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Mais là ne s'arrête pas mon inquiétude. Une prescription réglementaire de l'Académie d'Arras oblige le récipiendaire à un discours public. Je sais que dans votre indulgence, vous laissez toute latitude à cet égard au néophyte. Chacun a le droit de choisir le sujet qu'il aura l'honneur de traiter devant vous et de le prendre dans le cercle de ses travaux habituels.

Dans une Académie dont j'ai eu l'honneur de faire partie, le Président annuel était seul astreint à un discours public. L'un d'eux, Conseiller à la Cour, homme d'esprit et de savoir, dont la parole était toujours écoutée avec beaucoup d'intérêt, trouva un jour le moyen d'insérer dans un discours académique une dissertation sur les corsets. Les dames parurent d'abord un peu étonnées de la hardiesse d'un pareil sujet; mais je ne crois pas qu'elles aient gardé rancune à mon excellent Président du tour de force académique qu'il s'était permis.

L'année suivante, le fauteuil de la Présidence était occupé par un savant colonel d'artillerie. Le colonel prit pour sujet de son discours public l'histoire des serrures. Plus d'un auditeur qui se croyait complètement assuré contre les voleurs par les cadenas à secret et les triples serrures perfectionnées de son coffre-fort, dut probablement quelques nuits d'insomnie aux révélations peu rassurantes qui venaient de lui être faites.

Mon ambition ne va pas jusque-là, Messieurs, je ne souhaite qu'une seule chose, c'est que les insomnies que j'aurai occasionnées soient limitées à la fin de mon discours.

Notez que j'en suis encore au même point et que mon sujet n'est pas trouvé. Pour parler d'abondance et inté

resser le public, il faut être imbu de la question que l'on traite, l'avoir étudiée et retournée dans tous les sens. Notez bien que je ne parle plus des corsets de mon ami le conseiller.

Je ne puis cependant accuser l'Académie de m'avoir pris à l'improviste. Depuis deux mois, je sais que j'aurai l'honneur de parler devant vous, et pendant près de deux mois j'ai éprouvé les mêmes inquiétudes que l'écolier paresseux en présence de son devoir de vacances.. Il est vrai que je comptais bien un peu sur votre indulgence.

J'assistais un jour à un congrès scientifique. J'entendis là de nombreux discours. Un seul me frappa. Un homme d'esprit et de cœur, avec lequel j'ai eu le bonheur d'être plus tard lié d'amitié, racontait comment il était devenu archéologue.

« L'un de mes amis, nous dit-il, aimait passionnément » la musique. Il ne rêvait qu'une seule chose, arriver » à pouvoir être admis à faire sa partie dans un or» chestre, partie aussi modeste qu'on le voudrait, mais » concourant néanmoins, au succès de l'ensemble. Mal

heureusement son éducation, comme instrumentiste, >> laissait beaucoup à désirer. Après avoir songé long>> temps au choix de son instrument, de manière à » obtenir le résultat cherché sans trop de travail, il sc » fit alto. J'ai éprouvé les mêmes attractions, les mêmes inquiétudes. Je n'aspirais qu'à une satisfaction, celle » de prendre part aux réunions scientifiques qui ont » lieu chaque année et où des savants de toutes les >> nations voisines se groupent en congrès en vue d'aug» menter leur savoir par la communication réciproque

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» des observations de chacun. Il ne me manquait qu'une » chose, le lièvre de mon civet. Je ne me faisais au>> cune illusion sur la pauvreté de mon bagage scienti» fique; mais en y regardant de plus près, je vis que » mes petites connaissances archéologiques pouvaient » me donner le moyen de faire la partie d'alto dans >> le grand concert des congrès. Je me fis alto, c'est à >> dire archéologue, et voilà comment je suis arrivé à » l'honneur de prendre part aux intéressants travaux » qui vous occupent. »

Je viens de vous raconter, Messieurs, l'histoire de l'origine de ma vie académique. Des soucis de toute nature, des occupations incessantes m'en ont séparé depuis plus de dix ans ; vous venez, par votre bienveillant accueil de renouer le fil qui se rattache aux plus belles années de ma vie. En me retrouvant au milieu de vous, je me rappelle les plus douces jouissances de mes loisirs, celles que me donnaient les relations académiques lorsque je vivais heureux dans ma famille.

Le fil était rompu, je viens de le dire, mais on ne se détache jamais entièrement de ce qu'on a beaucoup aimé. Le temps me manquait pour les recherches d'érudition, la passion subsistait à l'état latent, comme le feu qui ne jetant plus aucune lueur ne cesse pas pour cela de brûler.

Votre appel a réveillé mes meilleurs souvenirs, je viens donc vous demander de prendre pour sujet de mon discours le récit des impressions d'un archéologue dévoyé, en vous racontant mes fugitives excursions dans les siècles passés, à partir de l'époque où j'ai cessé toute relation avec les sociétés scientifiques.

J'arrivais à Paris; le service qui m'était confié me laissait encore des loisirs, je résolus de les utiliser. Pendant les derniers instants de mon séjour à Metz, en compulsant les archives départementales de la Moselle, j'y avais remarqué une charte d'Henri III, dit le Noir, empereur d'Allemagne, de l'an 1056, scellée d'un sceau ou bulle circulaire en plomb, d'une magnifique conservation.

Je ne connaissais jusqu'alors que les bulles des Papes scellées en plomb. Je savais aussi que l'Empereur d'Allemagne Charles IV avait scellé en or son diplôme portant confirmation et augmentation des priviléges de la ville de Toul, en 1367. Mais là s'arrêtaient mes observations sur les bulles métalliques, quoique depuis longtemps j'eusse fouillé dans le riche trésor des chartes de Lorraine.

La bulle de plomb d'Henri-le-Noir, des archives de la Moselle, me paraissait dès-lors devoir constituer une rareté archéologique précieuse.

Mes recherches ultérieures m'ont prouvé que je ne m'étais pas trompé.

Je passai plusieurs semaines aux archives de l'Empire de la rue de Paradis au Marais. Les portes de l'armoire de fer, contenant nos principales richesses diplomatiques, me furent ouvertes avec une complaisance que je ne saurais trop proclamer. Il en fut de même à la Bibliothèque impériale de la rue Richelieu.

Toutes les chartes scellées de bulles métalliques furent mises sous mes yeux. Je pus ainsi reconnaître l'importance comme rareté archéologique de la bulle de plomb d'Henri-le-Noir.

En dehors des bulles des Papes, on ne trouve que quelques grands feudataires du midi et les Hospitaliers faisant usage du plomb pour leurs sceaux.

L'emploi de l'argent est infiniment plus rare. Dans toutes mes recherches, je n'ai vu qu'une seule bulle en argent, elle est de la Navarre et du XIIIe siècle.

Les bulles d'or sont assez nombreuses. Elles témoignaient à la fois de la splendeur de celui qui en faisait usage et de la considération pour ceux auxquels s'adressait le diplôme scellé aussi richement.

Les recherches auxquelles je me suis livré m'en ont fait connaître quinze.

Onze se trouvent aux Archives de l'Empire de la rue de Paradis.

Quatre appartiennent à Frédéric II, Empereur d'Allemagne, les dates des chartes auxquelles elles sont attachées varient de 1234 à 1246.

Deux sont de Baudoin II, Empereur de Constantinople (1268).

Une du Doge de Venise Gradenigo (1306).

Deux de Charles IV, Empereur d'Allemagne (1378). Une d'Henri VIII, Roi d'Angleterre (1527).

Enfin la onzième de Ferdinand III, Empereur d'Allemagne (de 1637 à 1657).

La Bibliothèque impériale de la rue Richelieu, en possède deux, l'une de Frédéric II, Empereur d'Allemagne (1220), à la section des manuscrits; la seconde, de Charles 1er d'Anjou, roi de Naples et de Sicile (12661285), à la section des antiquités parce qu'elle est séparée de la charte à laquelle elle appartenait.

Enfin, la ville de Toul a conservé la bulle d'or de l'Empereur d'Allemagne Charles IV (1367), et la ville de Francfort en possède une du même Empereur.

Les dépôts importants que j'ai explorés, contiennent

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