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LETTRE

A M. L'ABBÉ RAYNAL,

AUTEUR DU MERCURE DE FRANCE.

Tirée du Mercure de juin 1751, second volume.

Je dois, monsieur, des remercîmens à ceux qui vous ont fait passer les observations que vous avez la bonté de me communiquer, et je tâcherai d'en faire mon profit: je vous avouerai pourtant que je trouve mes censeurs un peu sévères sur ma logique; et je soupçonne qu'ils se seroient montrés moins scrupuleux, si j'avois été de leur avis. Il me semble au moins que s'ils avoient eux-mêmes un peu de cette exactitude rigoureuse qu'ils exigent de moi, je n'aurois aucun besoin des éclaircissemens que je leur vais demander.

L'auteur semble, disent-ils, préférer la situation où étoit l'Europe avant le renouvellement des sciences; état pire que l'ignorance par le faux savoir ou le jargon qui étoit en règne.

L'auteur de cette observation semble me faire dire que le faux savoir, ou le jargon scolastique, soit préférable à la science; et c'est moi-même qui ai dit qu'il étoit pire que l'ignorance. Mais qu'entend-il par ce mot de situation? l'applique-t-il aux lumières ou aux mœurs, ou s'il confond ces choses que j'ai tant

pris de peine à distinguer? Au reste, comme c'est ici le fond de la question, j'avoue qu'il est très-maladroit à moi de n'avoir fait que sembler prendre parti là-dessus.

Ils ajoutent que l'auteur préfère la rusticité à la politesse.

Il est vrai que l'auteur préfère la rusticité à l'orgueilleuse et fausse politesse de notre siècle, et il en dit la raison. Et qu'il fait main basse sur tous les savans et les artistes. Soit, puisqu'on le veut ainsi, je consens de supprimer toutes les distinctions que j'y avois mises.

Il auroit dû, disent-ils encore, marquer le point d'où il part, pour désigner l'époque de la décadence. J'ai fait plus : j'ai rendu ma proposition générale : j'ai assigné ce premier degré de la décadence des mœurs au premier moment de la culture des lettres dans tous les pays du monde, et j'ai trouvé le progrès de ces deux choses toujours en proportion. Et, en remontant à cette première époque, faire comparaison des mœurs de ce temps-là avec les notres. C'est ce que j'aurois fait encore plus au long dans un volume in-4°. Sans cela nous ne voyons point jusqu'où il faudroit remonter, à moins que ce ne soit au temps des apótres. Je ne vois pas, moi, l'inconvénient qu'il y auroit à cela, si le fait étoit vrai. Mais je demande justice au censeur : voudroit-il que j'eusse dit que le temps de la plus profonde ignorance étoit celui des apôtres ?

Ils disent de plus, par rapport au luxe, qu'en bonne politique on sait qu'il doit être interdit dans les petits états, mais que le cas d'un royaume tel que la France, par exemple, est tout different; les raisons en sont connues.

N'ai-je pas ici encore quelque sujet de me plaindre? ces raisons sont celles auxquelles j'ai tâché de répondre. Bien ou mal, j'ai répondu. Or, on ne sauroit guère donner à un auteur une plus grande marque de mépris qu'en ne lui répliquant que par les mêmes argumens qu'il a réfutés. Mais faut-il leur indiquer la difficulté qu'ils ont à résoudre? la voici : Que deviendra la vertu quand il faudra s'enrichir à quelque prix que ce soit? Voilà ce que je leur ai demandé, et ce que je leur demande encore.

Quant aux deux observations suivantes, dont la première commence par ces mots, enfin voici ce qu'on objecte, etc. ; et l'autre par ceux-ci, mais ce qui touche de plus près, etc.; je supplie le lecteur de m'épargner la peine de les transcrire. L'Académie m'avoit demandé si le rétablissement des sciences et des arts avoit contribué à épurer les mœurs. Telle étoit la question que j'avois à résoudre : cependant voiei qu'on me fait un crime de n'en avoir pas résolu une autre. Certainement cette critique est tout au moins fort singulière. Cependant j'ai presque à demander pardon au lecteur de l'avoir prévue, car c'est ce qu'il pourroit croire en lisant les cinq ou six dernières pages de mon discours.

Au reste, si mes censeurs s'obstinent à désirer encore des conclusions pratiques, je leur en promets de très-clairement énoncées dans ma première réponse.

Sur l'inutilité des lois somptuaires pour déraciner le luxe une fois établi, on dit que l'auteur n'ignore pas ce qu'il y a à dire là-dessus. Vraiment non, je n'ignore pas que quand un homme est mort, il ne faut point appeler le médecin.

On ne sauroit mettre dans un trop grand jour des vérités qui heurtent autant de front le goût général, et il importe d'oter toute prise à la chicane. Je ne suis pas tout-à-fait de cet avis, et je crois qu'il faut laisser des osselets aux enfans.

Il est aussi bien des lecteurs qui les goûteront mieux dans un style tout uni, que sous cet habit de cérémonie qu'exigent les discours académiques. Je suis fort du goût de ces lecteurs-là. Voici donc un point dans lequel je puis me conformer au sentiment de mes censeurs, comme je fais dès aujourd'hui.

J'ignore quel est l'adversaire dont on me menace dans le post-scriptum; tel qu'il puisse être, je ne saurois me résoudre à répondre à un ouvrage avant que de l'avoir lu, ni à me tenir pour battu avant que d'avoir été attaqué.

Au surplus, soit que je réponde aux critiques qui me sont annoncées, soit que je me contente de publier l'ouvrage augmenté qu'on me demande,

j'avertis mes censeurs qu'ils pourroient bien n'y pas trouver les modifications qu'ils espèrent; je prévois que, quand il sera question de me défendre, je suivrai sans scrupule toutes les conséquences de mes principes.

Je sais d'avance avec quels grands mots on m'attaquera lumières, connoissances, lois, morale, raison, bienséance, égards, douceur, aménité, politesse, éducation, etc. A tout cela je ne répondrai deux autres mots, qui sonnent encore plus fort à mon oreille: Vertu! vérité! m'écrierai-je sans cesse, vérité! vertu! Si quelqu'un n'aperçoit là que des mots, je n'ai plus rien à lui dire.

que par

IV.

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