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sens la loi romaine, en s'emparant de la disposition, qui privait de la succession paternelle celui qui n'avait pas voulu faire punir les meurtriers de son père. On vit un plaid de cité prononcer la confiscation totale des biens patrimoniaux contre les fils d'un homme assassiné, parce qu'ils avaient mieux aimé vivre en paix que de poursuivre les coupables. Or, à quoi devait aboutir la

serait trop absurde de supposer qu'on prétendit, par une somme d'argent, punir un meurtre, et donner à des fils un dédommagement satisfaisant pour la vie

Quel commentaire expliquerait mieux j cien droit, mais elle entraina à son la législation de ce temps et retracerait mieux le conflit des idées, des sentiments et des usages que ces bizarres alternatives d'agressions, de représailles, de sentences judiciaires, de pouvoir souverain et de liberté? La vengeance privée y domine partout, ne reconnaissant d'autre prescription et d'autre limite que sa propre concession. Le droit civil, en un mot, n'était que la conciliation volontaire, qui faisait de l'indem-poursuite? à une somme d'argent? Il nité adjugée ou offerte son signe, son gage unique; de l'indemnité acceptée, son unique garantie. Et non-seulement l'opinion en ce point l'emporta sur l'anges que Moreau employait pour contredire cet homme, dont « le système, formé capricieusement « de lambeaux de tous les autres, n'a rien de neuf « que la phraséologie empruntée à la politique « des anciens...; (système) composé d'emprunts « disparates faits aux théories précédentes, et de « capitulations peu franches et rarement habiles < avec la science contemporaine... Ses remarques << el preuves ne sont guères qu'un assemblage de <négations et d'affirmations téméraires, d'attaques presque toutes gratuites contre des opinions an«<térieures et d'allégations peu intelligentes des do«cuments originaux... Ce qu'il y a de plus aigre et « de plus dédaigneux dans sa polémique s'adresse <<< à la partie la plus vraie et la plus féconde du « système de Dubos..., que Mably nie avec une suf<fisance incroyable. » C'est M. Thierry qui porte ce jugement (Récits Méroving., Introd., p. 92, 94, 100, 101); il s'étonne un peu que ces grandes extravagances, ces emphatiques niaiseries aient obtenu de l'Académie, en 1787, un concours pour l'éloge d'un tel auteur. Cependant il se reproche presque d'avoir eu le courage de dire tout cela; car, comme le déclarait un abbé Brizard, très-profond et très-inconnu lauréat de ce concours, les principes de Mably « ont été adoptés par tous ceux qui n'out « pas l'âme servile, les bons citoyens, tous les << Français qui aiment encore la patric. » M. Thierry pardonne donc volontiers la sottise de l'auteur en faveur de l'intention et du résultat. Il voit de la << puissance morale dans ces rêves qui infusèrent au « Tiers-État cet orgueil politique, cette conviction « de ses droits à une part du gouvernement... Ces « chimères historiques ont contribué à nous faire e devenir ce que nous sommes. » (Ibid., p. 96.)

Après cela, ce serait perdre le temps que de tenir compte davantage du livre ridicule de Mably. Il y eut un autre auteur, dont il faut bien parler une fois aussi puisqu'on le désigne comme un de ces génies pratiques, à qui revient « une grande part dans les << travaux les plus glorieux de l'Assemblée consti<< tuante. » (Introd., p. 135.) « Cet homme avait vu la puissance révolutionnaire s'égarant et se dé

<< pravant par la longueur de la lutte, tomber de
« classe en classe jusqu'à la plus nombreuse, la
<< moins éclairée et la plus violente dans ses pas-
<«<sions politiques. Il avait vu trois générations
a d'hommes de parti régner et périr l'une par l'au-
« tre; lui-même était arrêté comme ennemi de la
cause du peuple, et sa foi dans l'œuvre de 1789
« et dans l'avenir de la liberté n'était point dimi-
«< nuée. » (thid., p. 140.) En conséquence, Thouret,
c'est ainsi que se nommait ce génie pratique, com-
posa, pour son enfant, l'Abrégé des Révolutions de
l'ancien Gouvernement français (dernière édition
stéréotypée en 1820), c'est-à-dire une ignare rapso-
die tirée des deux ouvrages forcément joints de Du-
bos et de Mably, une mielleuse diatribe en varia-
tions monotones sur ce thème pindarique des muses
sans-culotides:

Et du boyau du dernier prêtre
Ferrer le cou du dernier roi.

Assurément rien n'est moins contraire à la décla
ration des droits de l'homme et aux chartes consti-
tutionnelles que de lire « avec une émotion triste
«et picuse, en se recueillant et en faisant abstrac-
«tion des absurdités historiques, ce testament de
« mort, ce témoignage d'adhésion inébranlable
« donné par lui à la révolution française, au pied
« de l'échafaud et sur le point d'y monter parce
« qu'elle le veut. » (Ibid., p. 141.) Mais les droits
du bon sens, antérieurs à ceux de l'homme, permet.
Lent aussi à quiconque ne veut pas faire abstraction
de ces extravagances et de ces absurdités, d'appré-
cier l'intention par les moyens, le principe par les
résultats, de demander si toutes ces niaiseries, en y
ajoutant inème les gracieux procédés des « âmes ou-
« vertes à l'enthousiasme des grandes vertus et du
« dévouement civique » (ibid., p. 91), comme en
1793, par exemple, peuvent venir du bien et con-
duire au bien. Ce serait la première fois que la sot-
tise aurait propagé la vérité, que la rapine et le
massacre auraient opéré le bonheur d'une nation.

Qui Bavium non odit, amet tua carmina, Mæși.
Aimoin, 4.23,

1

de leur père. Il faudrait dire aussi que [
le saint primat de Lyon, Priscus, dont
les gens avaient pris querelle avec ceux
du duc Leudégisile, et en avaient tué
beaucoup, pensait de même compenser
à prix d'argent tant de sang versé, et
la vie de tant d'hommes, si précieuse
aux yeux de la foi surtout, quand il of-
frit à ce duc, après la funeste rixe, une
somme considérable '. Il faudrait en
dire autant des évêques de Tours et de
Paris, dans les circonstances rapportées
plus haut; tandis que Ragnemode évi-
demment usa d'une prudence très-in-
dulgente, Grégoire d'une grande géné-
rosité, et Priscus d'une charitable pré-
venance pour empêcher de nouveaux
malheurs et rétablir la paix. La sen-
tence du plaid devait avoir le même
but. Les fils du meurtri avaient sans
doute reculé devant les risques nom-
breux d'une procédure qui les exposait
au combat judiciaire, et qui pouvait
leur coûter la vie, au lieu de venger
celle de leur père. Mais, s'il est juste de
demander la paix après l'avoir rompue,
s'il est noble de l'offrir ou d'y contri-
buer, par l'abandon d'un droit ou d'un
avantage personnel, c'est bassesse d'y
sacrifier le devoir et l'honneur. Quand
des héritiers refusent à la vindicte pu-
blique, qui l'attend d'eux, la pour-
suite d'un attentat certain, ou même
douteux, dont ils profitent, ils se ren-
dent suspects d'une sordide insouciance,
sinon même d'une complicité secrète.
Un soupçon d'un autre genre se présen-
tait encore, à l'époque dont il s'agit
ici; on avait à craindre que les héri-
tiers ne voulussent se ménager l'occa-
sion d'une vengeance plus violente, et
le plaid songeait peut-être moins en-
core, dans sa décision, à flétrir la ti-
midité honteuse des fils, qu'à empêcher
par la prescription, autant qu'il était
légalement possible, les représailles à
venir. Car ceux qui préféraient alors
vivre en paix, en refusant les périls de
la poursuite juridique, refusaient réel-
lement la garantie de la paix.

'Greg. Tur., 8-20: Cædes magna tunc inter famulos Prisci episcopi Lugdunensis et Leudegisili Ducis fuit. Priscus tamen episcopus ad coëmendam pacem multum pecuniæ obtulit.

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D'autre part, on aura certainement remarqué, dans les faits précédents, la conduite de Frédégonde et de Sigebert, L'acte de Frédégonde passait tout droit, comme toute raison : ce serait une atroce et stupide cruauté, même sous un gouvernement despotique, qui n'était pas, comme on sait, celui des Franks. L'acte de Sigebert est très-différent. Quoique ce prince eût son mérite, qui le met hors de comparaison avec tous les autres mérovingiens, je ne prétends pas louer sa rigueur envers Chramnisindus. Il semble n'avoir suivi que son ressentiment, ou celui de sa | femme, en refusant la grâce au suppliant. Cependant, il ne faisait pas moins justice, et ne sortait pas de son droit. Chramnisindus n'en doutait non plus que lui, ni personne; car on ne demande pas grâce à qui n'aurait pas droit de refuser. Ce n'était pas même pour avoir violé la paix depuis longtemps garantie, et pour avoir perdu en quelque sorte la protection de la loi, qu'il implorait la clémence souveraine : c'était parce qu'il avait tué un antrustion royal, et que, par ce fait seul, sa vie appartenait au roi, sans forme aucune de procès préalable. C'est-à-dire que le roi était au-dessus de la loi. Voilà de quoi choquer étrangement certains esprits; mais voyons la fin. Après la mort de Sigebert, le suppliant, impitoyablement proscrit, obtint la restitution de ses biens, sans que la loi eût aucun moyen de réserver à son tour le jugement du méfait. Il faut avouer que, si la loi paraît ici insuffisante contre le pouvoir, elle ne l'était pas moins contre la liberté. Je dis plus : quand une loi est assez peu sensée pour ratifier en fin de cause la mort d'un homme moyennant trois cents sous d'or, il y a nécessite que le pouvoir ait droit d'être plus exigeant.

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L'abus du pouvoir est un grand mal; l'abus de la liberté est un mal beaucoup plus grand, beaucoup plus difficile surtout à réformer, à réparer. Plus la législation est faible, plus elle a besoin que le pouvoir soit fort. Si la royauté mérovingienne eût été forte, bientôt, avec l'exercice soutenu de sa juridiction suprême, elle eût non-seulement mis un

frein aux discordes privées, mais elle eût encore corrigé la coutume, amélioré la loi, et par là même réglé sa propre juridiction. Loin donc que le pouvoir excédât alors, le grand dommage de cette époque fut qu'il devînt incapable, en s'affaiblissant, de suppléer à l'insuffisance de la loi. Loin de ramener au vrai le principe de la liberté individuelle, et de lui assigner ses justes limites, il en subit la coutume désordonnée; ce qui ne contribua pas peu à le rendre tout ensemble despostique et débile.

pecté plus que tous les autres l'honneur, les biens, la vie du prochain? En n'écoutant que leur colère ou leur cupi dité, ils ne faisaient qu'user des ayantages de leur position, comme ils voyaient chacun agir au-dessous d'eux. En confisquant, en proscrivant, ils se vengeaient simplement de leurs ennemis, ou ils en prévenaient les desseins, Ils ne devaient pas être plus restreints que le dernier des citoyens. Ainsi, la tyrannie la plus odieuse avait une cause dans le droit commun.

En même temps, ils en étaient domi nés. Lorsqu'ils se guerroyaient entre eux, et que les chances toujours variables des armes les portaient à conclure un traité, la base de ce traité était la composition. Chilpéric et Gontram, après plusieurs hostilités (582), prirent la resolution de négocier; leurs députés « firent la paix, sous promesse mutuelle que celle des deux parties qui avait passé les bornes de la justice compo ‹ serait envers l'autre, selon la décision « des prêtres ou des grands', › Aussi, une conférence de pacification entre des rois, et le traité même qu'on y stipulait, se nommaient un plaid, Les conséquences ne s'arrêtèrent pas là. Il y avait cette différence singulière entre les pacifications privées, que les simples citoyens recevaient la décision d'une juridiction compétente, d'une autorité

Il est trop vrai qu'une mauvaise coutume, une mauvaise législation surtout, faussent les idées et la conscience, Les passions prennent facilement le change, l'usage pour la raison, le droit acquis pour la justice. Nul plaid ne pouvait prononcer, en matière de délit privé, que selon la loi, selon le principe de liberté entière; la loi avait beau conserver dans les dénominations très différentes de wehrgeld et de widrigeld, la distinction essentielle de l'offense et du dommage, de Fattentat aux personnes et de l'attentat aux propriétés, cette distinction, toujours présente dans les termes, s'effaçait dans l'application. La différence du motif se perdait dans la similitude de l'effet; le sens du compromis, dans le signe, qui était toujours l'argent. Par une juste réaction de l'absurdité contre elle-me-publiquement reconnue, au lieu que les me, cette liberté, si fière et si jalouse, s'habituait à estimer la vie de l'homme comme une chose vulgaire, à voir dans la composition la compensation de tout, de l'injure, du dam, des affections, du désordre moral par l'argent. Ceci explique en partie la multitude des donations ecclésiastiques au 6° siècle, la facilité de tant de princes et de riches Barbares à donner des biens aux églises, comme à les usurper. Ils s'imaginaient souvent compenser leurs crimes par leur munificence, composer avec Dieu comme avec les hommes.

Dans cette habitude générale d'indépendance et d'intérêt propre, les princes se seraient-ils cru moins libres que leurs sujets? Comment eussent-ils res

princes se soumettaient à l'arbitrage de leurs sujets. Quand le pouvoir descend au niveau commun dans les actes, qui lui sont propres et qui demandent le plus l'indépendance, il n'ajoute rien à la dignité de ses subordonnés; il perd la sienne; il perd sa force et son action essentielle. C'est ce qu'on verra dans l'affaiblissement de la royauté et le progrès de l'aristocratie, qui rempliront la leçon suivante.

ÉDOUARD DUMONT.

Greg. Tur., 6-31: Concurrentibus legatis, pacem fecerunt, pollicentes alter alterutro, ut, quidquid sacerdotes vel seniores populi judicarent, pars parti componeret, quæ terminum legis excesserat. Ibid., 6-19.

COURS D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, PAR M. L'ABBÉ JAGER.

Cours de la Sorbonne.

415

COURS D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, DE M. L'ABBÉ JAGER,
RECUEILLI PAR M. L'ABBÉ MARCEL.

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Unité de gouvernement dans l'Eglise ;

Prouvée

-

Saint

par le phénomène de sa durée et de sa grandeur;
-Par la tradition écrite; - Par les faits: au 1er
siècle, acte d'autorité de saint Clément; - Au 2,
le pape Victor dans la question de la pâque;
Au 3, les Novatiens recourent à Rome;
Basilide rétabli par le
Cyprien contre Mareien;
pape Etienne; Paul de Samosate évincé de son
palais par Aurélien; Saint Denis d'Alexandrie
se justifie à Rome; Au 4o, éclat de la papauté
dès la conversion des empereurs ; Rang de l'é-
vêque de Rome au 1er concile général;
ration de ce concile.

-

Décla

Foule de monuments.

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Action universelle de la papauté; sa puissance
illimitée. — Témoignage des bérétiques :
Nestorius;
Ariens; Pélage; Acace;
Eutyches. Action de la papauté pendant les
çing premiers siècles. — Succession de 54 papes,
Lous saints. — Eminence et nature de leurs ver-

Lus. Objection tirée des mauvais papes, et ré
Grande leçon de la Providence, et ave-

ponse.

nir de l'Eglise. - Papes considérés comme doc

-

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Fondation des églileurs et comme pasteurs. ses. Invasion des Barbares. Formation des nouveaux peuples. — Conservation de la pureté de la foi. - Inutiles efforts des hérétiques pour Indéfectibilité de ce occoper le saint-siége. Leur siége. - Vigilance continuelle des papes. Politesse et bon pénétration extraordinaire. ton de leurs écrits. Nombre et profondeur de

ces écrits. — Résumé des services rendus à la civilisation par la papauté. Les peuples n'ont qu'à espérer. Les souverains n'ont rien à craindre. Miracle de la perpétuité de la papauté.

Messieurs, dans l'étude que nous avons faite ensemble, l'été dernier, de l'origine et des progrès du schisme d'Orient, vous avez vu la papauté soutenir une longue et difficile lutte contre toutes les erreurs et tous les désordres. Avant de continuer la route dans laquelle nous sommes entrés, je veux aujourd'hui porter un regard rétrospectif

sur toute la succession de ces grands et vénérables pontifes, et ramasser, dans un tableau synoptique, les traits épars de génie et de vertu que nous avons çà et là rencontrés en eux dans l'intervalle des cinq premiers siècles. Je ne crains pas d'être accusé de partialité ou de prévention en leur décernant aujourd'hui un solennel hommage d'admiration. Assez, et trop souvent, dans ma marche historique, j'ai trouvé l'occasion de témoigner dans un autre sens la droiture et la sincérité de mes jugements. Si vous avez été étonnés quelquefois de la rigoureuse justice avec laquelle je flétrissais le vice et l'ambition, jusque sous les insignes des plus hautes dignités; si vous m'avez vu signaler les défauts et les taches qui se trouvaient dans les plus nobles caractères, dans les personnages les plus recommandables, et jusque dans les saints, aujourd'hui vous ne serez pas surpris de me voir, avec plus de bonheur et non moins de franchise et de réflexion, dispenser l'éloge et célébrer la vertu.

Dire, comme on l'a fait, que, pendant les premiers siècles, l'Église n'a pas eu de chef, c'est là une assertion qui m'étonne et me confond; qui est de nature à soulever le plus simple, le plus grossier bon sens, et à laquelle, en vérité, je ne puis répondre qu'en disant qu'un vaisseau sans pilote, une flotte sans amiral, une armée sans général, une répu blique sans chef, une société quelconque sans un directeur chargé d'appliquer et de conserver les principes constitutifs de cette société, courent droit à leur ruine, ou plutôt que c'est une monstruosité, une absurdité qui n'a jamais monté dans une tête d'homme. Que l'Église, aux premiers siècles surtout, où tous les principes étaient à développer, tous les

établissements à former, toutes les er- | reurs combattre, tous les prédicateurs a diriger, toutes les opinions populaires ou philosophiques à ruiner, toutes les passions, toutes les habitudes, tous les intérêts à renverser, tous les dangers à braver, enfin tout le monde à refaire; que l'Église, dans une telle situation, se fût trouvée sans chef, elle n'eût pas subsisté dix ans, à moins qu'on ne veuille, contrairement à la marche universelle de la Providence, multiplier les prodiges, supposer gratuitement une accumulation inutile, une superfétation ridicule et monstrueuse de miracles. Fonder une société destinée à traverser tous les obstacles humains et à remplir le monde, et ne pas poser un chef avant tout, c'eût été une inconcevable folie. Soyons raisonnables seulement, et, en voyant la société chrétienne naître avec éclat, grandir avec rapidité, triompher de tous les obstacles, nous dirons je n'ai pas besoin de dérouler les annales ni de consulter les traditions, pour prononcer que cette société, non-seulement a un chef, mais qu'elle est admirablement et vigoureusement gouvernée. 11 ne faut certes pas un grand effort de logique pour reconnaître qu'il y a un moteur, là où il y a du mouvement; qu'il n'y a qu'un principe, là où règne l'unité ; qu'il y a un chef, une direction centrale, là où tout s'accomplit dans une parfaite harmonie.

La primitive Église nous a laissé peu d'écrits: c'est tout simple: dans ces temps héroïques, on écrivait peu et l'on agissait beaucoup. La plupart des écrits ont ensuite disparu dans les ruines journalières que faisait la persécution; mais dans ceux qui ont échappé, partout nous voyons constatée ou proclamée la primauté de saint Pierre. Tous les Pères ont d'accord pour reconnaitre sa suprématie, et, suivant l'expression de Bossuet, ils exaltent comme à l'envi la principauté de son siége. Écoutez-les Rome est la mère de toutes les Églises; elle est leur racine, elle est la chaire principale suivant laquelle il faut régler la foi et la discipline; l'évêque de Rome est le chef de l'épiscopat, le centre d'unité, la source du sa

|

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Les faits manquent-ils? vous allez voir. Dans le 1er siècle, un schisme éclate à Corinthe, et plusieurs prêtres sont déposés par des laïques. Fatigués de ces désordres, les fidèles recourent à Rome. Le pape Clément, troisième successeur de saint Pierre, dans une lettre qui nous a été conservée, leur fait de vifs reproches, les exhorte à éteindre le schismè, et, s'adressant ensuite aux auteurs du schisme, il leur enjoint impérativement de faire pénitence.

Au 2° siècle s'élève la difficulté relative au jour de la célébration de la Pâque; et à ce sujet, le pape Victor menace de retrancher de la communion tous les évêques d'Asie. Saint Irénée l'en détourne: il implore sa charité, mais il ne conteste pas son droit; il le reconnait même expressément.

Au 3 siècle, les Novatiens recourent à Rome pour faire confirmer leurs doctrines et pour se faire absoudre des censures dont ils avaient été frappés en Afrique. Dans le même siècle, un évêque d'Arles, nommé Marcien, se rend coupable de la mème hérésie. Saint Cyprien exhorte le pape à procéder contre lui, à le déposer et à le retrancher de la communion de l'Église. Vers le même temps, Basilide, évêque de Léon en Espagne, déposé'dans un concile provincial pour plusieurs crimes, a recours au pape Étienne; il le trompe, et se fait rétablir par lui dans sa dignité. Un peu après, mais dans le même siècle, Paul de Samosate, patriarche d'Antioche, prêche l'hérésie dans sa ville épiscopale; il est protégé par Zénobie, reine de Palmyre; trois papes travaillent consécutivement à cette affaire, qui se termine sous le pontificat de Félix Ier, en 272. Le patriarche est déposé, mais il refuse de céder à Domnus le palais épiscopal. L'empereur Aurélien, traversant Antioche, tranche la question en décidant, lui, témoin irréprochable de l'autorité universellement reconnue, que

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