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Ces fêtes chrétiennes avoient d'autant plus de charmes, qu'elles existoient de toute antiquité, et l'on trouvoit avec plaisir, en remontant dans le passé, que nos aïeux s'étoient réjouis à la même époque que nous. Ces fêtes étant d'ailleurs très-multipliées, il en résultoit encore que, malgré les chagrins de la vie, la religion avoit trouvé moyen de donner de race en race, à des millions d'infortunés, quelques moments de bonheur.

Dans la nuit de la naissance du Messie, les troupes d'enfants qui adoroient la crèche, les églises illuminées et parées de fleurs, le peuple qui se pressoit autour du berceau de son Dieu, les chrétiens qui, dans une chapelle retirée, faisoient leur paix avec le ciel, les alleluia joyeux, le bruit de l'orgue et des cloches, offroient une pompe pleine d'innocence et de majesté.

Immédiatement après le dernier jour de folie, trop souvent marqué par nos excès, venoit la cérémonie des Cendres, comme la mort le lendemain des plaisirs. « O homme! disoit le prêtre, souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière. » L'officier qui se tenoit auprès des rois de Perse pour leur rappeler qu'ils étoient mortels, ou le soldat romain qui abaissoit l'orgueil du triomphateur, ne donnoit pas de plus puissantes leçons.

Un volume ne suffiroit pas pour peindre en détail les seules cérémonies de la SemaineSainte; on sait de quelle magnificence elles étoient dans la capitale du monde chrétien : aussi nous n'entreprendrons point de les décrire. Nous laissons aux peintres et aux poëtes le soin de représenter dignement ce clergé en deuil, ces autels, ces temples voilés, cette musique sublime, ces voix célestes chantant les douleurs de Jérémie, cette Passion mêlée d'incompréhensibles mystères, ce saint sépulcre environné d'un peuple abattu, ce pontife lavant les pieds des pauvres, ces ténèbres, ces silences entrecoupés de bruits formidables, ce cri de victoire échappé tout à coup du tombeau, enfin ce Dieu qui ouvre la route du ciel aux âmes délivrées, et laisse aux chrétiens sur la terre, avec une religion divine, d'intarissables espérances.

CHAPITRE X.

FUNÉRAILLES.

POMPES FUNEBRES DES GRANDS.

I l'on se rappelle ce que nous avons dit dans la première partie de cet ouvrage,

sur le dernier sacrement des chrétiens, on conviendra d'abord qu'il y a dans cette seule cérémonie plus de véritables beautés que dans tout ce que nous connoissons du culte des morts, chez les anciens. Ensuite la religion chrétienne, n'envisageant dans l'homme que ses fins divines, a multiplié les honneurs autour du tombeau; elle a varié les pompes funèbres selon le rang et les destinées de la victime. Par ce moyen, elle a rendu plus douce à chacun cette dure mais salutaire pensée de la mort, dont elle s'est plu à nourrir notre âme; ainsi la colombe amollit dans son bec le froment qu'elle présente à ses petits.

La religion a-t-elle à s'occuper des funérailles de quelque puissance de la terre, ne craignez pas qu'elle manque de grandeur. Plus l'objet pleuré aura été malheureux, plus elle étalera de pompe autour de son cercueil, plus ses leçons seront éloquentes : elle seule pourra mesurer la hauteur et la chute, et dire ces sommets et ces abîmes, d'où tombent et où disparoissent les rois.

Quand, donc, l'urne des douleurs a été ouverte, et qu'elle s'est remplie des larmes des monarques et des reines; quand de grandes cendres et de grands malheurs ont englouti leurs doubles vanités dans un étroit cercueil, la religion assemble les fidèles dans quelque temple. Les voûtes de l'église, les autels, les colonnes, les saints se retirent sous des voiles funèbres. Au milieu de la nef s'élève un cercueil environné de flambeaux. La messe des funérailles s'est célébrée aux pieds de celui qui n'est point né, et qui ne mourra point : maintenant tout est muet. Debout dans la chaire de vérité, un prêtre, seul vêtu de blanc au milieu du deuil général, le front chauve, la figure pâle, les yeux fermés, les mains croisées sur la poitrine, est recueilli dans les profondeurs de Dieu; tout à coup ses yeux s'ouvrent, ses mains se déploient, et ces mots tombent de ses lèvres :

« Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons : soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire à luimême, et ne leur laisse que leur propre foiblesse, il leur apprend leurs devoirs d'une manière souveraine et digne de lui 1...

» Chrétiens, que la mémoire d'une grande reine, fille, femme, mère de rois si puissants, et souveraine de trois royaumes, appelle à cette triste cérémonie, ce discours vous fera paroître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines la félicité sans bornes aussi bien que les misères; une longue et paisible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers. Tout ce que peut donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la rébellion, long-temps retenue, à la fin tout-à-fait maîtresse; nul frein à

1

Bossuet, Orais. fun. de la Reine de la Gr.-Bret.

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