applaudissements qu'il a pu recevoir, je ne craindrai point d'appliquer à celui qui le prononça, malgré la dignité ecclésiastique dont il fut revêtu, l'axiome bien connu : Tout ce qu'il dit n'est pas mot d'Evangile.» Et mieux encore, j'appliquerai au mot luimême la distinction que je faisais tout à

HORS DE L'ÉGLISE,

Objections. Ce n'est point Jésus-Christ qui a tenu un pareil langage; il était trop doux et trop sage pour cela. Ce sont les catholiques, qui, en posant ce faux principe, ont ouvert la porte à l'intolérance et à la persé cution, en fait de religion.-De là ces excommunications formidables lancées par l'Eglise contre ses propres enfants; de là ces refus de sépulture, etc., etc.

Réponse.-Vous vous effrayez là d'un fantô me qui ne fait pas peur aux plus petits enfants; car ils répètent tous les jours ces mêmes paroles au catéchisme, sans en être aucunement surpris. Vous me direz peut-être que c'est qu'ils ne les comprennent pas. Je n'en sais rien, mais ce que je sais, c'est que Vous ne les comprenez pas bien vousmême, et voilà pourquoi sans doute vous paraissez en être si effrayé.

Ce n'est point Jésus-Christ qui a tenu un pareil langage, avez-vous dit, il était trop doux et trop sage pour cela.

Vous vous trompez, Jésus-Christ, malgré sa douceur et sa sagesse, ou plutôt en raison même de ces divines perfections et de toutes les autres qui étaient en lui, a tenu absolument le même langage, sinon quant aux mots, du moins quant au sens: Si quelqu'un n'écoute pas l'Eglise, a-t-il dit expressément, qu'il soit pour vous comme un païen et un publicain: « Si Ecclesiam non audierit, sit 3 tibi sicut ethnicus et publicanus. » (Matth. IVIII, 17.) Or qu'est-ce que cela, je vous le demande, si ce n'est affirmer qu'on ne peut être sauvé hors de l'Eglise car Jésus-Christ n'entend pas probablement qu'on puisse se sauver dans le paganisme et le péché. Ne remarquez-vous pas d'ailleurs que JésusChrist parle de celui qui a été condamné par l'Eglise comme d'un homme marqué au front du cachet de la réprobation? ce qui est bien dire assurément qu'on ne peut se sauver hors de l'Eglise.

Vous allez me répondre peut-être que Jésus-Christ parle là de celui qui, appartenant réellement à l'Eglise, est repoussé de son sein. C'est possible; mais pourquoi est-il dans la voie de la réprobation, selon JésusChrist, si ce n'est parce qu'il est repoussé de l'Eglise? D'où il faut conclure, toujours d'après Jésus-Christ, qu'il n'y a point de point de salut hors de l'Eglise. D'ailleurs, ne dit-il pas de lui-même, se comparant au bon pasteur, qu'il est à la recherche des brebis égarées de la maison d'Israël, pour les ramener au

l'heure: Ou bien, par là, Talleyrand entendait l'absence de toute cause, de cause intelligente du moins, ou bien, comme nous venons de le dire, l'imprévu de la Providence : dans le premier cas, il aurait dit une grande sottise, malgré tout son esprit, dans le second cas, il aurait rappelé une grande vérité morale et religieuse, malgré son apostasie.

POINT DE SALUT.

bercail? Ce bercail, c'est l'Eglise. Les brebis égarées, ce sont les hommes qui n'en font point partie. Pourquoi donc les y faire entrer, si ce n'est parce que, hors de son sein, il n'y a point de salut? Quand il envoie ses apotres prêcher l'Evangile à toute la terre, que leur recommande-t-il? De continuer sa mission, c'est-à-dire de ramener au bercail les brebis plus ou moins égarées, ou, ce qui est la même chose, de faire entrer dans le sein de son Eglise ceux qui ne la connaissent point encore. Pourquoi donc cela, si ce n'est parce que, selon lui, il n'y a point de salut hors de l'Eglise?

Ni sa douceur, ni sa sagesse, ni aucune de ses divines vertus ne l'empêchent d'agir lui-même et de faire agir les autres en raison de ce principe. Au contraire, plus ces vertus sont éminentes en lui, et plus il en poursuit l'application, parce qu'il n'y a pas de moyen plus propre à montrer sa charité à l'égard du prochain et son zèle pour la gloire de Dieu. Pourquoi, en effet, cette nécessité d'appartenir à la véritable Eglise? Pour mieux connaître les vérités que nous sommes obligés de croire; pour mieux remplir les devoirs qui nous sont imposés. Il importe donc souverainement, au bonheur des hommes comme à la gloire de Dieu, que cette nécessité soit partout et hautement proclamée, afin qu'on agisse en conséquence.

Et vous-même, quelles que soient d'ailleurs vos opinions religieuses, ne faites-vous pas tous vos efforts, la plupart du temps, pour les faire embrasser aux autres? L'erreur même vous passionne souvent beaucoup plus que la vérité. Elle vous enivre comme un vin frelaté. Elle égare vos idées, fait bouillonner votre sang, et, armant votre bras d'un poignard, elle met sur vos lèvres des paroles incohérentes, fort étonnées de se trouver ensemble: Liberté, fraternité ou la mort! heureux encore, si elle ne vous fait pas mettre en pratique ces idées sanguinaires! Or qu'est-ce que cela, je vous le demande, si ce n'est dire aussi, à votre manière, mais le dire sans droit, sans raison, sans modération, le dire au nom de l'erreur et de la passion, au lieu de le dire au nom de la vérité et de la charité : « Hors de mon Eglise, point de salut? » Qu'est-ce que cela, si ce n'est, en posant ce principe réellement faux ici, ouvrir la porte à l'intolérance et à la persécution?... Et c'est vous qui le reprochez aux autres? O inconséquence de la nature humaine!

Ce sont les catholiques, avez-vous ajouté en effet, qui, en posant ce faux principe, ont ouvert la porte à l'intolérance et à la persé

cution.

Il y a là autant d'erreurs que de mots. Il n'est pas vrai que le principe qui dit que: Hors de l'Eglise il n'y a point de salut, soit faux, il ne l'est qu'autant qu'il est dénaturé, comme je le faisais remarquer tout à l'heure. Pris dans son sens naturel, il n'est pas faux du tout; ou plutôt il est la vérité même, le sens commun même; et voilà pourquoi il est adopté sans répugnance par la raison même de l'enfant. Qu'entend-on par là, en effet? Qu'il est impossible d'aller au ciel, ou, ce qui est la même chose, de plaire à Dieu, sans faire ce qu'il nous commande, c'est-à-dire qu'on ne peut se rapprocher de Dieu en s'éloignant de lui, que l'erreur n'est pas la vérité, que le vice n'est pas la vertu, que les tenèbres ne sont pas les lumières, que le bien ne saurait être le mal... Qu'y a t-il de plus incontestable que cela? Ce principe entendu en ce sens, comme il doit l'être, les catholiques le reconnaissent comme leur appartenant. Oui, ce principe leur appartient, car il a été proclamé et mis en pratique par Jésus-Christ! Oui, ce principe leur appartient car il a été proclamé et mis en pratique par les apôtres, par les premiers fondateurs du christianisme! Oui, ce principe leur appartient, car il a été proclamé et mis en pratique, en tout temps et en tout lieu, par tous les Chrétiens véritablement dignes de ce nom! Mais, en reconnaissant que ce principe, ainsi entendu, leur appartient, en le proclamant hautement, ils déclarent aussi qu'ils n'en sont que les propagateurs, et non les inventeurs; car il est vieux comme le bon sens, éternel comme la vérité. Entendu dans un autre sens, pris comme principe d'intolérance et de persécution, il n'appartient aucunement aux catholiques, ni ne saurait leur appartenir, puisque ceux-ci ne sont autres que les disciples de Jésus-Christ, ce Dieu de toute charité. Si nous voulions même récriminer, nous pourrions dire qu'il appartient en propre à leurs plus acharnés ennemis.

Il est donc faux que, soit en proclamant et en pratiquant ce principe, soit de toute autre manière, les catholiques aient ouvert la porte à l'intolérance et à la persécution. Intolérants! et surtout les premiers intolérants !... Persécuteurs! et surtout les premiers persécuteurs!... Qui ? eux? les catholiques? Mais vous ne savez donc pas un seul mot de l'histoire de l'Eglise? Vous avez donc oublié surtout les trois premiers siècles de son établissement, et aussi les trois années pendant lesquelles elle a versé, dans une petite partie de la terre, mais quelle partie! le sol sacré de la France! autant de sang peut-être que pendant les trois siècles où la persécution était à peu près générale? Etaient-ce les catholiques qui se trouvaient alors intolérants et persécuteurs? N'est-il pas ridicule, et même cruellement ridicule de dire qu'ils ont ouvert la porte à l'intolé

rance et à la persécution? Ne sont-ce pas plutôt, comme je le disais tout à l'heure, leurs plus acharnés ennemis qui l'ont fait?

Vous me direz peut-être que, si les eunemis des catholiques se sont montrés intolérants et persécuteurs, en certaines circonstances, mais principalement dans les trois premiers siècles de l'Eglise, ceux-ci le sont devenus, à leur tour, quand ils ont été les plus forts.

C'est une fausse idée. Ils ont été intolérants, persécuteurs de l'erreur, du vice, du mal... Oui sans doute; el c'était leur droit, leur devoir même. Ils l'ont été plus que d'autres, et cela se conçoit: car il y a en eux une conviction plus grande, plus ardente de la vérité, il y a le feu que Jésus est venu apporter sur la terre et dont ils ont le dépôt, ce feu montre le mal dans toute sa laideur, et tend naturellement à le détruire. Mais intolérants, persécuteurs des personnes, et même des personnes en qui se trouvent l'erreur et le vice? Non, jamais. Ah! bien au contraire, autant ils haïssent le mal, autant ils aiment ceux en qui se trouve le mal. Voilà précisément pourquoi ils font tous leurs efforts pour les faire entrer dans le sein de la véritable Eglise, à laquelle ils appartiennent; de les y faire entrer, dis-je, par l'instruction, le bon exemple, la prière... par la violence? Je le répète, jamais. Quelques-uns l'ont fait en leur nom; mais ils trompaient, peut-être se trompaient-ils euxmêmes. Toujours est-il que les catholiques véritables n'ont jamais été ni ne sauraient être intolérants, persécuteurs surtout, des personnes; car le catholicisme n'est autre que la religion de Jésus-Christ, la religion de la douceur et de la patience, la religion de la charité.

De peur que vous ne pensiez que ce sont là des idées particulières, je vais vous montrer la même opinion émise par les auteurs qui jouissent, dans le monde catholique, de la plus haute autorité. Ecoutons d'abord le sage directeur des catéchismes de Saint-Sulpice, dans son exposition si simple, mais si juste, en même temps, de la doctrine de l'Eglise :

L'Eglise n'a jamais dit que tous ceux qui vivent et qui meurent hors de sa communion extérieure, qui ne professent pas la foi catholique, qui n'obéissent pas an Pape et aux évêques, qui n'ont pas reçu les sacrements, sont par là même irrémissiblement damnés... Elle ne l'a jamais dit, elle ne l'a jamais pensé. Voici à quoi se borne son enseignement sur cet article; vous allez bientôt convenir qu'elle a infiniment raison. Vous lui demandez si tels et tels hommes qui ne sont pas catholiques peuvent se sauver. Elle vous répond : Ou ces hommes con naissent suffisamment l'Eglise catholique, l'autorité qu'elle a reçue de Jésus-Christ, son enseignement, ses préceptes; ou bien ils ne la connaissent pas, et sont à cet égard dans une ignorance ou dans une erreur involontaire. S'ils connaissent l'Eglise catho lique et son autorité, et que néanmoins s

refusent de croire à son enseignement, de se soumettre à ses lois, il n'y a pas de salut à espérer pour eux hors de l'Eglise catholique. Pourquoi? Parce que Jésus-Christ a dit aux apôtres : « Celui qui vous écoute, m'écoute; celui qui vous méprise, me méprise,.. Si quelqu'un n'écoute pas l'Eglise, regardez-le comme un païen, comme un、 pé: cheur. » Refuser d'obéir à Dieu, ne vouloir pas obéir à l'ordre qu'il a établi, et faire en même temps son salut, plaire à Dieu, mériter la récompense du ciel, ce sont des choses qui ne peuvent pas aller ensemble. Si ces hommes ne connaissent pas l'Eglise, ils ne seront pas damnés pour ne lui avoir pas obéi, pour n'avoir pas été catholiques; leur bonne foi les excuse devant Dieu.» (Exposition de la doctrine chrétienne.)

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Un protestant, un schismatique n'est pas damné, dit également Mgr de Ségur, «par cela seul qu'il est protestant ou schismatique, s'il est de bonne foi dans son erreur, c'est-à-dire s'il n'a pas pu, pour une raison ou pour une autre, connaître et embrasser la foi catholique, il est considéré par l'Eglise comme faisant partie de ses enfants; et s'il a vécu selon ce qu'il a cru être la vraie loi de Dieu, il a droit au bonheur du ciel, comme s'il eût été catholique. Il y a, Dieu merci! un grand nombre de protestants dans cette bonne foi; et il s'en rencontre même parmi leurs ministres. Le cardinal de Cheverus, alors évêque de Boston, en a converti deux, très-savants et très-pieux; et, après leur retour à l'Eglise catholique, ils déclarèrent au bon évêque que, jusqu'à l'époque où ils l'avaient connu, ils n'avaient jamais eu de doutes sur la vérité de leur religion. Ne nous inquiétons pas, du reste, du jugement que Dieu fera des protestants, non plus que des idolâtres, des sauvages, etc., etc. Nous savons, d'une part, que Dieu est bon, qu'il veut le salut de tous, et, d'autre part, qu'il est la justice même. Servons-le de notre mieux, et ne nous inquiétons pas des au

tres. »

« L'erreur involontaire, » dit encore l'auteur que nous citions précédemment, «n'est pas un crime, c'est pourtant un malheur. C'est un malheur, parce que ne connaissant pas l'Eglise catholique, ils sont privés des grands moyens de salut qu'ils auraient trouvés dans cet enseignement si pur de l'Evangile,qui éclaire l'esprit, qui touche le cœur et contribue puissaminent à nous sanctifier. Ils sont privés de ces exercices publics du culte qui excitent dans l'âme des sentiments pieux, qui la consolent, la soutiennent, la ranifuent dans le service de Dieu. Ils sont privés du secours des sacrements établis pour nous purifier des souillures du péché, du sacrement de pénitence, de l'extrême-onction... Or des pécheurs qui n'ont pas ces Loyens ne peuvent se réconcilier avec Dieu que par des actes d'une vertu difficile, à laquelle la plupart d'entre eux ne s'élèveront probablement pas. Ils courent donc un grand danger de se perdre. L'Eglise catholique ne dit pas autre chose sur la nécessité où nous

sommes de lui appartenir pour faire notre salut, et voilà dans quel sens elle veut qu'on explique ces mots : Hors de l'Eglise il n'y a pas de salut.

« Les protestants ne diront pas qu'il faut appartenir à la religion protestante pour se sauver; ils sont plus tolérants, et cela pour une bonne raison: ils ne savent pas ce qu'il faut croire, ni ce qu'il faut condamner. Si donc ils sont fidèles à leur grand principe, que chacun demeure libre d'interpréter les Ecritures comme il l'entendra et de se faire une religion à sa manière, comment oseraientils prétendre que, hors de telle ou de telle secte, on ne peut pas se sauver? En suivant la méthode protestante, vous pouvez être catholique, calviniste, luthérien, presbytérien, anabaptiste, quaker, méthodiste, vous pouvez même être Juif ou mahométan, si vous le trouvez bon et le jugez conforme à l'Ecriture, et vous n'en serez pas moins bon Chrétien et en voie de salut. C'est fort commode, comme vous le voyez, et, si Dieu avait laissé aux protestants, inventeurs d'un si singulier système, la faculté d'élargir de la sorte la voie qui conduit au ciel, nous devrions leur être très-reconnaissants de nous avoir donné à tous une si grande facilité. Mais cela n'est, ni ne saurait être.

« Les catholiques qui ont un symbole invariable, les catholiques qui savent qu'il n'est pas libre à l'homme de contredire Dieu et de changer son œuvre, de dire non, quand il dit oui, et de dire oui, quand il dit non, de prendre un ou deux de ses commandəments et de ne pas tenir compte des autres, ne sont pas tolérants comme les protestants. Ils laissent à Dieu, qui seul connaît le secret des cœurs, à juger si les personnes qui n'appartiennent pas à l'Eglise sont de bonne ou mauvaise foi; quant à la doctrine, ils n'en cèderont pas le plus petit article, ils ne feront jamais la moindre concession; il n'y a pas là-dessus de transaction possible. Ils vous diront en deux mots, et ces, mots disent tout: Il faut être Chrétien, il faut être catholique. Etre véritablement Chrétien et être catholique, c'est tout un la religion chrétienne, c'est l'Eglise catholique, ni plus ni moins. Voilà ce qui décida la conversion d'Henri IV, l'un de nos meilleurs et de nos plus grands rois. Les ministres protestants Jui dirent qu'il pouvait se sauver en se faisant catholique comme en demeurant protestant; les catholiques, au contraire, lui dirent qu'il ne pouvait faire son salut que dans l'Église catholique, parce qu'il n'est pas libre à chacun de se faire une religion à sa manière, et qu'il faut prendre les choses comme Jésus-Christ les à établies, pas autrement. Ce grand prince comprit que les catholiques avaient raison, et, dès lors, il n'hésita plus à abjurer le protestantisme. »> « Cette maxime: Hors de l'Eglise point de salut, prononce une peine, » dit de son côté le savant auteur des Etudes philosophiques sur le christianisme. « C'est donc une loi pénale. Or l'application de toute loi pénale demande la culpabilité, et la culpabilité de

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