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zèle à recommander à ses disciples de donner au soin de leur corps le moins de temps possible, afin qu'il leur en restât davantage pour louer et adorer les grandeurs divines. Il était pourtant bien éloigné de croire que la perfection consistât dans la seule mortification du corps; persuadé que les meilleures œuvres ne sont rien sans la charité, il s'appliquait à en allumer de plus en plus le feu dans son âme.

Quelles instructions un tel maître ne devait-il pas donner à ses disciples? Voici quelques-unes des maximes qu'il ne cessait de leur répéter: « Que le souvenir de l'éternité, disait-il, ne sorte jamais de votre esprit. Pensez tous les matins que peut-être vous ne vivrez pas jusqu'à la fin du jour; pensez tous les soirs que peut-être vous ne verrez pas le lendemain matin. Faites chacune de vos actions comme si elle devait être la dernière de votre vie, c'est-à-dire avec toute la ferveur et 1 esprit de piété dont Vous êtes capables. Veillez sans cesse contre les tentations, et résistez courageusement aux efforts du démon; cet ennemi est bien faible quand on sait le désarmer. Il redoute le jeûne, la prière, l'humilité et les bonnes œuvres; quoique je parle contre lui, il n'a par la force de me fermer la bouche. Il ne faut que le signe de la croix pour dissiper ses prestiges et ses illusions (76). Oui, ce signe de la croix du Sauveur, qui l'a dépouillé de sa puissance, suffit pour le faire trembler (77). » Le saint fortifiait ces dernières instructions par le récit des divers assauts qui lui avaient été livrés par le démon.

« C'est par la prière, ajoutait-il, que j'ai triomphé de tous ses piéges. Il me dit un jour, après s'être transformé en ange de lumière Antoine, demandez ce que vous voudrez, je suis la puissance de Dieu. Mais je n'eus pas plutôt invoqué le nom de Jésus, qu'il disparut. » Le saint avait merveilleusement le don de discerner les esprits. Voici la règle qu'il donnait à ses disciples sur ce sujet (78). « La vue des bons anges, disait-il, n'apporte aucun trouble; leur présence est douce et tranquille; elle comble l'âme de joie, et lui inspire de la confiance. Ils font concevoir un tel amour des choses divines, qu'on voudrait quitter la vie pour les suivre dans la bienheureuse éternité. Au contraire, l'apparition des mauvais anges remplit de trouble. Ils se présentent avec bruit; ils jettent l'âme dans une confusion de pensées, ou dans une frayeur qui la déconcerte. Ils dégoûtent de la pratique des vertus, et rendent l'âme inconstante dans ses résolutions. >>

Pendant qu'Antoine était ainsi occupé, dans la solitude, de sa propre sanctification et de celle de ses disciples, l'Eglise se vit attaquée par Maximin, qui ralluma le feu de la persécution en 311. L'espérance de verser

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son sang pour Jésus-Christ l'engagea à sortir de son monastère. Il prit la route d'Alexandrie, afin d'aller servir les Chrétiens renfermés dans les prisons, et condamnés à travailler aux mines. Il les engageait tous à rester inébranlables dans la confession de la foi, et cela jusque devant les tribunaux, et dans les lieux où se faisaient les exécutions. Il portait publiquement son habit monastique, sans craindre que le juge le reconnût. If ne voulut pourtant point imiter l'exemple de ceux qui se livraient eux-mêmes aux tyrans, parce qu'il savait qu'on ne peut agir ainsi sans une inspiration particulière de Dieu. La persécution ayant cessé l'année suivante, il retourna dans son monastère, résolu d'y vivre plus que jamais dans une entière séparation du monde. Ce fut ce qui le porta à faire murer la porte de sa cellule. Il en sortit néanmoins quelque temps après, et quitta la contrée où étaient ses premiers monastères, que saint Athanase appelle les Monastères du dehors. Ils étaient aux environs de Memphis, d'Arsinoé, de Babylone et d'Aphrodite (79). Le nombre des solitaires de ce premier désert de saint Antoine s'accrut prodigieusement; et Rufin, en parlant de saint Serapion d'Arsinoé, peu après la mort de saint Antoine, dit qu'il était supérieur de dix mille moines. Il ajoute qu'on ne pouvait presque compter ceux qui habitaient les solitudes de Memphis et de Babylone. De ces solitaires, les uns vivaient ensemble et formaient des corps de communautés. Les autres menaient la vie anachorétique dans des cavernes séparées. Saint Athanase, qui les visita souvent, n'en parle qu'avec des transports d'admiration.

« Il y a, dit-il, des monastères qui sont comme autant de temples remplis de personnes dont la vie se passe à chanter des psaumes, à lire, à prier, à jeûner, à veiller; qui mettent toutes leurs espérances dans les biens à venir, qui sont unies par les liens d'une charité admirable, et qui travaillent moins pour leur propre entretien que pour celui des pauvres. C'est comme une vaste région absolument séparée du monde, et dont les heureux habitants n'ont d'autre soin que celui de s'exercer dans la justice et la piété. » Tous ces solitaires étaient conduits par le grand saint Antoine, qui ne cessait d'animer leur ferveur par sa vigilance, ses exhortations et ses exemples. Et, quoiqu'il eût établi des supérieurs subalternes, il ne laissa pas de conserver toujours sur eux une surintendance générale, même après qu'il eût changé de demeure.

Cependant le saint, après avoir recommandé à Dieu ses disciples, résolut de pénétrer plus avant dans les déserts, afin d'y vivre plus éloigné du commerce des hommes, et, pour ainsi dire, seul avec Dieu seul. Par là il se préservait encore de la tentation de

(79) C'est-à-dire, dans les déserts, situés autour de la montagne, où était le vieux château qu'il avait habité, et d'où il était sorti pour fonder set gouverner ces monastères.

la vanité, qu'il craignait extrêmement. I se détermina donc à se retirer dans un lieu de la haute Egypte, où il n'y avait que des hommes sauvages. Etant arrivé sur le bord du Nil, il s'arrêta dans un lieu commode, attendant qu'il passât un bateau sur lequel il pût remonter le fleuve vers le sud. Mais, par une inspiration particulière de Dieu, il changea de dessein; et au lieu de s'avancer vers le sud, il se joignit à quelques marchands arabes qui allaient vers la mer Rouge, du côté de l'Orient. Enfin, ayant marché trois jours et trois nuits porté apparemment sur un chameau, il gagna le lieu où le ciol voulait qu'il fixât să demeure pour le reste de ses jours. C'était le mont Colzin, qu'on a depuis nommé le mont Saint-Antoine, et qui n'est qu'à une journée de la mer Rouge. Au bas est un ruisseau sur le bord duquel on voit un grand nombre de palmiers, qui contribuent beaucoup à rendre ce lieu commode et agréable. Cette montagne était si haute et si escarpée, qu'on ne pouvait la regarder sans frayeur; on la découvrait du Nil, quoiqu'il y eût trente milles ou douze lieues (80), à l'endroit où elle en était le plus proche. Saint Antoine s'arrêta au pied de cette montagne, et fixa sa demeure dans une cellule si étroite, qu'elle ne contenait en carré qu'autant d'espace qu'un homme en peut occuper en s'étendant.

Il y avait deux autres cellules toutes semblables, taillées dans le roc, sur le sommet de la montagne, où l'on ne montait que trèsdifficilement, par un petit sentier fait en forme de limaçon. Le saint se retrait dans l'une de celles-ci, lorsqu'il voulait se dérober à la presse; car il ne put rester longtemps inconnu. Ses disciples le découvrirent à la fin, après beaucoup de recherches, et se chargèrent du soin de lui procurer du pain; mais il voulut leur épargner cette peine. Il les pria donc de lui apporter une bêche, une cognée, et un peu de blé qu'il sema, et qui lui rapporta suffisamment de quoi se nourrir. Sa joie fut extrême quand il vit qu'il n'était plus à charge à personne.

Quelque désir qu'il eût de vivre dans la retraite, il ne put résister aux instances qu'on lui fit d'aller visiter ses premiers monastères. Il y fut reçu avec les démonstrations de la joie la plus vive. Ses discours

(80) Saint Antoine passa les dernières années de sa vie, et mourut sur sa montagne. Il est dit, dans la vie de saint Hilarion, qu'un diacre d'Aphrodite, nommé Baisan, louait des chameaux à tous ceux qui avaient envie de visiter notre saint, et qu'il y avait trois journées de chemin à faire pour gagner sa montagne; encore fallait-il que ces animaux allassent fort vite. Le monastère de saint Antoine, fondé sur cette montagne, a toujours été célèbre depuis par un grand nombre de pèlerinages (Voyez les Commentaires de KOCHER sur les fastes des Abyssins, dans le Journal de Berne, an 1761, t. I, p. 160 et 169). On voit encore un peu au-dessus de l'ancienne ville d'Aphrodite, sur le bord du Nil, un monastère dont saint Antoine est patron. On l'appelle dans le pays der Mar. Antonious el bahr., c'est-à-dire, le monastère de saint Antoiue sur le fleuve (Voyez PоCOCKE, p. 70, avec la

inspirèrent à ses disciples une nouvelle ardeur de croître en vertu et en sainteté. Ce fut dans ce même voyage qu'il visita sa sœur, supérieure d'une communauté de vierges, qu'elle édifiait par l'exemple de toutes les vertus. Après avoir satisfait à ce devoir de charité, il reprit la route de sa montagne. Les solitaires et les personnes affligées venaient de toutes parts le consulter. Il donnait aux uns des avis salutaires, et obtenait, par ses prières, des miracles du ciel en faveur des autres. Nous apprenons de saint Athanase qu'il guérit un nommé Fronton, de la famille de l'empereur, d'une maladio si extraordinaire, qu'il se coupait la langue avec les dents. Il rendit la santé à une fille paralytique et à plusieurs autres malades. Si quelquefois Dieu n'accordait pas à ses prières la guérison des malades, il se soumettait à la volonté du ciel, et exhortait fortement les autres à faire la même chose. Souvent i les envoyait à d'autres solitaires, afin qu'ils obtinssent par leurs prières ce qui avait été refusé aux siennes. « Je leur suis bien inférieur en mérite, disait-il, et je m'étonne qu'on vienne me trouver, tandis qu'on pourrait s'adresser à eux. »

Le lieu de la retraite du saint ayant été découvert, comme nous l'avons dit, plusieurs de ses disciples se rendirent auprès de lui; mais ils ne purent, malgré l'envie qu'ils en avaient, obtenir de lui la permission de s'établir sur sa montagne. Ils bâtirent donc, avec son consentement et par son avis, le monastère de Pispir ou Pispiri (81). Ce monastère, peu éloigné du Nil, et peut-être sur le bord de ce fleuve, était du côté de l'orient, et à douze lieues de la montagne du saint. Macaire et Amathas y restèrent jusqu'au temps où ils demeurèrent auprès du saint, pour le servir dans son extrême vieillesse. Il s'y forma une communauté aussi nombreuse que dans les déserts d'au delà du Nil. On dit qu'après la mort du saint patriarche, Macaire y eut sous sa conduite jusqu'à cinq mille moines. Dans la suite, Amathas et Pithirion gouvernèrent aussi un grand nombre de moines, qui habitaient dans des cavernes, sur la montagne même du saint. Il y avait beaucoup de ces cavernes, à cause de la quantité de pierres qu'on avait tirées pour la construction des pyramides d'Egypte. carte qu'il a mise à la tête de cette partie de ses voyages, ibid., p. 128; GRANGER, Relation du voyage, etc., p. 107; Nouveaux mém. des missions, tome V, p. 156; MAILLET, Descript. de l'Egypte, p. 320, etc.).

(81) Quelques-uns appellent saint Antoine fondateur du monastère de Pispir; d'autres donnent ce titre à Macaire, son disciple, qui en eut la conduite. Pispir était situé sur le bord du Nil, dans la Thébaide. Pallade (Laus, c. 63), le met à trente onusia de la montagne de Saint-Antoine. Les critiques sont partagés sur les mesures, appelées en grec semeia. Les uns les entendent des milles romains, les autres des schones égyptiens, dont chacun était de 30 stades. Pispir devait être fort éloigné des premiers monastères de saint Antoine (Voyez KocHER, loc. cit.).

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ANT

avoir ainsi entremêlé plusieurs fois ie tra-
vail et la prière, il dit au saint: « Faites la
même chose, et vous serez sauvé (82).
Antoine n'omit jamais cette pratique, et il
tint toujours son cœur uni à Dieu pendant
que ses mains travaillaient. Qu'on juge de
la ferveur de ses prières et de la sublimité
de sa contemplation par ces traits! Il se le-
vait à minuit, priait à genoux, les mains
levées au ciel, jusqu'au lever du soleil, et
souvent jusqu'à trois heures après midi (83).
Quelquefois il se plaignait de ce que le re-
tour de l'aurore le rappelait à ses occupa-
tions journalières (84). « Qu'ai-je affaire de
ta lumière, disait-il au soleil, lorsqu'il com-
mençait à paraître, pourquoi viens-tu me
distraire? pourquoi ne te lèves-tu que pour
m'arracher à la clarté de la véritable lumière? »
Cassien, qui rapporte ce trait, ajoute que,
pendant l'oraison, il disait que celle d'un
religieux n'était pas parfaite lorsqu'en
priant il s'apercevait lui-même qu'il priait:
ce qui fait voir combien son oraison était
sublime.

D'ASCETISME. Saint Antoine était trop éloigné de ses premiers disciples pour les visitor souvent; mais il ne négligeait pas pour cela leurs besoins spirituels. Outre les instructions particulières qu'il donnait à ceux qui venaient le visiter de temps en temps, il leur écrivait encore, comme nous l'apprenons de saint Jérôme. Quant au monastère de Pispir, qui était plus près, il y allait fréquemment. Ce fut là qu'il confondit les philosophes et les sophistes qui voulurent disputer avec lui. C'était là aussi qu'il instruisait les étrangers, surtout les grands, qui ne pouvaient avec leur suite gagner le haut de la montagne. Macaire, son disciple, chargé de recevoir les étrangers, l'informait de ce dont voulaient lui parler ceux qui demandaient à l'entretenir. Ils étaient convenus entre eux d'appeler Egyptiens les personnes du monde, et Jerosolymitains celles qui faisaient profession d'une rare piété. Ainsi, lorsque Macaire disait à son maître que les Jérosolymitains étaient venus pour le visiter, il s'asseyait avec eux et leur parlait des choses de Dieu; s'il lui disait au contraire que c'était des Egyptiens, il se contentait de leur faire une petite exhortation, après laquelle Macaire les entretenait et leur préparait des lentilles. Dieu lui ayant un jour fait voir toute la surface de la terre tellement couverte de piéges, qu'il était presque impossible de faire un pas sans y tomber, il s'écria tout tremblant: « Qui pourra donc, Seigneur, éviter le danger? » Une voix lui répondit aussitôt : « Ce sera l'homme vraiment humble (81*). »

Antoine était assurément dans le cas de ne rien craindre, car il se regardait toujours comme le dernier des hommes et comme le rebut du monde. Il écoutait et suivait les avis qui lui étaient donnés par toutes sortes de personnes; ses leçons sur l'humilité étaient aussi admirables que son exemple. Il disait à son disciple: « Lorsque vous gardez le silence, ne vous imaginez pas pour cela faire un acte de vertu; mais reconnaissez plutôt que vous n'êtes pas digne de parler. »

Antoine avait auprès de sa cellule un petit jardin, qu'il cultivait de ses propres mains. Il en tirait de quoi procurer quelques rafraîchissements aux personnes qui, pour arriver jusqu'à lui, étaient obligées de traverser avec beaucoup de fatigues un vaste désert. La culture de son jardin n'était pas le seul travail auquel il s'occupait; il faisait encore des nattes. Un jour qu'il s'affligeait de ne pouvoir se livrer avec une continuité assidue au saint exercice de la contemplation, il eut la vision suivante : un ange lui apparut; cet esprit céleste se mit à faire une natte avec des feuilles de palmier, et il quittait de temps en temps son ouvrage pour s'entretenir avec Dieu dans l'oraison. Après

(81) ROSWEIDE, t. III, c. 129; COTEL, etc.
(82) Saint NIL, ep. 24; COTEL, Apophth. Patr.,
p. 340; ROSWEIDE, t. III, c. 105; t. V, c. 7.
(83) PALLAD., Laus.
p. 495.
(84) CASSIAN., Collat. 9, cap. 31, 1

Les visions dont nous avons déjà parlé ne furent pas les seules dont Dieu favorisa son serviteur. Il lui découvrit, sous la figure de mulets qui renversaient l'autel à coups de pieds, les horribles ravages que les ariens: causèrent deux ans après dans la ville d'Alexandrie. Et de graves auteurs (85) nous assurent qu'il prédit clairement les excès. auxquels la fureur de ces hérétiques se porta. Il détestait, en général, tous les ennemis de l'Eglise; il les chassait de sa montagne, en les traitant de serpents venimeux (86), et jamais il ne leur parlaít, à moins qu'il ne fût question de les exhorter à rentrer dans l'unité.

Plusieurs évêques, persuadés que per- . sonne n'était plus propre que notre saint à confondre les ariens, l'engagèrent, vers l'an 355, à faire un voyage à Alexandrie. Il se rendit à leurs sollicitations. A peine fut-il arrivé dans cette ville, qu'on l'entendit prêcher hautement la foi catholique. Il enseignait que le Fils de Dieu n'était point une simple créature, mais qu'il était consubstantiel su Père : « Il n'appartient, disait-il, qu'aux sectateurs impies d'Arius de le traiter de créature. Aussi ne diffèrent-ils pas des païens, qui rendaient un culte sacrilége à la créature, au lieu d'adorer le Créateur. Tout le monde s'empressait d'aller le voir et de l'entendre. Les idolâtres partageaient cet empressement avec les Chrétiens. Nous voulons voir l'homme de Dieu, disaient-ils. Il y en eut plusieurs d'entre eux qui, frappés de ses discours et de ses miracles, demandèrent le baptême. Antoine vit à Alexandrie le célèbre Dydime, qui, quoique aveugle dès l'âge de quatre ans, s'était néanmoins rendu très-habile dans toutes sortes de sciences, et qui, à cause de son zèle à dé

(85) Saint ATHAN., n. 82, p. 857; saint CHRYSOST., hom. 8 in Matth.; saint JEROME, ep. 16; Sozom., t. VI, c. 5. p. 847 (86) Saint ATHAN., n. 68, 69,

bouche en leur montrant que d'attribuer, comme eux, les vices les plus infâmes à la Divinité, c'était la dégrader; que le mystère purifiant de la croix était la preuve la plus sensible de la bonté divine, et que les humiliations passagères de Jésus-Christ avaient été amplement effacées par la gloire de sa résurrection et par les miracles sans nombre qu'il avait opérés, en rendant la vie aux morts, la vue aux aveugles, la santé aux malades. Il établissait ensuite que la foi en Dieu, et les œuvres dont elle est le principe, avaient quelque chose de bien plus clair et de plus satisfaisant que les rêveries des Grecs (89).

fendre la foi de Nicée, était fort estimé de saint Athanase et de tous les évêques catholiques. Il lui dit, un jour qu'ils s'entretenaient ensemble: « Pourriez-vous regretter la perte de la vue? Les yeux vous étaient communs avec les mouches, les fourmis et les animaux les plus méprisables. Vous devez plutôt vous réjouir de posséder une lumière qui ne se trouve que dans les apotres, les saints et les anges, lumière par laquelle nous voyons Dieu même, et qui allume dans nous le feu d'une science toute éleste. La lumière de l'esprit est infiniment préférable à celle du corps. Il ne faut qu'un regard impudique pour que les yeux charnels nous précipitent dans l'enfer. » Le saint ayant passé quelques jours à Alexandrie, ne pensa plus qu'à retourner dans sa cellule. En vain le gouverneur d'Egypte voulut le retenir plus longtemps; il ne répondit à ses invitations que par ces paroles : « Il en est d'un moine comme d'un poisson; l'un meurt s'il quitte l'eau, et l'autre s'il quitte sa solitude (87). » Saint Athanase le reconduisit par respect jusqu'aux portes de la ville, où il le vit guérir une fille possédée du démon.

Plusieurs philosophes païens, curieux de voir un solitaire dont la renommée publiait tant de merveilles, visitèrent souvent Antoine, dans le dessein de disputer avec lui. Il leur prouvait d'une manière invincible que la religion chrétienne est la seule vraie, la seule qu'on puisse professer avec sûreté. « Nous autres Chrétiens, leur disait-il, en prononçant seulement le nom de Jésus-Christ crucifié, nous mettons en fuite ces démons que vous adorez comme des dieux. Leurs prestiges et leurs charmes perdent toutes leurs forces où le signe de la croix est formé. » Il confirmait ce qu'il avait avancé en invoquant le nom de Jésus, et en faisant le signe de la croix sur des possédés qui, se trouvant tout à coup délivrés, se levaient pour témoigner à Dieu leur reconnaissance (88). Quelques-uns de ces philosophes lui demandèrent un jour à quoi il pouvait s'occuper dans son désert, puisqu'il était privé du plaisir que l'on goûte dans la lecture. « La nature, répondit-il, est pour moi un livre qui me tient lieu de tous les autres. » Quand

y en avait qui voulaient tourner en ridi cule son ignorance dans les sciences profanes, il leur demandait, avec une simplicité admirable, qui de la raison ou de la science était la première, et laquelle des deux avait produit l'autre? « C'est sans doute la raison, répondirent-ils. La raison suffit donc, reprenait le saint. » C'était ainsi qu'il réfutait ces prétendus savants, et qu'il prévenait toutes leurs objections. Ils s'en allaient si frappés de la sagesse de ses discours, qu'ils ne pouvaient lui refuser leur admiration. D'autres, dans le dessein de le trouver en défaut, l'interrogeaient sur les raisons qu'il avait de croire en Jésus-Christ. Mais il leur ferma la

(87) Saint ATHAN., n. 85, p. 859. (88) Saint ATHAN., n. 89, p. 855. (89) Saint Antoine, comme le rapporte saint

On ne peut douter de l'attachement de saint Antoine à la doctrine du concile de Nicée après ce que nous avons dit de son voyage à Alexandrie. Ce n'est cependant pas la seule occasion où il fit connaître ses sentiments; car il n'eut pas été plutôt informé que le faux patriarche Grégoire, soutenu de l'autorité du duc de Balac, persécutait les orthodoxes avec fureur, qu'il lui écrivit de la manière la plus pressante pour l'exhorter à ne pas déchirer le sein de l'Eglise. Malheule duc, au lieu d'y avoir égard, la mit en sement sa lettre ne produisit aucun effet; pièces, cracha dessus et la foula aux pieds.

menaça même le saint de décharger sur lui le poids de son indignation. Mais la justice de Dieu ne tarda guère à le punir. En effet, allant cinq jours après (90), sur des chevaux de sa propre écurie, avec Nestor, jouer ensemble, et celui que Nestor mongouverneur d'Egypte, ces animaux se mirent tait, quoique très-doux, se jeta sur Balac, le le mordit plusieurs fois à la cuisse. Le duc, renversa par terre, et hennissant contre lui, extraordinairement maltraité, fut porté à la ville, où il mourut au bout de deux jours..

La vénération qu'on avait pour notre saint était si universelle, que le grand Constantin et ses deux fils, Constance et Constant, lui écrivirent vers l'an 337. Ces princes, dans leur lettre commune, sollicitaient le secours de ses prières, et lui témoignaient le plus vif empressement de recevoir une réponse de sa part. Les disciples d'Antoine étant surpris de l'honneur que lui faisait le maître. du monde, il leur dit : « Vous ne devez pas vous étonner de ce que je reçois une lettre de l'empereur; c'est un homme qui écrit à un autre homme. Mais étonnez-vous de ce que Dieu nous a fait connaître ses volontés par écrit, et de ce qu'il nous a parlé par son propre Fils. » Il ne voulut pas d'abord faire de réponse, alléguant pour raison qu'il ne savait pas comment s'y prendre. A la fin pourtant il céda aux représentations réitérées de ses disciples, et écrivit à l'empereur et à ses enfants une lettre dans laquelle il les exhortait à mépriser le monde, et à ne jamais perdre de vue la pensée du jugement

Athanase, n. 77, p. 852, se servit d'un interprète. pour discuter contre ces philosophes grecs. (90) Saint ATHAN., n. 86, p. 860,

dernier. Elle nous a été conservée par saint Athanase.

la

Le saint écrivit aussi plusieurs lettres (91) à divers monastères d'Egypte, dans lesquelles on trouve le style des apôtres et la solidité de leurs maximes. Il insiste fortement, dans celle qui est adressée aux moines d'Arsinoé, sur la nécessité d'opposer aux tentations la vigilance, la prière, mortification et l'humilité. Il y observe, pour mieux faire sentir le danger de l'orgueil, que c'est ce péché qui a perdu le démon, et par conséquent celui dans lequel il s'efforce particulièrement d'entraîner les hommes. Il répète souvent que la connaissance de nous-mêmes est l'unique moyen de nous élever à la connaissance et à l'amour de Dieu (92). Il ne paraît pas que saint Antoine ait écrit de règle pour ses disciples (93), du moins les anciens auteurs n'en ont rien dit. Ses exemples et ses instructions étaient une règle vivante à laquelle les saints moines de tous les siècles ont toujours essayé de conformer leur vie.

Dieu fit connaître au saint la décadence future de l'état monastique. Il en avertit ses disciples un jour qu'ils marquaient leur surprise de ce qu'un si grand nombre de personnes venaient pratiquer dans la solitude tout ce que la pénitence a de plus rigoureux. « Un jour viendra, leur dit-il les larmes aux yeux, que les moines se construiront des bâtiments magnifiques dans les villes, qu'ils aimeront la bonne chère, et qu'ils ne se distingueront plus des personnes du monde que par leur habit. Cependant, malgré cette corruption générale, il s'en trouvera toujours quelques-uns qui conserveront l'esprit de leur état; aussi leur couronne sera-t-elle d'autant plus glorieuse, que leur vertu n'aura pas succombé à la multitude des scandales» (ROSWEYDE, Vit. Patr., t. V, c. 8). C'était dans l'intention de prévenir ce malheur, que le saint inculquait si fréquemment à ses disciples le mépris du monde, la nécessité d'avoir toujours la mort présente à son esprit, d'avancer continuellement dans la perfection, d'être sans cesse

(91) Saint Jérôme parle de sept. Les originaux écrits en langue égyptienne se conservent encore dans plusieurs monastères d'Egypte. Nous n'en avons qu'une assez mauvaise traduction latine faite sur le grec (In Bibl. Patr. Colon., tom. IV, p. 26). Voyez le livre intitulé: S. Antonii Magni Epistolæ 20, cura Abraham Eckellensis, imprimé à Paris, en 1641. De ces vingt lettres attribuées à saint Antoine, il n'y a que les sept dont nous avons parlé ci-devant qui soient véritablement de lui; on ne peut pas non plus lui ôter les discours rapportés dans sa Vie par saint Athanase.

(92) Les Bollandistes ont publié, Maii, tom. III, p. 355, une courte lettre de saint Antoine à saint Théodore, abbé de Tabenne, dans laquelle il dit que Dieu lui avait assuré, dans une révélation, que tous les pécheurs sincèrement répentants de leurs fautes en obtiendraient le pardon.

(93) Celle que l'on trouve sous son nom dans Abraham Eckellensis est de beaucoup postérieure au temps où il vivait. En Orient, plusieurs moines de Saint-Basile portent, depuis le xvi siècle, le nom de moines de Saint-Antoine, mais ils suivent

en garde contre les artifices du démon, et de bien discerner les esprits (S. ATHAN., n. 16 et 43).

Antoine, qui sentait que sa fin approchait, entreprit la visite de ses monastères; ses disciples, auxquels il prédit sa mort prochaine, le conjurèrent tous, les larmes aux yeux, de rester avec eux jusqu'à son dernier moment; mais il ne voulut jamais y consentir. Ils craignaient qu'on n'embaumât son corps, suivant la coutume des Egyptiens, abus qu'il avait lui-même condamné, comme ayant la vanité et quelquefois la superstition pour principe; et ce fut pour empêcher qu'on ne le commit à son égard, qu'il avait expressément recommandé à Macaire et à Amathas, qui demeurèrent avec lui les quinze dernières années de sa vie, de l'enterrer comme les patriarches l'avaient été, et de garder le secret sur le lieu de son tombeau. De retour dans sa cellule, il y tomba malade peu de jours après; il réitéra à ses deux disciples les ordres qu'il leur avait donnés précédemment sur sa sépulture, puis il ajouta : « Lorsque le jour de la résurrection sera venu, je recevrai ce corps incorruptible des mains de Jésus-Christ. Partagez mes habits; donnez à l'évêque Athanase une de mes peaux de brebis, (94) avec le manteau (95) sur lequel je couche; donnez à l'évêque Sérapion l'autre peau de brebis, et gardez pour vous mon cilice. Adieu, mes enfants, Antoine s'en va et n'est plus avec vous. » Quand il eut ainsi parlé, Macaire et Amathas l'embrassèrent, il étendit ses pieds et s'endormit paisiblement dans le Seigneur. Ceci arriva l'an 356. Il paraît que ce fût le 17 janvier, jour auquel les plus anciens Martyrologes le nomment, et auquel les Grecs célébrèrent sa fête peu de temps après sa mort. Il était âgé de cent cinq ans, et malgré ces grandes austérités, il n'avait éprouvé aucune de ces infirmités qui sont le partage ordinaire de la vieillesse ; il fut enterré comme il l'avait ordonné.

Son corps ayant été découvert en 561, il fut transféré avec beaucoup de solennité à Alexandrie (96). Les Sarrasins s'étant emtoujours la règle contenue dans les ouvrages ascétiques de saint Basile. Ils observent encore les jeunes et les autres pratiques qui sont en usage dans les monastères de l'ordre Saint-Basile. Il en est de même des Maronites, et Tillemont se trompe en disant le contraire.

(94) Saint Athanase se sert du mot épendytes (n. 46, p. 831), ce qui a fort embarrassé les critiques. Il semble que c'était un manteau de laine blanche.

(95) Il voulait montrer par là qu'il mourrait dans la communion de saint Athanase.

(96) La translation des reliques de saint Antoine à Àlexandrie a été révoquée en doute par plusieurs protestants; mais elle est attestée par Victor de Tunres (Chron., p. 22, in SCALIGER. Thesauro), qui était alors relégué à Canspe, bourg éloigné seulement de quatre à cinq lieues d'Alexandrie, et qui pouvait avoir été témoin oculaire de cette cérémonie. Saint Isidore de Séville, qui vivait dans le même siècle, Bède, Usuard, etc., ont aussi parlé de cette translation, comme d'un fait certain.

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