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Anti-tchéou, dont on aperçoit bientôt au loin, flanquée de douze tours carrées, l'énorme enceinte crénelée, entourée de quelques groupes d'arbres.

Le 10 mars 1920, vers neuf heures et demie, nous entrions donc en cette cité jadis importante, aujourd'hui réduite à 4 ou 500 habitants, ville qui peu à peu s'ensable, se dessèche, meurt et ne comptera bientôt plus que des ruines.

Durant les onze jours de notre traversée du désert, nous n'avions rencontré ni une caravane ni un seul voyageur, nous nous sentions heureux d'échapper à la tristesse obsédante des paysages désolés du Turkestan chinois et du Grand Gobi; mais avant d'atteindre le Fleuve Jaune, nous avions encore à marcher pendant près d'un mois, au travers d'une région souvent tout aussi difficile et pas beaucoup plus habitée.

Capitaine de KERANGAT.

Une reconnaissance

au Sahara occidental

1.

Avant-Propos.

Un détachement, composé d'éléments des pelotons méharistes de l'Adrar (Mauritanie), quittait Rallaouia, le 5 décembre 1920, effectuait la jonction prévue avec les méharistes du Sud-Algérien (Cies du Touat et de la Saoura), à El Mzéreb (Hank), le 25 décembre et ralliait l'Adrar à Aouchich, le 10 janvier 1921, après avoir reconnu le Hank, l'Iguidi méridional, le Karet et les pentes septentrionales de la Maqteir, parcourant ainsi près de 1700 kilomètres en région inexplorée 1.

Le Sahara Occidental est l'une des parties les plus mal connues du grand désert. Au cours du siècle précédent quelques explorateurs s'y sont aventurés, mais les renseignements géographiques qu'ils ont recueillis, dans les pires conditions. matérielles et morales, sont forcément très imprécis.

Le Français René Caillé, en 1828, va de Tombouctou au Maroc. L'Anglais Davidson, en 1835, reconnaît l'iguidi. Le mulâtre Panet, en 1850, traverse la région de Zemmour. Le capitaine Vincent, en 1860, pénètre en Adrar. Le Sénégalais Bou El Mogdad, en 1861, longe la côte du Rio de Oro. L'Autrichien Lenz, en 1880, suit en sens inverse l'itinéraire de René Caillé. Enfin Douls, en 1887, paraît avoir atteint le Rallaman.

1. Le détachement de reconnaissance de la Mauritanie comprenait le chef de bataillon Lauzanne, le lieutenant Thoine, l'adjudant-chef Cabanis, les sergents Badaut et Pierson, 56 tirailleurs, 25 gardes méharistes, 30 auxiliaires. Ce sont les cadres du deuxième peloton méhariste de l'Adrar qui ont assumé la tâche essentielle et pénible de la préparation de cette reconnaissance.

LA GEOGRAPHIE. T. XXXVI, 1921.

Lui seul osa s'écarter des pistes des caravanes; il pénétra le plus profondément dans la zone désertique qui nous intéresse.

La création des compagnies sahariennes du Sud-Oranais et des pelotons méharistes de Mauritanie permit d'asseoir notre domination sur les palmeraies qui bordent le désert et de pousser des reconnaissances dans la région inconnue soumise à notre influence.

Successivement, les Compagnies sahariennes explorent le Menakeb, l'Iguidi septentrional, l'erg Ech Chache; elles effectuent la jonction avec les méharistes de Tombouctou par Taodeni, atteignent Oglet Yakoub dans l'Iguidi moyen et Ichig à la pointe Nord du Hank.

Les méharistes de l'Adrar, sous le commandement du lieutenant-colonel Mouret, visitent Smara, sur la Seguiet el Hamra, en 1913. Enfin, en 1919, le lieutenant Bernard conduit son peloton jusqu'à Bir Zregat, non loin de l'extrémité Sud du Hank.

Tels sont les points extrêmes sur lesquels nous possédions des renseignements certains.

Même en Adrar, en dehors des pistes qui conduisent à la Seguiet El Hamra et vers l'Oued Draa, le désert limitrophe était inconnu. Quelques chasseurs Nemadi, sur les traces des autruches et des grandes antilopes, avaient parcouru les dunes d'Aboiliga, buvant à Birzregat et à El Mjébiré; l'un d'entre eux put nous conduire jusqu'à Bir Amrane, qu'il n'avait pas vu depuis quinze ans. Personne en Adrar n'avait aperçu le Hank.

Cette région n'est cependant pas inhabitable; elle est visitée par de nombreux nomades. C'est par excellence le terrain de parcours des Regueibat.

Dans le vaste hinterland qui sépare la Mauritanie du Maroc et de l'Algérie, les Regueibat occupent vis-à-vis de l'administration française une situation particulière et, en quelque sorte, privilégiée. Tribu puissante par le nombre de ses troupeaux, sa mobilité, son goût d'aventure, elle vit en marge de l'Adrar, prête à se replier à la première alerte dans les vastes solitudes désertiques où nous ne saurions l'atteindre.

Cette invulnérabilité relative rendrait les Regueibat redoutables s'ils ne subissaient l'attraction périodique de l'Adrar, de ses palmeraies, de ses pâturages, de ses marchés. Qu'ils payent

tribut comme ceux qui gravitent autour d'Ould Khalil, leur chef le plus influent, ou qu'ils n'aient pas encore fait acte de soumission, comme les Lgouassem, ils prétendent conserver leur liberté d'action à l'égard des colonies voisines, mais ils ne veulent pas rompre avec la Mauritanie. Cet équilibre se maintiendra aussi longtemps que, dans la balance de leurs intérêts, les Regueibat ne pencheront ni vers la dissidence, ni vers la soumission; c'est-à-dire aussi longtemps que les routes du Sud leur resteront ouvertes et que les terrains de parcours du Nord ne leur seront pas interdits.

Dans l'état de notre occupation saharienne, avec les moyens. dont nous disposons, on ne peut songer à réduire les Regueibat. Une politique prudente et avisée, inlassablement poursuivie par le gouverneur Gaden, lieutenant-gouverneur de la Mauritanie, nous permet du moins de les assimiler. Au contact. même de ces pillards impénitents, la Mauritanie jouit d'une tranquillité absolue. Soumis et insoumis sont en relation constante avec Atar et ils poussent jusqu'à Saint-Louis leurs caravanes pacifiques.

Non seulement ils n'ont pas inquiété notre reconnaissance, mais ils nous ont fourni d'excellents guides, qui ont eu quelque mérite à nous montrer les points d'eau d'où partent leurs razzis, à nous faire visiter leurs terrains de parcours qu'ils croyaient inviolables et qui portent encore l'empreinte fraîche de leurs campements.

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La région saharienne reconnue comprend la plus grande partie des terrains de parcours des Regueibat.

Elle forme trois zones distinctes: une zone rocheuse, mouvementée, le Hank et ses dérivés, Carb en Naga, Mdenné, Tourist, un rag plat, le Karet, où viennent s'étaler les dernières vagues dunaires de l'Iguidi et que termine au sud la dépression du Rhat, un massif sablonneux, la Maqteir.

Les formes et la constitution de ces terrains ont déterminé le ruissellement superficiel et souterrain des eaux, qui régit lui-même les pâturages et les conditions mêmes de la vie nomade. La falaise accidentée recueille l'eau au fond de ses

oueds, dans ses gueltas, dans ses oglats, dont plusieurs sont permanents; mais ses pentes sont stériles. Elle est hospitalière à l'homme, aux chevaux, aux chèvres; elle ne convient pas aux chameaux. Le rag du Karet se couvre de pâturages après l'hivernage, mais la pluie n'y séjourne pas. Enfin la dune, qui retient l'eau et ensevelit les semences, est le terrain d'élection du nomade.

Le Hank n'est qu'un élément d'une succession de falaises parallèles orientées nord-est-sud-ouest, dont le rebord oriental s'abaisse en pente douce jusqu'au pied de la falaise suivante. Ce sont, de l'est vers l'ouest, le Carb En Naga, le Mdenné, le Hank, et enfin le Touiriste, qui n'est plus que l'avant-plateau déchiqueté du massif.

Par son origine, qui paraît tectonique, la nature de ses roches gréseuses et schisteuses, la région est très comparable au plateau de l'Adrar, mais avec un relief plus adouci; il ne dépasse guère 60 mètres aux abords de Khaouinaam. La forme des dislocations est toutefois particulière c'est une succession. très régulière d'échancrures ensablées et d'éperons rocheux, que les Regueibat appellent des « carb ».

Les oueds, où survit une maigre végétation arbustive, forment des bassins fermés dont le fond est marqué par des sebkhas. Là se déposent les produits de la lixiviation des roches et particulièrement le natron (carbonate de soude hydraté), qui recouvre des étendues considérables et communique à l'eau du Hank la saveur désagréable qui la caractérisé. Près d'une de ces sebkhas, à El Moilhen, en creusant les trous de tirailleurs, nous avons mis à nu, sous un manteau de gypse, une couche de sel gemme d'excellente qualité.

Les points d'eau, généralement décelés par la masse sombre des tarfas (tamariniers) sont nombreux à proximité de ces bas-fonds. Ils ne sont pas tous utilisés; les Regueibat aménagent ceux qui leur sont indispensables, au hasard des pâturages de la saison.

Le Karet est une pénéplaine, recouverte d'une pellicule de sable, d'où émergent quelques roches granitiques. Il est symétrique du Yetti par rapport à l'Iguidi. Là encore nous retrouvons des formations presque identiques à celles de l'Adrar. L'Amsaga et le Tijirit, aux dômes granitiques, barrés par les dunes de l'Azeffal et de l'Akchar s'apparentent directement au

LA GEOGRAPHIE.

T. XXXVI, 1921.

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