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IX..

En juin 1481, Louis XI fut loin d'être satisfait de tout ce qui s'était passé à l'occasion du repeuplement de Franchise, malgré l'activité que paraissent déployer ses commissaires; leur zèle, excité par le roi, se ralentissait en raison des gracieusetés, à eux offertes par les villes, mème par les individus. A l'aide de ce moyen, à peu près infaillible alors, on obtenait quelques faveurs, malgré la rigueur et les ordres souvent réitérés du royal

maitre.

La population de Franchise s'est encore amoindrie. Le roi, dans des lettres-patentes, datées de Cléry du 3 juin, signées sans doute entre deux prières à la célèbre Notre-Dame-de-Cléry, et adressées à Olivier de Quoactmen (Coëtmen, Coitinen) conseiller et chambellan du roi, son lieutenant à Franchise, à Jean Briçonnet, à Me Richard Nepveu, à Mathieu Dineaume, à Jean Nicolas, à Guillaume Molé, à Jean Rousselet, à Jean De Bray, et à Pierre Aubert, ses commissaires, Louis XI ordonne qu'il sera encore envoyé à Franchise trois cent cinquante bons ménagers par les villes de France, sous de grandes peines pécuniaires applicables au roi et aux villes qui auront fourni leur contingent. Le roi veut en outre qu'il soit levé certains subsides pour former quatre bourses de 5,000 écus chacune, afin d'établir et de faire valoir « le métier et l'artifice de draperie, » par quatre marchands ou facteurs, résidant à Franchise. Les produits de cette fabrique devaient être marqués avec un sceau de plomb, portant d'un côté, à l'avers, un F couronné, acosté de deux fleurs de lys, et au revers,

une grande fleur de lys aussi couronnée. Les laines conduites à Franchise et les draps qui y seront fabriqués doivent circuler par tout le royaume, francs de tous droits de péages, de travers ou autres impositions. Les drappiers et les foulons de Franchise sont appelés à jouir des mêmes priviléges que ceux de Rouen. Nul ne peut vendre, à Franchise, d'autres draps que ceux qui y étaient fabriqués (').

Un autre mandement, émané des commissaires royaux de Franchise, Olivier de Quoactmen, Briçonnet, Molé et autres, daté du 25 juin et adressé au bailli de Troyes, en conséquence des lettres-patentes données le 3 du même mois à Cléry, ordonne que les villes de Troyes, de Chaumont, de Joigny, de St-Florentin, d'Ervy et de Bar-sur-Aube, qui n'ont point fourni leur nouveau contingent (sans doute celui qui fut imposé à la revue d'août 1480), présenteront de nouveaux ménagers dont le nombre est ainsi réparti : Troyes devait en fournir quinze; St-Florentin, 2; Bar-sur-Aube, 5; Joigny, 3; Ervy, 2; et Chaumont, 3. Par ce mandement du 25 juin, cette levée d'hommes fut modifiée, Troyes ne dut plus fournir que sept ménagers, parmi lesquels se trouveraient deux tisserands de draps, un maître drappier « puissant et riche » et quatre foulons, peigneurs et cardeurs; Bar-surAube eût à fournir un tisserand de draps et deux foulons, peigneurs ou cardeurs; Joigny, deux ouvriers en draperie; Ervy, un seul ouvrier de la même profession; Chaumont, les deux tanneurs « autrefois élus. » Mais si le nombre des ménagers est réduit, il n'en fut pas de

(1) Instruments. P. nos 31 et 32.

même du numéraire. Les mêmes villes de Champagne furent désignées pour fournir entr'elles la somme nécessaire à la formation de quatre bourses de cinq mille écus chacune (1) soit environ 450,000 fr., valeur de 1846, (selon Leber).

X.

En exécution de ces derniers ordres, il y eut à Troyes, en juillet 1481, une assemblée composée de députés et de marchands envoyés par les villes imposées à cette énorme taxe, dans le but de répartir, entre toutes ces villes, la portion pour laquelle chacune d'elles contribuerait à la constitution des bourses dont la formation était ordonnée par le roi.

Il ne fut sans doute pris aucune décision à une première assemblée, car, le 20 août suivant, se réunissaient à Troyes, avec ceux de cette ville, les députés de Rheims, de Châlons, de Meaux, de Provins, de ChâteauThierry et de Bar-sur-Aube. Ces députés, qui représentaient les principales villes de Champagne et de Brie, s'engagèrent, pour leurs villes, à fournir somme suffisante, afin de constituer une bourse commune qui devait être employée au commerce à Franchise. Ils désignèrent Josse du Moncel, déjà facteur de Guillaume Molé, à Franchise, « afin d'exercer, de par eux, cette bourse commune. » Il fut arrêté que ce facteur préleverait à son profit tous les bénéfices qu'il pourrait réaliser; que, si le roi faisait « cesser la bourse commune, du Moncel

(1) Instruments. Pièce no 33.

» en rendrait le montant après un délai de trois ans, » et il serait quitte de sa dette, si tout était perdu par >> fortune de guerre, de feu ou d'eau et sans qu'il y eût » faute de sa part. »>

Du Moncel ratifia les conventions qui lui furent imposées et s'engagea à les exécuter « de son corps et à tenir prison fermée. »

Cette Bourse commune, ou société formée avec des fonds fournis par les principales villes de Champagne, se constitua sous le patronage et la raison sociale de Jean Molé, frère de Guillaume, dont les intérêts, à Franchise, sont confiés à Josse du Moncel, et de Guillaume Boucherat, de Châlons-sur-Marne, beau-frère de Guillaume Molé. Josse du Moncel, tout en s'engageant directement envers les députés des villes de Champagne, n'était, en réalité, que l'agent de ces deux négociants associés, directeurs de la commandite, comme on dit aujourd'hui. A eux incombe la charge de remplacer du Moncel, selon l'engagement qu'ils ont pris envers les députés des villes de Champagne. De ces diverses conventions, il fut passé actes sous le sceau de la prévôté de Troyes, dont les originaux sont arrivés jusqu'à nous (1).

La constitution de cette société commerciale se fit sans les brillantes illusions qui décorent si vivement le commencement des entreprises commerciales de notre époque, où il n'est, à l'origine, question que de gros intérêts, de bénéfices et de dividendes; illusions splendides qui sont suivies des plus amères, des plus cruelles et

(1) Instruments. P. no 34 et 35.

des plus coûteuses déceptions! Alors, sous l'inspiration de Louis XI, les négociants champenois, toujours prudents et sages, à cette époque comme à la nôtre, ne supputent point les bénéfices qu'ils pourraient réaliser : ils les abandonnent à leur agent. Ils ne calculent que les chances défavorables. Ils dressent, si l'on peut dire, leur acte de société en vue de pertes et ne paraissent pas même soupçonner les les chances heureuses ou les bénéfices à réaliser pour eux-mêmes. Ils ne voyaient que trop la vérité! L'expérience de plus de deux années leur avait appris à ne pas compter sur l'avenir commercial de Franchise, sous la main de fer et la tyrannique volonté de Louis XI.

De semblables associations commerciales par province s'établirent, sous la même force, dans les villes de Tours, d'Orléans, de Soissons, de Harfleur, et dans d'autres sans doute. Ces villes élurent de bons marchands et fournirent à chacun d'eux cinq cents écus d'or.

XI.

Dans le cours de septembre 1481, la ville de Troyes emprunta dix-huit cents écus sur les habitants les plus aisés ('); cinq cents étaient destinés à la bourse commune et le surplus fut appliqué aux besoins des ménagers de Franchise. Le 5 octobre, du Moncel avait reçu la somme qui lui avait été promise (3).

Le vendredi 21 septembre, un nouveau convoi de mé

(1) Instruments. Pièces nos 36 et 37.

(2) Pièce n° 38.

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