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» malheurs, si les soldats, soit qu'ils fussent effrayés de » leur propre faiblesse, soit qu'ils eussent reçu un ordre » supérieur, ne se fussent retirés assez en désordre. Les

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esprits se calmèrent, et je crois que l'orateur jura, » mais un peu tard, etc.... La musique succédant bien» tôt acheva de remettre les esprits; la musique a tant d'empire sur nous ! Tu vois donc que le sanctuaire des » arts a été violé par des gens armés. Où se réfugiera» t-on, si Mars vient nous frapper même sous les yeux » et derrière l'arc d'Apollon, et si ce Dieu cruel vient » victimer les Muses en égorgeant leurs nourrissons dans » leur sein? On espère que personne n'a été blessé, je » le désire, mais il est plus que fâcheux de voir une fête » de famille troublée par l'appareil militaire. »

Dans un moment où, le croyant un peu à l'étroit peut ètre, l'un des membres de sa famille lui demandait s'il ne lui fallait pas d'aide, il répondait : « Je vous remercie » tous de votre sollicitude et de vos offres, je n'ai pour >> le moment besoin d'aucun secours de mes chers » frères; si les circonstances m'étaient contraires, je » n'hésiterais pas à implorer leur appui; toutefois, je » chercherai à ne leur causer aucun embarras, car je » sais par expérience que l'on se met, pour ainsi dire » sous la dépendance de celui qui vous oblige : et comme >> il est possible que je ne me conduise pas toujours sui» vant votre manière de voir et vos désirs, je veux au » moins que vos conseils ne ressemblent en rien à des >> ordres. >>

Il écrivait également : « Je méprise trop les cancans » et la race cancanière pour m'en occuper un seul ins» tant, ma conduite est toujours basée sur des règles

»> fixes et invariables, j'espère qu'elle sera toute ma vie » celle d'un honnête homme. »

Puis « Adieu, parle de moi le moins possible, j'aime » peu que le public s'entretienne de mes actions, quoi » qu'elles soient à l'abri de tout reproche. »>

XI.

Cette nature si fière n'était pas moins sensible ; chacune des lettres de Dutilleux témoigne de la bonté de son âme, de sa religion pour les bienfaits, de son culte pour les souvenirs.

Au jour anniversaire du décès de son cousin, il dit : « Je finis, car je suis triste, très triste...... il y a un an » à pareille heure, hélas! mon second père me quittait » pour toujours, et j'étais à Arras, et celui qu'il avait » élevé comme son fils ne lui a point fermé la paupière, » mes yeux se remplissent de larmes, adieu, adieu tous, » adieu. »

A l'annonce de la mort d'un ami, il soupire ces touchantes paroles « Pauvre Verhague...... il parait que j'aurai plus d'une tombe à visiter à mon retour................ » et ce pauvre Demonchy, encore et toujours, ah!

» Si, vers les lieux où leur cendre repose,
» Le sort ramène un jour mes pas errants,
» Sur leur tombeau j'effeuillerai la rose,

» Mes pleurs diront nous eumes un printemps.

D

Il ne fallait pas, afin de l'émouvoir, que les choses lui

fussent personnelles, tout ce qui était grand, noble, généreux, tout ce qui était souffrance surtout, trouvait un écho dans son cœur; il appartenait, en effet, à ceux auxquels on peut appliquer ce beau vers du Cygne de

Mantoue:

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Sunt lacrymæ rerum et mentem mortalia tangunt.

La lecture d'une relation sur l'infortuné prince de la Moskowa inspire à Dutilleux ces lignes : « Sais-tu que » le Mémorial est parfois intéressant, et que parmi tout » le fatras d'esprit à la mode on trouve des choses bien » pensées et vigoureusement peintes! l'article sur le général Ney m'a surtout frappé. J'ai versé de bien » douces larmes avec cette bonne sœur de charité. Dans » le temps où nous vivons, où bientôt la pensée d'un » frère ne parviendra plus vierge à son frère, on aime » à se cramponner à tout ce qui rappelle une époque » plus glorieuse, on se plaît à verser des pleurs sur ces » anciennes gloires en un jour élevées et renversées en » un jour. Malheureusement pour X..., cet article n'est » pas de lui, mais n'importe, bravo.... bravo, il vaut » mieux plaire par le génie des autres, qu'ennuyer avec

>> le sien. >>

Quelle sève, quel élan, où trouver plus d'énergie allice à plus de douceur ?

XII.

En 1830, voyant son patrimoine presque totalement

dépensé, ne voulant pas faire un métier de la profession d'artiste, qu'il considérait comme un sacerdoce, et se sentant assez fort pour voler de ses propres ailes, Dutilleux songea au retour.

Vainement lui parla-t-on d'un voyage soit en Suisse, soit dans les Ardennes, dont on offrait même de le défrayer, « non, répondit-il, il y a quatre ans, j'aurais » fait le tour du monde, rien n'égale la présomption d'un » élève sortant du collége; il y a trois ans j'aurais fait » volontiers le voyage de Rome; il y a deux ans je suis » venu encore volontiers à Paris; il y a sept mois j'y >> suis venu à contre-cœur et je m'arrange à pouvoir » m'en passer pendant un certain temps; je suis plus » que las de cette vie errante et vagabonde, je veux » chercher enfin à reposer ma tête. D'ailleurs un voyage » de cette espèce ne me plairait plus. Je n'ai point une » santé à supporter tant de fatigues, et puis le profit que » j'en retirerais serait bien mince. Eh! mon Dieu, pourquoi courir si loin? Il n'est point de nature in» grate qui ne puisse se plier à la peinture, il s'agit de » la saisir par son vrai caractère. »

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Ces lignes trahissent une certaine lassitude, en voici d'autres qui sentent le découragement: « Quant au goût décidé de mon gentil filleul pour la peinture, je désire beaucoup qu'il l'abandonne au plus tôt et dans son in» térêt, je sais ce qu'il en coûte pour vouloir être ar>> tiste.... Défions-nous de l'ambition, elle nous tue, bor»> nons nos désirs, pourquoi les étendre au-delà de no>> tre sphère? >>

XIII.

C'était plus qu'il n'en fallait pour que Dutilleux mit ses projets à exécution. En mars, il revint à Douai, et là comme autrefois Antée touchant la terre, il retrouva immédiatement ses forces premières au contact de sa famille.

Il ne voulut pas néanmoins rester à Douai, où sa peinture « n'était pas en odeur de sainteté. » Une médaille obtenue à Cambrai, avait froissé ces envieuses susceptibilités, qu'offense toujours dans les petits cercles surtout quiconque revendique sa place au soleil et dépasse le niveau de la médiocrité.

Donc, après quelques mois consacrés à l'amitié et au repos dont il avait le plus grand besoin, Dutilleux vint se fixer à Arras, où du reste son parent, M. Seiter, chef d'une institution florissante, l'appelait pour lui confier son cours de dessin.

XIV.

L'arrivée du jeune professeur fut tout un événement; rompant avec la méthode suivie jusqu'à lors, il proscrivit les pointillés à entrecroisements minutieusement dégradés, et les hachures calligraphiques du crayon, pour les remplacer par le rendu simple et naturel de l'estompe, puis aux modèles gravés il substitua la bosse et l'étude d'après nature.

Ce renversement, si rationel cependant des idées reçues, ne s'opéra pas sans effort; bien des parents

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