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L'auteur de ce Mémoire a-t-il atteint le out qu'il s'est proposé? Voici la réponse de votre commission :

Le genre de cet écrit est le genre tant soit peu déclamatoire, avec d'assez longues citations empruntées à deux ou trois moralistes et aussi à des journaux. Il eût été avec plus de justesse intitulé: De la famille, car on y attaque au moins aussi souvent les parents d'aujourd'hui qu'on donne des leçons aux enfants. Repris dans ce sens et émondé de toutes les redites, des quelques contradictions et des erreurs formelles qui l'encombrent, il pourrait, après avoir été plus nettement conçu et médité avec plus de vigueur, fournir la matière d'une œuvre sérieuse et utile, car il y a de bonnes parties, des idées heureuses et une grande bonne volonté.

Les redites et les longueurs rendent difficile la lecture de cet écrit. Il n'y a point de nerf; cela n'est pas coulé d'un seul jet: ce sont des phrases ajoutées à des phrases, des idées qui reviennent sans cesse sous une forme différente ou même identique. Si pourtant on mettait plus d'ordre dans ces pensées, si on donnait plus de trait à tel ou tel tableau, ou plutôt si à ces anecdotes un peu trop terre-à-terre on substituait quelques tableaux frappants, pour rompre de temps en temps la monotonie de cette pièce, toujours un peu plaintive, on arriverait à faire quelque chose de bien supérieur à ce qui a été ici ébauché.

Nous avons dit qu'il y avait des contradictions et mème des erreurs.

En effet, l'auteur dit, à la dernière page et un peu partout, que notre vie actuelle est sans dignité et sans intérieur, et pourtant il donne l'état actuel comme pré

férable à l'état ancien. Qu'est-ce que cela veut dire? Assurément il y a matière à discussions nombreuses sur la comparaison à faire entre la société du XIXe siècle et celle des siècles antérieurs. D'ordinaire, dans ces sortes de débats, on n'examine qu'une ou deux faces de la question, et il est toujours assez facile, avec ce système, d'avoir raison, quel que soit le parti que l'on adopte. Il est d'ailleurs assez facile encore de se donner raison en prenant quelques généralités, quelques points mal éclaircis, quelques grands mots à effet qui dispensent trop souvent de citations formelles et de pièces sérieusement contrôlées. Votre commission n'a point ici à suivre l'auteur dans toutes ses appréciations concernant le droit d'aînesse et la féodalité, qui certes est une institution politique un peu en dehors de ce sujet, d'ordre plus modeste à la fois, plus essentiel et moins passager. Elle a même trouvé d'un goût douteux ces rapprochements qui ne sont pas dans le sujet. Et puis l'auteur parle souvent de religion, le ton de son écrit est même en général religieux, et pourtant on lit à la fin du premier paragraphe du chapitre III, une véritable énormité. L'auteur veut que désormais le clergé prêche un peu plus l'histoire de l'église dès les premiers siècles, la morale, le devoir, et qu'il ne s'attache pas tant au dogme. Puis il parle avec force de la superstition, dans laquelle il englobe fort gratuitement des pratiques qui ne sont pas superstitieuses. Puis il s'en prend aux cloches, qui ne chassent plus les orages, à l'église matérielle, qui n'est qu'une maison commune. Enfin toute cette belle doctrine est couronnée par la phrase que voici : « Si on ne leur prêchait que le vieux catéchisme

de Moïse réédité par le Christ: Aimez Dieu, aimez les hommes, alors jeunes gens comme vieillards se plairaient dans l'église et accepteraient docilement les enseignements de la chaire. » Le vieux Catéchisme de Moïse réédité par le Christ, voilà une de ces énormités auxquelles on a peine à croire. Ce qu'il y a à faire ici évidemment, c'est de conseiller à l'auteur de lire la loi de Moïse, et il verra partout la crainte et non l'amour; c'est de lui dire simplement : Ouvrez l'Évangile et demandez au Seigneur ce qu'il dit de Moïse : « Vous savez qu'il a été dit aux anciens : vous aimerez votre ami et vous aurez de la haine pour votre ennemi, et moi je vous dit aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous persécutent, et vous serez alors vraiment les enfants de Celui qui fait luire son soleil sur les justes et les injustes. »

Vraiment, dans l'intérêt même de l'auteur de ce mémoire, il sera bon que le clergé ne renonce pas encore à parler de dogme et à développer les principes mêmes et le caractère supérieur du Christianisme si étonnamment méconnus.

J'ai été long, Messieurs, dans ce compte-rendu, mais il fallait bien motiver notre appréciation unanime: il faut même encore vous dire qu'après un éloge sans restriction du code civil qui nous régit, l'auteur admet une assez notable partie des modifications qui ont été demandées en ce qui concerne les droits des parents sur les enfants. Il attribue d'ailleurs une importance exagérée à l'instruction comme force moralisatrice dans une partie notable de son travail, où il soutient même cette thèse ex-professo; et plus loin il dit que les vertus de famille se rencontrent fort souvent chez des gens qui

n'ont aucune instruction. En résumé, votre commission. a pensé que pour tous ces motifs il n'y avait pas lieu d'accorder à ce travail une récompense académique, et elle s'est occupée de l'examen du second travail qui lui a été envoyé.

Ce Mémoire a pour titre : Le Linier du Pas-de-Calais, étude d'économie sociale.

Le but de l'auteur est très-moral. Il veut attacher au logis l'homme, la femme et les enfants, et il fait le tableau d'une famille qui trouve dans sa maison une occupation permanente et une source de bien-être suffisant à ses besoins. L'idée de donner ainsi une sorte de statistique très-détaillée d'un ménage de campagne est une idée bonne et moralisatrice. Trouver le bonheur chez soi et sans l'aller chercher où il n'est pas, c'est assurément sagesse et vérité. Voilà ce que votre commission a entendu constater et récompenser en vous demandant d'accorder à ce petit mémoire une simple mention. C'est justice, avez-vous pensé, mais nous ne pouvions demander davantage car on entre dans de tels détails, on descend tellement aux infiniment petits, que vraiment on n'oserait citer, en séance publique, tels et tels passages d'une nature trop naïve. Tout s'y trouve, les plus menus détails de la cuisine et de l'habillement, aussi bien que les travaux et les devoirs religieux. Des considérations sur l'industrie linière viennent heureusement relever ce petit tableau par trop réaliste, et c'est là, avec l'idée du travail lui-même, ce qui a motivé la demande que nous avons eu l'honneur de vous adresser et que vous avez bien voulu accueillir.

Nous avons maintenant à vous entretenir d'une œuvre

qui revêt un tout autre caractère et qui éveillera en vous les plus vives sympathies. Il s'agit en effet d'un épisode émouvant de l'histoire de la ville d'Arras, de celui que l'on ne peut rappeler sans une sorte de frémissement bien naturel, l'exil de ses habitants et jusqu'à la radiation de son nom.

Dire que l'œuvre qui nous est soumise ajoute à tout ce qui est connu sur ces lamentables années plusieurs faits ignorés; que ces faits sont exposés avec une lucidité extrême et dans tous leurs détails intimes; qu'ils sont revêtus des caractères de l'authenticité la plus palpable et qu'on nous donne entre les mains les pièces originales elles-mêmes et comme les reliques de cette époque; c'est vous dire que ce travail est une œuvre toute d'archives, d'érudition forte et vraie, un de ces mémoires que l'on n'oublie jamais quand on les a lus une fois, et qui sûrement obtiennent immédiatement, même sans les réclamer, les honneurs de l'impression. Ce mémoire est court, mais plein de faits, la plupart inconnus. Il est intitulé Étude sur la coopération de la Champagne au repeuplement de la ville de Franchise (Arras), avec cette épigraphe Les fondations de la tyrannie sont sans durée. Il porte pour annexes, d'abord et avant tout, le texte complet d'un vidimus authentique des lettres-patentes de Louis XI, relatives à l'expulsion des habitants d'Arras, fixant d'une manière définitive à la date du 2 juin 1479, cet acte sur lequel la plupart des historiens se sont trompé de deux années. Cette pièce capitale a été découverte par l'auteur du mémoire dans les archives municipales de la ville de Troyes. Il y a ensuite deux autres pièces reproduites intégralement et quarante-cinq

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