Nous devons tous oblation A ta dévote affection,
A ton labeur et ton courage Que tu as prins pour séparer Notre famille de l'ombrage Que le tems faiset esgarer.
Un conte Bauduin (') debonnaire, Marchoit sous la voûte lunaire, En Flandre, il y a six cents ans. Ce prince, ayant veu en ta race Des hommes très preux et vaillans, Il leur fit donner une place,
A Hendecourt, est ce beau lieu, Lieu beau pour habiter un Dieu Où esclatte une seigneurie Qu'il donna pour rescompenser Ceux à qui jamais la furie
N'a sceu d'une tache offenser.
Ce lieu, ce lieu'jusqu'à cette heure Fut une honorable demeure De plusieurs mémorables héros Qui, bouillonnant d'une vaillance, Brusloient de conquester des los Dans les feux que Bellone eslance.
Azincourt en est le tesmoing, Car il a veu, l'espée au poing, Un de noz ayeuls, pour la France, Combattre et renverser des corps Pour faire aux Anglois résistance Et les rendre au fleuve des morts.
(1) Probablement Baudouin IV, dit à la Belle-Barbe.
Repoussant la bande ennemie.,
Non pas d'une face blesmie, Mais à la teste du canon,
Un coup jetté de l'adversaire, Dans un sépulchre sanguinaire, Luy fit éterniser son nom.
Je ris qu'un cerveau méchanique Nous vouloit deschirer antique La race et la face et le flanc; Mais tu as esmoussé sa rage Et monstré que l'illustre sang Brille bien plus que son lignage. Retire de ce fleuve sombre
Ta race, qui n'estoit qu'un ombre, Et d'un incomparable cœur, Ton esprit politique et sage, Fasse le noble chien vaincour D'un ours ancré dans le bocage.
Monstre luy son antiquité Et fais luy voir que l'équité A illustré ton parentage, Que s'il a acquis des honneurs,
Ce ne fut à chanter en cage
Comme font tous ses bouffonneurs.
Si Joyel se montre reconnaissant de l'éclat jeté sur sa famille, il prouve également sa gratitude envers ceux qui ont encouragé le jeune poète. C'est ainsi qu'il s'acquitte envers M. de Bretencovrt, dans les vers suivants : (Ode iv) .... Les Dieux ont esté si courthois, Qu'ils ont versé dans un François
Tout ce que peut apprendre une âme, Et ce que nous pouvons avoir
Durant nostre vitale trame,
Jusqu'au Carontide abreuvoir...
Au mesme (Stances).
Je m'en iray trouver les ombres de tes pères, Je diray votre filz brille par l'univers ;
Ils trouveront plus doux ces royaumes sévères, Scachans que Bretencovrt fait des si braves vers...
Il ajoute, comme une preuve de son affection, cette dernière strophe :
Que je seray content, quand je verray ta plume Reluire auprez du roy de cette noire court,
Et te voyant si tost en ce palais qui fume,
Je t'iray embrasser, mon brave BRETENCOVRT !
Dans les stances adressées au docteur et professeur en médecine Du Gardin (') on lit
... Tes livres vont par l'univers Visiter des climats divers,
Et passent les flots de Neptune :
Quand le Dieu du vaste élément Sent la charge assez rudement, De tes volumes sur son onde,
Il bave et escume plus fort:
Mais il se taist sçachant qu'au monde Ils voguent pour chasser la mort.
(1) Du Gardin a laissé différents ouvrages de médecine, entre autres, un traité sur la peste sous ce titre : Alexiloimos, sive de pestis natura, causis signis, prognosticis, præcautione et curatione; Douai, 1617, un vol. in-12.
A M. Dom Albin FARBUT, religieux de l'abbaye de
Sur la vanité et fuite du temps.
... Une mesme saison n'emporte nostre vie, L'un trespasse en naissant, l'autre dans le berceau; Celle-cy dans le flanc maternel est ravie, Celuy-ci tout chenu trouvera son tombeau.
Un folastre s'amuse à prendre des chimères Et courir des oyseaux qui ne durent qu'un jour; Il postpose le ciel aux choses éphémères, Et ne suce qu'un ombre en son fresle séjour;
Il caresse l'esmail d'une face pucelle, Et pense sur un vent se fonder et s'assoir; Il délaisse, insensé, une rose éternelle, Pour une pauvre fleur qui se fanit au soir.
O homme sans raison, tu cours à la fumée, Et tu cerche de l'or qui n'est qu'une vapeur...
Sitost qu'un homme meurt, son âme prend la fuite Et l'élément de l'air occupe sa prison,
La femme est toute en pleurs, l'enfant se précepite, Et on n'entend que cris parmy cette maison.
Une trouppe d'amis suit ce corps à la cendre, On le quitte sitest qu'il a les yeux couverts.. Cet homme qui mangeoit est mangé dans la terre, Et c'est son propre corps qui le dévore ainsi...
Voyla que c'est de toy, ô homme misérable,
Et voyla le tableau de ton tragique sort.. Tu hume le petun (1), tu pousse la fumière Hors du nez, que tu vois se perdre si souvent, Hé Dieu tu ne dis pas, mon âme est casanière Dans un lieu, qui n'est rien que fumée et que vent. ... Las! ainsi, mon cousin, l'homme à des riens s'amuse Et culbute aux enfers comme un flocon neigeux : Le vray piège enchanteur de ce monde l'abuse Et le perd au plaisir de son crime fangeux... ... Toy, tu donne du pied à la fade paresse, Tu as toujours la main à quelque sainct labeur : Si le jardin te tient, ou Pomone te presse, Ce n'est que pour le ciel passer un tans pipeur. ... L'inconstance du sort ne change ton courage, Tout marche sur ton front avecque un mesme pas; Une ferme vertu s'assit sur ton visage,
Et se rit tout à fait des œuvres du trespas.
Sur la mort de M. Hardy, prince des poètes comiques (*) (10 strophes de 6 vers).
Que la France ne soit faite qu'une rivière Puisque le grand soleil des poètes est mort.
Ton grand Paris n'est plus qu'une isle très déserte; Sa structure est de pleurs jusqu'au faiste couverte. ... Son Louvre n'a plus rien de sa pompe royale, L'esprit du roy se voit confus dans un dédale,
(1) Nom que l'on donnait alors au tabac.
(2) Le premier auteur dramatique qui ait réclamé et obtenu la part d'auteur. Il avait été nommé par Henri IV, Poète du Roi,
« ZurückWeiter » |