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REPONSE

au

DISCOURS DE RÉCEPTION DE M. BOULANGÉ

Par M. DE MALLORTIE

Chancelier.

MONSIEUR,

C'est avec un sentiment de joie sans mélange que l'Académie vous reçoit aujourd'hui. Elle n'a point acheté par une perte douloureuse le plaisir de vous compter parmi les siens. L'excellent et bien aimé collègue dont Vous venez prendre la place, ne nous est point ravi. Un avancement mérité et de plus importantes fonctions l'ont éloigné de notre ville; mais il nous appartient toujours par le titre comme par l'affection. Vous permettrez, Messieurs, au Principal du collége dont M. Wicquot était l'un des professeurs les plus distingués, de regretter

que ses élèves ne puissent plus entendre désormais cette parole simple, claire, élégante, mise au service d'une raison solide, de principes fermes et de sentiments élevés, ni profiter de cet enseignement qui était tout à la fois un cours de bon sens et de bonne conduite; car M. Wicquot, homme d'esprit, et surtout homme de cœur et de conscience, dévoué tout entier à ses devoirs, dans sa vie aussi modeste que ses désirs, savait inspirer à la jeunesse, objet de ses plus tendres sollicitudes, ces goûts simples et délicats, cet amour du vrai, du beau et du bien qui sont dans son cœur; il rendait la raison aimable et la sagesse attrayante. Puisque l'intérêt de notre fidèle et cher ami exigeait cette séparation, puisqu'il a fallu renoncer à un si doux commerce et au bénéfice d'un talent mûri par l'expérience, il ne nous reste qu'à féliciter, sans nous plaindre, la ville et le collége qui en auront désormais la jouissance et le profit.

Quant à l'Académie, M. Wicquot, nommé membre honoraire, restera toujours avec elle en communauté de pensées, de sentiments et de travaux; et nous serons satisfaits de recevoir, à des intervalles que nous espérons ne devoir pas être longs, quelqu'une de ces études littéraires ou philosophiques auxquelles nous étions accoutumés et dont la lecture était toujours accueillie avec tant de plaisir et d'intérêt. Nous n'avons donc point perdu M. Wicquot, Monsieur, en vous gagnant; vous ne faites qu'ajouter à nos richesses.

Et ne soyez pas étonné, Monsieur, si nous nous sommes empressés de vous appeler au milieu de nous. Elève de cette école polytechnique, qu'un souverain, l'Empereur Alexandre, au milieu d'un congrès, procla

mait une des plus belles institutions humaines, vous aviez encore d'autres titres à nos suffrages. Est-il bien nécessaire d'en parler, après le discours que nous venons d'entendre et les applaudissements unanimes qui retentissent encore, ne me dispensent-ils pas de justifier le choix de notre société ?

Savant mathématicien, archéologue distingué, artiste dont le crayon habile et délicat ferait envie à plus d'un maître, et, ce qui ne gâte rien à l'affaire, homme d'esprit, écrivain plein de vivacité et d'humeur, notre Compagnie eût été bien maladroite de laisser échapper l'occasion de vous associer à ses travaux. Votre science sera donc la bienvenue. Vous trouverez, dans tous vos nouveaux collègues, des auditeurs attentifs el reconnaissants; dans beaucoup, des juges compétents et voire même, au besoin, dans quelques-uns, des contradicteurs sérieux et dignes de vous. J'aurais désiré que la fortune indulgente et pour vous et pour moi, et surtout pour les personnes qui nous écoutent, vous eût donné, comme introducteur aujourd'hui, un de nos savants archéologues; vous auriez du moins été jugé et loué par l'un de vos pairs; mais hélas! Monsieur, l'archéologie n'est guère pour moi qu'une terre promise que je regarde de loin avec des yeux jaloux, mais dans laquelle il ne m'est pas permis d'entrer; ce qui ne m'empêche pas, fort heureusement, d'en apprécier les riches moissons, ni d'en accepter et d'en rechercher les fruits bienfaisants.

On n'en est plus aujourd'hui à contester les titres de cette science. S'il se trouve encore par-ci par-là quelques esprits chagrins qui semblent en faire peu de cas, ce sont gens attardés qui, semblables à certain renard

bien connu, trouvent plus commode de dédaigner une science à laquelle ils ne peuvent atteindre. Utile, nécessaire, indispensable à l'histoire, ou plutôt seule histoire des premiers siècles, l'archéologie est, pour les temps qui ont suivi, le guide le plus sûr et le plus fidèle; car, si depuis l'invention de l'écriture, les relations abondent, unc étude approfondie nous y fait découvrir les traces de quelques influences qui montrèrent à l'écrivain la vérité là où elle n'était pas, ou bien un peu autrement qu'elle ne fut en réalité. Les monuments, au contraire, ne sont d'aucun parti; les faits qu'ils énoncent portent avec eux une naïve certitude; et s'ils contredisent l'historien, ils le condamnent comme coupable d'erreur et de mensonge. L'archéologie nous fait vivre et nous entretenir avec tous les grands hommes et tous les grands peuples des siècles passés. Le monde jadis habité par les nations ensevelies sous le sol qui porte les nations vivantes, voilà son domaine. Elle fouille dans la poussière des peuples; ils ont tracé leur histoire sur leurs monuments, palais, inscriptions, sceaux, ou statues. Les temples de leurs Dieux témoignent de leurs croyances; les ouvrages publies, de leurs besoins sociaux et des moyens qu'ils surent se créer pour y suffire; leurs meubles, leurs vêtements et leurs ustensiles, des mœurs et des goûts individuels subordonnés aux mœurs générales et aux goûts nationaux; leur luxe, de leurs richesses, et les chefs-d'œuvre de leurs arts, trop souvent mutilés, comme les chefs-d'œuvre de leur littérature, de la toute puissance chez eux, de l'étude et de l'imagination. Un attrait irrésistible nous entraîne donc vers ces temps obscurs pour l'histoire elle-même, et cet attrait nous maîtrise, parce

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