Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Que celui qui veut venir après moi, renonce à lui-même, porte sa croix, et me suive, il en donne aussitôt cette raison: Car celui qui voudra sauver son âme la perdra; mais celui qui la perdra pour l'amour de moi, la trouvera ensuite. Saint Augustin sur ces paroles a fait ce commentaire : « Voilà, dit-il, une grande et admirable sentence, que l'amour de l'homme pour son âme soit cause de sa perte; que la haine qu'il lui porte soit cause de son salut. C'est, continue-t-il, que c'est la haïr, en effet, que de l'aimer d'une manière déréglée, et que c'est l'aimer, en effet, que de la haïr comme il faut, parce que c'est la conserver, en effet, pour l'éternité, suivant ces paroles de Jésus-Christ : Celui qui hait son âme en ce monde, la conserve pour la vie éternelle. Bienheureux, poursuit le saint, ceux qui la haissent en la conservant, de peur de la perdre en l'aimant trop c'est pourquoi gardez-vous bien de l'aimer en cette vie, de crainte de la perdre éternellement en l'autre. » Ces paroles peuvent s'entendre aussi bien du renoncement à son propre esprit, à toutes les facultés de son àme par l'abnégation, que du renoncement à la vie. (Voyez MORTIFICATION.)

ABSOLUTION. Voy. CONFESSION. ABSTINENCE. Le motif général de l'abstinence est de mortifier les sens et de dompter les passions; l'on connaît assez les suites naturelles de la gourmandise. Selon Buffon lui-même, la mortification la plus efficace contre la luxure, est l'abstinence et le jeûne. ( Hist. nat., tom. III, in-12, cap. 4, pag. 105.) Dieu, après avoir créé nos premiers parents, leur accorda pour nourriture les plantes et les fruits de la terre; il ne leur parla point de la chair des animaux (Gen. 1, 29). Mais vu les excès auxquels se livrèrent les hommes antérieurs au déluge, il n'est guère probable qu'ils se soient abstenus d'aucun des aliments qui pouvaient flatter leur goût.

Après le déluge, Dieu permit à Noé et à ses, enfants de manger de la chair des aninaux; mais il leur défendit d'en manger le sang (Gen. x, 3 et suiv.). Par les termes dans lesquels cette défense est conçue, il paraît que le motif était d'inspirer aux hommes l'horreur du meurtre. L'habitude d'égorger les animaux et d'en boire le sang porte infailliblement les hommes à la cruauté.

Moïse par ses lois défendit aux Juifs la chair de plusieurs animaux qu'il nomme impurs, il exclut nommément tous ceux dont la chair pouvait être malsaine, relativement au climat, et à cause des maladies. Quelques philosophes ont rapporté au même motif l'usage des Egyptiens, de s'abstenir de la chair de plusieurs animaux.

L'usage du vin était interdit aux prêtres pendant tout le temps qu'ils étaient occupés au service du temple, et aux Nazaréens pour tout le temps de leur purification. Les réchabites sont loués d'avoir observé la défense de boire du vin (Jer. xxx, 6). A la naissance du christianisme, les juifs voulaient que l'on assujettit les païens convertis à

toutes les observances de la loi judaïque, à toutes les abstinences qu'ils pratiquaient. Les apôtres assemblés à Jérusalem décidérent qu'il suffisait aux fidèles convertis du paganisme de s'abstenir du sang, des viandes suffoquées, de la fornication et de l'idolatrie (Act. xv). Saint Paul dans ses Lettres a donné sur ce point des règles très-sages. Bientôt même cette abstinence se trouva sujette à des inconvénients; Tertullien nous apprend que les païens, pour mettre les Chrétiens à l'épreuve, leur présentaient à manger du sang (Apol., c. 9). Les abstinences prescrites à Noé, aux Juifs, aux fidèles, démontrent l'abus que les protestants ont fait de la maxime de l'Evangile, que ce n'est point ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme (Matth. iv, 11). C'est en vain qu'ils contestent l'usage de l'abstinence dans les premiers siècles de l'Eglise Origène nous apprend que plusieurs Chrétiens fervents s'abstenaient pour toujours de la viande et du vin, afin de réduire leur corps en servitude (1. v Contra Cels.), Saint Jérôme constate contre Jovinien le mérite de l'abstinence (Ad Jov. ). JésusChrist n'a-t-il pas loué l'abstinence de saint Jean? Cette répugnance manifeste des hérétiques de tous les siècles pour une loi dont l'antiquité ne peut être mise en doute, devrait d'autant plus étonner, si l'on ignorait tout ce que les appétits contrariés de l'homme peuvent inspirer d'injustes préventions. Admise par le plus grand nombre des philosophes et des médecins anciens, comme loi morale et hygiénique de la plus haute importance, elle est, à ne la considérer même que sous ce point de vue purement humain, plus propre que toute autre à contribuer à la perfection et au bonheur de l'homme. Si Epictète a résumé toute sa doctrine par ces deux mots : Abstine, sustine; sache t'abstenir et supporter; si Porphyre a laissé un traité complet sur cette inatière, si les pythagoriciens et les orphiques ont chaleureusement pris sa défense, c'est que tous avaient compris quelle force donne à l'homme l'empire qu'il acquiert sur ses passions par l'habitude de les modérer. Comme il est incontestable, en effet, que plus on les satisfait, plus leurs exigences deviennent tyranniques, il est évident par là même que plus on les resserre dans des bornes étroites, moins leurs caprices sont impérieux. Le domaine que l'esprit de l'homme acquiert ainsi sur la matière n'est-il pas d'ailleurs une de ses plus belles prérogatives? Et quand on voit chaque jour la profondeur du crime se creuser au sein des desirs d'autant plus immodérés qu'ils sont plus docilement satisfaits; quand on voit, d'un autre côté, les passions d'autant plus facilement comprimées, qu'on s'est plus longuement disposé à fermer l'oreille à leurs voix impétueuses, ne doit-on pas convenir que l'abstinence, si l'Eglise ne l'imposait pas comme un devoir, devrait être pratiquée comme le plus puissant auxiliaire de la vertu, estimée comme l'arme la plus efficaco contre le vice et les attraits du monde ? Elle

est d'ailleurs la source des pensées chastes, des conseils salutaires, des résolutions sages et prudentes. Si elle contribue à réduire le corps en servitude, suivant l'expression de saint Paul (Galat., xxiv; I Corint. ix, 27), ce n'est que pour donner plus de liberté à l'esprit, pour dégager l'âme des liens trop terrestres qui l'étreignent et la dominent; elle agit à l'égard du corps, comme un écuyer prudent à l'égard d'un cheval fougueux dont il veut dompter les écarts, et qui retranche quelque chose à la qualité ou à l'abondance de ses aliments pour le rendre plus docile, et ne pas être précipité par lui dans la boue. Deux excès doivent être cependant prévus et évités, soit dans la pratique, soit dans les principes de l'abstinence. Le premier est celui des hérétiques encratites, montanistes, manichéens, etc., qui regardent l'usage de la chair comme impur, toujours illicite et mauvais en soi. Ils ont été condamnés à l'avance par saint Paul (I Tim. IV, 3). Le second est celui de Jovinien, éloquemment refuté par saint Jérôme, et des protestants qui prétendent que l'abstinence de la viande, sans aucun mérite en ellemême, est superstitieuse, judaïque, absurde, etc. Plus sage et plus raisonnable, l'Eglise catholique la regarde comme méritoire, quand de bons motifs en dirigent la pratique, et comme obligatoire, quand aucune raison plausible n'en dispense. Elle l'impose à la milice chrétienne comme un bouclier contre les attaques du vice; comme une réparation du premier péché, source de tous les maux et de toutes les faiblesses de l'humanité; comme le moyen le plus efficace pour l'homme de racheter la liberté qu'il a perdue, et de reconquérir l'empire de luimême, dont il a si malheureusement abusé. Sous tous ces rapports, et quoi qu'en disent les hérétiques anciens et les épicuriens modernes, la loi de l'abstinence est pleine de sagesse et de haute raison. (Voir JEUNE. )

La plupart des ascètes ont pratiqué les plus rudes abstinences. Les ordres religieux ne se sont point contentés de la loi générale de l'Eglise, ils ont fixé dans leur règle un grand nombre de jours consacrés à l'abstinence. Nous ne voyons pas que ce régime austère si utile au point de vue de l'asservissement des passions, ait été nuisible au point de vue hygiénique. La Thébaïde, la Trappe, Citeaux, le Carmel ont offert et offrent chaque jour de nombreux exemples de longévité. Une longue vie est en effet la suite ordinaire et naturelle, non d'une alimentation succulente et confortable, mais bien du calme des passions et de l'asservissement des sens à l'esprit. ABSTRACTION DE L'ESPRIT.

[blocks in formation]
[ocr errors]

Voy. IN

Voy. GRACES, AVEU

ACHERY (Dom Luc d'), né en 1609 à

(67) Pour trouver plus de détails sur les ouvrages ascétiques, il suffit de consulter le Catalogue général, fin du t. II; on s'est contenté dans chaque notice

Saint-Quentin en Picardie, fit profession dans la congrégation de Saint-Maur, ordre de Saint-Benoît. Il s'y rendit recommandable par un savoir profond et une piété tendre. Il mourut à Saint-Germain des Prés en 1685, âgé de soixante-seize ans, avec la consolation d'avoir consacré toute sa vie à la retraite et à l'étude. Ses œuvres spirituelles et ascétiques sont : 1° Son Spicilege, en 13 vol. in-4°, où l'on trouve entre autres choses, une foule de Vies de saints, de légendes, de lettres spirituelles inédites. I orna ce recueil, fait avec choix, de préfaces pleines d'érudition. 2o Regula solitariorum. 3° Un catalogue in-4° des Ouvrages ascétiques des Pères. Il a aussi publié les OEuvres de Lanfranc (67), [Voy. ce nom.]

ACOEMETES ou ACÉMÈTES (qui ne dorment point).- Nom de certains religieux fort célèbres dans les premiers siècles de l'Eglise, surtout dans l'Orient, appelés ainsi, non qu'ils eussent les yeux toujours ouverts sans dormir un seul moment, comme quelques auteurs l'ont écrit, mais parce qu'ils observaient dans leurs églises une psalmodie perpétuelle sans l'interrompre ni jour ni nuit. Ce mot est grec, composé d'a privatif et de Kopa, dormir.

Les Accemètes étaient partagés en trois bandes, dont chacune psalmodiait à son tour et relevait les autres de sorte que cet exercice durait sans interruption pendant toutes les heures du jour et de la nuit. Suivant ce partage chaque Acœmète consacrait tous les jours religieusement buit heures entières au chant des psaumes, à quoi ils joignaient la vie la plus exemplaire et la plus édifiante aussi ont-ils illustré l'Eglise orientale par un grand nombre de saints, d'évêques et de patriarches.

Nicéphore donne pour fondateur aux Acœmètes un nommé Marcellus, que quelques écrivains modernes appellent Marcellus d'Apamée; mais Bollandus nous apprend que ce fut Alexandre, moine de Syrie, antérieur de plusieurs années à Marcellus. Suivant Bollandus, celui-là mourut vers l'an 330. Il fut remplacé dans le gouvernement des Acœnièles, par Jean Calybe, et celui-ci par Marcellus,

On lit dans saint Grégoire de Tours et plusieurs autres écrivains, que Sigismond, roi de Bourgogne, inconsolable d'avoir, à l'instigation d'une méchante princesse qu'il avait épousée en secondes noces, et qui était fille de Théodoric, roi d'Italie, fait périr son fils Géséric, prince qu'il avait eu de sa première femme, se retira dans son monastère de Saint-Maurice, connu autrefois sous le nom d'Agaune, et y établit les Accemètes, pour laisser dans l'Eglise un monument durable de sa douleur et de sa pénitence.

Il n'en fallut pas davantage pour que le nom d'Acomète et la psalmodie perpétuelle, fussent mis en usage dans l'Occident, et

d'indiquer sommairement les écrits les plus remarbles.

[ocr errors]

surtout en France. Plusieurs monastères, entre autres celui de Saint-Denis, suivirent l'exemple de Saint-Maurice. Quelques monastères de filles se conformèrent à la même règle. I paraît par l'abrégé des actes de sainte Salaberge, recueillis dans un manuscrit de Compiègne cité par le P. Ménard, que, cette sainte, après avoir fait bâtir un vaste monastère et y avoir rassemblé trois cents religieuses, les partagea en plusieurs choeurs différents, de manière qu'elles pussent faire retentir nuit et jour leur église du chant des psaumes.

On pourrait encore aujourd'hui donner le nom d'Acomètes à quelques maisons religieuses, où l'adoration perpétuelle du SaintSacrement fait partie de la règle; en sorte qu'il y a jour et nuit quelques personnes de la communauté occupées de ce pieux

[ocr errors]

exercice.

On a quelquefois appelé les Stylites, Accemètes, et les Accemètes, Studites.

que

appuyées, dit que comme souvent tout un bâtiment est soutenu par des colonnes, et les colonnes par leurs bases; de même toute la vie spirituelle est soutenue par les vertus, dont la base est la pure et droite intention de cœur.

Mais afin de garder quelque ordre dans ce que nous avons à dire, nous parlerons premièrement de la fin que nous devons éviter d'avoir dans nos actions, qui est de les faire par un motif de vaine gloire, ou par quelque autre respect humain. Nous traiterons ensuite de la fin que nous devons nous proposer en les faisant, et nous garderons ainsi la méthode que le Psalmiste nous enseigne quand il dit: Evitez le mal, et faites le bien. Tous les saints nous avertissent de nous donner garde de la vaine gloire, parce que c'est, disent-ils, un voleur subtil qui

grand saint dans le dernier chapitre de ses Morales, que quand je me mets à examiner mon intention, en écrivant ceci, il me semble que je n'y ai point eu d'autre but que de plaire à Dieu : mais néanmoins quand je ne suis pas en garde contre moi, je trouve qu'il s'y mêle, je ne sais comment, quelque désir de contenter les hommes, et quelque vaine complaisance d'y avoir peut-être réussi; et quoi qu'il en soit, je m'aperçois fort bien que ce que je fais n'est pas entièrement si net de poussière et de paille qu'au commencement. Car je sais que je l'entrepris d'abord' avec la meilleure intention du monde et dans

nous dérobe souvent de nos bonnes actions et qui se glisse si secrètement, qu'il a plus tôt fait son coup que nous ne l'avons ACTES DE L'INtelligence, de la volonté. aperçu. Saint Grégoire dit que c'est un volcur - Voy. INTELLIGENCE, VOLONTÉ. qui dissimule et qui s'accoste d'un voyageur, ACTIONS (RAPPORT DES ACTIONS A DIEU). en feignant de tenir la même route que lui, Soit que vous mangiez, soit vous buet qui le vole après et l'assassine lorsqu'il viez, soit que vous fassiez quelqu'autre chose, est le moins sur ses gardes, et qu'il se croit faites lout pour la gloire de Dieu, dit l'A-être le plus en sûreté. « Je confesse, dit ce pôtre. Ce qui rend ce point d'une grande importance, dit Rodriguez, c'est que notre avancement et notre perfection consistent dans la perfection de nos actions, et que plus elles seront saintes et parfaites, plus aussi nous serons saints et parfaits. Cela supposé comme infaillible, il est encore vrai de dire que nos actions auront plus de mérite et de perfection selon que notre intention sera plus droite et plus pure, et que nous nous proposerons une fin plus haute et plus sublime. Car l'intention et la fin sont ce qui donne le caractère aux actions, conformément à ce passage de l'Ecriture: Votre œil est lalampe de votre corps: si votre ail est simple, tout votre corps sera éclairé; mais si votre œil est mauvais, tout votre corps sera dans les ténèbres. Par l'œil les saints entendent l'intention qui regarde et qui prévoit ce qu'elle doit faire; et par le corps ils entendent l'action qui suit l'intention qui la dirige, comme le corps suit les yeux qui le conduisent. Le Fils de Dieu veut donc dire en cet endroit que c'est l'intention qui donne de l'éclat et de la lumière à l'action, et qu'ainsi l'action sera boune ou mauvaise suivant la bonté ou la malice de l'intention. Si la racine est saine, dit saint Paul, les branches le seront aussi. Que doit-on attendre d'un arbre dont la racine est gâtée, sinon qu'il pousse du bois qui n'aura presque aucune séve, et qu'il porte des fruits qui seront de mauvais goût et se corrompront facilement? Mais si la racine est saine, tout l'arbre sera beau et produira de bons fruits. Aussi la bonté et la perfection des actions dépendent de la pureté de l'intention qui en est comme la racine; et plus l'intention qui les fait produire est pure et droite, plus elles sont vertueuses et accomplies. Saint Grégoire, expliquant ce passage de Job, Sur quoi ces bases ont elles été

la seule vue de plaire à Dieu; et maintenant je vois bien qu'il se mêle encore à tout cela d'autres considérations, qui rendent mon intention moins pure et moins droite qu'auparavant.

« Il nous arrive en ceci, ajoute-t-il, la même chose qu'au manger: au commencement, c'est par nécessité que nous mangeons; mais la sensualité s'y glisse ensuite si adroitement que ce que nous avons commencé pour subvenir aux besoins de la nature et pour conserver notre vie, nous le continuons à cause du plaisir et du goût que nous y prenons. L'expérience ne nous fait voir que trop souvent la même chose dans les actions les plus saintes, nous nous abandonnons d'abord, ou à la prédication ou à quelque autre chose de pareil, par le seul motif de la charité et du salut des âmes; et ensuite il entre de la vanité dans tout cela: nous désirons de plaire aux hommes et d'en être estimés, et quand cela vient à nous manquer il semble que le cœur nous manque pareillement, et nous ne faisons plus rien qu'à regret. »>

La malignité de ce vice consiste en que ceux qui en sont infectés, tâchent de

dérober à Dieu la gloire qui n'appartient qu'à lui seul, suivant ces paroles: A Dieu seul soit honneur et gloire, et de laquelle il est si jaloux qu'il dit lui-même dans Isale Je ne donnerai point ma gloire à un autre ! C'est pourquoi saint Augustin parlant sur ce sujet : « Seigneur, dit-il, celui qui veut être loué de vos dons, et qui, dans le bien qu'il fait, ne cherche pas votre gloire, mais la sienne, celui-là est un voleur, et il ressemble au démon, qui prétendait vous ravir votre gloire. »

Dans toutes les œuvres de Dieu on peut considérer deux choses: l'utilité et la gloire; à l'égard de l'utilité, il la laisse tout entière aux hommes mais il veut aussi que toute la gloire soit réservée pour lui seul. Le Seigneur a opéré toutes choses pour lui-même, c'est-à-dire pour sa gloire; et il a créé toutes les nations pour louer et glorifier son saint nom. Aussi voyons-nous que toutes choses nous parlent de sa sagesse, de sa bonté et de sa providence; et c'est pour cette raison qu'il est dit que le ciel et la terre sont pleins de sa gloire. Quand donc il arrive que dans les bonnes œuvres on cherche à s'attirer l'estime et la louange des hommes, on pervertit l'ordre que Dieu a établi, et ou lui fait injure, puisqu'on veut faire en sorte que les hommes, qui ne devraient être occupés qu'à le louer et à l'honorer, s'emploient à louer et à honorer la créature, et qu'on essaie de remplir d'estime pour soi-même des cœurs que Dieu a faits pour être des vases qui ne fussent pleins que de ses louanges et de sa gloire. C'est lui dérober les cœurs, et en quelque sorte le chasser de sa propre maison: peut-on commettre un plus grand mal que celui-là, et s'imaginer quelque chose de pis que de ravir de telle sorte la gloire de Dieu, que tandis que de bouche vous avertissez les hommes de ne regarder que lui, vous souhaitez dans le fond du cœur, qu'ils en détournent les yeux et qu'ils les arrêtent sur vous? Celui qui est véritablement humble ne veut point vivre dans le cœur d'une créature, mais dans celui de Dieu seul; ne cherche point sa propre gloire, mais celle de Dieu seul, ne désire point que personne s'entretienne de lui, mais de Dieu seul; enfin, il veut que tout le monde ait tellement Dieu dans le cœur, que nul objet ne puisse jamais y avoir place.

La grièveté de ce péché pourra encore aisément se comprendre par cette comparaison: Si une femine mariée se parait et s'ajustait pour plaire à un autre qu'à son mari, elle lui ferait sans doute une grande injure. Les bonnes œuvres sont la parure et l'ajustement de votre âme: si vous les faites pour plaire à d'autres qu'à Dieu qui en est l'époux, vous lui faites une injure signalée. De plus, imaginez quelle honte ce serait, si un particulier faisait extrêmement valoir quelque léger service qu'il aurait rendu à un grand roi qui auparavant se serait exposé pour l'amour de lui à mille peines et à mille dangers! Que si outre cela il se van

[ocr errors]

tait à tout le monde du service peu considérable qu'il aurait rendu à son prince; et si le prince, dans tout ce qu'il aurait fait pour cet homme n'avait reçu aucun secours de lui, au lieu que cet homme n'aurait rien fait qu'avec celui du prince, et y étant excité par de grandes récompenses qu'on lui aurait promises auparavant, et qu'il aurait reçues ensuite; sa vanité ne paraîtrait-elle pas insupportable, et son procédé ne seraitil pas lâche et indigne? Nous devons, chacun en particulier, nous appliquer ceci à nous-mêmes, afin que nous rougissions de la bonne opinion que nous avons de nous, avec si peu de fondement, et que nous ayons bonte de nous vanter et de nous louer de quoi que ce soit, puisqu'en comparaison de ce que Dieu a fait pour nous et ce que nous devrions faire pour lui, ce que nous faisons est si peu de chose, que nous devrions en avoir de la confusion plutôt que d'en concevoir de la vanité.

Ce qui nous marque encore suffisamment la difformité de ce vice, c'est que les saints et les théologiens le mettent au rang des péchés que l'on appelle ordinairement mortels, et que l'on nomme encore plus proprement capitaux, puisqu'ils sont comme la tête et la source de tous les autres péchés. Quelquesuns en mettent huit de cette nature, et di-. sent que le premier est l'orgueil et le second la vaine gloire, mais la commune opinion des saints et celle qui est reçue par l'Eglise est qu'il y a sept péchés capitaux; et saint Thomas, nommant la vaine gloiro comme le premier, dit que l'orgueil est la racine de tous les autres conformément à ces paroles du Sage: Le commencement de toute sorte de péché est orgueil.

Le préjudice que la vaine gloire nous porte, nous est assez clairement expliqué par le Fils de Dieu dans l'Evangile, lorsqu'il dit: Prenez garde de ne point faire vos bonnes actions devant les hommes, afin d'attirer leurs yeux sur vous, autrement vous n'en recevrez nulle récompense de votre Père qui est dans le ciel. N'imitez pas les hypocrites qui ne font rien que pour être vus et estimés des hommes. En vérité, je vous dis qu'ils ont reçu leur récompense. Vous avez désiré d'acquérir de la réputation; elle a été le motif de vos actions, elle en sera la récompense; mais n'en attendez point d'autres. Malheur à vous qui avez déjà reçu votre salaire, et à qui il ne reste plus rien à espérer. L'espérance de l'hypocrite périra, dit Job, il ne lui demeurera que le déplaisir de son peu d'entendement.

Saint Cyprien parlant de la seconde tentation dont le démon se servit contre JésusChrist, lorsque le portant sur le pinacle du temple il lui dit: Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas; O exécrable malice du diable, s'écrie-t-il, il s'imaginait, le malheureux, que celui qu'il n'avait pu vaincre par la gourmandise, il le surmonterait par la vaine gloire. C'est pourquoi il tâche de lui persuader de se jeter en l'air, afin que venant à voler. il soit un spectacle

d'admiration à tout le peuple. Le démon s'imaginait qu'il aurait contre Jésus-Christ le même succès qu'il avait eu contre beaucoup d'autres. Il avait éprouvé, dit saint Cyprien, que souvent il avait dompté par la vaine gloire ceux dont il n'avait pu venir à bout par d'autres moyens, et c'est pour cette raison qu'après l'avoir tenté inutilement de gourmandise, il le tenta de vaine gloire, comme de quelque chose de plus considérable et à quoi il est plus difficile de résister. Car il est rare de n'être pas touché des louanges; et comme peu de gens sont bien aises d'entendre dire du mal d'eux, il y en a peu aussi qui ne soient ravis que l'on en parle avantageusement. Ainsi la tentation de la vaine gloire n'est pas simplement une tentation de gens qui ne fassent que de commencer dans la vertu, elle attaque encore ceux qui y sont les plus avancés; c'est même à ceux-là principalement qu'elle s'adresse.

Le saint abbé Nil, qui avait été disciple de saint Chrysostome, rapporte que les Pè res du désert les plus anciens et les plus expérimentés élevaient et instruisaient les nouveaux religieux d'une manière toute différente de celle qu'ils pratiquaient à l'égard des autres. Aux jeunes, ils recommandaient et enjoignaient la tempérance et l'abstinence, parce que celui, disaient-ils, qui se laisse aller à la gourmandise, s'abandonne encore plus facilement à l'impurelé, puisqu'ayant succombé à une tentation plus faible, il n'y a pas d'apparence que jamais il puisse résister à une plus forte; mais à l'égard des anciens, ils les avertissaient de veiller et d'être continuellement sur leurs gardes pour se garantir de la vaine gloire. Comme ceux qui naviguent sur mer doivent soigneusement éviter les bancs et les écueils qui sont voisins du port, parce que souvent, après une navigation très-heureuse, on vien faire naufrage au port; ainsi il faut que les plus consommés dans la vertu se défendent extrêmement de la vanité, parce que sou vent il est arrivé, qu'après avoir heureuse ment vogué pendant tout le cours de sa vie et résisté courageusement à tout ce que le démon avait excité de tempêtes, à la fin, lorsqu'on était à la vue du port et comptant sur ses victoires passées on se croyait hors de tout danger, par son orgueil et par sa nonchalance on est venu à faire un triste et lamentable naufrage. C'est pour ce sujet que les saints appellent la vaine gloire, une tempête dans le port; et que quelques autres disent qu'elle fait dans les plus parfaits co que ferait un homme qui, montant un vaisseau, bien équipé de toutes choses et chargé de beaucoup de marchandises, ferait lui-même un trou par lequel l'eau entrant à gros bouillons le submergerait à la fin.

Ainsi les anciens Pères ne croyaient pas qu'il fût nécessaire de donner aux novices aucun avertissement et aucun remède parti culier contre la vaine gloire, parce qu'ils supposaient que ceux qui ne faisaient que de sortir du monde tout couverts des bles

sures du péché, et de qui les plaies saignaient encore, avaient en eux-mêmes une assez grande matière d'humilité et d'abais sement, et qu'ainsi il ne fallait leur parler que d'abstinence, de pénitence et de mortification. Véritablement les anciens qui ont déjà pleuré leurs péchés, qui en ont fait de rudes pénitences, et qui se sont longtemps exercés dans la pratique de la vertu, doivent être continuellement en garde contre la vaine gloire; mais ceux qui commencent, qui n'ont encore acquis aucune vertu, qui ne se sont pas défaits des inclinations vicieuses et des mauvaises habitudes qu'ils ont contractées, et qui n'ont pas encore achevé de pleurer les péchés et l'oubli des choses de Dieu dans lequel ils ont vécu; ceux-là n'ont pas besoin de se précautionner contre la vanité, puisqu'ils ne voient en eux que des sujets de douleur et de confusion. Ce qui devrait cependant en donner encore à beaucoup de gens, c'est de voir qu'ayant lant de raison de s'humilier en une infinité de choses, ils s'enflent d'orgueil pour une seule par laquelle ils sont recommandables. C'est un grand abus: un seul défaut que nous aurions devrait suffire pour nous humilier et nous confondre, parce qu'il ne faut pas que rien manque à ce qui est bien, et qu'au contraire la moindre défectuosité rend une chose imparfaite et mauvaise.

Nous en usons cependant tout autrement : tant de fautes, tant de péchés que nous commettons tous les jours, ne suffisent pas pour nous inspirer des sentiments d'humilité'; et le moindre avantage que nous croyons posséder, nous donne de la vanité, et nous fait soupirer après l'estime et l'approbation du monde. Par là il est aisé de voir que la vaine gloire est extrêmement dangereuse, puisqu'elle n'épargne personne et qu'elle nous attaque même sans aucun fondement. C'est la première chose qui nous fait succomber et la dernière qui résiste. C'est pourquoi, mes frères, dit saint Augustin, armons-nous et précautionnons-nous contre ce vice, comme faisait le Prophète royal quand il disait: Seigneur, détournez mes yeux de peur qu'ils se laissent charmer à la vanité.

Quoique tout le monde en général ait besoin de se précautionner contre la vaine gloire, cependant ceux qui par leur état et par leur charge sont employés au salut des Ames, ont encore une obligation plus particulière d'être continuellement en garde contre ce vice. Car leur ministère étaut si sublime et si exposé aux yeux du public, ils ont d'un côté beaucoup plus à craindre que les autres, et ils se rendent d'ailleurs. beaucoup plus coupables, lorsque dans cette fonction ils ne regardent qu'eux-mêmes, et ne recherchent que l'applaudissement des hommes. Ce serait se servir des grâces et des dons de Dieu comme d'un instrument de révolte contre lui : c'est pourquoi saint Bernard s'écrie: Malheur à ceux qui ont le don d'avoir de grands sentiments de Dieu et d'en parler avec éloquence; s'ils regardent la viété comme un trafic, s'ils tournent

« ZurückWeiter »