Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

insensibles à la peine de leur frère, et qui n'ont aucun plaisir à la soulager. Hélas! cette vertu si digne de notre amour est peut-être bien plus rare encore qu'on ne pense. Je le dis avec douleur: si du nombre de ceux qui semblent y prétendre on écartoit tous ces esprits orgueilleux qui ne font du bien que pour avoir la réputation d'en faire, tous ces esprits foibles qui n'accordent des grâces que parce qu'ils n'ont pas la force de les refuser, qu'il en resteroit peu de ces cœurs vraiment généreux dont la plus douce récompense pour le bien qu'ils font est le plaisir de l'avoir fait! Le duc d'Orléans eût été à la tête de ce petit nombre. Il savoit répandre ses grâces avec choix et proportion; son cœur tendre et compatissant, mais ferme et judicieux, eût même su les refuser à ceux qu'il n'en croyoit pas dignes, s'il ne se fût ressouvenu sans cesse que nous avons un trop grand besoin nous-mêmes de la miséricorde céleste, pour être en droit de refuser la nôtre à personne.

Il étoit bienfaisant, ai-je dit. Ah! il étoit plus que cela, il étoit charitable. Et comment ne l'eût-il pas été? Comment, avec une foi si vive, n'eût-il pas aimé ce Dieu qui avoit tant fait pour lui? Comment la sainte ardeur dont il brûloit pour son Dieu ne lui eût-elle pas inspiré de l'amour pour tous les hommes que Jésus-Christ a rachetés de son sang, et pour les pauvres qu'il adopte? La gloire du Seigneur étoit son premier désir, le salut des âmes son premier soin secourir les malheureux n'étoit de sa part

:

qu'une occasion de leur faire de plus grands biens en travaillant à leur sanctification. Il rougissoit de la négligence avec laquelle les dogmes sacrés et la morale sainte du christianisme étoient appris et enseignés. Il ne pouvoit voir sans douleur plusieurs de ceux qui se chargent du respectable soin d'instruire et d'édifier les fidèles se piquer de savoir toutes choses, excepté la seule qui leur soit nécessaire, et préférer l'étude d'une orgueilleuse philosophie à celle des saintes Lettres, qu'ils ne peuvent négliger sans se rendre coupables de leur propre ignorance et de la nôtre. Il n'a rien oublié pour procurer à l'Église de plus grandes lumières, et au peuple de meilleures instructions. Chacun sait avec quelle ardeur il montroit l'exemple, même sur ce point. Semblable à un enfant préféré, qui, pénétré d'une tendre reconnoissance, feuillette, avec un plaisir mêlé de larmes, le testament de son père, il méditoit sans cesse nos livres sacrés; il y trouvoit sans cesse de nouveaux motifs de bénir leur divin auteur, et de s'attrister des liens terrestres qui le tenoient éloigné de lui. Il possédoit la sainte Écriture mieux que personne au monde; il en savoit toutes les langues, et en connoissoit tous les textes. Les commentaires qu'il a faits sur saint Paul et sur la Genèse ne sont pas un témoignage moins certain de la justesse de sa critique et de la profondeur de son érudition, que de son zèle pour la gloire de l'Esprit saint qui a dicté ces livres; et la chaire de professeur en langue,

hébraïque, qu'il a fondée en Sorbonne, n'y sera pas moins un monument des lumières qui lui en ont fait apercevoir le besoin, que de la munificence chrétienne qui l'a porté à y pourvoir.

Mais à quoi sert d'entrer ici dans tous ces détails? Ne nous suffit-il pas de savoir qu'il avoit, à ce haut degré, une seule de ces vertus, pour être assurés qu'il les avoit toutes? Les vertus chrétiennes sont indivisibles comme le principe qui les produit. La foi, la charité, l'espérance, quand elles sont assez parfaites, s'excitent, se soutiennent mutuellement; tout devient facile aux grandes âmes avec la volonté de tout faire pour plaire à Dieu; et les rigueurs mêmes de la pénitence n'ont presque plus rien de pénible pour ceux qui savent en sentir la nécessité et en considérer le prix. Entreprendrois-je, messieurs, de vous décrire les austérités qu'il exerçoit sur lui-même? N'effrayons pas à ce point la mollesse de notre siècle. Ne rebutons pas les âmes pénitentes qui, avec beaucoup plus d'offenses à réparer, sont incapables de supporter de si rudes travaux. Les siens étoient trop au-dessus des forces ordinaires pour oser les proposer pour modèles. Eh! peu s'en faut, mon Dieu, que je n'aie à justifier leur excès devant ce monde efféminé, si peu fait pour juger de la douceur de votre joug. Combien de téméraires oseront lui reprocher d'avoir abrégé ses jours à force de mortifications et de jeûnes, qui ne rougissent point d'abréger les leurs dans les plus honteux

excès! Laissons-les, au sein de leurs égaremens, prononcer avec orgueil les maximes de leur prétendue sagesse; et cependant le jour viendra où chacun recevra le salaire de ses œuvres. Contentons-nous de dire ici que ce grand et vertueux prince mortifia sa chair comme saint Paul, sans avoir à pleurer, comme lui, l'aveuglement de sa jeunesse. Il pécha sans doute; et quel homme en est exempt? Aussi, quoique son cœur ne se fût point endurci, quoiqu'il pût dire, comme cet homme de l'Évangile pour lequel Jésus conçut de l'affection: O mon maitre! j'ai observé toutes ces choses dès mon enfance (1), il n'ignoroit pas qu'il avoit pourtant des fautes à expier ou à prévenir; il n'ignoroit pas que, pour arriver au terme qu'il se proposoit, le chemin le plus sûr étoit le plus difficile, selon ce grand précepte du Seigneur, Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car je vous dis que plusieurs demanderont à entrer, et ne l'obtiendront point (a); il n'ignoroit enfin ces terribles paroles de l'Écriture: En vain échapperions-nous à la main des hommes; si nous ne faisons pénitence, nous tomberons dans celle de Dieu (3).

pas

Nous l'avons vu, dans ces derniers momens de sa vie où son corps exténué étoit prêt à laisser cette âme pure en liberté de se réunir à son Créateur,

(1) Marc, chap. 10, v. 20.

(2) Luc, chap. 13, v. 24.

(3) Ecclésiastique, chap. 2, v. 22.

refuser encore de modérer ces saintes rigueurs qu'il exerçoit sur sa chair; nous l'avons vu, jusqu'à la veille de son décès, et tout ce peuple en larmes l'a vu avec nous, se lever avec effort, et, se soutenant à peine, se traîner chaque jour à l'église, en prononçant ces paroles dont il sentoit avec joie approcher l'accomplissement, Nous irons dans la maison du Seigneur (1). Bien différent de cet empereur païen (*) qui voulut mourir debout pour le frivole plaisir de prononcer une sentence, il voulut mourir debout pour rendre à son Créateur, jusqu'au dernier jour de sa vie, cet hommage public qu'il n'avoit jamais négligé de lui rendre; il voulut mourir comme il avoit vécu, en servant Dieu et édifiant les hommes.

Ne doutons point qu'une si sainte vie n'obtienne la récompense qui lui est due. Souffrons sans murmure que celui qui a tant aimé le bonheur des hommes voie enfin couronner le sien. Espérons que le désir de répandre sur nous des bienfaits, qui a été sur la terre l'objet de toutes ses actions, deviendra dans le ciel celui de toutes ses prières. Enfin, travaillons à nous sanctifier comme lui, et faisons en sorte que, ne pouvant plus nous être utile par ses bonnes œuvres, il le soit encore par son exemple.

En attendant qu'il partage sur nos autels les honneurs de son saint et glorieux ancêtre Louis Ix; en

(1) Psaume 121, V. I.

(*) Vespasien.

« ZurückWeiter »