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gie mystique, cette portion de la science sacrée qui est pour ainsi dire la plus voisine da ciel, et qui est le côté le plus sublime de cette science.

On comprend donc que nulle part la raison privée ne doit p us qu'ici se défier d'elle-" même sa seule fonction consiste à recueillir et à peser les auto.ités, à marcher pas à pas avec l'Ecriture sainte, avec les conciles qui contiennent la pen ée de l'Eglise, avec les appréciations des saints Pères sur la pratique de la perfection évangélique, avec les considérants des bulles de canonisation, avec les auteurs ascétiques les plus autorisés, avec les vies des saints, accueillies universellement comme parfaitement authentiques.

Cette marche prudente et conseillée par la difficulté de la matière rend les erreurs bien difficiles. Aussi, pour ce qui nous concerne nous avons fait tous nos efforts pour ne point nous en écarter en quoi que ce soit, même dans les derniers détails des questions; et si malgré nos intentions bien pures et tout notre soin, des inexactitudes s'étaient glissées dans notre travail, nous les désavouons et soumettons tout à la suprême autorité à laquelle il est toujours si sûr et si doux d'obéir.

Nous n'avons emprunté nos articles qu'aux écrivains ascétiques qui ont compris cette nécessité de s'en tenir strictement à l'enseignement traditionnel et catholique et qui ont Je moins accordé aux vues particulières et au goût d'une dévotion privée, quoique d'ailleurs très-respectable.

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Mais s'il faut être enfant docile de l'Eglise et ne jamais s'écarter de sa pensée, il ne faut pas croire pour cela qu'il faille repousser comme les effets trompeurs d'une imagination peu réglée, toutes les grâces particulières que Dieu répand quelquefois sur ses fidèles serviteurs. Nous reviendrons bientôt sur ce point pour le traiter avec l'attention qu'il mérite mais en attendant nous devons dire qu'il serait également contre la doctrine de l'Eglise de refuser à la grâce de Dieu les effets merveilleux qu'elle produit naturellement et par sa propre vertu, quand elle tombe sur une bonne terre; et de reconnaître les caractères de ces mêmes effets extraordinaires, dans certains états qui sont le fruit d'une imagination ardente ou d'un orgueil déguisé ou d'une excessive sensibilité.

Au surplus, nous n'en sommes pas encore à juger certaines questions pratiques qui ressortent de la théologie mystique. Quant au dogme et à l'ensembe de la doctrine, nous venons de faire notre profession de foi, et maintenant on sait par quels motifs nous avons cherché à suivre les auteurs les plus savants, les plus orthodoxes, les plus prudents; ceux, en un mot, qui nous ont paru posséder la science de la théologie avec le plus de profondeur et d'étendue, et aussi avec la plus grande somme de bon sens pratique.

La théologie mystique a contre elle de grands préjugés, nous en combattrons quelquesuns, ceux-là seulement que nous considérerons comme sérieux. Elle a contre elle les préjugés des philosophes incrédules; nous ne nous préoccupons pas beaucoup de ceux-là, et toutefois nous aurons quelques réponses à leurs attaques. Elle a contre elle le mépris des Chrétiens relâchés et corrompus, qui ne sentent plus ce qui est de Dieu, nous n'avons rien à leur dire; ils ne connaissent du christianisme que la superficie; les croyances les plus fondamentales sont déjà mutilées dans leur esprit. Une partie de la morale, celle même qui est de précepte, leur paraft du superflu. Comment pourraient-ils estimer les œuvres surérogatoires du christianisme, lorsque les motifs mêmes des plus indispensables devoirs leur échappent?

Placés dans les antres ténébreux du vice, ils s'indignent de ce que ceux qui sont sur la montagne leur parlent de la majesté du ciel qui se déroule au loin devant eux. Les astres cessent-ils de briller au firmament, parce que certaines personnes ne veulent pas y porter leurs regards?

Mais voici le grand mal : La théologie mystique a contre elle même des Chrétiens sincères et des personnes respectables; et avouons-le, non-seulement d'honnêtes laïques, mais encore un bon nombre d'ecclésiastiques d'ailleurs irréprochables, ou ignorant le vrai objet de la théologie mystique, ou la dédaignant, soit comme superflu, soit comme ne rentrant pas dans leurs attributions, et comme n'éclairant aucun devoir essentiel à remplir. S'il

était bien vrai qu'un ecclésiastique pût se contenter de la simple observation des préceptes sans se croire appelé par sa sainte vocation à une perfection supérieure, ce qui serait en contradiction avec l'enseignement des conciles, des saints Pères et des plus graves autorités; au moins est-il certain que tout prêtre ayant charge d'âmes peut être appelé à diriger des pénitents qui se livrent plus ou moins à la vie contemplative, qui se sentent appelés par la grâce de Dieu à pratiquer quelques-uns des conseils évangéliques, et dès lors il doit être familiarisé avec les règles et les maximes des saints, avec les règles reçues dans l'Eglise pour la conduite des âmes qui suivent la voix de la perfection. Maintenant quel est l'objet', la fin et les moyens de la théologie mystique?

La théologie mystique, dit Schram, est une science qui, s'appuyant sur les choses divinement révélées, expose la doctrine qui conduit à l'acquisition de la perfection des

vertus.

Ainsi la théologie mystique n'est que le complément de la théologie dogmatique et morale; ou si vous voulez, une des divisions, une des parties intégrantes de la théologie ou science de Dieu. C'est une science, dit le même auteur, d'abord parce que son procédé d'induction n'emporte pas moins d'évidence que les autres sciences humaines, et ensuite parce que dans sa matière elle repose sur des principes plus certains que les autres sciences; car ces principes ont pour fondement la révélation divine.

Sa fin est de conduire l'âme par la voie de la perfection jusqu'à l'union de la charité des parfaite avec Dieu.

Ainsi en même temps que Dieu est l'objet de cette science, la fin en est la perfection âines par l'union avec Dieu.

Ses moyens sont, outre l'accomplissement exact des commandements de Dieu et de l'Eglise, c'est-à-dire l'accomplissement des devoirs communs à tous les fidèles, un usage particulier de la prière, de la méditation des vérités éternelles, de la mortification; l'accom plissement partiel ou universel des conseils évangéliques, et cela dans le but d'accomplir plus sûrement et plus parfaitement les choses de précepte, et d'arriver par là et avec la grâce de Dieu à un parfait amour de Dieu, à une entière union avec lui.

Il est naturel de conclure de là avec Gerson que la théologie mystique est la sagesse par excellence, la sagesse la plus haute qui puisse nous éclairer en ce monde. Elle surpasse, dit Louis Dupont, incomparablement toutes les autres sciences et tous les arts de l'univers, parce qu'elle est plus haute, plus sainte, plus noble, plus utile, plus douce, plus durable, puisqu'elle est la fin dernière d'après laquelle et le bonheur de la vie présente et toutes les autres sciences se condamnent.

Sans doute le but de la théologie dogmatique et de la théologie morale est aussi la connaissance et finalement la possession de Dieu, la connaissance des règles à observer pour y arriver. Mais la théologie mystique enseigne la règle pour arriver plus sûrement à ce noble but et pour y arriver avec la plus grande perfection.

Nous avons déjà vu que les principes et les lieux théologiques de la théologie mystique sont les mêmes que ceux de la théologie dogmatique et morale. Or, il y en a de deux sortes les uns qui emportent d'eux-mêmes la certitude, les autres qui fournissent des autorités respectables sans engendrer la certitude. Les sources de première classe sont l'Écriture sainte, prise dans le sens où elle est interprétée par l'Église, le consentement unanime 'des saints Pères, l'Église parlant ou dans les conciles généraux, ou dans les constitutions des Souverains Pontifes s'adressant à l'Église universelle.

Les autres lieux théologiques sont d'un ordre inférieur et par eux-mêmes n'élèvent une proposition que jusqu'à une plus ou moins grande certitude ou probabilité. Ce sont les conciles provinciaux, les saints Pères, pris séparément et émettant une opinion particulière. C'estt encore l'autorité de l'histoire, de l'expérience et de la raison.

D'où il suit que la théologie mystique a sa doctrine certaine et ses opinions ou ses doutes. Les choses certaines réclament et commandent l'unité; les douteuses, la prudence. Voyons maintenant comment cette science divise et dispose ses matières.

La fin de la théologie mystique étant de conduire une âme, par la voie de la perfection, jusqu'à l'union de la charité parfaite avec Dieu, la première chose qu'elle fait, c'est de

donner le caractère de la perfection et de montrer quels sont les motifs qui nous obligent à y atteindre, en quoi elle oblige chacun de nous.

C'est ensuite à partir de ce point que commencent à se ramifier les divisions. Car comme il n'est pas naturel d'arriver à la perfection tout d'un élan, mais successivement, et par degrés, on a distingué trois voies différentes, par lesquelles on arrive au sommet de la perfection, autant qu'une créature humaine, même aidée de la grâce, peut y arriver. Il y a la voie purgative, la voie illuminative et la voie unitive. Les personnes qui parcourent ces voies sont appelées, en conséquence, les commençants, les progressants et les parfaits.

1o Dans la voie purgative, que suivent les commençants, on s'occupe et de la pénitence des péchés passés et de la fuite, non-seulement du péché mortel, mais aussi du péché véniel et de la tiédeur. Les deux principaux moyens pour arriver à ce but, sont J'oraison et la mortification, dont on traite selon l'importance de ces matières.

2o Dans la voie illuminative, que parcourent les progressants, on suppose les âmes purgées des péchés et délivrées des liens du vice, et occupées particulièrement à suivre Jésus-Christ, qui est la voie, la vérité et la vie. En imitant Jésus-Christ, ces âmes acquièrent toutes les vertus par lesquelles elles deviennent les épouses de Jésus-Christ, et ́sont disposées à aimer Dieu par-dessus toutes choses et à s'y attacher comme au souverain bien. De là, dans cette partie, on traite particulièrement de l'imitation de Jésus-Christ, de la pratique des vertus, de la victoire des tentations, et des difficultés qui se présentent dans la vie.

3o Enfin, l'homme ainsi illuminé par la pratique des vertus et par l'imitation de JésusChrist, arrive à la perfection, dans le degré où il est donné d'y parvenir, dans la voie unitive. L'âme monte à cette vie unitive par la contemplation, et Dieu l'élève lui-même jusqu'à lui par sa grâce et par des voies diverses, et ces voies diverses, ces grâces spéciales, que Dieu accorde à ces âmes, caractérisent cette voie, où marche le petit nombre des parfaits.

Mais il reste encore un objet important, le plus important même à traiter par la théologie mystique, ce sont les règles de conduite du directeur des âmes dans la vie spirituelle.

Et, à ce propos, ceux qui ont lu les œuvres de sainte Thérèse goûteront la sage réflexion de l'un des continuateurs de Fleury, M. l'abbé Goujet : « Ce qui me plaît surtout dans sainte Thérèse, dont tous les ouvrages sont si mystiques qu'ils sont à la portée de peu de personnes, c'est qu'elle se défiait de ses propres lumières, qu'elle craignait toute illusion, que les états extraordinaires où elle tombait lui paraissaient ordinairement suspects, qu'elle les soumettait au jugement de supérieurs éclairés, et que ce qu'elle a écrit, elle ne l'a fait que par obéissance, et en avertissant même de ne les lire qu'avec précaution. >>

On voit par là avec quelle attention la théologie mystique doit traiter la question des qualités du directeur des âmes qui aspirent à la perfection évangélique. On y examine cinq points différents qui embrassent cette matière : 1° Que! doit être le maître de la vie. spirituelle. 2° Comment le directeur doit s'accommoder aux dispositions des personnes, et distinguer les commençants, les progressants et les parfaits; les éclairer, les corriger et les soutenir. 3o Comment il doit faire la distinction des bous et des mauvais esprits, des bonnes et des mauvaises inspirations. 4° Distinguer les véritables grâces extraordinaires d'avec les illusions. 5° Examiner comment un supérieur doit conduire la communauté et quelles sont les qualités que les saints Pères lui supposent pour faire profiter les âmes qui lui

sont confiées.

La théologie mystique pourrait encore se diviser en deux parties: la partie spéculative et la partie pratique. Elle est spéculative et doctrinale lorsqu'elle fonde son enseignement sur la base solide des autorités que nous avons indiquées plus haut; elle est pratique et expérimentale lorsqu'elle entre dans le détail de la vie, par l'application des principes démontrés,

à tel ou tel cas particulier, à telle ou telle personne. Et ici on convient qu'elle a le même genre de difficultés que la théologie morale, dont les principes généraux sont très-clairs et précis, mais qui ne laissent pas d'engendrer une foule d'embarras et de perplexités dans la pratique, parce que les circonstances de temps et de lieu, de personnes, etc., font que ce qu'il y a d'absolu, dans le principe, ne se prête que très-péniblement aux accidents des cas particuliers. H n'est pas étonnant qu'il y ait cette similitude entre ces deux sciences, puisque la théologie mystique n'est réellement, comme déjà nous l'avons observé, qu'un prolongement, un complément de la théologie morale.

Cependant, nous devons observer que les difficultés réelles que presente la pratique de la théologie mystique ne sont pas, de leur nature, aussi épineuses, aussi embarrassantes pour la conscience de celui qui applique ces principes, et qui en a la responsabilité, que lorsqu'il s'agit du principe de la théologie morale; celle-ci agit, en effet, généralement sur ce qui est de droit, de rigueur, d'obligation. Dès lors la décision, pour ou contre, a un effet infaillible de bien ou de mal; tandis que dans la théologie mystique, souvent on traite des œuvres et des pratiques de surérogation. S'il y a erreur, elle n'existe souvent que du mieux au bien; tandis qu'ailleurs elle est du bien au mal.

C'est ici le lieu de rappeler quelques jugements peu favorables à la théologie mystique, portés par des hommes très-considérables.

Et d'abord, commençons par rappeler la définition un peu obscure qu'en donne Bergier. • Ceux qui ont traité de la théologie mystique, dit-il, disent que ce n'est point une habitude ou une science acquise, telle que la théologie spéculative, mais une connaissance expérimentale, un goût pour Dieu qui ne s'acquiert point, et qu'on ne peut obtenir par soi-même, mais que Dieu communique à une âme dans la prière et la contemplation; c'est, disent-ils, un état surnaturel de prière passive, dans lequel une âme qui a étouffé en elle toutes les affections terrestres, et qui s'est accoutumée à converser dans le ciel, est tellement élevée par le Seigneur, que ses puissances sont fixées sur lui sans raisonnements et sans images corporelles représentées par l'imagination. Dans cet état, par une prière tranquille mais fervente, et par une vue intérieure de l'esprit, elle regarde Dieu comme une lumière immense, éternelle; et, ravie en extase, elle contemple sa bonté infinie, son amour sans bornes. »

Quoique nous ayons envisagé le mysticisme comme une science armée de toutes ses parties pour établir ses vérités, cependant nous conviendrons avec Gerson qu'il consiste surtout à connaître Dieu par l'expérience du cœur: mais cela n'empêche point qu'il no soit une des branches de la théologie générale, qui spéculativement arrive à des conséquences certaines.

Ainsi, 1 malgré opinion de Bergier, le mysticisme est une science, et en second lieu, elle ne consiste pas seulement dans les extases. Ceux qui marchent dans cette voie ne doivent même pas les chercher. Les grâces surnaturelles dépendent de Dieu. Mais le but de la théologie mystique est d'arriver à une union continuelle d'intention avec Dieu par la pureté du cœur et la vivacité de la charité.

Cet exposé de Bergier ne donne pas, comme on voit, une idée juste ni bien favorable de la chose qui nous occupe. Bergier prend une partie pour le tout, et voilà pourquoi il est incomplet et obscur dans ce passage, et nous ne lui en faisons pas un reproche. Contre qui était dirigé son Dictionnaire de théologie? contre les philosophes du xvII siècle. Or, aux yeux de ces hommes, il n'avait pas à traiter la question de mysticisme à fond, il s'agissait seulement de faire respecter par les ennemis de l'Eglise des choses qu'ils ne comprenaient pas; et partant il n'a parlé à ces hommes que de la prière passive et des extases, de certaines grâces particulières que Dieu fait aux justes, parce que ces choses-là seulement étaient un sujet de scandale pour les philosophes. Hâtons-nous d'ajouter que Bergier, avec son intelligence ordinaire, a noblement défendu les droits de la grâce et la vie des âmes contemplatives. Il a fait ce qu'il devait faire; il a, en bon soldat, défendu les remparts dans le point seulement où ils étaient attaqués.

Le discours qu'on lit dans les OEuvres de Fleury, mais qui est de l'un de ses continuateurs, traite assez rudement les mystiques, et ménage peu la théologie mystique ellemême. Nous allons citer ce passage avant d'en exprimer notre sentiment.

« La théologie mystique en général est une connaissance infuse de Dieu et des choses divines, qui émeut l'âme d'une manière douce, dévote et affective, et l'unità Dieu intimement, éclairant son esprit et échauffant son cœur d'une manière tendre et extraordinaire. Nous n'avons garde de condamner cette théologie, enseignée par plusieurs saints, et approuvée par l'Eglise. Mais il est bon de remarquer que les anciens, dont les écrits brillent de tant de lumières, en ont peu fait sur cette matière, parce que, d'un côté, il est plus facile de sentir ces communications intimes de Dieu avec l'âme, que de les exprimer, quand on en est favorisé ; et que, de l'autre, il n'y a rien de plus sujet à l'illusion que ces voies extraordinaires où Dieu fait peut-être moins entrer d'âmes qu'on ne le pense. Les saintes Ecritures et les Pères de l'Eglise ont recommandé, comme autant de préceptes indispensables, d'aimer Dieu de tout son cœur, de ne vivre que pour lui, de lui rapporter toutes ses actions par amour, de s'acquitter exactement des devoirs de son état, chacun selon sa condition, dans le dessein de lui plaire, de le servir, et de parvenir à le posséder dans l'éternité; mais ils ont peu connu ces états habituels de visions, d'illuminations, d'illustrations intérieures, d'oraisons passives, etc., et ils en ont sûrement ignoré les termes: au moins, le plus grand nombre n'en a-t-il rien dit. Nous ne voyons pas non plus que, quelque éclairés qu'ils aient été sur les voies du salut, ils aient fait un art méthodique de l'oraison, ni qu'ils aient cru que les sentiments du cœur puissent être, pour ainsi dire, mesurés au compas, ni être produits que les uns après les autres, selon un ordre arbitraire, et en quelque sorte mécanique, qu'on leur aurai prescrit. Si la plupart de ces spéculations abstraites ne sont pas nées de l'oisiveté des cloîtres, je ne sais si l'on ne peut pas dire qu'au moins elles s'y sont nourries et fortifiées, et que c'est de là qu'elles se sont le plus répandues.

« Le célèbre Gerson, si sensé sur ces matières, était persuadé que Rusbrock s'était égaré dans ses visions, et que l'enthousiasme lui avait un peu échauffé l'imagination. Cependant il a eu des défenseurs éclairés. Jean Taulère, son ami, surnommé le Docteur illuminé, était beaucoup plus théologien ; et l'on s'en aperçoit dans ses traités spirituels où il est bien plus exact que Rusbrock. La religieuse Marie d'Agreda a eu ses partisans, et peut-être en a-t-elle encore, malgré le ridicule qui est répandu dans sa Cité mystique, où elle ne s'entendait peut-être pas elle-même. Ce qui me plaît dans sainte Thérèse, dont presque tous les ouvrages sont si mystiques qu'ils sont à la portée de peu de personnes, c'est qu'elle se défiait de ses propres lumières, qu'elle craignait toute illusion, que les états extraordinaires où elle tombait lui paraissaient ordinairement suspects, qu'elle les soumettait au jugement de supérieurs éclairés, et que ce qu'elle en a écrit, elle ne l'a fait que par obéissance, et en avertissant même de ne les lire qu'avec précaution. Les quiétistes de ces derniers temps n'ont eu ni cette humilité, ni cette soumission, ni cette défiance d'eux-mêmes ; et l'Eglise a condamné leur doctrine et leurs écrits, sans donner atteinte à la vraie spiritualité, comme sans prétendre nier qu'il y ait des âmes privilégiées à qui Dicu puisse accorder des grâces singulières et extraordinaires; de la vérité desquelles elle juge par l'uniformité de la conduite, l'humilité des sentiments, le règlement des passions, la pureté des mœurs, l'intégrité de la doctrine de celles qui eroient en être favorisées. Mais ce qui est extraordinaire ne peut servir de règle, et, par conséquent, la théologie mystique n'a jamais pu servir, ni pour la direction particulière des mœurs, ni pour la prédication, qui ne doit avoir que deux buts, persuader l'esprit en l'éclairant, toucher le cœur en l'échauffant. »>

Ce jugement sévère a d'autant plus d'autorité qu'il est exprimé avec le ton de la mo dération et du bon sens.

Une seule observation suffira pour ramener cette mercuriale à son vrai sens. Lorsque M. l'abbé Goujet écrivait ce discours, la France était encore sous l'impression des quo

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