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toutes les écoles, esclaves d'Aristote, étoient plongées dans les ténèbres du péripatétisme; et on ne pouvoit espérer d'y introduire la lumière qu'en renversant d'abord les autels que la superstition et l'ignorance avoient élevés depuis deux mille ans au philosophe grec. Si Descartes eût été plus modéré, les qualités occultes auroient résisté plus long-temps : et du moins son idée d'expliquer les effets physiques, par la matière et le mouvement, est très belle et très vraie en général. Mais dans un temps où les esprits se porteroient à la recherche de la vérité par la voie de l'observation et de l'expérience, il faudroit soigneusement réprimer ou contenir l'esprit de système, parce qu'il substitue trop souvent les réponses précipitées d'une imagination ardente à celle de la nature, qu'il devroit attendre.

Les recherches de Pascal sur la pesanteur de l'air le conduisirent insensiblement à l'examen des lois générales auxquelles l'équilibre des liqueurs est assujetti. Archimède avoit déterminé la perte de poids que font les corps solides plongés dans un fluide, et la position que ces corps doivent prendre relativement à leur masse et à leur figure; Stévin, mathématicien flamand, avoit remarqué que la pression d'un fluide sur sa base est comme le produit de cette base par la hauteur du fluide; enfin on savoit que les liqueurs pressent en tous sens les parois des vases où elles sont contenues: mais il restoit encore à connoitre exactement la mesure de cette pression pour en dé

duire les conditions générales de l'équilibre des liqueurs.

Pascal établit pour fondement de la théorie dont il s'agit, que si l'on fait à un vase plein de liqueur et fermé de tous côtés deux ouvertures différentes, et qu'on y applique deux pistons poussés par des forces proportionnelles à ces ouvertures, la liqueur demeurera en équilibre. Il prouve ce théorème de deux manières non moins ingénieuses que convaincantes. Dans la première démonstration, il observe que la pression d'un piston se communique à toute la liqueur, de manière qu'il ne pourroit s'enfoncer sans que l'autre piston se soulevât. Or, le volume du fluide demeurant le même, on voit que les espaces parcourus par les deux pistons seroient réciproquement proportionnels à leurs bases, ou aux forces qui les poussent: d'où il résulte, par les lois connues de la mécanique, que les deux pistons se contrebalancent mutuellement. La seconde démonstration est appuyée sur ce principe évident par luimême, que jamais un corps ne peut se mouvoir par son poids sans que son centre de gravité descende. Ce principe posé, l'auteur fait voir facilement que, si les deux pistons, considérés comme un même poids, venoient à se mouvoir, le centre de gravité de leur système demeureroit néanmoins immobile d'où il conclut que les pistons n'ont aucun mouvement, et que par conséquent le fluide est aussi en repos. Les différents cas d'équilibre des liqueurs, et les phénomènes qui en dé

pendent ne sont plus que des corollaires du théorème que je viens d'indiquer : Pascal entre à ce sujet dans des détails fort curieux.

L'état permanent de l'atmosphère s'explique par les mêmes moyens. Pascal remarque ici de plus que l'air est un fluide compressible et élastique. Cette vérité, déjà connue depuis longtemps, avoit été confirmée, au Puy-de-dôme, par la voie de l'expérience. Un ballon à demi plein d'air, transporté du pied au sommet de cette montagne, s'enfla peu à peu en montant, c'est-à-dire, à mesure que le poids de la colonne d'air dont il étoit chargé diminuoit; puis se désenfla, ou se réduisit en un moindre volume, suivant l'ordre' inverse, en descendant, c'est-à-dire, à mesure qu'il

étoit plus chargé.

On doit rapporter à peu près au même temps les premières observations qu'on ait faites sur les changements de hauteur auxquels la colonne mercurielle est sujette en un même lieu, par les divers changements de temps. C'est de là que le tube de Torricelli et les autres instruments destinés au même usage, ont été appelés baromètres. M. Périer observa ces variations à Clermont, pendant les années 1649, 1650, et les trois premiers mois de l'année 1651. Il avoit engagé M. Chanut, ambassadeur de France en Suède, à faire de semblables expériences à Stockholm. Descartes, qui se trouvoit dans la même ville sur la fin de l'année 1649, prit part à ce travail; et c'est à cette occasion qu'il indiqua l'idée d'un baromètre double,

contenant du mercure et de l'eau, afin de rendre plus sensibles les variations du poids de l'air, en les mesurant par celles de la colonne d'eau. Pascal se hâta d'avancer, d'après quelques observations informes, ou d'après une théorie vague et précaire, que l'air devient plus pesant à mesure qu'il est plus chargé de vapeurs : mais si cette proposition étoit vraie, Pascal se seroit trompé en attribuant la suspension du mercure dans le tube de Torricelli immédiatement à la pesanteur de l'air; car le plus souvent le mercure baisse dans les temps pluvieux. Quoi qu'il en soit, les premières explications qu'on a données des variations du mercure dans le baromètre méritent d'autant plus d'indulgence, qu'aujourd'hui même la cause de ces variations est encore asscz peu connue, et qu'elles sont sujettes à plusieurs irrégularités qui troublent quelquefois les conséquences qu'on veut tirer de l'état du baromètre.

Il paroît que les deux traités de Pascal sur l'équi libre des liqueurs et sur la pesanteur de la masse de l'air, furent achevés en l'année 1653; mais ils n'ont été imprimés pour la première fois qu'en 1663, un an après la mort de l'auteur.

A la théorie des fluides Pascal fit succéder différents traités sur la géométrie. Dans l'un, qui avoit pour titre : Promotus Apollonius Gallus, il étendoit la théorie des sections coniques, et il en découvroit plusieurs propriétés entièrement inconnues aux anciens; dans d'autres, intitulés : Tactiones sphærica; Tactiones conico; Loci plani

ac solidi; Perspective Methodus, etc., il s'étoit pareillement ouvert des routes nouvelles. Il y a apparence que tous ces ouvrages sont perdus; du moins je n'ai pu parvenir à me les procurer je n'en parle que sur une indication générale que l'auteur en donne lui-même, et sur une lettre de M. Leibnitz à l'un des fils de M. Périer, en date du 30 août 1676.

Les héritiers des manuscrits de Pascal sont très blåmables de n'avoir pas publié ces recherches géométriques en même temps que les traités sur l'équilibre des liqueurs, et la pesanteur de l'air; car elles auroient alors contribué au progrès de la géométrie, et nous connoîtrions le point précis où Pascal les avoit portées. D'ailleurs les productions d'un homme de génie, en cessant mème d'être nouvelles par le fond des choses, peuvent toujours être instructives par l'ordre des idées et des raisonnements. Mais n'exagérons pas des pertes, ou déjà réparées, ou aisément réparables quant à l'objet essentiel, c'est-à-dire, quant aux connoissances qu'on pourroit espérer de puiser dans ces ouvrages. Considérons que, si on les retrouvoit aujourd'hui, ils ne nous offriroient tout au plus des vérités de détail, et non pas que des secours pour avancer la science. En effet, depuis le temps où ils furent écrits, les mathématiques se sont enrichies d'une foule de découvertes; les méthodes sont devenues plus simples, plus faciles et plus fécondes. Les grands géomètres de notre temps ne lisent pas Archimède, ni même Newton, pour y

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