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'en lui donnant pour fondateur un seigneur du pays, nommé Longin, qui l'an 240 environ, y assembla plusieurs solitaires, qui vivaient séparément dans cette fle, où ils s'étaient retirés. Mais tous les historiens n'en demeurent pas d'accord, et il est difficile de savoir si cette abbaye était déjà fondée avant que saint Martin vint en France.

Cassien, s'étant retiré à Marseille vers l'an 409, fonda deux monastères, l'un d'hommes et l'autre de filles. On dit qu'il eut sous lui jusqu'à cinq mille moines, et on le reconnaît pour le fondateur de la célèbre abbaye de Saint-Victor de Marseille. L'île de Lérins, où se retira saint Honorat, l'an 410, et où il eut un grand nombre de disciples, s'est rendue célèbre par la sainteté des solitaires qui y demeuraient dans des cellules séparées et qui, par l'austérité de leur vie, surpassaient ceux de la Thébaïde. Saint Honorat, dont elle porte te nom, en fut tiré pour être évêque d'Arles. Il eut pour successeur saint Hilaire, son disciple, et il en sortit un si grand nombre de religieux pour gouverner les églises de France, que l'on regarda depuis cette île comme une pépinière d'évêques.

Nous ne parlons point de communautés établies par saint Césaire et par saint Aurélien, aussi évêques d'Arles, par saint Féréol, évêque d'Uzès, et par saint Donat, évêque de Besançon, dont les règles se trouvent parmi celles qui ont été recueillies par saint Benoît, abbé d'Aniane. Nous parlerons en son lieu de saint Colomban qui, étant sorti d'Irlande avec douze compagnons dans le vir siècle, fonda la fameuse abbaye de Luxeuil, dans le comté de Bourgogne, dont la communauté fut si nombreuse, qu'on y chantait jour et nuit sans interruption les louanges de Dieu. Son ordre se répandit par toute la France, Le relâchement y fut introduit en peu de temps; mais l'ordre de Saint-Benoît s'étendant de jour en jour, envoya de ses meilleurs sujets dans plusieurs monastères de l'ordre de Saint-Colomban, pour y rétablirfla discipline régulière; et dans quelques-uns de ces monastères, les règles de ces deux saints y furent observées conjointement. Mais comme les choses vont en décadence, les Bénédictins abandonnèrent aussi l'observance régulière, ce qui a donné lieu à tant de congrégations qui sont sorties de cet ordre, et qui en forment de différents par la diversité de leurs habits et par la forme du gouvernement, sans s'éloigner néanmoins de leur tige, ayant toujours suivi la règle de Saint-Benoît, que les fondateurs de ces congrégations ont fait observer plus exactement, en y ajoutant des constitutions particulières qui ont été approuvées par les Souverains Pontifes.

Le concile de Saragosse, en Espagne, tenu l'an 380, qui condamne la conduite des clercs qui affectaient de porter des habits monastiques, est une preuve que, dans le v siècle, il y avait des religieux dans ce royaume, ce qui est encore confirmé par la lettre qu'Immérius, évêque de Tarragone, écrivit au Pape Sirice, où il lui demande son avis sur l'ordination des moines; ce qui fait croire au P. Mabillon qu'il y en avait déjà en Espagne, avant que saint Donat y eût passé d'Afrique avec soixante-dix disciples, et qu'il eût fondé le monastère de Sirbite.

Saint Augustin, depuis archevêque de Cantorbéry, ayant été envoyé en Angleterre par le Pape saint Grégoire, l'an 596, pour y prêcher la foi, introduisit en même temps. dans ce royaume l'état monastique, dont il faisait profession, étant religieux de l'ordre. de Saint-Benoit. Cet état monastique y fit un si grand progrès et y était dans une si haute estime, qu'un protestant de nos jours dit avec admiration que, dans l'espace de deux cents ans, il y a eu en ce royaume trente rois et reines qui ont préféré l'habit monacal à leurs couronnes, et qui ont fondé de superbes abbayes où ils ont fini leurs jours, dans la retraite et dans ta solitude. Il avoue que la vie monastique y était aussi ancienne que le christianisme, et qu'ils y ont fait également des progrès. H reconnaît que, pendant un très-long temps, les monastères étaient des séminaires. de saints et de personnes savantes; et que ces lumières de la chrétienté, Bède, Alcuin, Villibrod et plusieurs autres, en sont sortis. Il déplore ce jour fatal où tant de beaux monastères furent démolis, dont il ne reste plus que les ruines, qui sont encore des monuments de la piété de leurs pères et de leurs ancêtres, et il ne regarde qu'avec horreur la profanation des temples qui étaient consacrés à Dieu, et qui sont maintenant changés en des écuries, où des chevaux sont attachés au même lieu où l'on offrait au

trefois le sacrifice adorable de nos autels. Enfin il regarde comme des extravagants et des gens passionnés ceux qui disent que les ordres religieux sont sortis de l'abîme, pout parler le langage de plusieurs hérétiques. Jam dudum, (dit-il,) diem fatalem obierunt monasteria nostra, nec præter semirutos parietes et deploranda rudera supersunt nobis avite pietatis indicia.... Videmus, heu: videmus augustissima templa et stupenda æterno Des dedicata monumenta (quibus nihil hodie spoliatius) sub specioso eruendæ superstitioni obtentu, sordidissimo conspurcari vituperio, extremamque manere internecionem, ad altaria Christi stabulati equi, martyrum effossa reliquiæ. Sunt quidam zelatores adeo religiose delirantes ut religiosos veterum ordines ex abyssi puteo prognatos aiunt : Ita libenter sibi indulget præconcepta passio. C'est néanmoins un hérétique qui parle, et c'est ce qui doit remplir de confusion les autres hérétiques qui ne peuvent parler de la religion catholique et de la vie monastique, qu'en invectivant et faisant paraître la passion dont ils sont prévenus; Ita licenter sibi indulget præconcepta passio.

La profession monastique fut aussi introduite dans l'Irlande par le ministère do saint Patrice qui est reconnu pour l'apôtre de ce royaume; et elle s'y multiplia si prodigieusement que cette fle fut appelée l'île des Saints, à cause du grand nombre et de l'éminente sainteté des religieux dont elle fut remplie. Enfin, il n'y eut presque point do royaume et de province qui ne reçût le même avantage, et l'on peut juger var là du grand progrès de l'ordre monastique.

Il y avait aussi un grand nombre de filles qui consacraient à Dieu leur virginité, soit par le conseil de leurs parents, soit de leur propre mouvement. Elles menaient la vie ascétique, et on comptait pour rien la virginité, si elle n'était soutenue par une grande' mortification, par le silence, la retraite, la pauvreté, le travail, les jeûnes, les veilles, les oraisons continuelles. On ne tenait pas pour de véritables vierges, celles qui voulaient encore prendre part aux divertissements du siècle, même les plus innocents, faire de grandes conversations, parler agréablement et montrer leur bel esprit; encore moins celles qui voulaient faire les belles se parer, se parfumer, trafner de longs. habits et marcher d'un air affecté. Saint Cyprien ne recommande presque autre chose aux vierges chrétiennes, que de renoncer aux vains ornements et à tout ce qui appartient à la beauté. Il connaissait combien les filles sont attachées à ces bagatelles, et il en savait les pernicieuses conséquences. Dans ces premiers temps, les vierges consacrées à Dieu demeuraient la plupart chez leurs parents, on vivaient en leur particulier, deux ou trois ensemble, ne sortant que pour aller à l'église, où elles avaient leurs places séparées du reste des femmes. Si quelqu'une violait sa sainte résolution pour se marier, on la mettait en pénitence.

Les veuves, qui renonçaient aux secondes noces, vivaient à peu près comme les vierges, dans les jeunes, dans les oraisons et les autres exercices de la vie ascétique; mais elles n'étaient pas si enfermées, parce qu'elles s'appliquaient aux œuvres extérieures, comme à visiter et à soulager les malades et les prisonniers, particulièrement les martyrs et les confesseurs ; à nourrir les pauvres, à retirer et servir les étrangers, à enterrer les morts, et généralement à toutes les œuvres de charité. Toutes les femmes chrétiennes, veuves ou mariées, s'y employaient fort, et ne sortaient guère que pour ces bonnes œuvres, ou pour aller à l'église. Les veuves, étant plus libres, s'y adonnaient entièrement; si elles étaient riches, elles faisaient de grandes aumônes; si elles étaient pauvres, l'Eglise les nourrissait. On choisissait pour diaconesses les veuves les plus âgées, c'est-à-dire de soixante ans. Cet age fut réduit depuis à quarante ans ; mais c'étaient toujours les veuves les plus sages et les plus éprouvées par toutes sortes d'exercices de charité. On donnait aussi quelquefois cette charge à des vierges, et alors on leur donnait aussi le nom de veuves. Les diaco nesses recevaient l'imposition des mains, étaient comptées entre le clergé, parce qu'elles exerçaient, à l'égard des femmes, une partie des fonctions des diacres. Leur charge était de visiter toutes les personnes de leur sexe que la pauvreté, la maladie ou quelque autro misère rendait dignes du soin de l'Église; elles instruisaient celles qui étaient catéchumènes, ou plutôt leur répétaient les instructions du catéchisme; elles les présentaient au baptême, leur aidaient à se déshabiller et à se revêtir, afin que les prêtres ne les vissent

pas dans un état indécent; elles conduisaient ensuite ces nouvelles oaptisées pendant quelque temps, pour les dresser à la vie chrétienne. Dans l'église, elles gardaient les portes du côté des femmes, et avaient soin que chacune fût placée en son rang, et observât le silence et la modestie. Les diaconesses rendaient compte de toutes leurs fonctions à l'évêque, et par son ordre aux prêtres ou aux diacres. Elles servaient principalement à les avertir des besoins des autres femmes, et à faire, sous leur direction, ce qu'ils ne pouvaient faire eux-mêmes avec autant de bienséance.

Les prélats usaient d'une grande patience et d'une grande discrétion pour gouverner toutes ces femmes, pour maintenir les diaconesses dans la sobriété et l'activité nécessaires à leurs fonctions, mais difficiles à leur âge, pour empêcher qu'elles ne devinssent trop faciles ou trop crédules, ou qu'elles ne fussent inquiètes, curieuses, malicieuses, colères et sévères avec excès. Il fallait prendre garde que, sous prétexte de catéchisme, elles ne fissent les savantes et les spirituelles; qu'elles ne parlassent indiscrètement des mystères, ou ne semassent des erreurs et des fables; qu'elles ne fussent parleuses et dissipées. Il fallait encore bien de la charité pour guérir ou supporter les défauts des autres veuves et des autres femmes, comme la tristesse, la jalousie, l'envie, les médisances, les murmures contre les pasteurs même; enfin, tous les maux qui suivent ordinairement la faiblesse du sexe et de l'âge, surtout quand elle est jointe à la pauvreté, à la maladie, ou à quelques autres incommodités.

Dès la fin du 1° siècle, c'est-à-dire vers le temps où florissait saint Antoine, on vit apparaître également des monastères de femmes.

Sainte Synelétique est généralement regardée comme la première fondatrice de ces monastères.

On croit cependant, qu'à peu près dans le même temps, saint Pacôme et saint Antoine établirent, chacun de leur côté, des monastères de vierges, dont ils confièrent la direction à leur sœur.

Saint Basile, peu après, en établit de nouveaux sous sa direction. D'où il apparaît que ee fut vers ce temps que l'on reconnut dans l'Église les avantages de la vie de communauté pour toutes les personnes qui voulaient arriver à la perfection

Depuis ce moment, les communautés de femmes se sont multipliées, en Orient et en Occident, dans la même proportion que celles d'hommes. Et, dans la suite, lorsque les ordres religieux se sont diversifiés en une multitude d'instituts, chaque fois qu'il surgissait un ordre nouveau, il amenait à sa suite, comme une conséquence naturelle, la création de monastères de filles qui suivaient la même règle. Il n'y a d'exception que pour certains instituts qui ne pouvaient avoir leurs parallèles dans l'autre sexe, comme les ordres militaires.

Aussi, ce que nous dirons, dans la suite de ce discours, des congrégations d'hommes sera également applicable, dans la généralité, aux congrégations de femmes quoiqu'on ne les nomme pas.

Parmi les règles anciennes, qui furent faites pour les monastères de femmes, celle que le Père Thomassin admire le plus, est celle de Saint-Augustin, qu'il regarde comme un chef-d'œuvre. Mais tous les saints Pères de cette époque se sont occupés, dans leurs écrits, de la direction des vierges vivant en communauté; ils ont la plupart fait des traités pour elles. Tous ces évêques s'occupaient avec une tendre sollicitude de cette portion si précieuse et si délicate de leur troupeau. Et rien n'approche du charme et de l'onction avec lesquels ils en font l'éloge.

ORDRES RELIGIEUX

DEPUIS L'INVAsion définitive DES BARBARES JUSQU'A NOS Jour..

I n'entre pas dans notre plan de faire l'historique des ordres religieux, mais simplement de juger par un coup d'œil général la place qu'ils ont occupé dans l'Eglise. La matière que nous traitons est plus étendue que les ordres religieux : c'est l'ascétisme. Le monachisme en est la plus grande et la plus pure expression; mais ce n'est pas tout. Il

nous suffira de savoir que le nombre des religieux a été infini, que les exemples de vertus qu'ils ont donnés ont édifié la terre et réjoui le ciel, que l'Eglise les a constamment favorisés et protégés comme des enfants d'élite, comme les membres les plus précieux du corps. mystique de Jésus-Christ.

Qui pourrait assez louer l'innomorable famille de saint Benoit? Depuis douze siècles elle a peuplé toutes les parties de l'univers de ses enfants: c'est à cet ordre qu'une partie du monde est redevable d'avoir quitté l'idolâtrie et d'avoir abandonné plusieurs hérésies dans lesquelles des provinces entières étaient tombées; c'est à lui que celles qui n'en avaient pas été infectées doivent d'avoir conservé la foi orthodoxe dans ces siècles où la science se trouvait tout entière dans les cloîtres, et où la piété était bien affaiblie hors des cloîtres. C'est cet ordre qui a fourni, pendant longtemps, un grand nombre de Papes, de cardinaux, d'archevêques et d'évêques. Il a produit une infinité d'hommes savants dont on ne se lasse pas d'admirer les ouvrages.

Tous les monastères d'Occident, à peu d'exception près, étaient gouvernés par la règle admirable de Saint-Benoît. Car c'est à partir du xn siècle que la variété des ordres religieux a commencé d'une manière plus sensible.

La perfection de la vie religieuse (5) à cette époque éclate dans l'existence de ces hommes éprouvés dont l'histoire a conservé et l'Eglise consacré les noms glorieux : Patrik, Colomba, Augustin, Colomban, Gall, Séverin, Kilian, Emmerand, Norbert, Corbinien, Bcniface, Ludger, apôtre et missionnaire, Grégoire d'Uthrec, Sturm de Fulde, Bède le Vénérable, et tant d'autres moines et abbés, qui formèrent, dans leurs couvents, ces générations pieuses et dévouées, par lesquelles la vie intérieure, la vraie et profonde piété se répandit parmi les chrétiens.

Les moines de cette époque furent réellement les propagateurs du christianisme et de ses vertus, les premiers instituteurs du peuple, les moteurs de toute culture spirituelle, de toute civilisation, les gardiens et les conservateurs de la science. Si l'on se rappelle, en même temps, leurs mœurs austères, leur zèle et leur activité, si contraires, on peut le dire, à la mollesse du clergé de ce temps, on comprendra l'amour, le respect qu'ils inspirèrent aux peuples et les libéralités dont ils furent l'objet. Les princes leur donnaient en fief des terres considérables, garantissaient ces terres de tout pillage par de sévères lois; les papes leur accordaient toutes sortes de priviléges. L'abbé jouissait d'une considération presque égale à celle de l'évêque diocésain, et quoiqu'il ne fût pas entièrement exempt de sa surveillance, il dépendait surtout immédiatement de Rome.

Les moines vivaient, en général, comme nous venons de le dire, d'après la règle de Saint-Benoît sagement modifiée d'après les circonstances nouvelles, par Colomban, Isidore de Séville, Fructueux, évêque de Braga et saint Boniface.

C'est en 742 qu'un concile introduisit la règle de Saint-Benoît dans tous les couvents du royaume frank; le zèle et la vigilance de saint Boniface augmentèrent le nombre des couvents et y relevèrent la discipline singulièrement déchue au milieu des orages politiques de l'époque. C'est à ce saint Pontife qu'en Allemagne les magnifiques couvents de Fulde, de Hersfeld et autres, durent leur origine; ceux de Rechenau et de Prüm, fondés quelque temps après, ne furent pas moins importants, comme pépinière du clergé. Malheureusement leurs richesses, leur indépendance de l'évêque, le gouvernement des abbés laïques les firent tomber dans le relâchement des mœurs et de la discipline. L'ardent et pieux Benott d'Aniane (821) soutenu par Louis le Débonnaire, devint le réformateur des moines de sa congrégation, et son couvent le modèle de tous les monastères franks. Mais les réformes de ce second Benoît ne furent pas adoptées partout, et elles furent peu durables. Cependant, grâce à la piété active de Guillaume d'Aquitaine, on vit sortir de l'abbaye de Cluny la semence d'une rénovation spirituelle et le germe de la future liberté de l'Eglise. Le pieux Bernon, premier abbé de Cluny, fonda la solide réputation de cette abbaye. Plus grand que son maître, saint Odon, qui lui succéda, sut conquérir au monastère qu'il dirigea l'estime et la faveur générales. L'influence de ce saint ct savant asile ne fit qu'aug

(5) ALZOG., t. II, p. 65

menter sous les successeurs d'Odon, Aymar, Mayeul, Odilon et surtout Hugon, si bien que vers la fin de cette époque de nombreux couvents, même en Espagne et en Pologne, se mirent sous la dépendance et l'unique direction de l'abbé de Cluny.

Le moine Guillaume, disciple de Saint-Mayeul, digne de son maître, restaura les couvents de Normandie et du Nord de la France et y fit fleurir de pieuses écoles; Richard, abbé de Saint-Vannes, à Verdun, réforma de son côté les couvents de Belgique. La règle de Saint-Benoît fut observée à Cluny dans son austérité primitive, avec son silence permanent, l'aveu public du péché, le travail des mains adouci par la récitation du psautier.

Pendant deux cents ans, cette congrégation sérieuse soutint, par ses exemples et son influence, la vie spirituelle dans la chrétienté, sauva la science, conserva en honneur les pratiques de l'ascétisme chrétien, eut sa part directe dans la plupart des évènements de l'Eglise, jusqu'au temps de saint Bernard. Seul, le couvent des bénédictins du Mont-Cassin conserva les saintes traditions du christianisme durant les luttes tumultueuses des factions d'Italie; et quoique son influence ne put s'exercer efficacement au x siècle sur les autres couvents sécularisés, ce fut cependant dans son sein que vinrent se réfugier une foule d'âmes dégoûtées des abominations du siècle. Tel fut saint Romuald de la famille du duc de Ravenne, qui, après avoir subitement changé de vie, se mit à prêcher le mépris du monde et la pénitence, à remuer et à convertir les pécheurs les plus endurcis, qu'il rassembla dans la solitude de l'Appennin, à Camaldoli, et forma un ordre confirmé par le Pape Alexandre II. Jean Gualbert fonda à Vallombreuse, en Toscane, une congrégation plus sévère encore, dans laquelle s'observa, avec la plus scrupuleuse exactitude, la règle de Saint-Benoît. Ces deux congrégations, primitivement destinées à la vie érémitique, furent plus tard réunies à des couvents, et eurent pour but de mener l'homme dans les voies de la perfection, en lui inspirant le goût de la vie spirituelle, par les pratiques simples, douces et pieuses d'une vie régulière et commune.

La nouvelle vie qui avait pénétré les ordres religieux, vers la fin de l'époque précédente, exerça dans celle-ci une haute influence sur le développement de l'Eglise entière (6). Dans le x siècle, le zèle réformateur de Grégoire VII avait ranimé, chez les peuples occidentaux, l'esprit de pénitence; les moines continuèrent son œuvre, et bientôt on les vit apparaître au milieu du monde, tantôt se présentant en hardis prédicateurs devant les princes et les évêques, tantôt se portant médiateurs entre deux partis ennemis, partout se montrant les protecteurs des pauvres. Le cloître devint le refuge du crime repentant et de la science amie de la solitude. On y fondait des écoles, on y cultivait les arts, on y établissait des fabriques et des ateliers (7). La faveur générale dont jouissait la vie monastique lui donna une telle extension et des formes si variées, qu'Innocent III se crut obligé de défendre l'établissement de nouveaux ordres. Le choix restait libre entre ceux qui existaient. Néanmoins cette prohibition ne put empêcher les fondations de plusieurs congrégations, qui se dévouèrent avec une incroyable énergie et avec un succès non moins extraordinaire à combattre les dangereux hérétiques de ces temps. Le secret de leur force était dans la sévérité de la règle, et dans la sainteté des fondateurs; malheureusement cn vit trop paraître une contradiction flagrante entre le vœu de pauvreté et la possession des grandes richesses que ces ordres acquirent, et qui impliquait une décadence plus ou moins prochaine. L'appétit pour les jouissances sensuelles une fois éveillé, la vocation

(6) HOLSTENII Codex regul monastic, etc. Les ouvrages d'Hélyot, de Schmidt, de Biendelf. On trouve aussi un tableau complet et fort intéressant de la vie religieuse à cette époque, dans Hurter, t. III, p. 427– 616; t. IV, p. 1-312. Le comparer avec BAUMER, Hist. des Hohenstaufen, t. VI, p. 320-436, et avec SCHRAEKTS, Histoire de l'Eglise, XXVIIe partie.

(7) On est saisi d'étonnement quand on lit le dénombrement des bibliothèques conventuelles. A la fin du xi siècle, un incendie consume 3,000 volumes à l'abbaye de Croyland. En 1243, celle de Gladstone-Bury renfermait 400 volumes, parmi lesquels on trouve plusieurs poëtes et historiens romains. Le catalogue de Prifling est moins riche; toutefois on y rencontre un Homère. Etait-ce un original ou simplement une traduction latine? c'est ce qu'on ne dit pas. A la même époque, Benedict Heuren vantait son Lucain, son Horace, son Virgile et son Salluste. Če monastère possédait en tout 247 volumes. Sous l'abbé Wolfrant, celui de Saint-Michel, près de Bamberg, reçut une riche collection de livres, parmi lesquels figurent la plupart des prêtes latins, sans compter beaucoup d'autres auteurs appartenant à l'antiquité païenne ou chrétienne. › (HURTER, t. III, p. 582. )

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