Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Les quatre commissaires de la ville de Troyes « sur le fait de Franchise » présentèrent, le 14 août, aux commissaires généraux en résidence dans cette dernière ville, au nom des habitants de Troyes, lesquarante-huit ménagers ou familles fournis par celle-ci. Tous furent vus et examinés les uns après les autres, et il y eut information sur l'état de leur fortune. Quarante-cinq furent reçus et acceptés par les commissaires royaux, après avoir été reconnus « suffisants, puissants et industrieux. » Les trois refusés furent renvoyés comme « inexperts et inutiles. » A leur départ de Troyes, il fut avancé aux ménagers de quoi vivre pendant deux mois. Chaque chef de famille reçut, par mois, cinquante sous tournois; la femme quarante; chaque enfant ou serviteur, vingt sous. Les habitants de Troyes prirent à leur charge, pendant un an, la nourriture et l'entretien des enfans placés en nourrice.

En octobre 1479, la ville avait encore au moins un député, à Tours, près du roi, afin d'y plaider en faveur de ses intérêts. Ce député était Jean de Marisy, voyeur. Le 11 octobre, il fait savoir à ses concitoyens que le roi a fait partir, pour Franchise, M. du Bouchage. On craint que beaucoup de ménagers, envoyés par les villes de France, ne soient pas acceptés par les commissaires généraux. Le bailli de Reims, encore à Tours, annonce que le roi veut qu'il soit envoyé deur mille ménagers de France pour repeupler la ville de Franchise. M. du Lude annonce que « le roi a pris l'affaire en ses mains, » qu'il ne peut y besogner sur l'heure et qu'il a recom» mandé la ville de Troyes aux généraux de ses finances.>> Mais Jean de Marisy craint l'insuccès de cette recommandation, quelqu'autorisée qu'elle soit. Il annonce enfin

que cent soixante ménagers ont déjà quitté Franchise, et que vingt-huit y sont morts (').

En effet, la misère et le mécontentement règnent sans partage à Franchise. Les nouveaux habitants se plaignent. Ils disent qu'on leur a manqué de parole. Ils vendent leurs meubles pour satisfaire à leurs besoins les plus impérieux et les plus urgents. Ils font arrêter Bar-sur-Seine, poursuivant d'armes du roi et l'un des agents de la ville de Troyes. Ils font saisir son cheval. Ils n'ont pas même de nourriture, et le plus grand nombre ne sait et ne' peut gagner un denier. La misère est partout; aussi les plaintes sont-elles générales. Les ménagers de Troyes veulent aller trouver le roi pour lui faire connaître leur état si précaire et si malheureux, et l'informer de ce qu'ils n'ont encore rien touché sur la somme de cent sous par mois et celle de cent écus que, selon ses ordres, la ville de Rouen doit leur payer. Par l'intermédiaire de Bar-sur-Seine, ils demandent de prompts secours et des armes, afin de pouvoir se rendre au guet, car « la moitié » des gens d'Arras a quitté la ville (*). C'est à peu près en ces termes que s'exprime Bar-sur-Seine dans une lettre qu'il adresse aux habitants de Troyes par le messager Brulefer (").

La ville répondit à cette communication par l'envoi d'une somme de cent vingt livres qu'elle fit parvenir à son agent Bar-sur-Seine (*).

(1) Instruments. Pièce n° 10. 11 octobre 1479. (2) Il s'agit ici des nouveaux habitants.

(3) Instruments. Pièce no 11. 13 décembre 1479.

(4) Instruments. Pièce no 12. 25 janvier 1479 (v. st.)

VI.

Guillaume Choisy, par sa lettre du dernier jour de février 1479 (v. st.), informe les Troyens que le roi n'est pas content de la manière dont les villes de France ont généralement exécuté ses commandements. Les ménagers sont prêts à mourir de faim. Le roi tient à connaître les noms des villes d'où sont venus « les pauvres et les » riches, les bons et les mauvais, et celles qui l'ont bien » ou mal servi. » Il presse l'envoi de nouveaux ménagers « puissants, industrieux et bien conditionnés. » Il demande l'envoi à Franchise, pour en armer les habitants, de voulges, de salades et de hoquetons pour les vêtir ('). Cette lettre eut pour conséquence immédiate de faire procéder à l'élection de sept nouveaux ménagers qui furent conduits à Franchise et présentés aux commissaires généraux. Jean Hennequin, en qualité de bon marchand, fut désigné par ses concitoyens pour se rendre à Franchise et y résider. Mais il se prévalut, afin de se dispenser de ce pénible exil, de sa double qualité de maitre particulier de la monnaie de Troyes et de monnayer du serment de France (*). Il aurait été remplacé peu après par Jean Lopin qui, après avoir protesté à son tour, se décide à quitter sa patrie pour se rendre à Franchise.

Ces nouveaux expatriés font leur voyage par cau, ils

(1) Instruments. Pièce no 13.

(2) Les officiers de l'hôtel des monnaies de Troyes pratiquaient presque tous le commerce, et le maire de Troyes les nommait au XVe siècle, puis après les présenta au roi qui les investissait de leurs fonctions.

débarquent avec leur mobilier et leurs marchandises à Saint-Leu (1), et, par ce moyen de transport, tout ce matériel subit de sérieuses avaries.

La colonie troyenne établie à Franchise, contre son gré, est toujours loin d'être prospère. Dans le courant de mars 1479 (v. st.), la ville de Troyes fait de nouveaux efforts afin d'être débarrassée d'un nouveau contingent qui pèse sur elle (*).

Guillaume Molé, l'un des gros marchands de Troyes () désignés par leurs concitoyens pour établir un comptoir à Franchise, a, dans cette ville, un agent ou facteur. C'est Josse du Mancel. C'est à cet agent qu'il adresse ses marchandises, expédiées par eau. Celles-ci sont débarquées à Saint-Leu. Le 15 mai 1480, Josse du Mancel se plaint d'avaries supportées par des futaines de Milan, des draps et des toiles qui lui ont été expédiés sous la conduite de Collenet (*) de Montebbis et de Peloton. Il menace d'un procès les agents ou messagers de la ville de Troyes, en adressant ses plaintes et ses réclamations à Etienne de Baussancourt, procureur des habitants de Troyes (9).

Les habitants de Troyes se préoccupent avec intérêt du sort de leurs compatriotes envoyés à Franchise. Dans une assemblée générale des habitants, tenue le 2 juillet 1480, au couvent des Cordeliers, il est décidé que Jean

(1) Oise, canton de Creil.

(2) Instruments. Pièces nos 15, 16 et 17.

(3) Les Molé étaient en réalité à la tête du commerce de la ville de Troyes pendant la dernière moitié du XVe siècle.

(4) On trouve Collenet et Collinet.

(5) Instruments. Pièce no 19.

de Marisy et Etienne de Baussancourt se rendront dans cette ville pour s'informer de l'état véritable des habitants. sortis de Troyes, à qui l'on enverra de quoi vivre, des armes et des habillements de guerre.

Sans plus tarder, et dès le lendemain, 3 juillet, Jean de Marisy et Etienne de Baussancourt se mettent en route et se dirigent sur Franchise, malgré la crainte de la peste et des gens de guerre. A cause de l'existence de ce double danger, qui se fait craindre surtout aux environs de Franchise, ils traitent avec les habitants de Troyes, moyennant cent livres chacun (env. 3,000 fr., valeur de 1846), pour exécuter ce voyage à leurs risques et périls et sans aucun recours contre les habitants de Troyes (1).

Ce voyage paraît aussi provoqué par une nouvelle revue que les commissaires généraux veulent faire des artisans d'origine troyenne. En effet, le 21 août suivant, le sire du Lude, le sire de Baudricourt, Guillaume de Cerisay et Guillaume Choisy passèrent cette revue, en présence de Jean de Marisy et d'Etienne de Baussancourt. Les plaintes des ménagers furent entendues et recueillies, ainsi que leurs doléances et leurs remontrances, comme aussi celles que formulèrent les deux députés troyens, après avoir « les uns et les autres, prêté serment sur le » saint canon de la messe et sur les évangiles du roi. » Le procès-verbal d'enquête sur la vie, la renommée, l'état et le bon ou mauvais gouvernement des ménagers, est arrivé jusqu'à nous. Lors de cette visite exacte et scrupuleuse, on fixa les sommes dont chacun d'eux serait aidé par la ville de Troyes. Ces secours furent généra

(1) Instruments. Pièce n° 21.

« ZurückWeiter »