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SÉANCE PUBLIQUE DE L'ACADÉMIE D'ARRAS

du 23 Août 1866.

DISCOURS D'OUVERTURE

Par M. LAROCHE,

Président.

MONSIEUR LE PRÉFET, MESDAMES, MESSIEURS,

Nous avions espéré, dans votre intérêt et dans le nôtre, que vous auriez entendu une parole plus digne procéder à l'ouverture de cette séance. Notre mandat était expiré et nous sentions, de plus en plus, que la charge était au-dessus de nos forces; l'honneur, au-delà de nos services. Néanmoins, nos collègues ont voulu nous appeler de nouveau à la Présidence, et avec une telle bienveillance, qu'elle excluait, de notre part, la possibilité d'un refus. Nous ne nous sommes point dis

simulé, d'ailleurs, que le Président ne jouait, en cette circonstance, qu'un rôle secondaire; que la signification du vote s'appliquait au bureau tout entier, dont la réélection intégrale eut lieu, pour ainsi dire, à l'unanimité. Témoignage de confiance que, tous, nous avons mis à si haut prix, comme récompense de notre union par le passé, et comme encouragement, pour l'avenir, à persévérer dans notre commun dévouement aux intérêts de l'Académie.

Aucun objet relatif à ces intérêts ne nous touche de plus près que le personnel même de la Compagnie et, sous ce rapport, l'année 1866 nous laissera de longs et pénibles regrets.

Qui de nous, d'abord, pourrait oublier la juste fierté avec laquelle nous vîmes, plus d'une fois, s'associer à nos solennités, siéger à notre bureau, le Prélat illustre, qui avait agréé le titre d'Académicien honoraire et qui s'était élevé par la hauteur du talent, par la grandeur du caractère, aux premiers rangs de l'Episcopat français ?

Nos regrets d'une telle perte ne peuvent, toutefois, être détachés d'un souvenir qui les adoucit.

Vous vous rappelez, comme nous, que Mgr Parisis, en se rendant à nos séances, se faisait accompagner, de préférence, par celui de ses vicaires-généraux que les acclamations spontanées du peuple et les suffrages réfléchis du Clergé devaient désigner, plus tard, comme le plus digne de lui succéder, au choix de l'Empereur et à la préconisation du Souverain-Pontife.

Appelée antérieurement à Boulogne pour présider à une imposante solennité, Sa Grandeur a bien voulu nous exprimer ses regrets, de ne pouvoir, comme elle en eût

eu l'intention, venir s'asseoir, dès aujourd'hui, à la place précédemment réservée à celui dont Monseigneur a toujours partagé l'amour pour l'étude, les lettres, les sciences et les arts.....

Nous nous félicitions naguère de ce que les mêmes goûts pour tout ce qui charme l'esprit et élève l'âme, distinguaient également le premier fonctionnaire du département. Nous ne serons que juste en citant, comme un à propos, ce que nous lisions naguère dans la Revue des Sociétés savantes : « Nous ne sommes plus au temps où >> les personnages placés aux premiers rangs de la hié>> rarchie administrative considéraient le domaine des » lettres, comme bon, tout au plus, à employer des loi» sirs.... Souverain et ministres ont donné au mouve»ment scientifique et littéraire, une impulsion qui se » révèle dans toutes les provinces. Les administrateurs qui aiment la littérature peuvent, en satisfaisant leur » goût, favoriser puissamment le progrès des études au» tour d'eux. (DE BARTHELEMY). »

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Nous remercions donc notre Préfet, lui aussi, de s'être dérobé momentanément à l'exercice de ses hautes fonctions pour témoigner, par sa présence à cette séance, de l'intérêt qu'il porte à nos travaux, et qui nous garantit l'appui qu'il nous a spontanément promis de si bonne. grâce, dès le jour de son installation.

Vous nous reprocheriez de ne point nous arrêter encore un instant pour payer aux autorités des divers ordres qui entourent l'Académie de leur sympathie, le tribut de sa gratitude; avant de revenir sur nos pas pour continuer à acquitter notre dette envers les collègues qui se sont séparés de nous.

Il en est un, dont la tombe s'est refermée dans une ville voisine, sans que nous ayons pu lui adresser un dernier adieu; nous rappellerons du moins, ici, brièvement, sa mémoire. Il s'est vu, hélas! enlevé, presque subitement, à la tendresse de ses cinq filles, devenues orphelines au moment, où, nommé Conseiller, à Douai, il paraissait sur le point de jouir d'un repos relatif, auquel il avait acquis d'incontestables droits, par son constant dévouement à ses devoirs, dans ses fonctions de Président du Tribunal de St-Pol.

Fils d'un Président à la Cour de Douai, qui avait appartenu à l'ancienne Académie d'Arras, M. Guillaume Lenglet, né avec le siècle, avait suivi, comme son père et l'un de ses frères, la carrière de la Magistrature. Nommé, en 1830, Substitut du Procureur du Roi, à Arras, il y fut promptement apprécié. L'année suivante, il était élu membre résidant de l'Académie, dont il resta, de plein droit, membre honoraire, lorsqu'il quitta la ville pour devenir chef du Parquet près le Tribunal de St-Pol. Dans ces nouvelles fonctions, il ne cessa de donner des preuves d'un esprit ferme autant que conciliant. On ne vit plus, dès-lors, renaître ces conflits, ces luttes intestines et publiques qui s'étaient succédé trop long-temps, avec une acrimonie croissante, au point d'éveiller l'attention de la Cour de Douai et de nécessiter son intervention pour rappeler les Officiers ministériels au respect dù au Président. 1848 survint; par une mesure arbitraire, extra-légale, révolutionnaire, on fit descendre violemment ce Président inamovible, de son siège. A peu près au même moment, M. Lenglet avait été élevé à la Présidence du Tribunal de Douai,

mais il refusa cet avancement mérité, par un sentiment. de délicatesse et de déférence. Il savait effectivement que ce poste était vivement désiré par un ami, auquel il le céda généreusement. De plus, il ne voulut point se montrer insensible aux vœux manifestés par la population entière, pour qu'il ne quittât point la ville. Il ne s'agissait pas seulement de remplacer le Président déchu, mais de se laisser conférer la plus haute preuve d'estime que pût recevoir un citoyen, de ses concitoyens. On recherchait alors les amis d'une sage liberté, pour les opposer aux fauteurs de l'anarchie, et l'on proposait à M. Lenglet de l'inscrire, au nom de l'arrondissement de St-Pol, sur la liste des représentants du département du Pas-de-Calais. Il accepta donc et la présidence et la candidature. Au scrutin, il obtint un nombre imposant, mais insuffisant de suffrages et ne fut point élu.......... Cet insuccès, plus heureux que regrettable à ses yeux, lui évita un véritable sacrifice, en lui permettant de continuer à partager sa vie entre le tribunal et sa famille.

Infatigable travailleur, exact jusqu'au scrupule, et, avant tout, magistrat intègre, M. Lenglet adoucissait, par l'aménité des formes, l'austérité qu'exige parfois l'application de la loi. Malgré sa réserve et sa modestie, ses services parlaient trop haut pour être méconnus. Ils furent, en 1862, récompensés par la croix de la légion-d'honneur. Ce fut pour lui l'occasion d'une seconde récompense plus douce et plus glorieuse encore, qu'il rencontra dans les manifestations cordiales, dans les félicitations unanimes de ses justiciables, sans distinction de rangs et de conditions. Ils acquittaient une

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