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Fidèles au dessein que le Seigneur leur trace,
Les hirondelles font la chasse

A ce peuple fécond par les airs enfanté :
Atômes infinis, vivantes myriades

Des insectes, tribus nomades,

Qui, buvant les poisons dont l'air est infecté,
D'homicides vapeurs délivrent l'atmosphère;
Mais dont l'essaim sans nombre inonderait la terre,
Si les Nemrod de l'air, messagers dévorants,
De ces envahisseurs n'éclaircissaient les rangs.

A l'horizon vermeil, quand rayonnait l'aurore,
La nichée, orchestre sonore,
Entonnait ses mille chansons,
Et mes hôtes, sous la feuillée,
Secouaient leur aîle mouillée

Sur le vert manteau des buissons.

Eveillé par leurs cris, un peu trop tôt peut-être,

Moi, sans plainte et sans bruit j'entr'ouvrais ma fenêtre,
Je les suivais des yeux et j'écoutais leurs chants....
Et ma main leur jetait, à l'heure accoutumée,
Quelques miettes de pain, épave parfumée

De mon frugal repas des champs.

Mais, quand le souffle de l'automne,
Secouant la pâle couronne

Des arbres par le temps jaunis,
Expose aux fureurs de l'orage,
Avec les débris du feuillage,
Le mobile édredon des nids,

Ces oiseaux printaniers, de nos champs Atrébates
Craignant le froid et les frimas,

Et rêvant de plus doux climats

Songent à transporter leurs mobiles pénates
Dans le royaume du soleil.

On se rassemble, on tient conseil :
On cherche dans le vent, le froid et les nuages,
Sombres précurseurs de l'hiver,
L'heure propice aux grands voyages,

Où s'embarque à la fois sur l'océan de l'air
La flottille des hirondelles.

Heureux de voir des cieux et des terres nouvelles, Du peuple voyageur les enfants nouveaux-nés Désirent apprendre à l'avance

Quel sort, quels destins fortunés,

Quel pays ils verront au sortir de la France,
Et sous quel climat enchanteur

Ils vont retrouver l'abondance

Et le soleil et le bonheur.

Hélas! chez les oiseaux, ainsi que chez les hommes, Avides du nouveau, voilà ce que nous sommes !

- Or, du chapitre aîlé les doyens réunis
Sur le faite des toits et sur le bord des nids,
Racontaient bruyamment à la foule attentive
Les merveilleux printemps de la lointaine rive,
Les climats et les mœurs des pays étrangers,
Mais aussi (la vieillesse est sage)!
Les fatigues et les dangers

D'un si lointain pélérinage !

L'une a posé sa tente au pied du Vatican,

Sous les arches du Capitole,

Près du golfe où Venise amarre sa gondole,
Dans les flancs du Vésuve où mugit le volcan.

Une autre a visité le pays des Hellènes,

Suspendu ses foyers à des débris sans nom,
Ossements dispersés de Sparte ou de Mycènes,
Et rempli de ses chants l'écho du Parthenon!

« Moi, j'ai vu l'Orient, disait l'une d'entr'elles,
» J'ai vu Stamboul; les Dardanelles,
» Ses Thermes, son harem, mystérieux bercail:
» Ivre de liberté, j'ai secoué mes ailes

» Sur les captives du sérail..

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J'ai parcouru la Palestine,

» J'ai vu le mont Thabor où le Sauveur monta,

» Le Jourdain dont Jésus sanctifia les rives : J'ai vu le jardin des Olives,

> Et le gibet du Golgotha. »

Le hasard m'a poussé vers le Céleste Empire, » Dit une autre, à ce nom, ô mes sœurs, je frémis; > Terre où l'homme nous hait et contre nous conspire! » Dans ses barbares appétits,

> Foulant les lois de la nature,

Il jette à des pourceaux ses enfants en pâture,

» Et pille pour sa nourriture

› Nos maisons... avec nos petits.

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- A ces mots, dans les rangs de la peuplade ailée,
Courut un murmure d'horreur :

Je crois que si pour lors le céleste Empereur
Eût paru devant l'assemblée,

On vous l'eût accueilli d'un salut peu flatteur !
Bref, à suivre en son vol la troupe vagabonde,
L'auditeur, sans se déranger,

Et sans fatigues ni danger,

Eût accompli le tour du monde.

Les jeunes oisillons écoutant ces récits,

De leurs plaisirs futurs caressaient l'espérance,
Et loin du bord natal, loin de leurs premiers nids,
Sur l'aîle du désir s'envolaient à l'avance.

Impassible témoin de ces bruyants ébats,
Dans le fond de son nid ma voisine muette,
Clignant des yeux, branlant la tête,
Ecoutait leurs discours et ne s'y mêlait pas.

Du peuple aérien c'était le patriarche :
Sa race inépuisable, en héros glorieux,
Remontait d'aïeux en aïeux

Jusqu'à l'hirondelle de l'arche.
Il n'était sillon dans les airs

Que n'eût creusé cent fois son vol cosmopolite:
Enfin elle eût tracé le plan de l'univers

Avec ses cieux, ses mœurs et ses produits divers.....
Comme un géographe émérite.

Mais l'âge sous son joug pesant
Enchaîna son aîle rapide,

Et cet ardent chasseur, dont le bec homicide,
Poursuivait sans repos l'insecte malfaisant,
Impuissant aujourd'hui, reçoit sa subsistance
De la pitié de ses neveux,

Attendant que la mort vienne, au gré de ses vœux,
Terminer sa triste existence.

Elle dit:

Quand vint l'heure du grand départ,

Mes amis, mettez-vous en voyage; Des froids qui vont sévir redoutez le passage: Allons, aujourd'hui même il faut plier bagage, >> Car demain il serait trop tard. › Je compte sur la Providence.

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Seule, à tous mes besoins, un autre pourvoîra ;

> Je garderai vos nids pendant les mois d'absence,

Et le printemps venu.... l'on se retrouvera. » Les enfants s'écriaient: Partir sans vous, grand'mère !

. Y songez-vous? Non! non! C'est une chose amère,

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» Chers petits, mais, enfin, il le faut... cette fois.
Chez les oiseaux soumis à la règle divine,
Quand la mère a parlé, tout se tait, tout s'incline
La famille, à regret, obéit à sa voix.....

A peine dans les cieux l'aube commence à naître,
J'entends autour de ma fenêtre

Un bruit d'aîles et de chansons :
On s'organise, on se rassemble,
Mille oiseaux s'élèvent ensemble
Des murs, des toits et des buissons.
Tel, lorsque retentit la diane guerrière,
Un camp se réunit autour de sa bannière.
On voltige de toits en toits,

On veut voir encore une fois

Ce nid, retraite printanière !

On désigne des chefs pour guider dans les airs
Les fugitives caravanes.

Ainsi les émigrants, sur le bord des savanes,
Demandent aux sachems le chemin des déserts.
Enfin un cri résonne, et l'immense famille,
D'un unanime essor, s'élance et s'éparpille
Dans les champs de l'immensité.

Longtemps des bruits discords éclatent dans la nue,
Le noir essaim décroît, la clameur diminue,
Et les oiseaux, partis pour la rive inconnue,
Laissent les nids déserts sous le toit attristé !

Je vis l'hirondelle captive

D

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