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grand que tous ceux qu'on peut souhaiter et posséder dans le mohde. Il y a, en effet, entre le mérite des souffrances et celui d'une vie tranquille, la même différence qu'entre l'or et le cuivre, entre des cailloux et des pierres précieuses; et une grande reine n'est pas plus au-dessus d'une femme de basse condition, que ne l'est une personne qui souffre pour Dieu, à l'égard d'une autre qui ne souffre point, quelque vertueuse qu'elle soit. C'est ce que disait saint Pierre aux Chrétiens qui souffraient persécution. Vous éles heureux, parce que l'honneur, la gloire, la vertu de Dieu, reposent sur vous. Il n'est pas surprenant que tout en se trouvant dans la joie, la consolation, la gloire même, un homme, pénétré de cette vérité, préfère la croix à tout ce qu'il y a de plus précieux et de plus exquis sur la terre. Il sait que JésusChrist l'a laissée pour héritage à ses disciples, et qu'il s'en est servi lui-même pour faire le plus grand œuvre qui soit jamais sorti des mains de Dieu. Comment n'aimerait-il pas la croix par-dessus toutes choses, jusqu'à vouloir s'y attacher d'une manière inséparable, jusqu'à mettre son bonheur à la posséder, jusqu'à la chercher avec empressement, jusqu'à ne pouvoir pas s'en passer? Il la regarde, en effet, comme son appui, comme le remède à tous ses maux, comme son recours dans ses perplexités, comme sa force dans la faiblesse, et un puissant secours dans les périls et les accidents les plus fâcheux.

Pour en venir là, il faut s'accoutumer à recourir dans ses peines au souvenir de la croix et de Jésus-Christ, qui y est attaché et qui y meurt accablé de douleurs et couvert d'ignominies. C'est par ce souvenir que se communique la vertu que Dieu a mise dans cet instrument de notre salut; mais cette vertu est cachée, et nul n'en a l'idée que celui qui en a fait l'expérience. Ce qui est certain, c'est que tout fruit de sainteté vient de la croix comme d'une source intarissable; que tous les grauds n'ont rien désiré avec lant d'ardeur que d'être transformés en Jésus crucifié; et qu'au prix de la croix, tout leur a paru, comme à saint Paul, de l'ordure, des pertes et des désavantages. C'est elle, en effet, qui donne le prix à tout, non-seulement parce qu'elle est la source de la grâce et du salut en Jésus-Christ et par Jésus-Christ, mais encore, parce que, si nous ne participons à la croix de notre Sauveur, nous avons peu de force et peu de courage, et que la souffrance nous est nécessaire pour affermir nos vertus et pour les rendre solides. Saint Jérôme dit que Notre-Seigneur a confirmé et fortifié par la croix tout ce qu'il avait enseigné aux hommes: Omnem doctrinum suam Christus patibulo roboravit, c'est-à-dire que c'est par la croix qu'il a rendu sa doctrine efficace et qu'il nous a donné la force pour la mettre en pratique. Ce n'est pas merveille que ceux qui ont l'expérience de cette vérité estiment singulièrement la croix et qu'ils la préfèrent à toutes sortes de biens. DICTIONN. D'ASCÉTISME.

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Le second degré consiste à passer de l'estime à l'amour, et de l'amour à une étroite liaison; de sorte qu'on cherche partout la croix, qu'on désire de souffrir en tout temps et en tous lieux, à la ville comme à la campagne, dans l'action comme dans le repos, et en toutes sortes d'occasions. On prend la croix pour compagne inséparable, on fait ses délices d'être avec elle, on l'embrasse amoureusement, on l'épouse comme l'objet des complaisances de Jésus-Christ, on se plaît dans les contradictions, dans les rebuls et les mépris, les regardant comme la chose la plus désirable du monde. Telle était la disposition de l'apôtre saint André, lorsqu'il s'écriait croix, objet de mes désirs! Il y a une grande différence entre aimer une chose parce qu'on l'estime, et l'aimer jusqu'à ne plus vouloir s'en séparer, jusqu'à la regarder comme le premier objet de sa tendresse. Ceux qui prétendent à la perfection doivent aimer la souffrance jusqu'à ce point. Pour en venir là, il faut qu'un homme soit tellement prévenu en faveur de la croix, que son premier soin en tout ce qu'il entreprend soit d'observer s'il y aura quelque chose à souffrir, que ce soit là pour lui un sujet de joie et qu'il s'afflige lorsqu'il ne rencontre point de souffrances. Il faut qu'il trouve son repos dans la croix, qu'il s'estime faible, indigent et abandonné quand elle lui manque, que tout lui semble rien s'ns elle et qu'avec elle les moindres choses lui paraissent de grand prix. On raconte du B. Louis de Gonzague, qu'il était tellement attentif aux occasions de souffrir, qu'étant obligé d'aller en carrosse, il relevait sa robe et la replisit sous lui de manière qu'il fût assis avec incommodité. Ceux qui n'ont pas l'esprit de Dieu trouveront cette attention trop gênante, mais celui qui connaît la croix et qui s'est uni à elle ne la veut jamais quitter; et lorsqu'il n'a à souffrir ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif, il supplée à ce défaut par des pénitences volontaires, son amour pour la croix, qu'd a choisie pour sa compagne inséparable, ne lui permettant pas d'épargner son corps et de condescendre en rien aux inclinations de la nature. Tout ce qu'on peut lui dire ne le touche point et lui paraît méprisable, s'il n'est relevé par la souffrance. Tout ceci n'est que l'accomplissement de la prophétie de notre Sauveur : Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout a moi. (Joan. XII, 32.) Il est évident que par ces paroles il voulait faire entendre de quel proposait dans sa mort le plus grand effort genre de mort il devait mourir, et qu'il nous de sa puissance. comme s'il eût dit que toute la force qu'il avait fait paraître pendant sa vie n'était encore rien, et que la vertu divine, qui devait lui acquérir tant d'adorateurs, était dans son supplice et dans sa port infâme. Les imitateurs de ce divin Maître mettent, à son exemple, toute leur force dans la croix, et s'appliquent à euxmêmes ces paroles de sa ni Paul: Ce qui se dit de la croix est une folie à l'égard de ceux qui sont dans la voie de perdition, mais à

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l'égard de ceux qui sont dans la voie du salut, c'est-à-dire pour nous, c'est la force de Dieu. (I Cor. 1, 18.)

Le troisième degré de perfection et le comble du mérite en ce genre est d'aimer la croix jusqu'à un tel point et de la désirer si ardemment, qu'on en ait besoin pour pouvoir supporter la vie. Sans elle alors point de contentement; on veut des peines, dût-on en être accablé. C'est dans cette disposition que Notre-Seigneur, parlant de son supplice, disait : J'ai à être baptisé d'un baptême; et en quelle contrainte ne suis-je point jusqu'à ce que cela s'accomplisse! Plusieurs saints ont eu le même empressement : une vie sans souffrances leur paraissait la plus pesante de toutes les croix; ils se seraient crus morts s'ils n'eussent rien eu à souffrir. Sainte Thérèse avait coutume de dire qu'il n'y avait point de milieu pour elle : ou souffrir ou mourir, aut pati aut mori.

Ce désir si ardent des souffrances dans les saints vient de ce qu'elles procurent de si grands avantages, que, quand on les a une fois goûtées, on ne peut pas s'en passer. On peut dire les trésors et les délices de que Dieu sont dans la croix et qu'elle ressemble à ces plantes qui, sous une écorce amère, cachent un suc merveilleux. On peut, au reste, aimer passionnément à souffrir, sans sortir de l'état d'indifférence et de sainte résignation à tout ce qui plaît à Dieu, parce que la croix est le lit de l'époux et qu'il lui est très-agréable qu'on souhaite d'y mourir avec lui, si telle est sa volonté. Et Notre-Seigneur lui-même n'a rien de plus précieux que sa croix pour récompenser ses plus grands serviteurs. Il imprima sur le corps de saint François les marques de ses sacrées plaies, lorsqu'il voulut l'honorer d'un téinoignage éclatant de sa tendresse, et le rendre vénérable à tout le monde chrétien.

CROIZET (Jean), Jésuite, fut longtemps recteur du noviciat d'Avignon, et le gouverna avec beaucoup de douceur et de régularité. On a de lui plusieurs ouvrages ascétiques très-répandus. 1° Une Année chrétienne, en 18 vol.-2° Une Retraite, en 2 vol. in-12. -3° Une Vie des saints, 2 vol. in-fol.-4° Des Réflexions chrétiennes, 2 vol. in-12.-5° Des Heures ou Prières chrétiennes, in-18. Le P. Croizet était un des plus grands maîtres de la vie spirituelle. Ses livres le prouvent et ses directions le prouvaient encore mieux. CURIOSITÉ. Voy. MORTIFICATION DE L'Intelligence.

CYPRIEN (Saint) [ Thascius Cæcilius Cyprianus ], naquit à Carthage de parents riches et distingués. Il donna, encore païen, des leçons d'éloquence dans sa ville natale. En 246, convaincu par les soins du prêtre Cécile, de l'absurdité du paganisme et de l'excellence de la religion de Jésus-Christ, il reçut le baptême. Son mérite et sa vertu le firent bientôt élever à la prêtrise, puis sur le siége épiscopal de Carthage, l'an 248. Ses travaux pour son Eglise furent immen

ses. Il fut le père des pauvres, la lumière du clergé, le consolateur du peuple. Pendant la sanglante persécution de l'empereur Décius, Cyprien fut obligé de quitter son troupeau; mais, il fut toujours auprès de lui, soit par ses lettres, soit,par ses ministres. Lorsque l'orage fut dissipé, il se signala par la fermeté avec laquelle il résista à ceux qui avaient apostasié pendant la persécution. Il assembla un concile à Carthage, en 251, pour régler la pénitence qu'on devait leur imposer. En 257, le feu de la persécution s'étant rallumé, Cyprien fut relégué à Curube, à douze lieues de Carthage. On l'arrêta peu de temps après pour le conduirė au supplice. Il eut la tête tranchée le 14 septembre 258. Saint Cyprien avait beaucoup écrit pour la vérité, qu'il scella de son sang. Outre quatre-vingt-deux lettres, il nous reste de lui plusieurs traités profondément pensés et fort bien écrits. Ses ouvrages purement ascétiques sont : 1° Liber de habitu virginum; - 2° Liber de lapsis; -3° Liber de Oratione dominica; 4° Liber de opere et eleemosynis;-5° Liber de bono patientiæ; 6° De disciplina et bono pudicitiæ; 7° De singularitate clericorum; - 8° De duodecim abusionibus sæculi. La Vie de saint Cyprien a été écrite par le diacre Ponce et par D. Gervaise, abbé de la Trappe.

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CYRILLE DE JERUSALEM (Saint) naquit vers l'an 315, à Jérusalem ou dans les environs. Il s'appliqua de bonne heure à l'étude des divines Ecritures, et il se les rendit si familières que la plupart de ses discours eux-mêmes, qu'il, faisait sans préparation, ne sont qu'un tissu de passages ou d'aliusions à divers endroits des Livres saints. Il puisa une connaissance parfaite de la doctrine de l'Eglise dans les écrits des Pères qui l'avaient précédé. Il fut témoin avec son troupeau de deux grandes merveilles pendant son épiscopat. La première est l'apparition miraculeuse d'une croix de lumière qui dura plusieurs heures à la vue de tout le monde avec un éclat pareil à celui du soleil. Sa grandeur était telle qu'elle allait de la montagne des Oliviers à celle

du Calvaire.

L'autre merveille plus grande encore, ce fut la tentative de rebâtir le temple de Jérusalem, à laquelle les Juifs de son temps furent poussés par Julien l'Apostat, pour donner un démenti à la parole de JésusChrist. C'est alors que des globes de feu sortirent des entrailles de la terre qui bouleversèrent les matériaux déjà posés et dispersèrent les travailleurs après les avoir maltraités.

Saint Cyrille fut l'objet de la persécution de Julien et de Valens.

Après son dernier exil, il trouva son peuple divisé, son zèle y ramena l'union; et après avoir consumé son ardeur au salut de son peuple et son génie à la gloire de l'Eglise, il passa de cette vie à la glorieuse immortalité en 386. (Voyez au Catalogue la nomenclature de ses écrits ascétiques.)

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DAGUET (Pierre-Antoine-Alexandre), né à Baume-les-Dames en 1707, entra dans la Compagnie de Jésus. Lors de la suppression de cette société, il se retira à Besançon, où il mourut en 1775, laissant la réputation d'un homme estimable et d'un ecclésiastique édifiant. On a de lui les ouvrages ascétiques suivants, tous composés pendant qu'il était encore jésuite: 1° Considérations chrétiennes pour chaque jour du mois, Lyon, 1758, in-12; -2 Exercices du Chrétien, Lyon, 1759, in-12; 3° Exercices chrétiens des gens de guerre, Lyon, 1759, in-12; -4° La consolation du Chrétien dans les fers, ou Manuel des chiourmes, ibid., in-12.

DÉBONNAIRE (Louis), né à Troyes, entra dans la congrégation de l'Oratoire, dont il sortit dans la suite. Il mourut en 1752. Ses œuvres ascétiques sont: 1° Une Imitation, avec réflexions, in-12; -2° Leçons de la sagesse, 3 vol. in-12, bon livre; · 3o La religion chrétienne méditée, avec le P. Jard (V. ce nom), 6 vol.; -4° La Règle des devoirs, 4 vol. in-12.

DÉLECTATION. Voy. TENTATION. DEMEURES MYSTIQUES DE L'AME. Par ces demeures on entend les différents états où se trouvent les âmes par rapport à leurs puissances intellectuelles et à l'usage qu'elles font de ces puissances, selon les différentes opérations de la grâce. (Voy. la notice de saiùte THÉRÈSE sur son Château de l'âme.)

En comparant l'âme à un palais, et les états dont nous parlons à divers appartements, on peut y distinguer quatre étages ou demeures. La première est au rez-dechaussée; tout peut y entrer aisément, même les animaux. La seconde, au-dessus de la première, sert de logement aux sages et aux vertueux. La troisième, au-dessus de la seconde, est pour les personnes parfaites et distinguées par la grace. La quatrième, au-dessous de la première, est comme une cave profonde.

La première demeure est l'état ordinaire du commun des hommes qui, suivant les inclinations des sens, et n'aspirant à rien de parfait, permettent l'entrée de leur âme à toute sorte d'objets. Mais surtout ils y laissent établir l'amour-propre qui leur fait chercher avidement leurs intérêts, la passion qui favorise l'amour-propre, et le démon qui fomente la passion.

La seconde demeure est l'état de ceux qui ont quelque vertu au-dessus du commun - des hommes grossiers et terrestres. On trouve dans cette demeure la raison, la vertu et la grâce. J'entends par la raison l'inclination naturelle au bien. La vertu comprend les habitudes acquises qui perfectionnent la raison, comme sont la prudence, la force, la justice, la tempérance et les autres vertus

morales. J'entends par la grâce les mouvements du Saint-Esprit, qui élèvent la vertu, et qui, par les principes de la foi et de l'Evangile, conduisent un Chrétien à la perfection dont on est capable en cette vie. Les âmes de cet état sont en petit nombre, en comparaison des premières.

La troisième demeure est un état où l'on trouve la grâce présupposant la raison naturelle et les vertus morales, mais une grâce fort relevée, laquelle renferme trois choses : la sagesse divine, l'amour divin et les avantgoûts du paradis. La sagesse consiste en des lumières sublimes qui découvrent beaucoup, et qui découvrent de loin. L'amour divin comprend, avec le feu céleste qui embrase les saints, l'onction du Saint-Esprit, la paix et la joie. Les avant-goûts du paradis sont les communications qui tiennent quelque chose de l'état des bienheureux. Dans cette demeure tout est or et azur; on n'y voit que peintures admirables, et on y respire un air si pur, qu'il n'y a aucune langue qui puisse en parler dignement; aussi est-ce le séjour des âmes singulièrement favorisées de Dieu.

Le démon peut sans doute entrer dans cette demeure; car tandis qu'on est sur la terre, on n'est point inaccessible à la tentation. Job parlant du démon dit qu'il ne voit rien que de haut et de sublime (Job XLI, 15), pour nous faire entendre qu'il en veut surtout à ceux qui sont plus élevés que les autres, qu'il leur tend toute sorte de piéges pour les faire tomber dans le précipice.

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La quatrième demeure, que nous avons comparée à une cave profonde, renferme quelquefois les caresses de l'époux céleste, et les délices de sa sagesse et de son amour. Ces délices sont désignées par ces paroles du Cantique des cantiques : Le roi m'a fait entrer dans ses appartements secrets. (Cant. 1, 3.) C'est aussi ce que Job a voulu nous faire entendre lorsqu'il a dit, en parlant du sage, que son bien vient d'un lieu profond.

Quelquefois aussi cette cave est un abîme de maux et une espèce d'enfer où Dieu permet que les âmes saintes tombent pour y souffrir une espèce de martyre, comme nous l'apprenons de sainte Madeleine de Pazzi, qui fut, dit-elle, cinq ans dans la cave aux lions. C'est là que règnent les ténèbres dont nous avons parlé ailleurs; le trouble causé par les tentations presque continuelles; la désolation qui accable et qui est incompatible avec le repos. On peut dire que cette demeure sombre, par rapport aux effets qui s'y opèrent, est très-proche de la troisième, c'est-à-dire de la plus élevée, puisqu'on passe sans milieu de l'une à l'autre, et que Dieu a coutume d'introduire les personnes vertueuses daus ce lieu téné

tôt de la part du Saint-Esprit dont on savoure la douceur. C'est là enfin qu'on reçoit et qu'on possède tous les biens qu'il plaît à chacune des trois personnes de verser dans le fond de l'âme.

breux, lorsqu'il veut leur donner les dernières dispositions à la plus haute perfection. Mais ceux que Dieu fait entrer dans cette demeure, et qui ne savent pas à quel dessein, la regardent comme un cachot et comme un abîme de maux où ils se croient perdus, et c'est pour cela que nous l'appeJons le lieu le plus bas et le plus profond du palais de l'âme.

Ceux qui ont expérimenté les différentes opérations de la grâce ont distingué dans l'âme un intérieur et un extérieur, la partie supérieure et l'inférieure et la plus intime, qui sont comme autant de demeures où Dieu opère diversement. Quand on est versé dans la science des mystiques, on voit entre toutes ces choses une différence notable, et on connaît fort bien si les paroles que l'âme entend et les visions qu'elle a se manifestent dans l'intérieur ou dans l'extérieur, si c'est dans la partie supérieure ou dans la plus intime. Saint Augustin semble avoir marqué cette différence, lorsque, s'adressant à Dieu dans ses Confessions, illui dit : « Vous êtes en moi plus profondément que la partie la plus profonde de moi-même; et je vous trouve au-dessus de la partie la plus élevée Tu es inferior infimo meo, et superior summo meo. » Sainte Thérèse distingue sept différentes demeures dans ce qu'elle appelle le Château de l'âme. D'autres mystiques ont fait de semblables divisions, toutes fondées sur de véritables expériences. Selon qu'il plaît à Dieu de mettre dans l'un ou l'autre de ces états une personne qu'il conduit, elle se trouve tantôt au-dessus, et tantôt au plus profond de soi-même; tantôt emportée en Laut, et tantôt plongée au dedans. Quelque fois aussi elle est attirée au dehors pour s'employer en faveur du prochain; et, dans ces occupations extérieures, elle trouve Dieu qui agit en elle par des effets très-marqués; mais les opérations les plus nobles se font dans la partie la plus intime et la plus profonde où habite la véritable sagesse. L'âme entre donc dans quelqu'une de ces demeures, selon qu'elle y est attirée de de Dieu, et elle y réside autant de temps qu'il plaît à Dieu de l'y occuper. Au dehors elle est revêtue de l'esprit de Jésus-Christ, et plus unie à sa sainte humanité. Retirée au dedans, elle entre plus avant dans la Divinité; elle pénètre les perfections incréées; elle les goûte, pour ainsi dire, ayant la liberté d'entrer et de sortir par Jésus-Christ, qui se dit lui-même la clef pour ouvrir et pour fermer la porte quand il lui plaît, Nous pouvons ajouter que c'est dans la partie la plus intime que l'âme lie un commerce sacré avec les trois personnes divines. C'est là, dit sainte Thérèse, qu'on apprend de grands secrets dans la 'communication que l'on a tantôt avec l'une et tantôt avec l'autre de ces adorables personnes; c'est là qu'on les distingue l'une de l'autre avec beaucoup de netteté, qu'on éprouve différentes impressions tant de la part du Père dont on sent la puissance, tantôt de la part du Fils dont on distingue en soi la sagesse, et tan

Le fond de l'âme dont parlent si souvent les mystiques est une des principales demeures où l'âme réside tranquillement quand elle se repose en Dieu; c'est là que se terminent la plupart des opérations de la grâce, et c'est de là qu'elles se répandent dans les facultés. Une âme qui ne connaît pas ce fond pour s'y retirer n'a point de demeure fixe. Il ne faut pas au reste confondre le fond de l'âme avec l'intime qui est plus profond et plus imperceptible, et qui sert de cabinet secret à l'Epoux céleste. Sainte Thérèse, dans son Château, le représente comme le milieu de l'homme. C'est la résidence des trois personnes divinos, lorsqu'elles daignent habiter en nous d'une manière spéciale, selon ce qui est dit dans l'Evangile : Nous le visiterons et nous établi rons notre demeure en lui. (Joan. xiv, 23.)

Le centre de l'âme n'est pas différent de l'intime dont nous venons de parler. Mais pour rendre ceci sensible, servons-nous d'une comparaison, et imaginons-nous que l'âme est un globe. L'intime sera dans le centre où le feu de l'amour divin est allumé. Allant du centre à la circonférence, on trouvera d'abord ce que nous appelons le fond; après le fond, les puissances intellectuelles, ensuite les sens, et enfin le corps. Les opérations divines qui se font dans l'intérieur gardent cet ordre dans leurs progrès; elles font premièrement impression sur le fond d'où elles passent dans les facultés, des facultés dans les sens, et quelquefois jusqu'au corps.

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DEMON (TENTATION DU). Le démon a de tout temps été l'ennemi du genre humain. La chute d'Adam et d'Eve, qui vivaient dans l'état de sainteté le plus parfait, a été causée par la tentation du serpent infernal. ( Gen.) Le saint homme Job fut éprouvé par les nombreuses et cruelles tentations de Satan. (Job 1 et 1.) Ce fut Satan qui excita David, cet homme selon le cœur de Dieu, à faire le dénombrement de son peuple. (1 Par. xxI.) Ce fut à son instigation que l'apôtre Judas trahit et livra son maître. (Joan. XIII, 2.) Paul, après son ravissement au ciel, fut tenté par Satan. (II Cor. xi, 7.) Enfin le Saint des saints lui-même eut par trois fois à repousser les attaques du démon. (Matth. iv.) Je retournerai, dit l'esprit impur, dans la demeure d'où je suis sorti. (Luc. XI, 24.) Simon, ditle Seigneur à Pierre, Satan a demandé à vous cribler comme le froment. (Luc. xxn, 31); c'est-à-dire, à vous tenter, selon l'explication de Corneille de la Pierre; «< car on compare justement la tentation à un crible et à l'action de cribler: de même que le crible sépare le bon grain de la paille, de même dans la tentation les justes et les saints persévèrent avec fidélité, tandis que les impies ne peuvent l'endurer.»> << Le vieil ennemi, dit saint Grégoire (1, xxxи

dans le péché. C'est pourquoi Jésus-Christ (Joan. VIII, 40) dit aux Juifs, qui veulent le faire mourir, qu'ils accomplissent la volonté du démon. En effet l'homme par le péché se rend malheureux en cette vie et en l'autre, puisque Dieu ne peut s'empêcher de punir d'un éternel châtiment tout péché mortel.

Il est probable qu'un mauvais ange s'attache à chacun des hommes. Saint Paul dit aux Ephésiens (vi, 12) que nous avons à combattre non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les princes du monde, c'est-à-dire, de ce siècle ténébreux. Ainsi l'en

Mor., c. 6), ne se contente pas de faire poser lo joug tyrannique sur les hommes terrestres, il lui faut, comme l'atteste le Prophète (Habac. 1, 16), une nourriture de choix. Il ne regarde pas comme bien merveilleux d'engloutir ceux que l'orgueil élève, que corrompent l'avarice et la volupté, que la colère enflamme, que divise la discorde, qu'envenime l'envie, que souille et qu'étouffe la luxure.... Ceux qu'il s'efforce surtout de perdre, ce sont les hommes qui méprisent les biens de la terre et n'ont de goût que pour ceux du ciel. » Saint Bernard dit aussi (ps. Qui habitat, serm. 7): « Si nous considérons avec soin le grand corps de l'Eglise, nous remarquerons que les personnes spi-seignent Origène (hom. 10 in Lucam), rituelles ont plus à souffrir des attaques du démon que les personnes charnelles. » Saint Thomas nous en donne la raison (1p., q. 114, a. 1): Quant au démon, ses attaques proviennent de sa malice: C'est par envie qu'il s'efforce de mettre obstacle aux progrès des hommes. Donc plus une âme est parfaite, plus est enflammée contre elle la jalousie des démons, et plus ils font d'effort pour nuire à son avancement spirituel. Cette raison est communément indiquée par les saints Pères. Considérées par rapport à Dieu, les attaques du démon proviennent non-seulement de leur malice, mais encore de la permission de Dieu, qui, par un dessein secret de sa providence, laisse le champ libre au démon, afin d'en faire sortir un plus grand bien, c'est-à-dire, un accroissement de gloire pour lui et de mérite pour nous. De même il est plus glorieux pour un roi et plus méritoire pour ses sujets d'avoir des soldats habitués au combat, que des soldats qui ne courent aucun danger. Donc plus les ames sont parfaites, plus elles doivent soutenir une lutte violente contre les tentations du démon, pour la gloire de Dieu et l'accroissement de leurs mérites.

Selon l'opinion commune des théologiens, d'accord en cela avec saint Augustin (1. II De Gen. ad litt., c. 26), les démons en grand nombre remplissent les airs et la terre. L'Apôtre l'indique dans son Epitre aux Ephé siens (1, 2), en disant: Vous avez autrefois vécu selon la coutume de ce monde, selon le prince des puissances de l'air; cet esprit qui exerce maintenant son pouvoir sur les incrédules. L'auteur des Commentaires sur l'Epitre aux Ephésiens, dans les œuvres de saint Jérôme, ajoute « D'après l'opinion de tous les docteurs, l'air est plein de puissances ennemies. »

Les mauvais anges se voyant exclus de la participation aux bienfaits de la Rédemption, auxquels sont conviés tous les hommes, ont conçu contre ceux-ci une haine envieuse par laquelle ils s'efforcent d'obscurcir la gloire de Dieu et de précipiter les hommes, autant qu'il leur est possible dans une misère temporelle et éternelle, afin de les rendre semblables à eux (1 Petr. v, 8), ot, à cet effet, ils ont recours à toutes sortes de ruses et de tentatives. (Eph. vi. 11.) Le démon cherche donc à faire tomber l'homme

Tertullien (L. de anima, c. 39), saint Grégoire de Nyce (1. 1 De vita Mugni), etc. Co n'est pas Dieu, mais le prince des démous, qui envoie chacun de ces mauvais esprits; car Dieu, qui est la bonté même, ne peut ni par lui-même, ni par un autre, porter l'homme au péché. Dieu permet les maux, mais il ne tente lui-même personne. Dieu permet seulement au démon de tenter les hommes afin d'éprouver la vertu du juste et de punir les réprouvés. Chacun de nous d'ailleurs est attiré et tenté par sa propre concupiscence. Cette permissiou de Dieu ne va que jusqu'à un certain point; il ne laisse pas nos ennemis sévir contre nous à leur gré. Dieu permet que les hommes soient tentés, afin qu'ils deviennent plus humbles; et s'il permet la perte des méchants, c'est par la plus juste et la plus méritée des punitions.

Le démon, cherchant à porter l'homme au péché, en prend tous les moyens, et ne néglige aucun effort pour arriver à cette fin. Ainsi il excite dans l'homme l'ignorance do la vérité (II Cor. iv, 4); il sème l'ivraie de la fausse doctrine et des mauvais exemples (Matth. xIII, 25); il s'oppose aux prédications des docteurs de la foi (1 Thess. 11, 18); il déracine la parole de Dieu du cœur et de l'esprit des hommes (Luc. vi, 12); il inspire d'injustes et funestes desseins aux rois de la terre (I Paralip. xxn); il s'efforce de susciter des guerres (I Reg. xxu); il cherche enfin à faire aux hommes tout le mal qu'il peut. Toutes ces tentatives provoquent directement ou indirectement le péché. H peut encore suggérer à l'homme de mauvaises pensées, comme il fit à l'égard de David I Paral. xx11, 20); à l'égard de Judas (Joan. XIII, 27); à l'égard d'Ananie (Act. v, 3). II veut et il peut nous tenter en nous excitant. au mal par l'attrait du plaisir, en nous dé-` tournant du bien par la crainte: il nous attaque, tantôt d'une manière sensiblement extérieure, tantôt d'une manière sensiblement intérieure, tantôt à découvert, tantôt par des ruses secrètes et déguisées. Il est donc utile de considérer attentivement les divers moyens de tentation que le démon

met en œuvre.

I. Les démons attaquent les âmes qui aspirent spécialement à la perfection, d'abord de vive force, par de formidables visions,

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