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femmes et enfants le fait et industrie de la dite sayetterie; et comme aussi plusieurs de ceux qui s'y étaient retirés à cause des guerres et divisions présentes, se montrèrent assez enclins à y demeurer et à y user leurs jours, n'osant toutefois louer maisons à long terme, ni les approprier à leur métier, en raison du peu de sûreté que leur laissait la réserve en faveur d'Arras, l'octroi du souverain parut en voie d'ètre pour les uns et les autres de petit fruit et effet. Voulant éviter la dépopulation de Lille, qui adviendrait par la retraite des sayetteurs, si on reprenait Arras, le duc y autorisa à toujours l'établissement de la sayetterie; pouvant s'y adonner, les habitants de la ville et châtellenie de Lille, ainsi que les étrangers qui étaient venus y résider et ceux qui de leur plein gré et sans contrainte viendraient à l'avenir y résider; sans qu'on pût empêcher les sayetteurs étrangers d'aller, quand bon leur semblerait et avec tous leurs biens, demeurer à Arras, le cas advenant de la réduction d'icelle en l'obéissance du duc. L'acte est du 25 mars 1481, avant Pâques, et il reporte à environ deux ans auparavant la venue dans le pays des ouvriers étrangers (').

On est naturellement amené à faire un rapprochement entre ce fait et la vengeance exercée en 1479 contre la ville d'Arras par Louis XI, lequel, disent Harduin et beaucoup d'autres, en chassa tous les habitans sans distinction de sexe, d'état, ni de condition, et abolit jusqu'au nom d'Arras, pour y substituer celui de Franchise. Mais malgré cette précise coïncidence de dates, nous faisons remarquer qu'il n'est pas donné, dans le docu

(1) Archives de Roubaix. Extrait du registre aux titres de la ville de Lille. HH. 21, n° 20.

ment cité, d'autre raison à l'émigration que les présentes guerres et divisions, et qu'il n'y est fait aucune allusion aux rigueurs particulières du roi de France.

Les Roubaisiens attribuaient la décadence de la sayetterie d'Arras à des causes toutes différentes, c'est-à-dire aux vexations exercées par les corporations urbaines contre les manufactures rurales pour les anéantir et aux droits imposés sur leurs produits pour en rendre la vente infructueuse. Pour les fabricants de Roubaix, il était de notoriété publique que si la manufacture d'Arras avait été transportée à Lille, « le sujet en était dans la » jalousie et la trop grande avidité des corps de métiers » de ladite ville d'Arras, joints à eux les magistrats de » cette ville, ayant voulu renfermer dans leur ville les >> ouvriers et fabricants des faubourgs et autres endroits » de la province d'Artois.» (')

Il est vrai qu'ils tiennent ce langage en 1726, longtemps après l'événement; mais si l'on considère qu'ils étaient en grande partie les descendants des maîtres et ouvriers venus de l'Artois mème, non-seulement après 1479, mais encore après 1640, comme nous le verrons plus bas, on ne saurait refuser à la tradition ainsi ravivée une certaine valeur, qui, toutefois, s'appliquerait à des souvenirs de compression plus récente. En effet :

Une lettre-patente du 20 janvier 1508 défend de faire aucun ouvrage de sayeterie, d'acheter ni de vendre aucuns filets dans les lieux champestres et ailleurs qu'en cette ville d'Arras. (*)

(1) Arch. de Roubaix. Procès du double droit de Plomb. HII. 21, no 80. (2) Recherches historiques sur les anciennes Tapisseries d'Arras, par M. PROYART. Mémoires de l'Académie d'Arras, tome XXXV, p. 166.-1863.

En 1550, les villes et cités de Tournai, Arras, Valenciennes, Douai et Orchies demandaient au conseil privé de l'Empereur Charles-Quint qu'il fust ordonné et statué par édit perpétuel que dorénavant l'on ne pouroit ès lieux champestres ne ailleurs que ès bonnes villes franches, faire ne composer aucunes sortes d'ouvrages comprins sous les métiers et stils de hauteliche et saytrie. ()

En 1560, il est encore question, dans une lettre du magistrat de Tournai, d'un procès soutenu contre les hautelisseurs du plat-pays et dans lequel les hautelisseurs d'Arras seraient entrés. (*)

Quelle qu'en soit la cause, des Artésiens vinrent, en 1479 et après, se fixer dans notre pays. Il est dit partout que beaucoup de tapissiers, drapiers et autres artisans, jadis si nombreux dans la ville d'Arras, se réfugièrent dans les États de Marie de Bourgogne ou de Maximilien. M. l'abbé Proyart, dans ses Recherches historiques sur les anciennes Tapisseries d'Arras, cite une histoire manuscrite de l'abbaye de St-Éloy, où il est dit « que ce » fut dans ces temps que la plupart des manufacturiers » d'Arras, s'y trouvant par trop inquiétés, allèrent s'éta» blir à Lille, où ils s'enrichirent considérablement et » laissèrent après eux une postérité qui compose tout ce » que l'on nomme la noblesse de fraîche date. » (3)

Ailleurs, M. l'abbé Proyart dit que « les fabricants de >> ces toiles magnifiques, qu'on appelait hautelicheurs, se >> retirèrent en Flandre, en Belgique, dans les États de » l'Archiduc Maximilien, où ils continuèrent l'œuvre

(1) Archives de Roubaix. HH. II, no 4.

(2) Mémoires de l'Académie d'Arras, tome XXXV,

p. 166.

(3) Mémoires de l'Académie d'Arras, tome XXXV, p. 164.

» d'Arras, sans jamais plus reparaître dans une cité où « cette célèbre industrie avait pris naissance. » L'auteur cite pour autorités : l'Histoire des ducs de Bourgogne, de M. de Barante; l'Annuaire du Pas-de-Calais, 1814;M. d'Héricourt, Rues d'Arras, Siéges d'Arras. (')

Les hautelisseurs qui devaient continuer l'œuvre d'Arras, se retirèrent plus avant dans la Flandre; les Artésiens que Lille accueillit étaient des sayetteurs; ceux qui vinrent s'abriter sous le privilége de Roubaix étaient plutôt des drapiers. De 1513 à 1534, la draperie était encore, si non l'unique, du moins la principale industrie de nos pères. Les draps qu'ils fabriquaient avec des laines anglaises et espagnoles mêlées à celles du pays, étaient de trois sortes, qu'on nommait oultre-fin de Roubaix, grand-lez et petit-lez de Roubaix. A cette fabrication ils ajoutèrent bientôt celle des tripes de velours, au grand déplaisir de leurs voisins de Lille.

Les Lillois, en effet, ne virent pas sans inquiétude la manufacture de Roubaix sortir de ses langes, et cherchèrent à l'entraver en lui suscitant d'incessantes tracasseries. Nous l'avons dit ailleurs, l'histoire de la fabrique de Roubaix est le récit de ses luttes contre les priviléges tyranniques des grandes villes qui resserraient son activité dans les bornes les plus étroites, contre le monopole criant qui ne lui laissait qu'à regret la confection de quelques genres d'étoffes grossières. Lutter fut le besoin, la destinée, le salut de nos pères, et ils luttèrent jusqu'au bout, souvent avec bonheur, toujours avec ce courage opiniâtre qui fait le fond du caractère

(1) Ibid. Louis XI à Arras, p. 122.

roubaisien. Ils arrachèrent une à une des concessions qui permirent à leur fabrique de vivre d'abord, de se dilater ensuite, mais qu'il fallut encore défendre pied à pied.

A la fabrication des tripes de velours, les manufacturiers de Roubaix joignirent celles des bouras et futaines, et malgré l'opposition des Lillois, ce fut chose acquise au commencement du XVIIe siècle. En 1628, Roubaix et Tourcoing fabriquaient « des satinets damas»sés tant unis que à fleurs, de nouveau inventés et tra>> vaillés esdits lieux. » Cette fabrication se continua aussi par droit de conquête.

II.

En 1640, la guerre encore amena la désertion des maîtres et ouvriers d'Arras, dont la plupart se retirèrent en Flandre et en Hollande, et beaucoup en la ville de Lille et au bourg de Roubaix, où ils formèrent des établissements. (') Malheureusement les comptes des égards de la manufacture de Roubaix manquent de 1635 à 1659; il n'y a d'ailleurs dans nos archives nulle trace de dénombrement de la population entre 1553 et 1695, et ainsi nous échappe tout moyen d'appréciation sur l'importance de cette seconde immigration.

Arras essaya de rappeler ses manufacturiers par toutes sortes de promesses: exemptions, priviléges, aisances

(1) Les Tapisseries d'Arras, par M. l'abbé Van Drival. Mémoires de l'Académie d'Arras, tome XXXVI.

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