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17.395 R864.1 1819 1.4

DISCOURS

QUI A REMPORTÉ LE PRIX

A L'ACADÉMIE DE DIJON,

EN L'ANNÉE 1750;

Sur cette question, proposée par la même Académie :

Si le rétablissement des Sciences et des Arts a contribué à épurer les mœurs?

Barbarus hic ego sum, quia non intelligor illis.

OVID. Trist. v, eleg. 10, v. 37.

AVERTISSEMENT.

que

QU'EST-CE la célébrité? Voici le malheureux ouvrage à qui je dois la mienne. Il est certain que cette pièce, qui m'a valu un prix, et qui m'a fait un nom, est tout au plus médiocre, et j'ose ajouter qu'elle est une des moindres de tout ce recueil. Quel gouffre de misères n'eût point évité l'auteur, si ce premier écrit n'eût été reçu que comme il méritoit de l'être! Mais il falloit qu'une faveur d'abord injuste m'attirât par degrés une rigueur qui l'est encore plus.

Voici une des grandes et belles questions qui aient jamais

été agitées. Il ne s'agit point dans ce discours de ces subtilités métaphysiques qui ont gagné toutes les parties de la littérature, et dont les programmes d'académie ne sont pas toujours exempts; mais il s'agit d'une de ces vérités qui tiennent au bonheur du genre humain.

Je prévois qu'on me pardonnera difficilement le parti que j'ai osé prendre. Heurtant de front tout ce qui fait aujourd'hui l'admiration des hommes, je ne puis m'attendre qu'à un blâme universel; et ce n'est pas pour avoir été honoré de l'approbation de quelques sages, que je dois compter sur celle du public : aussi mon parti est-il pris; je ne me soucic de plaire ni aux beaux esprits ni aux gens à la mode. Il y aura dans tous les temps des hommes faits pour être subjugués par les opinions de leur siècle, de leur pays, et de leur société. Tel fait aujourd'hui l'esprit fort et le philosophe, qui, par la même raison, n'eût été qu'un fanatique du temps de la ligue. Il ne faut point écrire pour de tels lecteurs, quand on veut vivre au-delà de son siècle.

Un mot encore, et je finis. Comptant peu sur l'honneur que j'ai reçu, j'avois, depuis l'envoi, refondu et augmenté ce discours, au point d'en faire, en quelque manière, un autre ouvrage. Aujourd'hui, je me suis cru obligé de le rétablir dans l'état où il a été couronné. J'y ai seulement jeté quelques notes, et laissé deux additions faciles à reconnoître, et que l'Académie n'auroit peut-être pas approuvées. J'ai pensé que l'équité, le respect et la reconnoissance exigeoient de moi cet avertissement. (*)

(*) Nous aurions voulu indiquer avec certitude les deux additions dont il

est question ici, et rien ne pouvoit les faire plus sûrement connoître que le manuscrit autographe qui devoit se trouver à Dijon, déposé dans les Archives de l'Académie. Mais nous avons appris que, lors de la suppression de cette Académie pendant la révolution et du transport de ses papiers dans un autre local, ce manuscrit s'étoit perdu avec beaucoup d'autres de même espèce.

Quant à la proposition principale développée dans le discours qu'on va lire, et à la plupart des idées accessoires qui s'y lient, on les retrouve établies et présentées avec plus ou moins d'étendue dans trois chapitres de Montaigne (le 24o du Livre I, le 12o du Livre II, et le 12o du Livre III), et dans l'ouvrage de Charron, de la Sagesse, Livre III, chapitre 14.

Un savant du xvIe siècle (Lilio Giraldi) a même fait de cette proposition le sujet d'une diatribe contre les lettres et ceux qui les cultivent, sous ce titre : Lilü Giraldi progymnasma adversus litteras et litteratos (Florentiæ, 1551, in-12). L'auteur des Plagiats de J. J. Rousseau n'a pas manqué cette occasion de rappeler cet ouvrage depuis long-temps oublié, et d'en citer des passages. Que n'a-t-il remonté plus haut encore ! il eût pu citer un autre écrivain du même siècle, Cornelius Agrippa, qui, trente ans avant Giraldi, avoit publié sur la vanité et l'incertitude des sciences un traité latin, réimprimé dix fois, traduit deux fois en françois, et ayant encore un rapport bien plus direct au discours de Rousseau. On ne seroit pas même embarrassé de trouver d'autres écrivains antérieurs à Rousseau, qui, opposant les avantages de l'ignorance aux inconvéniens et aux abus de la science, se sont exercés sur ce jeu d'esprit. Quoi qu'il en soit, il est plus que douteux que notre auteur qui trouvoit dans Montaigne et dans Charron assez de quoi fortifier son système, et qui les cite lui-même à son appui, ait eté chercher des idées nouvelles dans Agrippa, encore moins dans Lilio Giraldi.

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