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vertus si brillantes, que nous admirons avec étonnement, et que désespérant d'atteindre nous n'osons proposer à notre imitation, c'est à la pensée toujours présente du terrible jugement, que la religion les a dues. Et pourquoi donc ne produit-elle pas dans nous les mêmes ef– fets? c'est qu'elle n'est pas aussi profondément gravée dans nos esprits. Il est impossible que cette idée ne se présente pas quelquefois à nous; également impossible que, se présentant, elle ne nous effraie pas : mais ce ne sont que des frayeurs passagères, que nous nous hâtons d'étouffer pour qu'elles ne troublent pas notre funeste calme. En nous examinant avec attention, nous verrons que la chose qui nous fait redouter la pensée du jugement, n'est pas l'arrêt que nous devons subir avec ses affreuses suites, mais les sacrifices auxquels elle nous forcerait actuellement. Ce que le proconsul Félix répondait à saint Paul, qui lui présentait, avec toute la force de son ministère, le dogme important du jugement, combien de fois l'avons-nous répondu à notre conscience, qui nous offrait cette utile pensée? Eloignez-vous maintenant, je vous rappellerai dans le temps opportun (1). Malheur, ah! malheur éternel à nous, si nous ne crai-gnons pas cet épouvantable jugement ! L'endurcissement qui nous aurait fait perdre cette crainte, serait déjà l'effet d'un terrible jugement prononcé contre nous. Craignons-le souverainement, craignons-le surtout efficacement, pour travailler à nous le rendre favorable. Qu'elle s'empare de notre esprit, de notre cœur, de notre imagination, de toutes nos facultés, cette terreur salutaire ; qu'elle nous accompagne dans toutes nos actions, et elle les dirigera selon la volonté de Dieu; dans les actes de religion, elle les fera pratiquer avec ferveur; dans les exercices de la pénitence, elle les fera remplir avec goût; dans les œuvres de charité, elle les fera faire avec

(1) Disputante autem illo de... judicio futuro, tremefactus Felix respondit: Quod nunc attinet, vade; tempore autem opportuno accersam te. Act. xxiv, 25.

profusion; dans les devoirs d'état, elle les fera acquitter avec fidélité; dans les tentations, elle donnera le courage pour les surmonter; dans les prospérités, elle inspirera la modération pour n'en être pas amolli; dans les adversités, elle soutiendra la force pour n'en être pas abattu. Plus nous craindrons ce jugement si rigoureux, moins nous aurons à le craindre; plus nous l'aurons craint lorsqu'il était encore éloigné, et plus nous nous en approcheron savec tranquillité, plus nous y arriverons avec confiance, plus nous en sortirons avec gloire.

ÉVANGILE

DU SECOND DIMANCHE DE L'AVENT.

Députation de S. Jean vers Jésus-Christ, et éloge de S. Jean par Jésus-Christ.

JEAN ayant entendu parler dans sa prison des œuvres de Jésus-Christ, envoya deux de ses disciples pour lui dire: Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Jésus leur répondit : Allez rapporter à Jean ce que vous avez entendu et vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l'Evangile est annoncé aux pauvres, et heureux est celui qui ne se scandalisera point à mon sujet. Comme ils s'en retournaient, Jésus se mit à parler de Jean au peuple. Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? est-ce un roseau agité par le vent? Mais encore, qu'êtes-vous allés voir? est-ce un homme vêtu mollement? C'est dans les palais des rois que se trouvent ceux qui sont vêtus avec mollesse. Qu'êtes-vous donc allés voir? c'est un prophète, et je vous le dis, c'est plus qu'un prophète; car c'est de lui qu'il est écrit: Voilà que j'envoie devant vous mon Ange qui vous préparera le chemin. Matth. x1, 2-10.

EXPLICATION.

Jean, ayant entendu parler dans sa prison des œuvres de Jésus-Christ, envoya deux de ses disciples pour lui dire : Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Jean-Baptiste était en prison. Le motif qui l'y faisait retenir, était la sainte liberté avec laquelle il avait osé reprocher à Hérode le double scandale de son adultère et de son inceste (1). Ce saint personnage avait consommé son ministère : il avait annoncé à la Judée le Messie qu'elle attendait depuis tant de sièc les, il lui avait déclaré que ce libérateur si désiré était présent au milieu d'elle; il le lui avait montré; il l'avait baptisé solennellement ; il avait attiré du haut du ciel l'oracle qui le proclamait le Fils chéri du Très-Haut. Les vues de la Providence sur lui sont remplies; la terre n'a plus désormais rien qui le retienne : il ne lui reste plus qu'à couronner son inimitable vie par une mort également admirable. Jésus-Christ n'a pas encore donné l'ordre de souffrir, s'il est nécessaire, le martyre pour la vérité et pour la justice, et déjà Jean-Baptiste l'exécute. Il annonça par sa naissance, la naissance de JésusChrist; par sa prédication, la prédication de JésusChrist i continuera jusque dans sa mort d'être son précurseur. Après l'avoir fait connaître à la terre, il ira encore le précéder dans les limbes, porter à tous les justes la nouvelle de leur prochaine délivrance, leur apprendre que le moment après lequel ils soupirent est près d'arriver, et que le vainqueur de la mort, va bientôt, les associant à son triomphe, les ramener à sa suite dans le ciel, pour recevoir enfin la palme de leurs

vertus.

Du fond de la prison où il était détenu, Jean-Baptiste entend parler des merveilles qu'opérait Jésus, dont le

(1) Herodes enim tenuit Joannem, et alligavit enm, et posuit in carcerem, propter Herodiadem uxorem fratris sui. Dicebat enim illi Joannes: Non licet tibi habere eam. Matth. XIV, 3, 4.

bruit retentissait dans toute la Judée, remplissait d'admiration tous les Israélites vertueux, faisait pâlir d'envie les Pharisiens, excitait la vaine et légère curiosité d'Hérode (1). Aussitôt il envoya vers lui deux de ses disciples. Et quel est le motif de cette députation? Pourquoi fait-il à Jésus la demande que les Pharisiens lui avaient faite à lui-même ? Est-ce vous qui ètes le Messie, ou devons-nous en attendre un autre? Il n'avait pas besoin que Jésus-Christ lui déclarât quel il était ; celui qui, à l'approche de Jésus-Christ, avait tressailli dans le sein de sa mère, qui avait vu descendre sur Jésus-Christ l'Esprit saint, qui avait publiquement protesté qu'il n'était pas digne de délier les souliers de Jésus-Christ. Il avait rendu tant de fois et si solennellement témoignage à Jésus-Christ, qu'il n'était nullement nécessaire pour lui que Jésus-Christ se rendît témoignage à lui-même. Mais si Jean-Baptiste n'a pas besoin de s'assurer quel est celui qui opère de si grands miracles, ses disciples ont besoin de l'apprendre. C'est pour eux, et non pas pour lui, qu'il les envoie. Prêt à les quitter, il s'alarme pour eux ; il craint qu'après sa mort, qui est prochaine, ils n'oublient tout ce qu'il leur a dit sur le Christ, et qu'ils ne méconnaissent celui qu'il a cherché à leur faire connaître. Il les députe vers Jésus, pour fortifier leur foi par la vue des merveilles qu'ils lui verront opérer; il les lui envoie, pour que désormais ils s'adressent uniquement à lui : il veut en faire des enfants de Jésus-Christ fidèles et soumis, et les remettre entre ses mains comme un maître rend à un père les élèves qu'il a formés.

Il était d'autant plus important que Jean-Baptiste affermît la foi de ses disciples sur la divinité de JésusChrist, que, malgré toutes ses instructions, ils paraissaient fort éloignés de l'idée qu'ils devaient avoir du

(1) Audivit autem Herodes tetrarcha omnia quæ fiebant ab eo, et hæsitabat... et ait : Quis est autem iste, de quo ego talia audio? et quærebat videre eum. Luc. ix, 7, 9.

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Sauveur. Ces hommes simples et charnels, sincèrement et vivement attachés à leur maître, voyaient en lui plus qu'un homme; mais il ne voyaient dans Jésus qu'un homme; et le regardant comme un concurrent de JeanBaptiste, ils avaient conçu quelque jalousie de la haute réputation où il s'élevait, et du nombre de disciples qui s'attachaient à lui. Nous les voyons dans l'Evangile, tantôt demander à Jésus pourquoi ses disciples ne jeûnent pas, tandis qu'eux et les Pharisiens pratiquent exactement le jeûne (1); tantôt se plaindre à leur maître de ce que celui qu'il a baptisé sur les bords du Jourdain baptise comme lui, et attire un grand concours autour de sa personne (2). Pour guérir radicalement ces préventions, Jean-Baptiste les envoie à Jésus-Christ lui-même ; sa voix les instruira, ses miracles les convaincront; en les voyant de plus près ils apprendront à le connaître. C'est là, c'est à l'école de Jésus-Christ que l'on s'instruit; c'est en écoutant avec soumission, en méditant avec attention ses leçons, qu'on s'en pénètre. Ainsi, même dans les fers, Jean-Baptiste continuait d'exercer son ministère, et jusqu'à son dernier moment il travailla à la manifestation de la gloire de Jésus-Christ, pour laquelle il avait été envoyé.

Cette disposition d'esprit, où étaient les disciples de S. Jean, est malheureusement trop commune dans le monde. Le sentiment de l'envie est beaucoup plus répandu qu'il ne le paraît. Quand il a nous-mêmes pour principe, nous en rougissons, nous nous en défendons ; nous craignons, en le manifestant, de nous exposer au mépris qu'il inspire; mais il n'en est pas de même de l'envie qui a pour motifs le bien de ceux à qui nous

(1) Tunc accesserunt ad eum discipuli Joannis, dicentes : Quare nos et Pharisæi jejunamus frequenter; discipuli autem tui non jejunant? Matth. ix, 14.

(2) Et venerunt ad Joannem, et dixerant ei: Rabbi, quis erat tecum trans Jordanem, cui tu testimonium perhibuisti, ecce hic baptizat, et omnes veniunt ad eum. Joan. in, 26.

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