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comme notre religion, que la cendre des pères, loin d'abréger les jours des fils, prolonge en effet leur existence, en leur enseignant la modération et la vertu, qui conduisent les hommes à une heureuse vieillesse. Les raisons humaines qu'on a opposées à ces raisons divines sont bien loin d'être convaincantes. Meurt-on moins en France que dans le reste de l'Europe, où les cimetières sont encore dans les villes?

Lorsque autrefois parmi nous on sépara les tombeaux des églises, le peuple, qui n'est pas si prudent que les beaux-esprits, qui n'a pas les mêmes raisons de craindre le bout de la vie, le peuple s'opposa à l'abandon des antiques sépultures. Et qu'avoient en effet les modernes cimetières qui pût le disputer aux anciens? Où étoient leurs lierres, leurs ifs, leurs gazons nourris depuis tant de siècles des biens de la tombe? pouvoient-ils montrer les os sacrés des aïeux, le temple, la maison du médecin spirituel, enfin cet appareil de religion qui promettoit, qui assuroit même une renaissance très-prochaine? Au lieu de ces cimetières fréquentés, on nous assigna dans quelque faubourg un enclos solitaire abandonné des vivants et des souvenirs, et où la mort, privée de tout signe d'espérance, sembloit devoir être éternelle.

Qu'on nous en croie: c'est lorsqu'on vient à

toucher à ces bases fondamentales de l'édifice que les royaumes trop remués s'écroulent 1. Encore si l'on s'étoit contenté de changer simplement le lieu des sépultures! mais, non satisfait de cette première atteinte portée aux mœurs, on fouilla les cendres de nos pères, on enleva leurs restes, comme le manant enlève dans son tombereau les boues et les ordures de nos cités.

Il fut réservé à notre siècle de voir ce qu'on regardoit comme le plus grand malheur chez les anciens, ce qui étoit le dernier supplice dont on punissoit les scélérats, nous entendons la dispersion des cendres; de voir, disons-nous, cette dispersion applaudie comme le chef-d'œuvre de la philosophie. Et où étoit donc le crime de nos aïeux, pour traiter ainsi leurs restes, sinon d'avoir mis au jour des fils tels que nous! Mais écoutez la fin de tout ceci, et voyez l'énormité de la sagesse humaine : dans quelques villes de la France, on bâtit des cachots sur l'emplacement des cimetières; on éleva les prisons des hommes sur le champ où Dieu avoit décrété la

Les anciens auroient cru un État renversé si l'on eût violé l'asile des morts. On connoît les belles lois de l'Égypte sur les sépultures. Les lois de Solon séparoient le violateur des tombeaux de la communion du temple, et l'abandonnoient aux furies. Les Institutes de Justinien règlent jusqu'aux legs, l'héritage, la vente et le rachat d'un sépulcre, etc.

fin de tout esclavage; on édifia des lieux de douleurs, pour remplacer les demeures où toutes les peines viennent finir; enfin, il ne resta qu'une ressemblance, à la vérité effroyable, entre ces prisons et ces cimetières, c'est que là s'exercèrent les jugements iniques des hommes, là où Dieu avoit prononcé les arrêts de son inviolable justice 1.

• Nous passons sous silence les abominations commises pendant les jours révolutionnaires. Il n'y a point d'animal domestique qui, chez une nation étrangère un peu civilisée, ne fût inhumé avec plus de décence que le corps d'un citoyen françois. On sait comment les enterrements s'exécutoient, et comment, pour quelques deniers, on faisoit jeter un père, une mère ou une épouse à la voirie. Encore ces morts sacrés n'y étoient-ils pas en sûreté; car il y avoit des hommes qui faisoient métier de dérober le linceul, le cercueil, ou les cheveux du cadavre. Il ne faut rapporter toutes ces choses qu'à un conseil de Dieu; c'étoit une suite de la première violation sous la monarchie. Il est bien à désirer qu'on rende au cercueil les signes de religion dont on l'a privé, et surtout qu'on ne fasse plus garder les cimetières par des chiens. Tel est l'excès de la misère où l'homme tombe, quand il perd la vue de Dieu, que, n'osant plus se confier à l'homme, dont rien ne lui garantit la foi, il se voit réduit à placer ses cendres sous la protection des animaux.

CHAPITRE VII.

CIMETIÈRES DE CAMPAGNE.

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Es anciens n'ont point eu de lieux de sépulture plus agréables que nos cimetières de campagne : des prairies, des champs, des eaux, des bois, une riante perspective marioient leurs simples images avec les tombeaux des laboureurs. On aimoit à voir le gros qui ne végétoit plus que par son écorce, les miers du presbytère, le haut gazon, les peupliers, l'ormeau des morts, et les buis, et les petites croix de consolation et de grâce. Au milieu des paisibles monuments, le temple villageois élevoit sa tour surmontée de l'emblème rustique de la vigilance. On n'entendoit dans ces lieux que le chant du rouge-gorge, et le bruit des brebis qui broutoient l'herbe de la tombe de leur ancien pasteur.

Les sentiers qui traversoient l'enclos bénit,

aboutissoient à l'église, ou à la maison du curé: ils étoient tracés par le pauvre et le pèlerin, qui alloient prier le Dieu des miracles, ou demander le pain de l'aumône à l'homme de l'Évangile ; l'indifférent ou le riche ne passoit point sur ces tombeaux.

On y lisoit pour toute épitaphe : Guillaume ou Paul, né en telle année, mort en telle autre. Sur quelques-uns il n'y avoit pas même de nom. Le laboureur chrétien repose oublié dans la mort, comme ces végétaux utiles au milieu desquels il a vécu la nature ne grave pas le nom des chênes sur leurs troncs abattus dans les forêts.

Cependant, en errant un jour dans un cimetière de campagne, nous aperçûmes une épitaphe latine sur une pierre qui annonçoit le tombeau d'un enfant. Surpris de cette magnificence, nous nous en approchâmes, pour connoître l'érudition du curé du village; nous lûmes ces mots de l'Évangile :

« Sinite parvulos venire ad me. »

Laissez les petits enfants venir à moi.

Les cimetières de la Suisse sont quelquefois placés sur des rochers, d'où ils commandent

les lacs, les précipices et les vallées. Le chamois

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