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à l'intérêt d'une vaine gloire ce qu'ils ont reçu pour l'appliquer à l'avantage de Dieu, et si l'élévation de l'esprit ne s'accorde pas en eux avec l'humilité du cœur, qu'ils craignent que ce qui se lit dans le prophète Ösée (u, 8) ne soit dit pour eux. Je leur ai donné de l'argent et de l'or, et ils en ont fait une idole de Baal. Ils en ont formé une idole d leur vanité.

Lorsque les maîtres de la vie spirituelle veulent expliquer de quelle manière on peut faire ces actions avec une extrême perfection, ils ont coutume de se servir d'une comparaison très-juste. Comme les mathématiciens, disent-ils, no considèrent dans les corps que les dimensions et les figures, et font toujours abstraction de la matière, parce qu'elle ne fait rien à leur sujet; de même le véritable serviteur de Dieu ne doit songer dans toutes ses actions qu'à faire la volonté de Dieu, et pour cet effet il faut qu'il fasse une entière abstraction de la matière, c'est-à-dire qu'il ne regarde point ni dans quelle charge on l'emploie, ni quelle chose on lui commande; parce que ce n'est pas en cela que consiste notre perfection, mais seulement à faire la volonté de Dieu et à chercher sa gloire dans tout ce que nous faisons. C'est ce que nous enseigne le grand saint Basile après l'Apôtre : « Toute la conduite d'un chrétien, dit-il, ne se propose qu'un but, qui est la gloire de Dieu. >>

Les actions qui sont faites de la façon que nous avons dit, s'appellent actions pleines; et saint Jérôme et saint Grégoire disent que, quand l'Ecriture sainte parle de ceux qui ont vécu de cette sorte, elle dit qu'ils ont vécu des jours pleins et qu'ils sont morts pleins de jours, quoique cependant ils soient morts fort jeunes. C'est ce que le Sage nous apprend lorsque, parlant du juste, il dit que dans le peu qu'il a vécu il a rempli un grand espace de temps. Mais cominent peut-il se faire qu'en peu de temps on vive beaucoup, et que l'on renferme un grand nombre d'années? Voulez-vous savoir comment en faisant des actions pleines, et en vivant des jours pleins, on trouvera en eux des jours pleins? dit le Psalmiste, et de ce second passage, il est facile de tirer l'explication du premier.

Tous les jours des véritables serviteurs de Dieu sont des jours de vingt-quatre heures entières. Ils ne souffrent pas qu'il y ait un moment de vide et d'inutile dans une journée; et elle est toujours pleine et entière pour eux, parce qu'ils l'emploient toujours toule à faire la volonté de Dieu. Les heures mêmes du repas, de la récréation et du sommeil, ne sont point pour eux des heures vides et inutiles, parce qu'ils rapportent toutes ces choses à la plus grande gloire de Dieu, et qu'ils ne le font qu'à cause que Dieu veut qu'ils le fassent. Ils ne nangeut que pour leur besoin, jamais pour leur plaisir, et ne cherchent leur propre satisfaction en rien; au contraire, ils voudraient, si c'était la permission de Dieu,

pouvoir se passer de manger, de dormir et de se dissiper l'esprit par les récréations; ils voudraient n'être jamais occupés qu'à aimer Dieu, et ils désireraient, avec le Prophète.royal, qu'il les délivrât de leurs besoins, c'est-à-dire qu'il les dégageât de l'esclavage des misères du corps, et qu'ils fussent exempts de satisfaire à ses besoins, pour être toujours absorbés dans l'amour et dans la contemplation de Dieu.

Saint Grégoire établit une bonne marque pour discerner si dans les ministères où l'on est employé pour le salut du prochain, on cherche purement la gloire de Dieu, ou si l'on envisage aussi la sienne propre. « Regardez, dit-il, si, lorsque quelqu'un prêche bien, qu'il est extrêmement suivi et qu'il fait un grand fruit dans les âmes, vous en avez la même joie que lorsque vous produisez les mêmes effets. Car si vous ne vous en réjouissez pas autant, et qu'au contraire ses succès vous donnent quelque sorte de chagrin ou quelque espèce d'envie, c'est une marque infaillible que vous ne cherchez pas purement la gloire de Dieu, puisque l'apôtre saint Jacques dit en termes exprès: Si vous avez une jalousie amère, et que vous nourrissiez dans votre cœur des Sentiments de contention et d'envie, votre sagesse ne vient point d'en haut; mais elle est terrestre, animale et diabolique. »

Nous pouvons recueillir de la doctrine des saints Pères et principalement de celle de saint Bernard, qu'il y a trois degrés de perfection par lesquels nous pouvons nous élever à une extrême pureté d'intention et à un très-parfait amour de Dieu. Le premier est de ne chercher que la gloire de Dieu; de manière qu'en tout ce qu'on fait on ait l'esprit absolument dégagé de toutes les choses du monde, et que mettant tout son contentement en Dieu seul, on se borne à songer que l'on a accompli sa volonté. « Voulez-vous, dit saint Bernard, avoir une bonne marque pour connaître, autant qu'on le peut, si vous aimez extrêmement Dieu, regardez s'il y a quelque chose hors de Dieu qui puisse vous donner de la satisfaction et de la joie, et par là vous verrez quels progrès vous avez faits dans l'amour de Dieu. Certes, tant que je suis capable de recevoir quelque consolation et quelque contentement d'ailleurs, je n'ose pas dire que ce soit Dieu qui occupe entièrement toute la tendresse de mon cœur. » Saint Autin est du même sentiment, quand il dit : « Seigneur, on vous aime moins, lorsqu'on aime encore avec vous quelque chose que l'on n'aime pas pour vous. » Cette manière d'aimer est bien éloignée de l'excellence et de la pureté de l'amour de cette grande reine, qui, au milieu de la pompe et du faste de la majesté royale, disait à Dieu : « Vous savez, Seigneur, que depuis que j'ai été amenée ici, jusqu'à présent votre servante ne s'est jamais réjouie qu'en vous, Seigneur, qui êtes le Dieu d'Abraham. » Voilà sans doute une façon d'aimer bien parfaite et bien épurée. Saint Grégoire,

oubli de nous-mêmes et de tout ce qui peut regarder notre avantage et notre intérêt; il faut que nous aimions Dieu d'une manière si pure et si élevée, que dans tous les biens que nous recevons de sa main, soit dans ceux de la grâce, soit dans ceux de la gloire, ce ne soit point le profit que nous en retirons, mais que ce soit l'accomplissement de sa volonté sur nous qui fasse notre contentement et notre joie. C'est ce que pratiquent les bienheureux dans le ciel; ils se réjouissent plus de la volonté de Dieu qui s'accomplit en eux, que de l'élévation de gloire où ils sont, et ils aiment Dieu d'une façon si sublime, ils sont tellement transformés en lui et tellement unis à sa volonté, qu'au milieu des contentements ineffables où ils sont plongés,. c'est moins à cause d'eux-mêmes qu'à cause de Dieu qu'ils aiment la félicité qu'ils possèdent. C'est de cette sorte que nous devons aimer Dieu, dit saint Bernard; et c'est ainsi que faisait ce saint prophète qui disait : Bénissez le Seigneur parce qu'il est bon. Il ne dit pas, parce qu'il m'est bon; mais simplement, parce qu'il est bon. Il ne l'aime point et ne le loue point par rapport à son propre intérêt, comme celui dont il dit dans un autre endroit Il vous bénira, lorsque vous lui aurez fait du bien; mais il l'aime et le loue, parce qu'il est bon en lui-même, parce que Dieu est Dieu,et que sa bonté est infinie.

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sur ces paroles de Job: Qui se bâtissent une solitude, demande ce que c'est que se bâtir une solitude; et dit que celui qui est tellement détaché de toutes les créatures, et qui s'est si absolument dépouillé de l'affection de toutes les choses de la terre, qu'au milieu de la foule et des divertissements il ne laisse pas de se trouver seul, celui-là s'est bâti une solitude, parce que rien de tout cela ne le touche, et qu'ayant mis tout son contentement en Dieu, il ne peut trouver ni entretien, ni consolation ailleurs. Nous éprouvons même tous les jours que quand on s'est attaché d'affection à quelqu'un et qu'on vient à le perdre par l'absence ou par la mort, on est alors dans une solitude effroyable au milieu des meilleures compagnies, parce qu'on n'y est point avec celui avec qui on se plaisait d'être. La même chose arrive à quiconque a banni entièrement de son cœur toutes les créatures pour ne le remplir que de Dieu au milieu des plaisirs et dans les plus grandes assemblées il se trouve seul, parce qu'il ne prend nul plaisir aux choses du monde et qu'il n'y a que l'objet de son amour qui puisse l'occuper agréablement. Ceux, dit saint Grégoire, qui sont parvenus à ce point, jouissent d'une très-grande tranquillité d'âme, rien ne les inquiète et rien ne leur fait peine, et ni l'adversité ne les trouble et ne les abat, i la propérité ne les enorgueillit et ne les enfle. Comme ils n'out aucun attachement aux choses du monde, tous les changements qui y arrivent ne produisent en eux aucune altération; et se faisant ainsi un bonheur qui ne peut dépendre des événements, ils en méprisent la vissicitude. Savez-vous, ajoute-t-il, qui s'était élevé jusqu'à ce degré de perfection et qui s'était bâti une solitude? Celui qui disait : J'ai demandé une chose au Seigneur, je ne cesserai point qu'il ne me l'accorde; c'est de demeurer toute ma vie dans la maison du Seigneur. Car, après tout, quelle autre chose y a-t-il à chercher et à désirer dans le ciel et sur terre? et quelle est maintenant mon attente, si ce n'est Dieu ? Le saint abbé Silvain était encore parvenu à ce même état; car on raconte de lui que lorsqu'il sortait de l'oraison, toutes les choses de la terre lui semblaient si méprisables, que se bouchant les yeux avec les mains: Fermez-vous, mes yeux, dit-il, fermez-vous et ne regardez point les choses du monde, car il n'y en a aucune qui mérite d'être regardée. Nous lisons pareillement de saint Ignace, que quelquefois élevant la vue au ciel et le cœur à Dieu, il s'écriait Hélas! que la terre me déplaît, lorsque je contemple le ciel !

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Le second degré par lequel nous pouvons monter à la perfection dont nous parlons, est celui qu'établit saint Bernard dans le Traité de l'amour de Dieu, je veux dire nonseulement d'oublier toutes les choses du monde, mais de s'oublier aussi soi-même, et de ne s'aimer soi-même qu'en Dieu et pour Dieu; car si nous voulons être parfaits, il faut que nous soyons tellement absorbés dans cet

Le troisième et dernier degré de perfection est, dit saint Bernard, de faire les choses non pas pour plaire à Dieu, mais parce que Dieu nous plaît, ou que ce que nous faisons plaît à Dieu. De cette sorte, sans songer aucunement à soi, non plus que si l'on n'était pas au monde, on n'envisage que le seul contentement de Dieu; et voilà une manière de l'aimer très-parfaite et très-épurée. « Cetamour, continue-t-il, est véritablement la montagne du Seigneur, une montagne très-élevée, une montagne grasse et fertile; car ce terme de montagne de Dieu ne peut dire autre chose dans l'Ecriture, que le comble de l'excellence et de la perfection. Mais qui montera sur la montagne du Seigneur et qui me donnera des ailes comme à une colombe, afin que j'y vole et que je m'y repose? Hélas! s'écrie ce grand saint, le mal est que dans cette terre d'exil je ne puis m'oublier entièrement moi-même : misérable que je suis, qui me délivrera de ce corps mortel? Seigneur, je souffre violence, répondez pour moi. Quand_mourraije entièrement à moi, pour ne plus vivre qu'à vous? Pourquoi faut-il que mon exil soit prolongé? Quand irai-je me présenter devant la face de Dieu? Seigneur, quand serai-je uni tout à fait à vous, et transporté en vous par amour? Quand serai-je entièrement détaché de moi-même, quand no serai-je plus qu'un esprit avec vous, et quand entin n'aimerai-je plus rien en moi, ni pour moi, mais tout en vous et pour vous? Car ne se chercher et ne se trouver non plus dans tout ce qu'on fait, que si on était perdu soi-même, pour ainsi dire, ou

que l'on ne fût plus du tout; no se sentir soi-même en nulle façon et s'anéantir enfin soi-même, c'est l'effet de la charité des bienheureux, et non pas le partage d'une affection humaine. C'est pourquoi le Prophète royal disait : J'entrerai dans la puissance du Seigneur, et alors, Seigneur, je ne me souviendrai plus de rien que de votre justice. Lorsqu'après nous être comportés comme des serviteurs fidèles, nous entrerons dans la joie du Seigneur et que nous serons enivrés de l'abondance de son amour; alors nous serons tellement absorbés et transformés en lui, que nous ne nous souviendrons plus de nous-mêmes; alors nous lui serons semblables, parce que nous le verrous tel qu'il est; alors la créature se conformera à son Créateur; et comme il a fait toutes choses pour lui-même, selon le témoignage de l'Ecriture, aussi n'aimerons-nous rien que lui, et nous-mêmes nous ne nous aimerons qu'en lui et pour lui. Ce qui fera notre joie, ne sera pas tant la considération de la misère dont nous serons dégagés, ou de la félicité que nous aurons obtenue, que de voir que sa volonté sur nous aura été accomplie en nous. Et c'est ainsi qu'on entre dans la joie du Seigneur. »

« O amour saint et chaste! s'écrie saint Bernard en cet endroit, & douce et tendre affection! droite et pure intention de volonté, d'autant plus droite et plus pure qu'il n'y reste plus aucun mélangé d'intérêt propre affection d'autant plus tendre et plus douce que l'on ne sera touché de rien qui ne soit divin! Etre épris de cette sorte, c'est être déifié. Pour expliquer comment nous serons alors déifiés et transformés en Dieu, le même saint se sert de trois comparaisons, et dit que de même qu'une goutte d'eau, jetée dans une grande quantité de vin, perd toutes ses propriétés, et prend la couleur et le goût du vin; de même qu'un fer rougi dans la fournaise ne paraît plus du fer, mais du feu; enfin de même que quand l'air est éclairé des rayons du soleil il devient si lumineux qu'il semble qu'il soit la lumière même; de même quand nous serons dans la gloire, nous perdrons entièrement nos premières qualités, nous serons déifiés et transformés en Dieu, et nous n'aimerons rien que lui et en lui: autrement, comment est-ce que Dieu serait alors toutes choses en tout, si dans l'homme il restait quelque chose de l'homme? Il n'y aura donc rien là qui soit notre gloire même, et notre joie serà la gloire et la joie de Dieu, et non pas la nôtre, suivant ces paroles du Psalmiste: Vous êtes ma gloire, et c'est vous qui m'exaltez; enfin, nous ne mettrons point notre satisfaction en notre propre félicité; mais ce sera en Dieu seul que nous rétablirons tout notre contentement. Mais quoique dans ce monde nous ne puissions jamais parvenir à un si haut point de perfection, nous devons essayer d'y avoir les yeux continuellement attachés, parce que plus nous approchons de ce but, plus notre union avec Dieu sera étroite. »>

Concluons, avec ce grand saint, et disons: Seigneur c'est en cette union que consiste la volonté de votre Fils en nous; c'est ce qu'il vous a demandé par la prière qu'il vous a faite pour nous, quand il vous a dit : Faites que comme vous et moi ne sommes qu'un, ils ne soient aussi qu'un en nous; c'est-à-dire qu'ils vous aiment pour vous, et qu'ils ne s'aiment eux-mêmes qu'en vous. C'est là véritablement la fin, la consommation et la perfection de toutes choses; c'est la paix, c'est la joie du Seigneur, c'est la joie dans le Saint-Esprit; c'est le calme et le silence des bienheureux dans le ciel.

ACTIONS DE GRACES APRÈS LA COMMU→ NION.- Comme avant que de manger, dit Rodriguez, il est bon de faire un peu d'exercice, pour réveiller la chaleur naturelle, il est bon aussi avant que de s'approcher de la sainte table de s'exercer à quelque sainte méditation, qui puisse réveiller la dévotion et la ferveur, qui est à l'égard de l'âme ce que la chaleur naturelle est à l'égard du corps. Il est bon encore de donner quelque temps à la conversation après le repas; et il sora de même très-à propos d'employer quelque temps à s'entretenir avec Dieu, au sortir de ce divin banquet. C'est là le temps le plus favorable et le plus propre pour trailer avec Dieu, et pour nous unir avec lui: c'est pourquoi il faut tâcher d'en profiter, et de ne pas en perdre la moindre partie. Ne laissez pas perdre un si bon jour, et ne laissez pas échapper la moindre partie d'un don si précieux.

Pour cet effet, il faut employer ce temps-là à faire quelques méditations pieuses; surtout il faut s'occuper à louer Dieu, et à le remercier de tous les bienfaits qu'on en a reçus, et particulièrement du bien inestimable de notre rédemption, et de la grâce qu'il nous fait de se donner lui-même à nous de cette sorte. Comme cependant nous ne pouvons jamais de nous-mêmes lui en rendre les remerciments qui lui sont dus, il faut, pour suppléer à notre défaut, lui offrir toutes les bénédictions et toutes les louanges que lui ont jamais données tous les anges ensemble, depuis le commencement du monde, et tous les bienheureux pendant leur vie; toutes cellos qu'ils lui donnent maintenant dans le ciel, et toutes celles qu'ils lui donneront durant toute l'éternité. Il faut joindre nos intentions à leurs intentions, et le prier de commander que nos voix soient admises avec les leurs. Il faut enfin inviter toutes les créatures à le louer avec nous, et dire avec le Prophète Célébrez la magnificence du Seigneur avec moi, et glorifions ensemble son nom. Mais parce que Dieu est infiniment au-dessus de toute sorte de louanges, et que toutes celles que toutes les créatures peuvent jamais lui donner n'approchent point de celles qui lui sont dues, il faut de plus souhaiterqu'il s'aime et qu'il se loue lui-même comme il le mérite, puisque lui seul peut le faire.

Secondement, il faut employer ce temps-là à produire des actes d'amour de Dieu; car c'est alors principalement qu'on peut exal

ter son cœur en'de saintes aspirations qui ne sont autre chose que des actes d'amour et des désirs ardents de s'unir à Dieu. C'est alors qu'il faut lui dire avec le Prophète royal: Seigneur, vous êtes ma force, que je vous aime toujours. Mon âme soupire incessamment après vous, 6 mon Dieu, comme le cerf poursuivi des chasseurs, soupire après la source des eaux.

Il faut en troisième lieu employer ce temps-là à demander des grâces à Dieu, car c'est un temps propre pour en obtenir et pour bien faire nos affaires avec lui. L'Ecriture sainte rapporte que la reine Esther, ayant à demander quelque chose au roi Assuérus, ne voulut point d'abord lui déclarer ce que c'était; elle l'invita seulement à venir manger chez elle, se réservant à lui expliquer alors ce qu'elle souhaiterait. Il y fut; et elle en obtint tout ce qu'elle lui demanda. C'est ainsi que dans ce saint banquet, où le Roi des rois est notre convié et où nous sommes les siens, pour mieux dire, nous obtiendrons de lui tout ce que nous lui demanderons; car nous sommes venus dans un jour heureux, et nous pouvons lui dire ce que Jacob dit à l'ange avec qui il avait lutié toute la nuit Seigneur, je ne vous laisserai point aller que vous ne m'ayez béni. Seigneur, lorsque vous entrâtes dans la maison de Zachée, vous dites: Cette mai son a reju aujourd'hui le salut; dites-en autant maintenant de la maison où vous venez d'entrer; dites à mon âme: Je suis votre salut.

C'est aussi afors qu'il faut demander pardon à Dieu de nos péchés, et lui demander en même temps la force de vaincre nos passions et de résister aux tentations du démon, et la grâce d'acquérir l'humilité, l'obéissance, la patience, la persévérance et les autres vertus dont nous avons le plus besoin. Mais il ne faut pas seulement demander alors pour nous-mêmes; il faut aussi prier pour tous les besoins de l'Eglise, tant en général qu'en particulier, pour le Pape, pour le souverain, pour tous ceux qui gouvernent la république chrétienne, ou dans le spirituel où dans le temporel, et pour toutes les personnes particul.res à qui on a quelque obligation, comme ii se pratique dans le Memento de la messe, et comme nous le dirons en suite.

Quelques-uns font leur action de grâces après la communion de la manière que nous allons dire. Ils se représentent Jésus-Christ au dedans d'eux-mêmes, et appellent toutes leurs puissances et tous leurs sens, pour le venir reconnaître comme leur roi, et pour se soumettre à lui; de même que dans le monde un homme qui recevrait chez lui un grand seigneur, ferait venir ses parents pour le saluer, et pour lui rendre leurs devoirs. Ensuite à chaque sens et à chaque puissance qu'ils présentent, ils font trois choses. La première, de remercier Dieu du don qu'il leur en a fait. La seconde, de s'accuser de n'en avoir pas fait tout le bon usage qu'ils doivent, et la troisième de lui demander la

grâce d'en faire un meilleur usage à l'avenir. Cette sorte d'action de grâces peut être trèsutile; et des trois méthodes d'oraison que saint Ignace marque dans le livre des Exercices spirituels, celle-là est la première.

Quelques autres considèrent toutes leurs puissances et tous leurs sens comme autant de malades; et regardant en même temps Jésus-Christ comme un médecin qui guérit toutes nos maladies, ils le mènent de l'un à l'autre, comme un médecin qu'on mènerait dans une infirmerie où il y aurait plusieurs malades, et lui disent: Seigneur, venez et voyez; ayez pitié de moi et de mon infirmité; guérissez mon âme qui est malade, parce que j'ai péché contre vous. Or, il faut remarquer que dans ce temps-là il n'est pas nécessaire de feindre un lieu ni de le chercher hors de nous, puisque Jésus-Christ est alors présent au dedans de nous, nonseulement quant à sa divinité, qui est toujours partout, mais aussi quant à son humanité sacrée, qui est réellement dans nos entrailles, et qui y demeure autant de temps que durent les espèces sacramentelles, c'està-dire autant de temps que la substance du pain pourrait y durer, si elle y était. Que si la vue d'une image nous donne du recueillement et de la dévotion, que ne doit point faire la vue de Jésus-Christ lui-même, qui est présent en personne au dedans de nous? C'est pourquoi, que chacun tourne alors ses regards sur soi, et qu'il considère JésusChrist au dedans de soi, comme la sainte Vierge le considérait au dedans d'elle-même lorsqu'elle le portait dans ses entrailles; qu'il s'entretienne avec son bien-aimé, et qu'il dise avec l'épouse: J'ai trouvé celui que mon âme chérit; je le tiens et je ne le laisserai point aller. Quelques théologiens disent une chose qui peut nous porter à employer encore plus de temps à notre action de grâces. Ils disent que tant que durent les espèces sacramentelles et la présence réelle de Jésus-Christ au dedans de nous, plus on fait de semblables actes, plus on reçoit de grâces, non-seulement à cause du mérite des actes, mais à cause de la vertu du sacrement, suivant ce que nous avons déjà dit en parlant de la préparation à la communion.

Par-là on peut connaître combien font mal ceux qui laissent perdre un temps où il y a tant à gagner, et qui n'ont pas plutôt reçu un si grand hôte chez eux, qu'ils lui tournent le dos, qu'ils sortent par une porte, pour ainsi dire, au même moment qu'il achève d'entrer par l'autre, et qui le reçoivent froidement sans lui rien dire. Si dans le monde ce serait commettre une incivilité, de recevoir chez soi une personne de considération, et de ne lui rien dire et de ne lui faire aucune offre de service,, que sera-ce d'en user ainsi envers Dieu même ?

Surius rapporte que toutes les fois que sainte Marguerite, fille de la reine de Hongrie, devait communier, elle jeûnait la veille au pain et à l'eau, à cause du banquet céleste qu'elle devait faire le lendemain,

et passait toute la nuit en prières; et qu'après avoir communié, elle employait tout ce jour-là à la prière jusqu'à la nuit qu'elle prenait quelque nourriture.

Jésus-Christ pendant sa vie mortelle a plusieurs fois marqué l'importance que I'homme devait attacher à la reconnaissance des bienfaits de Dieu, et en particulier à l'occasion des dix lépreux guéris, dont un seul vint le remercier de sa guérison. Si nous devons être reconnaissants des dons de Dieu, de sa grâce, de ses secours, quelle sera notre reconnaissance lorsque nous aurons à le remercier pour l'avoir reçu luimême ?

La reconnaissance des bienfaits reçus est d'ailleurs le meilleur titre auprès de Dieu pour recevoir de nouvelles faveurs.

ACTIONS ORDINAIRES (PERFECtion des). Il est constant que l'état bon ou mauvais de notre âme dépend de nos bonnes ou de nos mauvaises actions, parce que nous serons tels que seront nos (euvres et qu'entin ce sont elles qui découvrent ce que nous sommes. L'arbre se connait par le fruit, et saint Augustin dit que l'homme est l'arbre, que les œuvres en sont le fruit; qu'ainsi par le fruit des oeuvres on voit bientôt ce que chacun est. C'est pourquoi le Sauveur parlant des hypocrites et des faux prophètes Vous les reconnaîtrez, dit-il, par leurs fruits; et au contraire, parlant de lui-même: Les œuvres, dit-il, que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi, et si vous ne voulez pas me croire, croyez du moins à mes œuvres, elles vous diront qui je suis. Mais les actions ne disent pas seulement ce que l'on est en cette vie, elles prédisent aussi ce que l'on doit être en l'autre, et telles qu'elles auront été en celle-ci, tels nous serons en l'autre pour jamais; car Dieu récompensera chacun selon ses œuvres, comme la sainte Ecriture nous l'apprend en divers lieux de l'Ancien et du Nouveau Testament: Seigneur, dit le Psalmiste, vous rendrez à chacun selon ses œuvres. Et saint Paul, écrivant aux Galates: Ce que l'homme, dit-il, aura semé pendant sa vie, il le moissonnera après sa mort. (RODRIGUEZ.) Mais venons au détail des choses, et voyons quelles sont les actions desquelles tout notre bien, tout notre avancement toute notre perfection dépendent. Je dis que ce sont les actions les plus ordinaires et que nous faisous tous les jours; c'est à bien faire l'oraison que nous avons accoutumé de faire, à bien faire notre examen ordinaire, à entendre ou a célébrer la messe avec le respect que nous devons, à dire notre office et nos prières avec attention et avec ferveur; à nous exercer continuellement dans la pénitence et dans la mortification; à nous bien acquitter de notre charge et de tout ce que l'obéissance nous impose; enfin c'est à bien faire les choses qui nous sont les plus fréquentes et les plus familières dans la vie que consistent notre avancement et notre perfection. Nous serous parfaits si nous les faisons parfaitement bien; DICTIONN. D'ASCÉTISME. I.

nous serons imparfaits si nous les faisons imparfaitement. Voilà proprement tout ce qui met la différence entre un parfait chrétien et celui qui ne l'est pas; car elle no vient point de ce que l'un fait plus de choses que l'autre, mais seulement de ce qu'il les fait mieux; et, à proportion de la manière dont chacun les fera, chacun sera infailliblement plus ou moins parfait.

Le Fils de Dieu, dans sa parabole du semeur, nous dit que le grain qui fut semé en bonne terre, en un endroit rendit le trentième, en un autre le soixantième, et en un autre rapporta jusqu'au centuple; et par là, disent les saints, le Sauveur nous a marqué les trois degrés de ceux qui servent Dieu, c'est-à-dire, ceux qui commencent, ceux qui sont dans le progrès et ceux qui sont enfin arrivés au comble de la perfection. Nous semons tous le même grain, parce que nous faisons tous les mêmes choses; nous avons tous la même heure pour l'oraison, et depuis le matin jusqu'au soir nous sommes tous occupés à ce qui nous est prescrit par le devoir. Mais avec tout cela, combien y a-t-il de distance d'homme à homme ! En quelques-uns, les œuvres qu'ils sèment rapportent au centuple, parce qu'ils les font avec une extrême ferveur d'esprit et une grande pureté d'intention, et ceux-là sont les parfaits; en quelques autres, elles rendent le soixantième, et ceux-là ne sont encore que dans le progrès, ils ne sont pas arrivés à la perfection; enfin, la récolte en d'autres, n'est que de trente pour un, et ceux-là ne font que de commencer à servir Dieu. Que chacun regarde du nombre desquels il est, voyez si vous n'êtes point de ceux qui ne rendent que le trentième, et Dieu veuille que personne ne soit de ceux dont l'Apôtre dit que, sur le fondement de la foi, ils ont entassé du bois et de la paille pour brûler au jour du Seigneur. Prenez garde de ne rien faire par ostentation, par respect humain, pour contenter les hommes, pour vous attirer leur estime; car ce serait bâtir un édifice de bois et de paille, pour brûler-du moins dans le purgatoire. Mais tâchez de faire toutes choses dans la dernière perfection, et ce sera, comme dit saint Paul, vous élever un bâtiment tout d'or et d'argent, et de pierres précieuses.

La vérité de tout ce que je viens de dire se comprendra encore plus clairement, ent élablissant ce principe que notre avancement et notre perfection ne consistent qu'en deux choses à faire ce que Dieu veut que nous fassions, et à le faire comme il veut que nous le fassions; car, assurément, ces deux points comprennent tout. Quant au premier, tous les religieux y sont déjà parvenus par la miséricorde de Dieu. Et sans doute, c'est un des grands avantages et une des grandes consolations de ceux qui vivent dans la religion, d'être certains que les choses qu'ils font par obéissance sont justement celles que Dieu veut qu'ils fassent! Cette proposition est dans la religion comme une

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