Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

grandes franchises et libertés qu'il accordait aux nouveaux habitants! Comme s'il était possible d'oublier la violente expulsion des anciens habitants, et la presse faite pour recruter, dans toute la France d'alors, les trois mille familles que l'on exilait du centre de leurs affections, du lieu de leur naissance ou de leur demeure, pour les expatrier avec non moins de violence que les habitants d'Arras, obligés d'aller mendier, par toute la France, une bien dure hospitalité! Les uns et les autres eurent à souffrir d'une profonde misère, et presque tous moururent de faim ou victimes de la peste.

Bien que le nom de Franchise ne soit pas imposé à la colonie française contrainte d'aller habiter la ville d'Arras, soit dans les documents que nous venons d'examiner, soit dans celui qui va suivre, il n'en est pas moins vrai que ce nom aurait été donné, dès l'origine, à cette colonie, car nous le trouvons écrit, le même jour, 4 juillet, dans un mandement royal adressé à Jean Pellieu, juge de Touraine et autres, et le 12 du même mois, dans le procès-verbal d'élection, dressé à Nogent-sur-Seine, pour désigner « le gros marchand » que les habitants de cette ville choisissent parmi eux afin de l'envoyer à Franchise.

Louis XI, se rendant à Dijon, où il se trouve vers la fin de juillet 1479, s'est arrêté à Méry-sur-Seine ('), Il y aurait passé au moins un jour, le 4 juillet 1479 (*). Là, il signe à cette date divers actes intéressant la ville de

(1) Petite ville située sur l'un des principaux passages de la Seine, à 32 kilom. au-dessous de la ville de Troyes.

(2) Le roi s'arrêta au château de St-Lyé, situé entre Méry et Troyes, mais il n'entra pas à Troyes où il y avait quelque grain de peste. Ce fait fut constaté par son médecin, Me Jacques Coictier.

Franchise. Le premier est un mandement donné aux baillis de Troyes et de Chaumont et aux élus sur le fait des aides. Rappelant les mesures déjà ordonnées par lui, le roi mentionne « certaines journées, conventions et assemblées ()» en plusieurs bonnes villes du royaume (notamment celle du 12 juin tenue à Paris), et dans lesquelles les bailliages de Troyes et de Chaumont furent désignés pour fournir au contingent prescrit, quatrevingt-huit ménagers et six gros marchands, dont quarante-huit des premiers et trois des seconds par la seule ville de Troyes: le surplus devant être fourni par les autres villes des deux bailliages de Troyes et de Chaumont. Ce mandement a pour but de fortifier les pouvoirs des commissaires royaux dans ces deux bailliages, et de leur donner l'autorité suffisante pour lever les sommes nécessaires et les appliquer aux besoins des gens envoyés à Arras, tant pour les faire vivre pendant leur voyage que pour les entretenir pendant les deux premiers mois de leur séjour dans cette ville. Cette contribution frappait tous les habitants des villes désignées, « privilégiés ou » non, sauf les gens d'église, les officiers ordinaires et >> commensaux du roi en service et les pauvres mendians » et misérables personnes (*).

Le deuxième acte, donné à Méry par Louis XI, est un

(2) Il est fort remarquable de trouver ici le mot convention » appliqué dans le sens du mot: assemblée. Et si le nom de Franchise peut être rapproché de commune affranchie, appliqué à Lyon en 1793, on peut aussi rapprocher ce nom de convention, donné par Louis XI aux assemblées dont il parle, de celui qui sert à désigner la troisième de nos assemblées révolutionnaires de la fin du siècle dernier.

(2) Instruments. No 3.

mandement conçu à peu près dans les mèmes termes que le premier. Il est adressé à Jean Pellieu, juge de Touraine, aux élus, au Maire et aux échevins de la ville de Tours, taxée à cinquante ménagers. (1) Sans aucun doute, des mandements de même autorité auront été expédiés de Méry-sur-Seine, dans les autres capitales des provinces de France.

Enfin le troisième acte, donné à Méry par Louis XI accorde aux marchands et aux ménagers envoyés à Franchise, un répit ou délai de cinq ans pour le paiement de leurs anciennes dettes (2).

Lenombre des ménagers destinés à aller habiter Franchise fut fixé à trois mille. On trouve aussi celui de deux mille. Si l'on en croit un acte qui porte la date de juillet 1481 le contingent imposé par Louis XI, fut fourni par la Normandie, le Languedoc, Paris, la Touraine, le Berry, la Picardie, la Beauce, le Mâconnais, l'Auvergne, la Champagne, la Brie, le Poitou, la Guyenne, la Saintonge, le Périgord, l'Anjou, le Limousin, le Quercy, la Provence, le Lyonnais et le pays de Rodez. On ne voit guère d'exception que pour le duché et la comté de Bourgogne, ainsi que le Dauphiné, qui ne comptaient pas encore de sujets assez sûrs pour les expatrier et les envoyer dans une colonie où le mécontentement ne pouvait manquer d'éclater et où les Bourguignons lui auraient donné une nouvelle et plus grande force.

(1) Une vengeance de Louis XI, par M. A. Laroche, page 103, et Mém. de l'Acad, d'Arras 1865; arch. de la Mairie de Tours, liasse 323.

(2) Ordonn. des rois de France t. XVIII p. 663. Ces lettres de répit n'existent pas, ou leur existence actuelle n'est pas constatée. Elles sont mentionnées dans un acte du pouvoir royal de juillet 1481 mentionné plus loin.

V.

Les habitants de la ville de Troyes élurent, parmi eux, quarante-huit ménagers, artisans de diverses professions et trois bons marchands, destinés à aller peupler la ville de Franchise. Cette élection aurait eu lieu dans les premiers jours de juillet. Les trois bons marchands élus furent Guillaume Molé, (1) Pierre Drouot, le jeune, et Pierre Bruyer. Pierre Drouot se fit décharger de son élection par les commissaires royaux, et Jean de Chatonru «< homme de belle corpulence » remplaça Pierre Bruyer qui, selon les mauvaises langues de son temps, aurait profité de son élection pour faire payer ses dettes.

Le onze juillet, la ville de Nogent-sur-Seine élisait à haute voix le bon marchand qu'elle envoya à Franchise. Le choix portant sur deux habitants, l'élu fut un nommé Chaumart. (*)

Chaque ville eut ses commissaires spéciaux sur le fait de Franchise; comme le roi en avait désignés d'autres pour gouverner cette ville malheureuse. Jean de Daillon, seigneur du Lude, après avoir été gouverneur de cette ville avec Guillaume de Cerisay, paraît être resté, seul, revêtu de ces hautes fonctions. Près de lui on trouve en qualité de commissaires, le même Guillaume de Cerisay, Jean de Baudricourt, chambellan du roi et son lieutenant aux marches d'Artois, Guillaume Choisy, secrétaire du

(1) De la famille qui compta des premiers présidents et de nombreux conseillers au Parlement de Paris et dont le caractère fut si noble pendant les troubles des XVI et XVIIe siècles. Cette famille s'éteignit dans la personne de M. le comte Molé, il y a quelques années. (2) Instrum. no 7.

roi et Etienne Bénard, sieur d'Escuillié, dit Moreau, maitre d'hôtel du roi. ()

Bien que la ville de Troyes demandat à ne fournir que vingt-cinq ou trente ménagers, elle n'en demeura pas moins taxée à quarante-huit et à trois gros et bons marchands. (*)

Le douze juillet, Henry de Thaon, élu pour le roi à Troyes, Jean Perricart, Colinet de Montebbis et Bar-surSeine, poursuivant d'armes du roi, se mirent en route avec les ménagers de Troyes, emmenant avec eux tous les meubles, tous les outils et ustensiles nécessaires à l'exercice des diverses professions de ces troyens, exilés de leur ville natale et qu'un grand nombre ne devait plus revoir. Ce convoi était considérable. Pour sa sûreté, il était accompagné de Suisses, de gens d'armes ou d'archers qui se renouvelaient d'étape en étape. Le voyage ne se passa pas sans incident, ni accident, ni même sans procès. Ce voyage dura douze jours On craignait les Bourguignons ou les Autrichois; aussi les voitures étaient-elles gardées nuit et jour. Les dépenses de ce voyage, suivant le compte que Jean Perricart et Colinet de Montebbis en dressèrent, y comprises les sommes laissées aux ménagers, ne s'éleva pas à moins de 2,436 livres 6 sous 4 deniers t. (3) somme qui, aujourd'hui dépasserait 83,000 livres, suivant Leber.

(1) Ce maître d'hôtel ou valet de chambre du roi se fit, en 1480, concéder, pour dix ans, la fourniture de tous les greniers à sel du royaume à l'exclusion des autres marchands.

(2) La ville de Tours fut taxée à cinquante ménagers et trois marchands. L'élection se fit le 5 juillet. Orléans fournit soixante-dix ménagers et quatre marchands.

(3) Instruments P, no 25.

« ZurückWeiter »