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aux siens: «Lorsque je serai guéri, nous quitterons Paris; » tantôt à Douai, tantôt à Arras, au sein de ma famille, » à laquelle je veux consacrer les jours de grâce que la » Providence daignera m'accorder encore, je reprendrai » mes pinceaux, mais je ne me fatiguerai plus. » Vain espoir! ses heures étaient avarement comptées par la mort, qui l'avait touché de son aile, et rien ne devait prévaloir sur les décrets d'en haut. Le vendredi 20, vers sept heures du soir, Dutilleux, portant subitement la main à son front, s'écria : « quelle douleur! » et s'affaissa sur lui-même; son âme avait rompu ses dernières attaches et s'était envolée dans l'Éternité!.......

On ramena sa dépouille mortelle dans la sépulture où l'attendaient trois petits anges... Aucun discours ne fut prononcé sur sa tombe, mais derrière son cercueil se pressait la ville en deuil, et en tête du cortège marchait M. Corot, accouru de Fontainebleau pour rendre ce suprême hommage à celui qui l'avait tant aimé.

XLIII.

Sur la proposition de l'un de ses membres, M. Octave Petit, ancien élève de Dutilleux, la Commission du Musée décida, unanimement, qu'avec le concours de quelques amis du maître, une exposition de ses œuvres serait ouverte dans les salons du palais de Saint-Vaast, au moyen d'une souscription publique, dont le montant, les frais de cette exposition soldés, servirait à l'acquisition d'un tableau de choix offert à la Cité.

L'appel, fait au nom de Dutilleux, trouva partout un

sympathique écho; chacun tint à honneur de figurer sur la liste, où l'on voit l'offrande qu'y inscrivit généreusement Monseigneur Parisis la veille même du jour où, lui aussi, devait être foudroyé.

XLIV.

Des douze cents toiles environ que peignit le maître, et des cinq à six mille dessins qu'il laissa ('), trois cents peintures et cent fusains, pastels, plumes, aquarelles ou sépias, furent réunis, qui composèrent l'exposition dans laquelle, pendant quinze jours, se pressa la foule des visiteurs étonnés de tant de talent, de tant de fécondité, et se demandant comment n'avait pas, de son vivant, fait plus de bruit l'homme qui avait créé tant de merveilles, qu'il fit le portrait, la figure nue, le paysage, la nature morte, le tableau de genre ou le tableau d'église.

Dutilleux, en effet, avait abordé avec un égal succès toutes les branches de l'art, et il serait difficile de dire dans laquelle il a le plus brillé.

XLV.

Enumérer les principales œuvres de cette exposition entraînerait infiniment trop loin, parler de ses plus belles perles serait trop long encore.

Nous nous bornerons à dire que chacun a distingué :

(1) Il existe aussi de Dutilleux, quelques lithographies et quelques glaces photographiques.

Dans les Études d'après nature.-Le Port de Gravelines, la Masure de Mers, la Sablière de Fontainebleau, les Dessous de Bois, appartenant à M. Bellon, à Mile Petit, et celui acheté pour le Musée, la Scarpe à Saint-Nicolas, la Saulée de la Longuinière, la Charrette à Sin, les Maisons dans les dunes de Dunkerque, le Chemin d'Achicourt:

Dans les Compositions.-Un Soleil couchant, un effet du matin intitulé l'Anachorète, le Clocher du hameau, une Prairie vers le soir, l'Entrée du village de Mangeville, le Chasseur au marais:

Dans les Tableaux de genre. -St-Louis de Gonzague, St-Christophe, l'Auberge au cheval noir, achetée pour le Musée :

Dans les Éudes de nu. La Nymphe vue de dos, que Rubens n'eût pas désavouée, l'Enfant au papillon, plus original peut-être encore :

Dans les Portraits.-Ceux de Messieurs Robaut et Octave Petit, celui indiqué au Catalogue sous le no 237, peint dans le goût des vieux maîtres, celui de dame Le Riche, sous-prieure des Augustines, ceux de Madame Deusy, de M. Joseph Dutilleux, et la tête de jeune fille portant. le n° 208:

Dans les Natures mortes. Celles appartenant à Messieurs Dourlens et de Galametz. Un tableau de fruits et deux intérieurs de cuisine qu'on aurait pu attribuer à Teniers.

XLVI.

A l'issue de l'exposition, cut lieu la vente des œuvres

que ne s'était point réservées la famille. Vivement disputées, et pour la plupart acquises non trop chèrement, mais à des prix élevés, et souvent bien supérieurs à ceux qu'en aurait demandé le maître, toutes les toiles s'enlevèrent jusqu'à la dernière.

Déjà commençait à poindre l'aurore du jour qui aurait permis d'appliquer à Dutilleux, peut être insuffisamment apprécié jusqu'alors, ces consolantes paroles de Senèque:

« Gloria umbra virtutis est; etiam invita comitabitur. » Sed quemadmodum aliquando umbra antecedit, aliquando » sequitur, vel a tergo est: ita gloria aliquando ante nos est, »visendamque se præbet; aliquando in averso est; ma» jorque, quo serior, ubi invidia secessit. » (Epist. LXXIX).(")

(1) La réputation est l'ombre du talent, malgré lui elle l'accompagnerait encore. Et de même que notre ombre marche tantôt devant nous et tantôt derrière, ainsi la réputation parfois nous devance, et parfois nous suit, d'autant plus grande qu'elle arrive plus tardivement, alors qu'ont disparu les envieuses rivalités.

DEUXIÈME PARTIE..

I.

Dutilleux, qui vient de se révéler à nous bien plus et bien mieux par lui-même que par ce que nous avons pu dire, va se révéler plus complètement encore si, le suivant toujours, nous l'étudions au triple point de vue de son talent d'artiste, de son mérite comme littérateur, et de son caractère d'homme.

Fut-il plus peintre que poète et musicien ? nous n'oserions l'affirmer, tellement vibrait dans sa riche et complète organisation tout ce qui traduisait les plus nobles mouvements de l'âme et ses aspirations vers l'idéal de la beauté; constatons seulement que l'instinct de la peinture fut le premier dont il sentit l'éveil, qu'il s'y

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