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devient tous les jours de plus en plus surprenant. C'est ainsi qu'un homme, après avoir vécu deux cents ans. je suppose, offrirait au monde le spectacle d'une existence de plus en plus prodigieuse, à mesure que cette existence se prolongerait plus longtemps.

Il n'y a plus de miracles!... Vous vous. trompez, vous dis-je; il y en a, et même partout. Ce sont des miracles moins frappants peut-être que ceux qui ont été faits au commencement du christianisme. Aussi ne s'agit-il point d'établir la religion sur la terre, mais dans quelques contrées seulement, et peut-être même dans quelques ames. Quoi qu'il en soit, ce sont des miracles véritables, des dérogations aux lois bien connues de la nature. Vous ne voulez pas le croire, mais tous les gens sensés le croient; et si vous ne le croyez pas, c'est que vous manquez de sens ou de bonne foi, c'est que vous devenez déraisonnable à force de vouloir être raisonneur.

« Oui, il y a encore des miracles,» s'écrie ici l'abbé de Ségur. (Réponses.)

« Moi qui vous parle, je pourrais vous dire que j'en ai vu, et que j'ai vu en outre plusieurs personnes sur qui s'étaient opérés des miracles authentiques, tels que la guérison instantanée de maladies incurables.

« Mais je préfère vous citer un fait d'une portée plus générale.

« Un Anglais protestant était à Rome, sous le pontificat du Pape Benoît XIV. Il causait, avec un cardinal, de la religion catholique, l'attaquant assez vivement, et rejetant surtout, comine faux, les miracles opérés par l'intercession des saints.

<< Peu de temps après, ce cardinal fut chargé d'examiner les pièces relatives à la béatification d'un serviteur de Dieu. Il les remit un jour au protestant, lui recommandant de les examiner avec soin et de lui dire son avis sur le degré de foi que méritaient ces témoignages.

« Après quelques jours, l'Anglais rapporte les procès-verbaux. Eh bien! Monsieur, » Jui demande le prélat, « quelle est votre impression au sujet de ces pièces?

«Ma foi, Eminence, j'avoue que je n'ai rien à dire; et si tous les miracles des saints que votre Eglise canonise étaient aussi certains que ceux-ci, cela me donnerait à réfléchir...

« -- En vérité? » lui répliqua le cardinal en souriant. Eh bien! nous sommes plus difficiles que vous à Rome; car ces pièces ne nous ont pas semblé convaincantes, et la cause est rejetée.

« L'Anglais fut si frappé de cette conduite, qu'il s'instruisit plus à fond de la foi catholique, et abjura le protestantisme avant de quitter Rome.

« Or, cette sévérité extraordinaire existe encore dans les procès de canonisation des saints. Et comme, de nos jours, on canonise

des saints, ainsi qu'on l'a fait dans tous les siècles (103), et que d'autre part on n'en canonise aucun sans un examen rigoureux, constatant au moins cinq miracles opérés par son intercession, nous sommes donc en droit d'affirmer qu'il y a encore des mira. cles. »

Vous convenez vous-même, ajoutent les incrédules, qu'il n'y en a plus comme autrefois...

Je vous en ai dit la raison : ces miracles ne sont plus nécessaires comme autrefois.

« Les miracles ne peuvent se faire continuellement, » dirons-nous encore avec saint Augustin« ils ne nous touchent que s'ils sont étonnants, et ils cesseraient de l'être s'ils étaient ordinaires. Car la succession des jours et des nuits, le retour périodique des quatre saisons, le dépouillement des arbres et la renaissance des feuilles, la force prodigieuse des semences, la beauté de la lumière, la variété des couleurs, des sons, des parfums, des saveurs, celui qui les verrait pour la première fois serait étourdi, écrasé de tant de merveilles, et nous n'y faisons pas attention: non qu'il nous soit facile d'en connaître les causes, qu'y a-t-il de plus obscur? mais parce que nous sommes habitués à en éprouver les sensations. C'est donc très-utilement que Dieu a fait des miracles, afin que la multitude des croyants se grou pant autour et se répandant ensuite, ils fissent autorité et changeassent les mœurs.

Demander des miracles, c'est donc justice, mais en demauder toujours, c'est, suivant saint Augustin, vouloir ordinairement des choses extraordinaires, c'est-à-dire l'impossible et l'absurde Outre que ce serait impossible, ce ne serait pas non plus dans l'ordre d'une justice rigoureuse. Avons-nous moins aujourd'hui pour rester attachés à la religion que n'avaient les Juifs et les gentils pour s'y convertir?

«La vue immédiate des miracles est sans doute une preuve qui doit exciter notre euvie, » dit à ce sujet l'auteur des Etudes philosophiques sur le christianisme; a mais l'éta blissement universel du christianisme, la destruction du paganisme, et la conversion de toute la terre idolâtre à la croix de JésusChrist, n'est-ce donc rien? n'est-ce pas bien davantage?

« Ce grand fait est un miracle qui évidem ment a dû mettre un terme à tous les autres, ou du moins les diminuer sensiblement; car, à partir de lui, le but des miracles a été atteint; le monde a été chrétien et n'a eu qu'à continuer à l'être. Les premiers miracles n'avaient pas pour objet de convertir les hommes individuellement, mais la société des hommes, et ceux-ci seulement com me membres de cette société. Avant cette conversion, il n'y avait aucune raison pour les individus de croire que Jésus-Christ fot Dieu, précisément parce que la société où ils naissaient leur inspirait des préjugés

(105) La dernière car.onisation a eu lieu en 1839. Le Pape Grégoire XVI déclara saints le B. Alphonse de Liguori et quatre autres serviteurs de Dieu.

contraires. Il fallait donc des preuves direcles de cette divinité, des miracles, et des miracles nombreux et frappants, parce que tout était à convertir, et la société, et conséquemment les membres de cette société. Mais à partir du moment où cette conversion a été achevée, l'ouvrage des miracles a été achevé. Il n'y a plus rien eu à convertir. Les hommes sont nés tout convertis. Ils ont dûcroire sur la foi de leurs ancêtres. S'ils ont perdu la foi, s'ils se sont pervertis, ça été leur faute. Dieu ne leur devait plus rien; et, alors même, pour revenir de cette incrédulité volontaire et coupable, ils n'ont eu besoin que de rentrer dans le milieu des croyances chrétiennes où flotte le monde comme dans son élément.

«Il en a été du christianisme, celte création morale, comme de la nature et de la création matérielle. Au commencement Dieu créa le ciel et la terre; et comment les créat-il? Nécessairement par des miracles, si nous pouvons parler de la sorte. Depuis lors la nature subsiste, et Dieu ne fait plus de miracles de ce genre; les êtres se reproduisent naturellement, en vertu du miracle primitif de la création. Ainsi du christianisme: il subsiste et se poursuit dans la société dont il est la vie, sans qu'il soit nécessaire de renouveler les miracles par lesquels il a été fondé.

Et qu'on ne voie pas dans cette foi traditionnelle une foi aveugie et sans motifs : elle est pleine de raison au contraire. Car, de même que l'existence du monde suppose la création et ses miracles, de même l'existence du christianisme dans le monde conduit en remontant au grand miracle de son établissement, lequel suppose également les miracles qui l'ont fondé. Pour qui considère altentivement les éléments du christianisme et le chaos de dissolution et de ténèbres d'où il est sorti, il y a dans son établissement, sans la main d'aucun homme, un miracle décisif qui répond des autres, qui nous les fait voir dans leur effet, parce que sans eux, comme dit saint Augustin, il serait plus grand qu'eux. Je n'ai pas vu les miracles, mais je vois le monde païen converti; et alors de deux choses l'une: ou je m'explique le monde converti par des miracles, et je crois aux miracles; ou je ne veux pas croire aux miracles, et alors je suis forcé de voir dans ce monde converti sans miracles un plus grand miracle; dans les deux cas: la vérité du christianisme et sa divinité.

Ainsi les miracles ont dû cesser, ou du moins diminuer considérablement du noment où le monde a été converti, par deux raisons: la première, parce que le but direct des miracles a été atteint; la seconde, parce que ce but atteint, n'ayant pu l'être sans 'uiracles, nous les fait voir en lui.

Mais il y a une raison encore plus sensible et plus admirable de la diminution des miracles à partir de l'établissement du christianisme cette raison est l'accomplissement de plus en plus complet des prophéties.

Jésus-Christ a fait des miracles, dit à ce sujet Pascal, et les apôtres ensuite, et les pre

miers saints en grand nombre, parce que les prophéties n'étant pas encore accomplies, et s'accomplissant par eux, rien ne témoignait que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations: comment celle prophétie se serait-elle accomplie sans la conversion des nations? et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent? Avant donc qu'il ait été mort, ressuscité et converti les nations, tout n'était pas accompli; et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là. Maintenant il n'en faut pas, car les prophéties sont un miracle tou jours subsistant.

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« Ainsi, par une admirable compensation de la Providence, qui veut qu'à toutes les époques il y ait à peu près les mêmes motifs de foi, les deux plus grands miracles de la religion, la réprobation des Juifs et la perpétuité de l'Eglise, deviennent chaque jour plus éclatants, à mesure que nous nous éloignons du temps des miracles. Un homme qui affirmerait que Dieu lui a promis une vie de dix siècles ne serait cru de personne, s'il ne faisait des miracles; mais dès qu'il aurait dépassé trois cents ans, cette longévité sans exemple serait un miracle continuel qui suffirait apparemment pour convaincre les plus incrédules. Or, le peuple juif, dispersé dans toutes les parties de la terre depuis dix-huit siècles, a subsisté dans cet état de dissolution indissoluble, inouï auparavant dans l'histoire, plus de temps que n'ont subsisté les empires les plus célèbres; et l'Eglise catholique, de son côté, a duré dix fois plus de temps que ne vivent d'ordinaire les systèmes de gouvernement les mieux combinés.

« Pascal observe très-judicieusement quelque part que de tels événements sont les seuls miracles subsistants qu'on peut faire. Et en effet, les autres miracles particuliers cesseraient d'être tels par leur répétition, et deviendraient des phénomènes naturels. Mais il n'en est pas ainsi des événements dont nous parlons, parce que là il n'y a pas répétition; c'est un fait singulier, mais tellement immense qu'il remplit tous les temps et lous les lieux, et que c'est cette universalité et cette perpétuité qui font sa singularité. Il se compose de deux parties: la prophétie et l'événement. C'est la séparation de ces deux parties et leur accord dans cette séparation qui font le prodige. Or, quatre mille ans sont d'abord donnés à la prophétie, et le reste des siècles à l'événement: la séparation ne peut pas être plus tranchée; et son étendue, loin d'en affaiblir le prodige, en est la plus éclatante préparation. Et maintenant quant au prodige en lui-même, c'est-à-dire l'accord de l'événement avec la prophétie, la durée ne peut l'affaiblir, tant s'en faut, puisqu'il consiste précisément dans la durée: c'est là l'événement, c'est là le prodige: la durée de la réprobation des Juifs, la durée de l'Eglise. Ce fait non-seulement ne saurait devenir ordinaire à force de durer; mais il devient de jour en jour plus extraordinaire, et ce n'est pas sculement, comme dit Pascal,

un miracle toujours subsistant, mais un muiracle toujours croissant. Et non-seulement un miracle, mais un double miracle: miracle dans le fait en lui-même, quand bien même il n'aurait pas été prédit, et miracle dans son accord avec la prédiction...

« Ainsi, à cette objection: On ne voit plus de miracles aujourd'hui; et vous convenez vous-même qu'il n'y en a plus comme autrefois; trois raisons principales sont venues répondre, sans parler de la restriction que nous avons faite relativement à ces miracles moins importants peut-être et moins publics qui s'accomplissent encore partout et toujours: « 1 C'est que le but réel des miracles, la conversion du monde, a été atteint; 2° c'est que ce but atteint, n'ayant pu l'être sans miracles, les a rendus dès lors à jamais visibles en lui; 3° c'est que ce but est devenu, dans son développement et sa perpétuité, un double miracle, soit en lui-même, soit comme accomplissement des prophéties, miracle qui va grandissant dans la proportion de notre éloignement de l'époque des miracles; de telle sorte que ce que le temps ôte d'impression à ceux-ci, il l'ajoute à celui-là; et qu'ainsi la sagesse divine, qui fait tout avec nombre, poids et mesure, et se signale autant en ne faisant rien de plus qu'il ne faut qu'en faisant tout ce qu'il faut pour atteindre à ses fins, se découvre de la manière la plus admirable dans cette belle économie des preuves du christianisme, où l'esprit humain trouve toujours également, quoique diversement, de quoi s'assurer de la vérité par la raison et de quoi la mériter par la foi.»

Il n'est donc pas permis de dire qu'il n'y a plus de miracles aujourd'hui, ni même qu'il n'y en a plus comme autrefois.

Est-ce que c'est possible? nous dit-on en

core.

Singulière question! Il y a encore des miracles; et nous venons de l'établir de la manière la plus évidente. En supposant que vous ne voulussiez pas admettre ces miracles, vous ne pouvez nier du moins ceux des premiers siècles de l'Eglise, ceux de l'Evangile, car ce sont les miracles de Jésus-Christ. Or, comme vous le savez, les faits anciens dont personne ne doute sont moins attestés que ceux de Jésus-Christ. Donc les miracles sont possibles.

Est-ce que c'est possible? demandez-vous. Mais pourquoi donc tout le monde en réclame-t-il? pourquoi cette propension si générale et si grande à les admettre, alors même, nous devons le reconnaître, qu'ils n'ont pas toutes les marques d'une céleste origine? Est-ce qu'on croit ainsi à une impossibilité? est-ce qu'on en parle aussi cominunément? Si le miracle était impossible, d'où serait donc venue au monde cette singulière idée que nous retrouvons dans tous les temps et dans tous les lieux, qui partout et toujours agite les hommes, remue les masses, opère dans les peuples comme dans les individus les plus extraordinaires changements? Le miracle est donc possible.

Est-ce que c'est possible? avez-vous dit.

Quoi! Dieu, l'être suprême, le tout-puissant, ne pourrait changer en un point seulement une loi librement établie par lui? Quoi! celui qui donne l'existence à tous les hommes ne pourrait la rendre à un seul d'entre eux qui l'aurait perdue depuis peu? Celui qui a tout créé ne pourrait modifier en aucune manière l'œuvre immense de la création? Ce n'est pas même supposable; et pour le soutenir sérieusement et opiniâtrément, il faudrait être devenu...

Je n'ose achever; mais un autre plus hardi va le faire, sinon en disant le mot dans toute sa crudité, du moins en le donnant suffisamment à entendre.

« Un miracle, » dit Rousseau, « est, dans un fait particulier, un acte immédiat de la puissance divine, un changement sensible dans l'ordre de la nature, une exception réelle et visible à ses lois.

« Dieu peut-il faire des miracles? Cette question, sérieusement traitée, serait impie, si elle n'était absurde; ce serait faire trop d'honneur à celui qui la résoudrait négativement que de le punir, il suffirait de l'enfermer. Mais aussi quel homme a jamais nié que Dieu put faire des miracles? (Lettres de la Montagne.)

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« Il n'appartenait qu'au sophiste, qui devait retirer immédiatement après le hé néfice de cette vérité, de la poser avec cette intolérance. Nous qui ne voulons rien im poser, pas même la vérité, » dirons-nous avec l'auteur que nous citions précédemment, « entrons dans quelques justifications.

Les miracles sont des modifications des lois de la nature. Pour que ces modifications fussent impossibles, il faudrait que les lois fussent nécessaires, c'est-à-dire qu'il y eût contradiction pour l'esprit à supposer qu'el les eussent pu être différentes de ce qu'elles sont par exemple, qu'au lieu d'être de cent ans, la vie de l'homme eût été de mille ans, ou que cette vie eût été immortelle, ou qu'après avoir quitté le corps elle eût fait naturellement retour en lui; que la procréationhumaine se fit par la femme seule ; que les corps ne fussent pas impénétrables et pesants, etc. Tout cela aurait pu être, et alors ce sont les choses qui sont actuellement: la petite durée de la vie de l'homme, la mort, la génération par les deux sexes, l'impénétrabilité, la pesanteur, etc., qui, venant accidentellement se produire, eussent été autant de miracles. Cet état actuel lui-même, que nous appelons la nature, n'a été à l'origine que l'effet d'un miracle, et du plus grand de tons les miracles, celui de la création. Sa conservation n'est encore qu'un miracle perpétuel, n'ayant d'autre principe et d'autre règle que la puissance et le bon plaisir de l'Etre sou verain qui soutient ce grand ouvrage au dessus du néant d'où il l'a tiré. Après cela, tout le monde conçoit que ce que nous ap pelons miracle n'étant qu'une modification dans la création, c'est-à-dire un moindre miracle dans ce grand miracle des miracles, sa possibilité ne saurait être mise en question. Il est manifeste que la même puissance qui

a créé, et qui, en conservant, crée tous les jours, peut modifier.

«Mais si la puissance de faire des miracles ne peut être contestée en elle-même, on se rejette sur la providence de Dieu, qui s'oppose au dérangement de son œuvre. Il serait en désaccord avec l'idée que nous devons nous faire de cette providence, de supposer qu'elle ait besoin de retoucher à son cnvre, même pour un but supérieur. Ce que Dieu a fait a dû être bien fait dès l'origine, et être disposé en vue de ses fins ultérieures. Ce miracle que vous supposez serait un changement d'idées qu'on ne peut admettre dans celui que nous nous représentons tous avec raison comme immuable.

« Je me range entièrement à ce sentiment: aussi dis-je qu'en faisant des miracles, Dieu ne dérange pas son œuvre, ne retouche pas à son œuvre, ne change pas d'idées par conséquent; mais réalise au contraire un effet préparé et concerté dès l'origine, avec son euvre même, et qui, dans les desseins de son éternelle providence, en fait partie : comme l'exception tient à la règle même établie par un sage législateur. Ainsi, en créant la nature, Dieu pouvait la disposer autrement qu'elle n'est, et faire que ce qui est actuellement miraculeux fût naturel, et que ce qui est naturel fût miraculeux : par exemple, que la pesanteur ne fût pas une qualité naturelle des corps. Or, ce qu'il pouvait faire. dès lors comme règle, il l'a fait dès lors comme exception, laquelle devait éclater plus tard, et au moment donné pour le but qu'il se proposait. Cette exception est miracle pour nous, parce qu'elle est autre que la règle, et qu'elle ne se produit que dans son cours; mais comme ce miracle remonte, dans la volonté qui l'opère, à l'établissement de la règle, c'est-à-dire à l'époque où il n'y avait pas de règle, et où ce que nous appelons ainsi était le plus grand de tous les miracles, la création, il n'est autre que celle-ci, i en fait partie du moins, mais seulement pour un cas particulier et ultérieur. Il est donc bien clair que la puissance et la providence de Dieu se concilient parfaitement dans ce que nous appelons miracle, lequel miracle ne suppose ni dérangement dans son œuvre, ni changement dans ses idées.

« Nous ne prétendons point donner cette explication comme article de foi, bien qu'elle s'appuie sur les plus hautes données de la raison et de la religion (106); mais nous avons voulu montrer de plus en plus par là que les miracles ne choquent nullement nos idées, et qu'étant du reste prouvés en fait, ils ne doivent trouver en nous aucune répugnance à les admettre. >>

Tout le monde se vante d'en faire, nous dit encore l'incrédulité; en sorte que les faux discréditeraient les vrais, s'il y en avait. S'il y en avait!... Nous avons prouvé sur

(106) Cette idée de préordination des miracles dans le plan général et primitif de la création sembierait s'appuyer en particulier sur cette parole remarquable de Jésus-Christ, au sujet de l'aveugle-né

abondamment, ce nous semble, qu'il y en a encore de véritables; que les anciens, dont personne ne saurait douter sérieusement sans tout rejeter, subsistent toujours ; qu'ils doivent faire même d'autant plus d'impression sur nous qu'ils acquièrent plus d'importance, soit en s'étendant, comme le miracle de la conservation de l'Eglise, soit en subissant l'examen d'un plus grand nombre de personnes, comme tous les autres miracles. Il y a donc de véritables miracles: vous ne pouvez réellement les révoquer en doute. Vous dites que tout le monde se vanto d'en faire.

C'est exagéré. Dites seulement qu'il y en a beaucoup. Eh bien! soit. Beaucoup de personnes se vantent de faire des miracles. Qu'est-ce donc que cela prouve? Que presque tous croient les miracles possibles, soit en les faisant ou en essayant de les faire, soit en y adhérant; que presque tous sont convaincus que c'est le moyen de faire impression sur les hommes, de leur faire croire, au nom du Ciel, ce qu'on vient leur annoncer; que c'est un cachet surnaturel, divin, irrécusable, par conséquent... Et c'est aussi ce que nous disons nous-même, et ce dont nous voudrions bien vous convaincre, comme nous en sommes convaincu nous-même, et presque tout le monde avec nous.

Mais pourtant, reprend-ou, les faux mi-. racles devraient faire tort aux vrais.

Oui, comme la fausse monnaie fait tort à la vraie, comme la fausse écriture fait tort à l'écriture authentique, comme tout mensonge fait tort à la vérité en général. Ditesmoi donc, si le mensonge fait tort, en un sens, à la vérité, en se donnant pour elle quelquefois; ne la fait-il pas valoir, en un autre sens, en se parant de ses livrées, et surtout en venant tôt ou tard expirer à ses pieds?

Pour ne parler ici que des faux miracles: que deviennent ceux que tout le monde se vante de faire, comme vous dites, les faux miracles, pour parler franchement? Il en a été fait, en tout temps, par les inventeurs et propagateurs principaux de fausses religions: où sont-ils aujourd'hui ? Qui en parle, qui y pense même, si ce n'est pour en rire? Il en a été fait, il en est fait encore chaque jour par les charlatans où sont-ils, ces faux prodiges? vous demanderai-je encore. Qui en parle, qui y pense, si ce n'est pour en rire? J.-J. Rousseau, contestant la valeur des miracles, se vante d'avoir fait des choses merveilleuses, qu'il aurait pu faire passer pour des prodiges, s'il n'eût été modeste. Il a bien fait d'être modeste volontairement. car ceux à qui il eût voulu les faire reconnaître comme des prodiges, l'auraient bientôt forcé de le devenir. Qui a parlé de ces prodiges, tels quels, excepté lui? Qui s'en occupe aujourd'hui? Et pourtant i a eu de

qu'il allait guérir: Cet homme n'est point né aveugle parce qu'il a péché, ni ceux qui l'ont mis au monde; mais c'est afin que les œuvres de Dieu paraissent en lui. (Joan. ix, 5.)

nombreux partisans, des partisans autrement éclairés, humainement parlant, autrement puissants que n'étaient ces quelques disciples de Jésus-Christ, qui ont raconté ses miracles au monde, et en ont tellement persuadé que nous y croyons aujourd'hui aussi fermement, mais beaucoup plus communément qu'au temps où ils ont été faits. Voulezvous que nous en venions à de prétendus prodiges d'une date plus récente encore? Prenons les prodiges des tables tournantes, frappantes, parlantes, etc. Qui ne s'est vanté d'en faire, de ces sortes de prodiges, qui n'a vu opérer ceux qui se vantaient d'en faire, ou qui n'en a entendu parler par des témoins vraiment dignes de foi? C'était hier encore; où est-ce aujourd'hui ? Autant en emporte le vent. Tout cela tombe, tout cela est tombé! tombé, vous dis-je, comme tous les autres prodiges que tout le monde se vante de faire. Quant aux miracles de Notre

Seigneur Jésus-Christ pardon, lecteur, de ce rapprochement, mais il importe de le faire, puisque l'ombre du mensonge ne fait que mieux ressortir la lumière de la vérité - quant aux miracles véritables, ils se maintiennent toujours dans la croyance des peuples, et y prennent même, de jour en jour, de nouveaux accroissements. Il n'est donc pas possible de les confondre avec les faux prodiges que tout le monde se vante de faire. Ils viennent donc réellement de Dieu, et devraient nous réunir tous, en son nom, dans le sein de cette religion qu'il a élab'ie si miraculeusement, et qu'il conserve non moins miraculeusement, au milieu des ruines de toutes les œuvres de l'homme, de celles également qu'il voudrait nous donner pour les œuvres de Dieu, si même ces dernières ne passent encore plus rapidement que les autres, à cause de leur fausseté sacrilége.

MISSIONS.

Objections.- D'où viennent ces missions et ces missionnaires, et à quoi sert tout cela? -Je comprends encore des missions chez les idolâtres; mais, parmi nous, c'est bon à fanatiser le peuple, à susciter mille superstitions, à brûler les livres, etc. - N'est-il pas désolant encore de voir des jeunes gens quelquefois venir faire la loi à de vénérables curés? De là, du bruit, de l'agitation, des scandales. Quant au bien, s'il y en a, il est de courte durée.

Réponse. Il fut un temps où toute mission, quelque modeste qu'elle fût, excitait les criailleries de l'impiété. C'est bien plus calme aujourd'hui. Le temps, le bon sens public, les maux et les dangers de la patrie ont ramené bien des esprits. Voyons cependant ce qui se disait communément alors, et ce qui se dit encore quelquefois aujourd'hui.

D'où viennent ces missions et ces missionnaires, et à quoi sert tout cela?

Le premier missionnaire de la loi nouvelle fut Jésus-Christ; et ceux qui ont été chargés de continuer sa mission furent les apôtres d'abord, et ensuite les successeurs des apôtres. C'est ce que prouvent de la manière la plus claire ces paroles si expressi ves de notre divin Maître : Comme mon Père m'a envoyé, dit-il à ses apôtres réunis après sa résurrection, et moi aussi je vous envoie: « Sicut misit me Pater, et ego mitto vos. » (Joan. xx, 21.) Puis, en les quittant, au moment même de son ascension, il leur dit encore ces paroles non moins remarquables que celles que nous venons de citer, et qui n'en sont que le développement: Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc instruire toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé: et voilà que je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la

consommation des siècles : « Euntes ergo docete omnes gentes... Et ecce ego vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem sæculi.» (Matth. xxvш, 18-20.)

Comprenez-vous actuellement d'où viennent ces missions et ces missionnaires, et à quoi sert tout cela? Tout cela vient de Dieu: Sicut misit me Pater, et ego mitto vos; et tout cela a pour but de faire observer à tous les peuples ce que Jésus-Christ nous a commandé au nom de Dieu : Docete omnes gentes... Docentes eos servare omnia quæcunque mandavi vobis. Est-ce clair? Et n'allez pas restreindre cette divine mission aux apôtres, car votre assertion serait aussitôt démentie par les besoins de l'humanité, qui ne sont pas moins grands aujourd'hui que du temps des apôtres, et par les paroles mêmes de Notre-Seigneur qui ne laissent aucun doute à ce sujet : Et ecce ego vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem sæculi.

Je comprends encore des missions che les idolâtres, dites-vous; mais, parmi nous, c'est bon à fanatiser le peuple, à susciter mille superstitions, à brûler les livres, etc.

Je prends acte de votre concession, et j'en tire immédiatement contre vous une conclusion sans réplique. Pourquoi des missions chez les peuples idolâtres? Pour les éclairer et les sanctifier, sans aucun doute: Docete, etc., docentes servare. Or, les peuples chrétiens, quoique évangélisés déjà, et peut-être même depuis longtemps, ont encore besoin de nouvelles lumières et de nouveaux moyens de sanctification. Vous devez donc, si vous êtes conséquent, admettre aussi pour eux l'utilité des missions.

Mais, dites-vous, il y en a une toujours subsistante, celle des prêtres qui y sont à demeure, avec le titre de curé ou pasteur, le plus ordinairement.

Sans doute, et, pour le dire en passant, cette mission, puisque c'en est une véritable, comme vous venez de le reconnaître, prouve

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