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qu'ils ont exigées de nous; nous avons rendu plusieurs visites à M. le prince de Soubise, soit à Paris, soit à Versailles, pour le solliciter en faveur des commerçants de Roubaix, ou du moins à ne pas prendre parti contre eux; il nous témoigna les plus grands égards, mais il ne nous dissimula point qu'avant de prendre aucun parti, il désirait que l'on épuisât les voies de conciliation. Les députés de Roubaix eurent la même réponse, et pour prouver leur soumission aux ordres du prince (leur seigneur), ils sont retournés chez eux. Leurs démarches tentées près du magistrat de Lille, ayant été vaines, ils nous ont requis de nouveau par lettre de continuer nos sollicitations en leur faveur. Nous avons vu en conséquence l'avocat et le rapporteur qui nous a témoigné être dans les dispositions les plus favorables à leur égard. Nous l'avons revu depuis et il nous a assuré être toujours dans les mêmes dispositions favorables pour Messieurs de Roubaix ; mais ce qui l'empêchait de faire son rapport, c'était l'arrangement que M. de Caumartin (Intendant de Flandre et d'Artois), se proposait de faire et auquel il se livrait actuellement; il n'en attendait pas trop de succès.

» Depuis, nous avons trouvé à Fontainebleau les députés de Roubaix, et ensemble nous avons vu le rapporteur, qui nous a fait part d'une conférence qu'il avait eue quelques jours avant avec M. le prince de Soubise : le prince, convaincu que les propositions d'arrangement ne pouvaient se réaliser, lui avait déclaré ne plus prendre aucun intérêt dans l'affaire, et lui avait permis de faire son rapport; il y a tout lieu de croire qu'il sera favorable à Messieurs de Roubaix. >>

A l'assemblée générale de 1769, le rapport des députés artésiens disait que la mort de l'intendant du commerce

renvoyait la décision de cette affaire à un temps éloigné, surtout si son successeur devait prendre comme lui, des connaissances locales. En 1770, on continuait les instructions, mais il n'y avait point d'apparence que l'affaire pût être jugée de sitôt.

A l'assemblée à la main du 1er juillet 1771, les députés artésiens, requis par les députés du corps des manufacturiers de Roubaix, avaient vu à Paris le rapporteur et tous les juges, auxquels ils avaient développé les motifs de bien général et du bien particulier de la province qui pouvaient amener un jugement favorable. Ils avaient appris avec satisfaction que le prince de Soubise avait cessé de solliciter en faveur de la ville de Lille et avait fait connaître aux juges qu'il laissait la décision de cette affaire à leur prudence et à leurs lumières (•).

D'un autre côté, l'avocat des Roubaisiens à Paris, écrivait à nos gens de loi à la date du 4 juillet 1771 : « Messieurs les députés des États d'Artois ont embrassé vos intérêts avec la plus grande chaleur. Vous leur devez les plus vifs remercîments de toutes les démarches qu'ils ont faites en votre faveur. Il faut les engager à ne se point refroidir, et à témoigner à M. de Caumartin tout l'intérêt que leur province prend à cette affaire. Malgré votre bon droit, je ne vois pas arriver sans crainte le moment de la décision. »

Les députés Roubaisiens se rendirent en effet à Arras en novembre 1771, pendant la tenue des Etats, et reçurent de ceux-ci, comme de Mgr l'Évêque d'Arras, le meilleur accueil et la promesse qu'ils emploieraient leurs bons offices auprès de l'intendant qui était alors (1) Archives de Roubaix. Extraits des registres aux actes et délibérations des assemblées des États d'Artois, HH, 34.

dans la ville, et de l'avis duquel l'affaire semblait dépendre désormais.

En réalité, cette lutte intéressante à laquelle se trouvait mêlée, pour ainsi dire, toute la France politique et industrielle, n'avait fait aucun progrès en 1771. A cette époque, on demandait à Roubaix, pour les besoins de la cause, des renseignements sur sa fabrique: elle comptait 140 manufacturiers, occupait sur les lieux 10,000 ouvriers, et ses produits atteignaient 3 millions. Le filage de la laine occupait 30,000 fileuses en Artois et Picardie; l'Artois seul tirait plus d'un million de cette main-d'œuvre. Ce ne fut qu'après cinq autres années d'attente, des dépenses ruineuses et des démarches sans nombre, qu'un arrêt du Conseil d'État, rendu sur le rapport de Turgot, contrôleur des finances, le 30 avril 1776, vint révoquer les lettres de surséance et ordonner l'exécution de l'arrêt de 1762, suivant sa forme et teneur. La chambre de commerce de Lille fit entendre au ministre ce suprême cri de détresse : Dans vingt ans, il ne sera plus question des fabriques d'étoffes de Lille.

Douze années de liberté industrielle suffirent à nos fabricants pour doubler et au-delà l'importance de leurs affaires. En 1789, ils étaient au nombre d'environ 300; ils fournissaient le travail et la subsistance à 60,000 individus et produisaient annuellement pour une valeur de six à sept millions. (') Or, on sait combien leur fut rude le traité de commerce négocié avec les Anglais, en 1786, par M. de Vergennes; et l'on sait aussi combien

(1) Délibération des habitants du bourg de Roubaix. Recueil des édits, arrêts.... et décrets de l'Assemblée nationale, 1789. LILle, Peterinck-Cramé, in-4°.

ces chiffres sont encore éloignés des centaines de millions que produit le présent.

Mais ce n'est pas précisément les progrès de la fabrique de Roubaix que nous voulons exalter dans ce modeste travail. Nous nous arrêtons au moment où finissent nos relations avec Arras, c'est-à-dire à la chute des étoffes de laine. Notre laborieuse population chercha dans l'introduction récente du coton, un aliment que lui refusait la draperie; quand elle reprit la laine, le perfectionnement de la filature avait depuis longtemps condamné au repos le rouet des fileuses de l'Artois.

En résumant cet essai, on voit qu'à deux reprises, après 1479 et 1640, des immigrations ont versé dans nos veines du sang artésien; que la première colonie, si elle n'a pas fondé Roubaix dont l'origine se perd au-delà des temps chrétiens, lui a du moins donné, dès son berceau comme ville, une consistance qu'elle n'eût peut être jamais acquise; 'que la seconde a également exercé une immense influence sur les destinées de cette ville en vivifiant son industrie aussi bien que sa population. Ce serait une étude curieuse que celle qui rechercherait par quels points communs se rapprochent le caractère des Roubaisiens et celui des Arrageois. On voit aussi que durant un siècle et demi au moins, nos deux pays ont entretenu des relations industrielles assez suivies; et que dans sa suprême lutte, devenue celle de toute la France, contre le monopole, la fabrique de Roubaix a trouvé chez les membres des États d'Artois un secours sinon décisif du moins chaleureusement prodigué. Que notre reconnaissance leur soit acquise dans leurs descendants.

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La ville de Troyes, capitale du comté de Champagne, réunie définitivement à la couronne de France en 1360, s'était, pendant le règne de Charles VII et la première moitié de celui de Louis XI, relevé de l'état de misère dans lequel elle était tombée sous celui de Charles VI. Sa position topographique la rendit importante au point de vue stratégique, au moment où Louis XI porta ses vues sur la province de Bourgogne. Capitale de l'une des principales provinces du royaume, ville bien fortifiée, desservie par un grand nombre de voies de communication remontant à l'antiquité et située à quelques lieues des limites du duché de Bourgogne, aux confins des

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