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d'une manière plus sommaire, en tout quarante-huit pièces, toutes relatives aux faits qui se sont accomplis, dans cet ordre d'idées, depuis le 2 juin 1479 jusqu'au 13 octobre 1487, c'est-à-dire jusqu'au moment où meurent, à Arras, dans un état de pauvreté, les derniers restes de l'émigration de Troyes, Josse du Mancel et sa femme, qui étaient à Arras les représentants et remplaçants malheureux de Jean Molé, de Troyes, famille qui a donné un ministre à la France, et qui vient de s'éteindre en lui il y a quelques années.

De ces pièces, toutes fort précieuses, ont été extraits les faits suivants, qui viennent compléter l'histoire de notre ville d'Arras.

D'abord nous avons la date précise et le commencement de ces longues souffrances de nos aïeux : 2 juin 1479. La raison qui porte Louis XI à agir contre eux avec cette rigueur, c'est qu'ils se sont réunis aux Autrichois, ses rebelles et désobéissants sujets..... et leurs actes sont qualifiés de crimes, délits, maléfices, rébellions, etc.

Puis nous avons les actes concernant l'élection et l'envoi de 94 ménagers, marchands et gens de métier, y compris six bons et notables marchands, choisis à Troyes, à Bar-sur-Aube, Joigny et Nogent. Le nombre des artisans est indiqué, ainsi que la profession de chacun d'eux il y a deux merciers, un orfèvre «<< en gros et menuiserie » quatre bourriers, un boutonnier, deux aiguilletiers, un ceinturier, quatre drappiers et chaussetiers, cinq foulonniers, trois tisserands, un teinturier, un tondeur de grande force, etc., etc., enfin tous les métiers possibles, une colonie entière et dans toutes les

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règles. C'est là le contingent fourni par la ville de Troyes et environs, à la levée de trois mille ménagers imposé à toute la France, moins la Bourgogne, pour le repeuplement de la ville d'Arras devenue Franchise.

Ce contingent est réuni le 12 juillet suivant, un peu amoindri et modifié pourtant, et il se met en route avec les meubles, outils et ustensiles. Ce convoi est considérable; il est accompagné de Suisses, de gens d'armes qui se renouvellent d'étape en étape. Il y eut, dans ce voyage de douze jours, des incidents et même des procès.

A Franchise, les nouveaux venus de toute la France ne sont pas heureux : ils sont obligés de vendre leurs meubles pour vivre, ils ne gagnent rien, beaucoup s'en vont, d'autres meurent. La ville de Troyes s'inquiète, elle envoie des secours aux exilés, et deux de ses citoyens, malgré la crainte de la peste et des gens de guerre, se décident au voyage. Puis viennent des revues et des enquêtes révélant les faits les plus curieux et qu'il serait trop long de signaler ici, puis des renvois, des remplacements, des sommes fixées pour aider ces pauvres gens, un nouvel envoi de familles, de marchandises et d'argent.

Plus tard on établit une société commerciale, on envoie encore des habitants de Troyes à Arras, où la peste régnait toujours, et Jean Molé et Guillaume Boucherat sont les exploitateurs de la bourse commune réunie à cette occasion. Josse du Mancel est leur représentant. Dans une de ses lettres, il parle de « cinq assemblées du royaume, tenues dans les capitales des principales provinces, afin d'aviser, sans doute, sur ce qu'il y avait

à faire dans l'intérêt de cette malheureuse colonie, et aussi de constituer des bourses ou sociétés commerciales, comme la Champagne et la Brie avaient constitué la leur. » La ville de Troyes ne cesse d'envoyer de l'argent à Arras.

Le 21 septembre 1481 un nouveau convoi de Troyens se met en route pour notre pauvre ville d'Arras, devenue Franchise, et ce voyage est décrit avec beaucoup de détails. Tout est raconté, les précautions prises contre l'ennemi, les étapes, les exactions, les difficultés diverses, l'accomplissement édifiant des devoirs religieux.

Puis vient l'administration communale créée par Louis XI, à Franchise, puis la nomenclature des villes qui n'ont point acquitté leurs engagements, puis des confidences fort curieuses relativement aux confidents et agents du Roi, qui sont « beaucoup trop sensibles aux gracieusetés qui leur sont faites et sont accessibles aux dons de toutes sortes; » puis enfin la mort de Louis XI, suivie, quatre mois après, de l'acte de justice et de réparation tardive accompli par Charles VIII.

Tel est le sommaire des faits relatés dans ce mémoire, tellement substantiel, tellement de la bonne école bénédictine, que votre commission a été unanime à vous demander, pour l'auteur, une récompense qui fût en rapport avec son mérite, une médaille d'or de la valeur de 300 francs.

Livré à l'impression, ce mémoire ajoutera bien des faits inconnus à l'histoire douloureuse des calamités exceptionnelles qui pesèrent, au XVe siècle, sur notre ville d'Arras. Déjà plusieurs d'entre vous ont raconté, à divers points de vue et en la considérant sous ses as

pects multiples, la triste histoire de ces quelques années, et notre président actuel, M. Laroche, l'a fait dernièrement encore dans un travail inséré dans nos Mémoires, et plusieurs fois cité par l'auteur de l'œuvre dont je viens de vous parler. Peut-être serait-il utile de réunir tous ces documents et de raconter alors dans son ensemble l'histoire émouvante, dramatique, unique en France, dont Arras fut le théâtre et la victime. Cela serait utile sans doute, car l'acte de Louis XI constate la vertu de fidélité d'Arras à sa Souveraine légitime, Marie de Bourgogne : à côté des exactions, des violences, des crimes, il y eut des actes de grande vertu et de vraie charité, et s'il y eut alors des malheurs inouïs, il y eut aussi d'admirables dévouements.

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