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et facilités; pensions même, tout fut offert, et Roubaix n'eut qu'à se bien tenir.

Un arrêt du conseil de commerce, du 7 avril 1665, porta exemption de droits d'entrée en France pour tout ce qui sortait des fabriques d'Arras. Un second arrêt, du 2 juillet 1685, vint dans le même but confirmer celui-ci. On fit encore dans la suite diverses autres tentatives qui n'eurent pas sensiblement plus de succès que les premières. (')

Cependant les nouveaux venus avaient apporté une nouvelle sève à la fabrique de Roubaix ; ils avaient étendu ses relations en montrant à leurs concitoyens d'adoption le chemin de l'Artois. Là, en effet, se trouvaient de nombreuses fileuses qui manquaient ici. Le commerce des fils de sayette s'en accrut considérablement; il consistait à acheter des laines en toisons, les détricher, peigner, blanchir et les faire filer au rouet ou à la quenouille. Ces fils de sayette se vendaient aux fabricants étrangers et aux bonnetiers de France; ils auraient été employés à Roubaix, si la jalousie des bonnes villes voisines n'avait pas toujours contesté à nos manufacturiers la liberté de fabriquer toutes sortes d'étoffes et notamment les œuvres de sayetterie.

En 1696, Roubaix fabriquait des calmandes dont l'invention remontait au commencement du siècle et dont l'armure était celle du satin. C'était encore une concession arrachée aux Lillois qui, ne sachant de quelle nature était cette étoffe, qualifiée par eux de manufacture étrangère, si elle était œuvre de sayetterie ou de

(1) Ibid

bourgeterie, en avaient permis, par forme d'essai, l'entrée en leur ville, pour y être teinte, apprêtée ou vendue, à charge d'un droit de plomb de trois patars à la pièce. Nos magistrats se hâtèrent d'en régulariser la fabrication par des ordonnances de police intérieure; car, en l'absence de règlements, la fabrique de Roubaix, « dont le mérite était reconnu dans les lieux les plus » reculés de la terre, » eût couru le risque de perdre sa bonne renommée.

Mais si bien que se tint Roubaix contre les séductions du dehors, ses manufacturiers se laissaient parfois tenter par les avantages qu'Arras leur offrait. Ils entretenaient en la dite ville d'Arras des ouvriers auxquels, contre la teneur des ordonnances, ils expédiaient pour être mises en œuvre, des chaînes préparées à Roubaix. Ils pouvaient ainsi éluder les règlements de police locale et notamment diminuer le nombre des fils dans les chaînes; ils s'exonéraient des droits de deux écus à la pièce que la douane percevait sur chaque pièce de calmande entrant en France, droit dont Arras était exempt; des marchandises fabriquées à Roubaix passaient de même à Arras, recevaient le plomb de cette ville et entraient de là en France sans droit. Le 30 décembre 1725, une sentence de l'intendant de Flandre et d'Artois condamnait pour ces faits signalés par nos magistrats, le sieur André Florin, maître hautelisseur de Roubaix, à 12 livres d'amende, lui enjoignant d'opter entre Arras et Roubaix pour l'établissement exclusif de sa manufacture.

A cette époque, Arras venait de redoubler d'efforts pour raviver sa manufacture et attirer les maîtres de

Roubaix. Nous en trouvons la preuve dans un mémoire de 1726, où il est dit: que plusieurs de nos manufacturiers les plus notables qui, depuis peu d'années, avaient obtenu des magistrats d'Arras des exemptions et priviléges considérables, pour y établir la manufacture de Roubaix, et qui n'avaient quitté la dite ville d'Arras que depuis quelques mois, se disposaient à y aller de nouveau porter leur industrie, si on continuait à les chagriner et inquiéter par de nouvelles surcharges. A Arras, ils trouveraient plus de facilités pour leur fabrication, attendu que c'était dans l'Artois qu'ils faisaient filer leurs laines; non-seulement ils jouiraient de l'exemption des droits d'entrée en France, mais ils éviteraient encore les droits d'entrepôt que les Lillois exigeaient sur les laines filées venant de l'Artois à Roubaix par Lille. Ils seraient déjà partis si le magistrat de Roubaix, par ses bons offices, n'avait fait observer que cet établissement à Arras allait ruiner notre province, et si à force de sollicitations, il ne les avait pas fait renoncer à cette entreprise. ()

En quoi consistaient les nouvelles surcharges dont parle le mémoire? Il convient d'en dire un mot. Les calmandes étaient devenues le principal aliment de l'industrie roubaisienne. A l'origine, on n'en fabriquait que d'unies et de pure laine, pour habillement; on y introduisit bientôt de la soie, et on les fit rayées, ondoyées, fleuragées, triomphantes, à dentelles, à flammes, à bouquets, à parterres, genres dont plusieurs semblent avoir

(1) Archives de Roubaix. Procès du double droit de plomb. HH 21, n's 5 et 6.

été une tradition des tapisseries inférieures d'Arras, désignées sous le nom de verdures, (') et qui, comme elles, servirent alors pour ameublement. Ne pouvant plus interdire cette fabrication, les corporations de Lille voulurent au moins en tirer un grand profit et firent décréter par les magistrats de leur ville que les pièces de calmandes, d'abord fixées, par les règlements des gens de loi de Roubaix, à la longueur de 50 aunes, paieraient pour leur entrée à Lille, lorsqu'elles dépasseraient cet aunage, un double droit de plomb, c'est-à-dire six patars au lieu de trois fixés par la sentence du 17 juillet 1696.

Nos règlements intérieurs se pliaient aux exigences du temps, aux progrès de la fabrique, à l'emploi des produits. S'ils permettaient de porter la longueur des pièces de 50 à 80 et même à 100 aunes, c'est qu'on y était conduit par l'expérience et qu'un ameublement entier demandait un tel aunage. Exiger un double droit de plomb, c'était grever les manufacturiers de Roubaix d'un impôt annuel de 9,000 livres. Ils aimèrent mieux courir les risques d'un procès que de se soumettre à cette nouvelle exigence. Le 9 mars 1728, le Conseil d'État rendit un arrêt qui faisait très-expresses défenses aux sayetteurs et bourgeteurs de Lille d'exiger aucun droit sur les calmandes apportées du bourg de Roubaix et de ses dépendances dans ladite ville pour y être teintes, apprêtées ou vendues, à peine de concussion. — C'est principalement dans les pièces de ce procès qu'est rappelée la translation à Lille de la sayetterie d'Arras en 1479-1481, et qu'il est soutenu par les Roubaisiens comme fait no

(1) Les Tapisseries d'Arras, par M. l'abbé Var. Drival.

toire que l'émigration des Artésiens dans notre pays n'a pas d'autre origine que les vexations, exactions et extorsions exercées contre les manufacturiers des faubourgs et de la campagne par la jalousie et l'avidité des corporations urbaines.

En 1746, un sieur Plantez, ouvrier chez M. Vernier, à Lille, attiré par le magistrat d'Arras, était allé s'établir manufacturier de tapisseries dans cette ville, où on lui accordait une pension annuelle de 200 livres et le logement. Il y était encore douze ans plus tard, mais dans des conditions financières telles qu'il n'y pouvait que végéter, quoique très-bon ouvrier. (1) En 1758, un autre établissement se préparait, cette fois, avec des chances de réussite assez formidables pour effrayer notre pays, qui entrevoyait la désertion et la ruine de ses fabriques. Les gens de loi de Roubaix adressèrent aux baillis des quatre seigneurs hauts-justiciers représentant l'État des châtellenies de Lille, Douai et Orchies, la supplique sui

vante :

<< Supplient très-humblement les lieutenant et échevins de Roubaix, disant qu'ils ont appris que les fabriques des ville et châtellenie de Lille doivent incessamment s'établir à Arras, sous la direction du sieur Pottier, manufacturier très-intelligent, très-versé dans les teintures, l'apprêt des laines et les fabriques, et malheureusement très-propre à la réussite de ce projet qui, exécuté, causera infailliblement la ruine du commerce des suppliants; leurs étoffes trop pesantes sont peu propres pour les pays chauds, la grande consommation s'en fait.

(1) Les Tapisseries d'Arras, par M. l'abbé Van Drival.

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