Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

}

POLITIQUE

D'ARISTOTE

TRADUITE EN FRANÇAIS

D'APRÈS LE TEXTE COLLATIONNÉ SUR LES MANUSCRITS
ET LES ÉDITIONS PRINCIPALES

PAR

J. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE

REPRÉSENTANT DU PEUPLE

MEMBRE DE L'INSTITUT

(Académie des Sciences morales et politiques)

PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE GRECQUE ET LATINE AU COLLEGE DE FRANCE

[merged small][ocr errors][merged small]
[graphic][subsumed][subsumed][merged small]

ciation politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, et que l'ignorance, l'oubli ou le mépris de ces droits sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, la Constituante a fait plus encore peut-être qu'elle n'a cru. Elle prétendait stipuler pour le genre humain, au nom du peuple français; elle a en outre stipulé pour la science, au nom de la vérité.

La politique a pu ne pas tenir grand compte d'une dissertation philosophique mise en tête d'une constitution éphémère. Tout absorbée dans les intérêts et les préoccupations du moment, la politique n'a pas le temps de remonter aux principes. Comme elle ne songe qu'aux conséquences et surtout aux applications, elle n'a pas toujours su voir que de ces droits reconnus et proclamés, la révolution tirait nonseulement sa légitimité, mais encore sa puissance; qu'ils étaient les fondements de l'ordre nouveau tout entier, la source intarissable de laquelle devaient sortir et découler toutes les institutions nécessaires à son organisation et à sa durée; et que ce sont eux qui donnent à la société française une supériorité incontestable sur toutes les sociétés contemporaines, ses imitatrices plus encore que ses rivales. La politique

emploiera bien des siècles de travaux en Europé et dans le reste du monde, avant d'avoir tiré de la Déclaration des Droits tous les fruits qu'elle recèle; et les hommes d'État, malgré le dédain qu'ils affectent souvent pour ces théories, ne font cependant rien, que par elles et pour elles.

Mais l'histoire, qui sait à quel prix furent achetées ces conquêtes de la raison et de la justice, en connaît mieux toute la valeur. A ses yeux, la Déclaration des Droits résume quarante siècles d'efforts et de luttes, de même qu'elle prépare des siècles plus longs encore de progrès et d'espérance. La Constituante en a su plus que tous les sages qui l'avaient précédée, parce qu'elle a pu mettre à profit leurs leçons. Les sociétés ont ignoré bien longtemps ces conditions légitimes de leur vie et de leur bonheur; les législateurs ne les ont entrevues qu'obscurément; la philosophie même ne les a pas toujours connues, et les religions les plus saintes n'ont pas su les sanctionner. Mais les efforts des nations, des législateurs, des philosophes et des religions n'ont pas été stériles; et il s'est trouvé, après une bien longue attente, un peuple capable de les comprendre et digne de les féconder en les réunissant. La philosophie qui

applaudit sans réserve à ce code éternel des sociétés, est heureuse de le recevoir tout fait des mains de la grande assemblée qu'elle seule anima. Elle n'a rien à y ajouter, rien à en retrancher; et c'est du haut de cet impérissable monument qu'elle doit porter ses regards, et sur le passé qui contribua à l'élever, et sur l'avenir qui ne l'ébranlera pas.

A la splendeur de cette lumière, il n'est plus possible de s'égarer. S'il est vrai que la nature de l'homme ait des droits inaliénables, l'homme ne doit point les perdre dans la société, qui est sa vraie fin et sa perfection. La société, quelle que soit la forme politique qu'elle se donne, c'est-à-dire son gouvernement, doit, autant qu'elle connaît ces droits, les respecter et les garantir, en eux-mêmes d'abord, et ensuite dans toutes les conséquences légitimes qu'ils entraînent. La meilleure société sera celle qui assurera le plus complétement le libre exercice de ces droits; le meilleur gouvernement, celui qui saura le mieux les développer et les maintenir dans les citoyens; le politique le plus habile, celui qui les comprendra et les appliquera le mieux. A cette large et équitable mesure, l'on peut rapporter sans erreur, et les sociétés passées, et les gouvernements qui les ont ré

gies, et même les œuvres des philosophes. Platon et Aristote, Montesquieu et Rousseau, peuvent comparaître devant ce tribunal dont ils invoquèrent souvent la juridiction sans en bien mesurer toute l'étendue; les sociétés antiques et les sociétés modernes peuvent y être également jugées; les hommes d'État et les législateurs de tous les temps, le paganisme et la religion chrétienne, s'y peuvent présenter tour à tour. La nature humaine, se connaissant enfin après tant d'études et tant d'épreuves, peut leur demander à tous ce qu'ils ont fait pour elle; car c'est elle seule que tous durent avoir en vue, puisqu'ils se sont chargés de la conduire et de l'améliorer, au milieu de tous les obstacles et de toutes les souffrances que la Providence a suscités à la sagesse des hommes et à leur courage.

Parmi ces travaux de genres si divers, tous dignes de la reconnaissance de l'humanité, ceux qui méritent le plus d'attention sont ceux des philosophes. D'abord ils ont contribué au résultat commun; et leur part, qui souvent y est la plus secrète, n'y est ni la moins belle ni la moins féconde. Mais, en outre, ils ont, sur tous les autres, l'avantage incontestable d'être les plus clairs. Le législateur, même le plus prudent, fait son œuvre sans chercher à connaître ni ana

« ZurückWeiter »