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sortir de son cloître à volonté, nous demandons si cette femme seroit heureuse? Quelques années de retraite auroient renouvelé pour elle la face de la société. Au spectacle du monde, si nous détournons un moment la tête, les décorations changent, les palais s'évanouissent; et, lorsque nous reportons les yeux sur la scène, nous n'apercevons plus que des déserts et des acteurs inconnus.

On verroit incessamment la folie du siècle entrer par caprice dans les couvents, et en sortir par caprice. Les cœurs agités ne seroient plus assez long-temps auprès des cœurs paisibles pour prendre quelque chose de leur repos, et les âmes sereines auroient bientôt perdu leur calme, dans le commerce des âmes troublées. Au lieu de promener en silence leurs chagrins passés dans les abris du cloître, les malheureux iroient se racontant leurs naufrages, et s'excitant peut-être à braver encore les écueils. Femme du monde, femme de la solitude, l'infidèle épouse de Jésus-Christ ne seroit propre ni à la solitude ni au monde : ce flux et reflux des passions, ces vœux tour à tour rompus et formés, banniroient des monastères la paix, la subordination, la décence ces retraites sacrées, loin d'offrir un port assuré à nos inquiétudes, ne seroient plus que des lieux où nous viendrions.

pleurer un moment l'inconstance des autres, et méditer nous-mêmes des inconstances nouvelles.

Mais ce qui rend le vœu perpétuel de la religion bien supérieur à l'espèce de vœu politique du Spartiate et du Crétois, c'est qu'il vient de nous-mêmes; qu'il ne nous est imposé par personne, et qu'il présente au cœur une compensation pour ces amours terrestres que l'on sacrifie. Il n'y a rien que de grand dans cette alliance d'une âme immortelle avec le principe éternel; ce sont deux natures qui se conviennent et qui s'unissent. Il est sublime de voir l'homme né libre, chercher en vain son bonheur dans sa volonté, puis fatigué de ne rien trouver ici-bas qui soit digne de lui, se jurer d'aimer à jamais l'Être-Suprême, et se créer, comme Dieu, dans son propre serment, une Nécessité.

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CHAPITRE V.

TABLEAU DES MOEURS ET DE LA VIE RELIGIEUSE.

MOINES, COPHTES, MARONITES, etc.

ENONS maintenant au tableau de la vie religieuse, et posons d'abord un principe. Partout où se trouve beaucoup de mystère, de solitude, de contemplation, de silence, beaucoup de pensées de Dieu, beaucoup de choses vénérables dans les costumes, les usages et les mœurs, là se doit trouver une abondance de toutes les sortes de beautés. Si cette observation est juste, on va voir qu'elle s'applique merveilleusement au sujet que nous traitons.

Remontons encore aux Solitaires de la Thébaïde. Ils habitoient des cellules appelées laures, et portoient, comme leur fondateur Paul, des robes de feuilles de palmier; d'autres étoient

vêtus de cilices tissus de poil de gazelle; quelquesuns, comme le solitaire Zénon, jetoient seulement sur leurs épaules la dépouille des bêtes sauvages; et l'anachorète Séraphion marchoit enveloppé du linceul qui devoit le couvrir dans la tombe. Les religieux Maronites, dans les solitudes du Liban, les hermites Nestoriens, répandus le long du Tigre; ceux d'Abyssinie, aux cataractes du Nil et sur les rivages de la mer Rouge, tous enfin mènent une vie aussi extraordinaire que les déserts où ils l'ont cachée. Le moine Cophte, en entrant dans son monastère, renonce aux plaisirs, consume son temps en travail, en jeûnes, en prières et à la pratique de l'hospitalité. Il couche sur la dure, dort à peine quelques instants, se relève, et sous le beau firmament d'Égypte, fait entendre sa voix parmi les débris de Thèbes et de Memphis. Tantôt l'écho des Pyramides redit aux ombres des Pharaon les cantiques de cet enfant de la famille de Joseph; tantôt ce pieux Solitaire chante au matin les louanges du vrai soleil, au même lieu où des statues harmonieuses soupiroient le réveil de l'aurore. C'est là qu'il cherche l'Européen égaré à la poursuite de ces ruines fameuses; c'est là que le sauvant de l'Arabe, il l'enlève dans sa tour, et prodigue à cet inconnu la nourriture qu'il se refuse à lui-même. Les savants vont bien

visiter les débris de l'Égypte; mais d'où vient que, comme les moines chrétiens, objet de leur mépris, ils ne vont pas s'établir dans ces mers de sable, au milieu de toutes les privations, pour donner un verre d'eau au voyageur, et l'arracher au cimeterre du Bédouin ?

Dieu des chrétiens, quelles choses n'as-tu point faites! Partout où l'on tourne les yeux, on ne voit que les monuments de tes bienfaits. Dans les quatre parties du monde, la religion a distribué ses milices et placé ses vedettes pour l'humanité. Le moine Maronite appelle, par le claquement de deux planches suspendues à la cime d'un arbre, l'étranger que la nuit a surpris dans les précipices du Liban; ce pauvre et ignorant artiste n'a pas de plus riche moyen de se faire entendre le moine Abyssinien vous attend dans ce bois, au milieu des tigres : le missionnaire Américain veille à votre conservation dans ses immenses forêts. Jeté par un naufrage sur des côtes inconnues, tout à coup vous apercevez une croix sur un rocher. Malheur à vous, si ce signe de salut ne fait pas couler vos larmes. Vous êtes en pays d'amis; ici sont des chrétiens. Vous êtes François, il est vrai, et ils sont Espagnols, Allemands, Anglois peut-être! Et qu'importe? n'êtes-vous pas de la grande famille de JésusChrist? Ces étrangers vous reconnoîtront pour

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