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>> deux mondes en présence, deux sociétés distinctes : » l'une, telle que le Christianisme l'avait façonnée et » vivant de ses croyances; l'autre, qui commence une » ère nouvelle, vivant du pain terrestre et assez peu » soucieuse des destinées futures de l'humanité. La pre» mière, toute imprégnée de poésie et de grandeur, a » laissé pour trace de son passage dans les siècles mille » œuvres écrites sublimes, mille pages de pierre non » moins admirables; la seconde, froide, incolore, ten»dant à se faire matière, que laissera-t-elle? Nos ar>> rières-neveux le diront.... »

Nous ne céderons pas, Messieurs, aux pensées de découragement momentané que M. Harbaville exprimait avec une éloquente tristesse. Les deux sociétés que personnifiait à ses yeux l'abbaye en ruine et l'usine prospère ne sont pas naturellement ennemies. Comment le Christianisme, qui a créé dans l'ordre moral et intellectuel la civilisation moderne, serait-il hostile aux conquêtes pacifiques que nous faisons sur la nature? N'estce pas lui qui a sanctifié le travail, et donné à l'artisan des lettres de noblesse? Notre siècle, de son côté, est moins absorbé qu'on ne serait tenté de le croire dans. ces jouissances matérielles qui ont précipité tant d'empires vers la décadence. Les merveilles créées par l'industrie ne nous aveuglent pas au point de nous faire oublier que les sociétés ne vivent pas seulement de pain, et que l'âme, aussi bien que le corps, a besoin d'aliments. Aujourd'hui comme au moyen-âge, nous savons puiser aux sources intarissables du Christianisme la foi qui fortific, l'espérance qui encourage, la charité qui console et qui unit.

RÉPONSE

AU

DISCOURS DE RÉCEPTION DE M. PARIS

Par M. LAROCHE,

Président,

MONSIEUR,

Nous concevons aisément que vous ayez pu hésiter, pour la solution du problème que vous vous étiez posé, en recherchant à quel titre spécial vous deviez votre admission dans le sein de la Compagnie. Cette hésitation s'explique, non par la pénurie, mais par la surabondance de vos titres, et cependant vous voulez nous laisser le soin de résoudre la question. Mais comment y réussir? les bulletins ne sont point motivés, le scrutin reste muet, et nul n'a le droit d'interprêter son silence. Néanmoins, et puisque vous nous soumettez vos hypo

thèses, nous ne refusons pas de vous suivre sur ce terrain et d'apprécier leur valeur, avec vous.

En premier lieu, il ne nous paraît pas plus improbable, qu'à vous, que l'Académie qui, selon votre expression, a toujours vécu dans une sorte de confraternité avec le Barreau, ait désiré s'agréger un membre de l'ordre, de plus.

Il nous semble également naturel qu'un certain nombre de suffrages ait voulu, comme vous le supposez, encourager le goût des lettres attesté, chez vous, moins. encore par la Licence obtenue dans une Faculté, et par le Doctorat conquis dans une autre, que par les études littéraires que vous n'avez cessé de faire marcher de front, à l'aide de la plume et de la parole, avec les travaux du jurisconsulte, les mémoires et les plaidoiries de l'avocat.

Heureux sans doute qui peut se présenter au concours, avec de si favorables précédents! Nous ne serions point surpris, toutefois, que la majorité des votants ne se fût réunie principalement en faveur de l'auteur d'un ouvrage, sur lequel vous glissez rapidement, semblant méconnaître le poids qu'il a dù jeter dans la balance de l'élection. Ce serait là une illusion de modestie, de laquelle nous appellerions de vous-même à vous-même. et nous aurions bientôt votre aveu, selon l'adage du droit, le confitentem reum; si nous ne le reconnaissions déjà implicitement.

Les prédilections naturelles, paternelles surtout, se trahissent toujours il suffit de toucher la corde sensible. N'est-ce point ce qui vous est arrivé, lorsque vous eûtes le bon goût de décerner un tribut d'éloges à la mémoire

de votre prédécesseur : il s'agissait d'une vie si bien remplie, d'œuvres si diverses, de mérites si variés, que l'étendue d'une séance entière n'eût pas suffi à l'esquisse du tableau, si l'on cût entrepris d'apprécier, successivement, le poète, le prosateur, l'archéologue, l'historien, l'administrateur, le magistrat, le membre actif des sociétés littéraires, comme des sociétés d'agriculture.... Il y avait donc nécessité de choisir, entre tant de titres, au milieu de fonctions si multiples, de restreindre votre point de vue dans les limites étroites de la portion de séance qui vous était répartie. Pour un autre, le choix eût été difficile ; pour vous, il fut bientôt fait, l'histoire locale avait droit à vos préférences, et vous reconnaissiez ainsi forcément la part prépondérante qu'avait dù avoir, dans votre élection, votre propre ouvrage sur l'histoire locale.

En vous entendant exposer les principes qui doivent, en cette matière, diriger l'écrivain, et que vous félicitiez M. Harbaville d'avoir suivis, nous étions frappé de la fidélité avec laquelle vous aviez, vous-même, appliqué vos théories à votre ceuvre.

Vous n'avez point borné, aux archives déparmentales et impériales, vos patientes recherches des documents originaux qui devaient receler et vous révéler la vérité; mais, quand elle ne vous apparaissait point encore claire, évidente, vous l'avez poursuivie, avec une persévérance sans exemple avant vous, jusque dans les registres des greffes criminels et les écrous des prisons.

Vous n'avez eu, pour mobile, dans ces pénibles investigations, ni la satisfaction d'une inquiète curiosité, ni seulement le désir de déchirer le voile que le laps des

temps et la malice des hommes avaient épaissi sur des faits déjà si loin de nous.... La sincérité est l'une des qualités de l'historien, elle n'est ni la plus rare, ni la plus haute... il ne lui suffit pas d'attacher l'esprit par l'intérêt du sujet; de le retenir par l'agrément du récit, par l'élégance et l'originalité du style; il importe surtout qu'il s'étudie à élever, à ennoblir le cœur. L'amour de la justice est le premier de ses devoirs; il doit, vous nous l'avez dit, remplir le ministère du magistrat. Tenant la balance, d'une main ferme et impartiale, il scrute les intentions, dévoile les causes cachées des événements, les secrets ressorts des actions des hommes et attribue à chacun sa part de responsabilité. Loin de lui, l'indifférence entre le bien et le mal, professée par l'école fataliste, — bien plus loin encore, cet abus scandaleux du paradoxe, qui s'ingénie à entreprendre l'apologie! que disons-nous ? l'apothéose des hommes, dont la mémoire est restée en horreur ! En résumé, pour que l'histoire accomplisse dignement sa mission, il faut qu'elle porte avec elle sa moralité; qu'elle relève, qu'elle exalte la vertu opprimée; qu'elle condamne, qu'elle flétrisse le crime triomphant....

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Ce n'est, on le voit, qu'après vous être pénétré de ce but final de la philosophie de l'histoire, que vous avez tracé le récit émouvant des plus mauvais jours d'une époque marquée à jamais du signe de la terreur? Votre cœur se fût révolté à la pensée de vous borner à narrer froidement la suite douloureuse de tant de sacrifices inhumains, à enregistrer purement et simplement la longue liste des proscrits; mais, les prenant un à un, vous avez démontré que, vis-à-vis tous, on avait audacieu

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