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où sont engagés les intérêts les plus graves de la religion et de la société toute entière, alors, Messieurs, la mission que vous confiez à l'un de vous a quelque chose d'effrayant, et l'on ne peut l'accepter qu'en s'appuyant sur votre extrême indulgence.

Telle est l'impression que j'éprouve à la pensée d'écrire la notice historique de Monseigneur Parisis, évêque d'Arras, de Boulogne et de Saint-Omer, membre honoraire de notre Société. Sa vie est sans contredit l'une des plus belles, des plus pleines, des plus fécondes qu'offrent les annales de l'église de France. Son attitude comme défenseur des libertés catholiques a fixé les regards de l'Europe, et long-temps l'épiscopat français sembla se personnifier en lui pour la révendication de ses droits à l'enseignement des nations. Ses ouvrages de polémique ont eu l'étonnant privilège d'être accueillis avec bonheur par les hommes sérieux de toutes les nuances d'opinion, et de commander le respect à ses adversaires les plus déclarés, qui tentèrent quelquefois de les réfuter, mais jamais d'en contester le mérite.

Suivre notre vénérable collègue dans les diverses phases de sa longue carrière; redire ses travaux apostoliques, et les créations de son zèle; rappeler les circonstances solennelles où il fit preuve de courage autant que de tact; apprécier ses nombreux écrits; en faire ressortir l'apropos, la portée et le succès, c'est le but que je m'efforcerai d'atteindre.

Si je réussis, Messieurs, j'aurai montré que Monseigneur Parisis fut un grand évêque, un éminent écrivain, un polémiste habile.

I.

Pierre-Louis Parisis naquit à Orléans, le 12 août 1795, de parents honnêtes, mais peu favorisés des dons de la fortune. Sa naissance au sein de cette humble famille, ne pouvait faire présager ses futures destinées, et personne, en voyant son modeste berceau, n'eût pensé qu'il contenait un illustre évêque, un puissant défenseur de l'église.

Les premières années de sa vie ne se passèrent pas de manière à donner à ses parents de flatteuses espérances. Il était dissipé, pétulant, ardent pour les jeux, n'aimant pas les choses sérieuses. Confié successivement à plusieurs de ces maîtres qui vendaient des leçons de lecture, d'écriture et de grammaire, en l'absence d'écoles régulières, il montrait peu de goût pour l'étude et peu de penchant pour l'application.

Le moment étant venu de commencer l'étude du latin, il suivit, pendant une année, les cours du collége d'Orléans, où la conduite des maîtres et des élèves firent une telle impression sur lui, qu'il en parlait souvent plus tard avec une indicible douleur. Ce spectacle cependant produisit sur son cœur un effet contraire à celui que l'on devait redouter. Au lieu de l'entraîner dans la voie du mal, il révolta son âme pleine d'une droiture naturelle, et lui inspira la plus vive horreur pour les honteux excès dont il était témoin.

Le petit séminaire d'Orléans venait de s'ouvrir, et la Providence y appelait le jeune Parisis pour la réalisation de ses desseins. Ses débuts dans cet établissement n'eurent cependant rien de remarquable, ni du côté de ses

succès littéraires, ni du côté de ses sentiments religieux, jusqu'à l'époque de sa première communion.

Cet acte solennel qui, de nos jours encore et au sein des populations les moins chrétiennes, exerce un véritable prestige sur les enfants et sur leurs familles ellesmêmes, laissa dans le cœur du jeune Pierre-Louis une impression profonde et durable. Dès-lors, il se sentit changé, transformé, et sa conduite ne se démentit jamais; soutenu qu'il était dans cette voie nouvelle par les conseils et les exemples d'un saint élève avec lequel il se lia d'une étroite amitié.

Cet ami, qui aspirait à la dignité sacerdotale, et s'étudiait à pratiquer les vertus qu'elle exige, ne fut pas étranger à la détermination sérieuse que prit le jeune Parisis d'embrasser cette carrière, à laquelle il avait peu pensé jusque-là.

Le petit séminaire d'Orléans, comme tous les établissements qui se fondèrent à la suite de la tempête révolutionnaire, dans l'intérêt des études, n'avait pas assez de ressources pécuniaires pour se procurer des professeurs formés à l'enseignement. Les professeurs habiles, du reste, étaient rares à cette époque; il fallait se servir des éléments qu'on avait sous la main, et souvent employer les élèves plus avancés pour instruire ceux des cours inférieurs.

Cette pénurie de maîtres explique comment, tout jeune encore, Pierre-Louis Parisis fut chargé de la surveillance d'une salle d'étude, et bientôt après de la direction de la classe de troisième. Il n'avait alors que dix-sept ans; mais sa facilité naturelle, son ardeur pour le travail, cet amour de l'ordre qui double le temps et

les forces, lui firent remplir ses fonctions de la manière la plus satisfaisante. Aussi allait-il jusqu'à s'astreindre à faire lui-même les devoirs qu'il donnait à ses élèves, tout en continuant le cours de ses propres études.

Six années environ s'écoulèrent dans ce professorat, et mùrirent sa vocation. Il lui tardait de répondre à l'appel de sa conscience, et au désir qu'il avait de devenir prêtre pour travailler au salut des âmes.

Ses humanités terminées avec un brillant succès, il entra au Grand-Séminaire pour étudier la philosophie et la théologie. Mais tels étaient les besoins du diocèse et la rareté des vocations ecclésiastiques, qu'il reçut la prétrise dans le courant même de l'année 1819, où il venait de commencer ces importantes études, et fut immédiatement après chargé de professer la rhétorique au PetitSéminaire, de former les jeunes lévites à la science des cérémonies et d'exercer les fonctions de vicaire dans une église de la banlieue. Il fit marcher de front ces divers emplois, sans rien laisser en souffrance; tant ses aptitudes étaient grandes et son zèle infatigable.

Ses travaux comme professeur de rhétorique, en lui permettant de mettre en lumière ce qu'il y avait en lui de bonne littérature et de science des classiques, devinrent une initiation à l'éloquence de la chaire. Nommé vicaire d'une des plus grandes paroisses d'Orléans, il fit sensation par sa diction pure, par son geste animé et par sa voix sonore. A cette époque où la parole entraînante des Fayet, des Lacordaire, des Ravignan, des Dupanloup n'avait pas encore retenti dans la Cathédrale d'Orléans, ses prédications étaient suivies, et méritaient de l'être.

En 1827, la ville le chargea de prononcer l'éloge de Jeanne d'Arc. C'était une épreuve délicate pour un jeune talent oratoire, et néanmoins le vicaire de Saint-Paul la subit avec un succès que l'Administration municipale voulut constater par un souvenir auquel il attacha toujours le plus haut prix. C'est une belle gravure richement encadrée, portant cette inscription: « Hommage de la ville d'Orléans à M. l'abbé Parisis, qui a prononcé l'éloge de Jeanne d'Arc en 1827. » La municipalité fit imprimer ce discours, et c'est probablement le seul qui ait été livré à l'impression de tous ceux qu'il composa avant son épiscopat. Jusqu'ici, du moins, les recherches faites dans le but d'en découvrir sont restées sans résultat. On n'en retrouve non plus aucun, en manuscrit, si ce n'est ce panégyrique qu'il annota de sa propre main en 1865, sur le manuscrit original.

L'ensemble de ce discours trahit une certaine inexpérience; il manque en plusieurs endroits de cette allure. simple, de cet enchainement d'idées, de cette science des transitions que l'on remarque dans les écrits de l'évêque de Langres et d'Arras. Néanmoins il contient en germe les qualités qui font de Mgr Parisis l'un des écrivains les plus classiques de notre époque.

Son curé, qui l'aimait, à cause de son amour du travail, de son activité et de ses moyens naturels, le signalait à l'autorité supérieure comme un jeune prêtre de grande espérance. Cette recommandation jointe à ses talents, à ses vertus sacerdotales, déterminèrent Mgr de Beauregard, son évêque, à le nommer curé de Gien, avec le titre de doyen rural, qui lui donnait une prééminence d'honneur sur les autres curés titulaires de

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