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» étranger, désireux d'acheter une belle collection d'an>> ciens pots que Dutilleux voulait vendre. L'intrus garde >> son chapeau sur sa tête en formulant sa demande. >> Gustave, me crie Dutilleux, prêtez-moi votre chapeau ! » et se couvrant il répond à son interlocuteur, mes pots » ne sont plus à vendre, Monsieur (1). »

En voici une autre: Deux touristes flanant et fumant avisent un jour à l'étalage de Dutilleux, un de ces ravissants croquis à l'encre, rehaussés de couleur, qu'il exécutait si bien. Imaginant sans doute que cela s'opérait à l'aide de quelque procédé analogue à celui de la peinture dite orientale, ils entrent au magasin, et demandent à parler à l'auteur de l'œuvre, Dutilleux se présente. L'un des amateurs continuant à fumer et désignant du doigt le croquis, dit au maître : Nous désirerions quelques leçons, afin d'apprendre ce petit genre. — D'abord, monsieur, répond Dutilleux froissé, on ne fume pas ici, veuillez, je vous prie, éteindre votre cigare, et la chose faite, il ajoute quant à ce que vous appelez le petit genre, il est le résultat de trente années d'études dont vous semblez ne point vous douter, je ne saurais donc vous l'enseigner en quelques leçons; puis il tourne le dos et s'en va.

Mais il fallait qu'on le blessât, pour qu'il en agit ainsi; en dehors de ces légitimes mouvements de susceptibilité, rien n'égalait la sérénité de son caractère et son inépuisable bonté.

(1) Page 130.

II.

Le cœur vit plus là où il aime que là où il bat, à dit un ancien, anima plus vivit ubi amat quàm ubi animat. Dutilleux aurait au besoin justifié l'axiome.

Quiconque l'a connu en témoignerait, surtout ses amis et sa famille.

Sa famille! l'incomparable affection qu'il avait pour elle, règne dans toutes ses lettres, de 1826 à 1865.

En juillet 1826, il écrivait : « J'ai eu bien de la peine » dimanche dernier, à vaincre mon ennui. Pour la pre» mière fois, Paris m'a semblé bien pesant, n'était-ce pas » pour moi jadis le plus beau jour de l'année, je vous » voyais tous alors! enfin n'y songeons plus..... Ce sera » Gayant (1) pour moi quand je verrai quelqu'un d'entre » vous..... Vous me disiez de faire un bon dîner, mais » vous savez bien que les plaisirs des sens, et surtout >> ceux de la table, ne sont pas les miens, ceux de l'es>> prit avant tout. »

:

En août 1835 « Mais pourquoi parler de tristesse, » quand il faut se réjouir avec toi ? J'espère bien qu'avant » ton départ, mon cher X...., nous nous verrons encore >> une bonne fois. Si tu ne viens pas, j'irai te dire adieu. >> J'aurais pourtant désiré que tu vissés mon enfant; oh! » que je chercherai à former son cœur surtout, oh! que » je tâcherai de lui inspirer la charité pour tous, surtout » pour ses parents! »

(1) Les Douaisiens appellent leur fête communale Gayant (géant} nom du mannequin traditionnel et colossal que l'on promène pendant toute sa durée.

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En 1862, à l'une de ses filles indisposées : « Ce n'est » donc qu'un moment de patience et de soumission à » la volonté de Dieu. Savoir se soumettre est un grand » secret pour supporter bientôt des maux et des con» trariétés. Ici nous allons assez bien, même maman, depuis quelques jours. Cette sorte de répit aurait dû » me faire craindre pour quelqu'un d'entre-vous, car tu › dois le savoir, depuis long-temps, mon lot à moi est » de voir toujours souffrir quelqu'un des miens, ou » plutôt de souffrir toujours dans un de mes membres, >> mais pourquoi me plaindrais-je, si je vous conserve » tous? >>

Le 1er janvier 1863: « C'est par vous tous, chers en»fants, que je signale pour la première fois l'année » 1863. C'est à vous que j'adresse mes premières pen>>sées en entrant dans cet inconnu redoutable. Si nous » conservons notre entière affection, notre cher trésor » sera sauf. J'ai hâte de vous remercier de votre char» mant bouquet, aucune fleur n'y manque. Et bientôt la » précocité de notre petite X.... lui permettra d'apporter » son contingent. J'aime singulièrement ces épitres en >> commun, elles témoignent d'une pensée d'union et » d'harmonie que mon plus vif désir est de voir régner >> constamment dans notre nombreuse famille. De près » ou de loin, aimons-nous toujours les uns les autres. » C'est le secret de bien douces consolations, et peut-être >> aussi d'une grande force. »

Le 20 mars 1865: « Soyons toujours unis comme un » seul faisceau, dans un seul sentiment d'amour. Ce que je désire avant tout n'est point de réussir dans telle » ou telle exposition, d'arriver à quelque récompense;

>> tout cela n'est pas la vraie vie. Ce qui me rendrait >> heureux serait votre bonne santé à tous, et peut-être >> avant cela une bonne santé morale, c'est à dire une

parfaite harmonie entre nous tous, merci donc encore » de nous donner ce bonheur. >>

Le 5 octobre suivant, et ce fut, croyons-nous, sa dernière lettre, lettre aussi attendrissante que les conseils d'outre-tombe légués par certains testaments: « Obéir » à nos représentants directs, c'est nous être soumis, » leur plaire, c'est nous être agréable. C'est auprès d'eux » qu'il faut chercher des conseils et des avis. Tu es » jeune, fort jeune, peu expérimenté, pas adroit et point » savant. Que veux-tu.? Tu te développes lentement, >> mais rien n'est compromis encore, surtout si tu re>> connais ton inexpérience, ton ignorance et la mala» dresse. Tu es à bonne école, reçois les bons avis avec » soumission et tâche de les mettre à profit. Laisse de » côté toute fausse honte et tout amour-propre. Un bon >> conseil vaut mieux que l'or. Celui-là principalement » prouve qu'il nous aime, qui nous donne un avis salu» taire, une réprimande méritée. Naturellement tu es simple et bon (je t'accorde là une grande qualité), tu » n'as point d'arrière-pensée, tâche de rester toujours » ainsi. Conserve cette morale, cette sincérité; elles te >> feront pardonner bien des petits travers. On est aujour» d'hui porté à la critique, à tourner en ridicule les im» perfections, à persiffler parfois même les choses les » plus sérieuses, c'est la plaie du moment. Garde-toi de » ce grand défaut, celui en général des sots et des gens » sans cœur. Arrivé au moment critique de la vie, où » l'on prend une direction, ne vas pas te fourvoyer. Si

>>

» quelque jeune homme de ton âge cherchait, soit >> par des plaisanteries, soit par tout autre moyen, à » te détourner de ton devoir, fais un retour sur toi» même, pense à nous, n'hésite pas à te confier à ton père, il sera toujours ton meilleur ami. »

III.

Il aurait été contre nature qu'un homme si aimant el si aimable n'eût point été profondément aimé. Aussi les siens l'adoraient-ils, aussi sa maison présentait-elle l'aspect patriarchal de l'un de ces intérieurs bénis où règne exclusivement cet esprit de famille devenu si rare, depuis que, pénétrant jusqu'au foyer domestique, les voix du dehors en ont troublé le mystère et la tranquillité. Aussi, lorsqu'il montait à l'atelier, ses amis et ses élèves se précipitaient-ils à sa rencontre, impatients de lui serrer la main. Et comme on l'écoutait avidement, lorsqu'à la tombée du jour déposant ses pinceaux, il commençait à parler, architecture, sculpture, peinture ou musique, matières qu'il traitait avec la même supériorité, car les beaux-arts n'avaient plus de secrets pour lui. Il comprenait Bellini, Donizetti, Verdi, Rossini, Meyerbeer, Bethooven, non moins que Phidias, Michel-Ange, Raphaël, Titien, Léonard de Vinci, Paul Véronèze, Vélasquez, Corrége, Rembrandt, Rubens, Van Dick, Poussin, Pujet, Barye, Préault, Corot et Delacroix; appréciait le Parthénon, le Colysée, la Maison-Carrée de Nîmes, Notre-Dame de Paris, St-Eustache, et la Cathédrale d'Amiens, aussi bien que la Vénus de Milo, l'Apollon du Belvédère, les Noces

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