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que de ce qui nous peut approcher de Dieu et de ce que c'est que de marcher, en vérité, en présence de la vérité qu'il me fit connaître être lui-même.

« J'ai appris tout ce que j'ai rapporté jusqu'ici, tantôt par des paroles que i'ai distinctement entendues, et d'autres fois d'une manière inexplicable qui, sans que l'on me parlat, me faisait comprendre les choses plus clairement que si on me les eût dites de vive voix; et j'ai connu de beaucoup plus grandes vérités touchant cette vérité que je n'aurais pu en être instruite par plusieurs personnes très-savantes, puisqu'elles n'auraient su me les imprimer de cette sorte dans l'esprit, ni me faire connaître si évidemment quelle est la vanité du monde. J'appris par ces divines instructions que cette vérité dont je parle est la Vérité même ; qu'elle est sans commencement et sans fin; que toutes les autres vérités en procèdent comme de leur source, toutes les autres grandeurs comme de leur origine, et toutes les autres amours comme de leur souverain principe. Par quoi tout ce que j'en dis ici n'est qu'obscurité en comparaison de la clarté et de la lumière avec laquelle Dieu me le fit voir. On peut voir par là quelle est la puissance de cette suprême majesté qui opère de si grands effets dans les âmes, et les enrichit presqu'en un moment par une telle effusion de ses grâces.

« O grandeur infinie, o suprême majesté, o Dieu tout-puissant à quoi pensez-vous : à quoi pensez-vous, mon Sauveur, lorsque vous me comblez de tant de faveurs? Avezvous oublié que j'ai été un déluge de vanité et un abîme de mensonge, et cela purement par ma faute, puisque vous m'aviez donné par mon naturel tant d'aversion pour le mensonge? Comment donc, Seigneur, avez-vous pu accorder tant de grâces à une personne qui s'en était rendue indigne ? »

On n'ose comparer à rien autre chose ce genre de beauté. Cela est beau comme les plus belles pages de Malebranche ou de Platon, plus la sainteté et une inimitable candeur.

Peut-on trouver une comparaison plus ingénieuse et plus juste pour peindre les différents degrés d'oraison dont se sert la sainte.

« Je dis que celui qui commence doit s'imaginer qu'il entreprend de faire, dans une terre stérile et pleine de ronces et d'épines, un jardin qui soit agréable à Dieu, dont il faut que ce soit notre Seigneur lui-même qui arrache ces mauvaises plantes pour en mettre de bonnes en leur place; et il peut croire que cela est fait quand il s'est résolu de pratiquer l'oraison. Il s'y exerce, et qu'à l'imitation des bons jardiniers, il cultive et arrose ces nouvelles plantes atin de les faire croître et produire des fleurs, dont la bonne odeur invite sa divine majesté à venir souvent se promener dans ce jardin, et prendre plaisir à considérer ces fleurs qui ne sont autres que les vertus dont nos âmes sont parées et embellies.

« Il faut maintenant voir de quelle sorte on peut arroser ce jardin; comment on doit y travailler; considérer si ce travail n'excédera pas le profit qu'on en tirera, et combien de temps il doit durer. Il me semble que cet arrosement peut se faire en quatre manières. En tirant de l'eau d'un puits à force de bras, ou en en tirant avec une machine et une roue, comme j'ai fait quelquefois, ce qui n'est pas si pénible et fournit davantage d'eau, ou en la tirant d'un ruisseau par des rigoles, ce qui est d'un moindre travail et arrose néan moins tout le jardin, ou enfin par une abondante et douce pluie que Dieu fait tomber du ciel, ce qui est incomparablement meilleur que tout le reste et ne donne aucune peine au jardinier. Ces quatre manières d'arroser un jardin pour l'empêcher de périr étant appliquées à mon sujet pourront faire connaître en quelque sorte les quatre manières d'oraison, dont Dieu, par son infinie bonté, m'a quelquefois favorisée. Je le prie de tout mon cœur de me faire la grâce de m'expliquer si bien, que ce que je dirai serve à l'un de ceux qui m'ont ordonné d'écrire ceci, et à qui il a fait faire en quatre mois plus de chemin dans ce saint exercice que je n'en ai fait en dix-sept ans. Aussi y est-il mieux préparé que je n'avais fait, et il arrose par ce moyen sans grand travail ce jardin de toutes ces quatre manières. »

La manière dont la sainte applique cette comparaison est tout aussi admirable que sa conception. Où trouverez-vous plus de grâce, de justesse et d'énergie?

Au point de vue simplement littéraire, les plus belles poésies lyriques, les mouvements les plus élevés des tragiques, ne me paraissent pas approcher, de cette véhémence de sentiments qui jette un cœur tout enflammé vers le ciel, comme sainte Thérèse le fait dans ses cantiques d'actions de grâces après la communion. C'est un genre différent, sans doute, mais sublime pour sublime celui de la sainte surpasse les autres comme le mont Blanc surpasse une pyramide.

Le plus profond et le plus savant de tous les mystiques est assurément saint Jean de la Croix.

Je l'appellerais volontiers le métaphysicien de la perfection évangélique, tant il a de précision et de hauteur de vue en traitant ces matières.

Il n'a pas ces épanchements doux et affectueux, ces élans séraphiques, où ressort surtout la tendresse de l'amour de Dieu, comme on la trouve habituellement dans l'auteur de l'Imitation, dans sainte Thérèse et saint Bonaventure. Il y a dans saint Jean de la Croix quelque chose de plus mâle, de plus sévère. Aussi il n'a pas écrit pour les commençants, mais pour les parfaits; et encore la perfection à laquelle il s'efforce de conduire est la plus sublime, et on voit qu'il en connaît bien le chemin. Le caractère le plus frappant de ses écrits est une logique serrée, une grande force dans le raisonnement, une profonde connaissance de l'Ecriture sainte dont il fait un usage merveilleux; on admire aussi une grande noblesse de style qui est parfaitement à la hauteur des choses qu'il traite. Il est difficile de le citer, car tout se tient dans la chaîne de ses écrits. Il faut le lire, mais tout le monde ne peut pas le lire, car il faut y être préparé par un grand désir de servir Dieu parfaitement, et aussi par une certaine mesure d'intelligence. Nous allons cependant en donner quelques extraits qui seront un exemple de précision théologique. Il apprécie les premiers mouvements des passions :

J'appelle en cet endroit premiers mouvements ceux où la raison et la volonté n'ont point de part soit en ce qui les précède, soit en ce qui les accompagne, soit en ce qui les suit car il est impossible de les déraciner en cette vie et de les faire mourir tout à fait; étant comme elles sont des épurations nécessaires de la nature. »

« L'âme, agissant selon l'esprit et la raison, se peut défendre de leur impression; elle peut même quelquefois être élevée, selon la volonté ou la partie supérieure, à une sublime union avec Dieu, et jouir du repos et des douceurs qu'elle y goûte pendant que les passions et les mouvements naturels et nécessaires se feront sentir, même avec violence dans la partie inférieure, parce qu'ils n'ont nul commerce avec la raison et la volonté qui peut pendant ce temps-là s'appliquer à la contemplation.....

« C'est pourquoi on ne peut voir sans compassion certaines personnes qui sont chargées des richesses de la grâce, de la vertu et des bonnes œuvres, et qui n'arrivent jamais au port d'une parfaite union avec Dieu, parce qu'elles n'ont pas le courage de détruire l'attachement qu'elles ont à une petite satisfaction des sens ou amitié trop naturelle, à quelques bagatelles de cette nature, quoique, aidées des secours de Dieu, elles aient brisé les chaînes de l'orgueil, de la sensualité, de plusieurs vices grossiers et de plusieurs péchés griefs. »

Voici maintenant une charmante interprétation du mot de l'Evangile : Beaucoup d'appelés et peu d'élus. «Notre-Seigneur dit que le chemin est étroit, c'est-à-dire le chemin de la perfection, pour nous apprendre que celui qui désire d'y entrer doit non-seulement passer par cette petite porte, en abandonnant tout ce qui flatte les sens, mais renoncer encore à toute propriété, affranchissant tout ce qui concerne l'esprit et la partie supérieure. Ainsi nous pouvons appliquer à la partie animale ce que le Fils de Dieu dit de la porte très-petite.....

• Au reste, quand il affirme qu'il y a peu de personnes qui trouvent cette voie, cela vient de ce que peu de gens connaissent ou veulent pratiquer ce dépouillement d'esprit, car le chemin qui conduit à la montagne de perfection va nécessairement en haut et est fort étroit; il faut donc que ceux qui souhaitent d'y passer ne soient chargés d'aucun

fardeau qui les tire en bas. Et comme Dieu est le seul terme où l'on prétend arriver dans ée commerce sacré, on ne doit s'occuper qu'à le chercher seul et qu'à parvenir à sa pos$ession. >>

Mais on n'admire jamais assez les quelques vers où l'illustre saint parle de la nuit obscure. Nous ne trouvons rien d'exagéré dans le magnifique éloge qu'en a fait le P. Berthier.

Quoi de plus ingénieux, de plus gracieux, que cette image où la raison dans l'homme 'est comparée au maître de la maison, et le corps, les sens, sont le logis. Or il s'agit d'en sortir pour aller au loin et bien haut s'unir à Dieu. Cette union ne peut se consommer dans le tumulte des passions, dans l'agitation des sens; elle ne s'accomplit que dans le calme et le silence. La nuit est le moment du profond silence; c'est le moment des réflexions sérieuses. Cette nuit des passions, dans saint Jean de la Croix, est un moment sublime; la raison les a vaincues; le corps est vaincu, la partie sensitive de l'âme est vaincue avec tous ses penchants, les coupables curiosités même de l'intelligence sont vaincues ; la raison, guidée par l'amour de Dieu, les a forcés à sommeiller: tout dort dans la maison. Pendant ce sommeil, l'âme peut sortir avec précaution par une porte secrète, et va consommer son mariage virginal avec l'Epoux divin, et elle ne rentre à la maison que pour consolider la victoire obtenue à grands frais sur les esclaves qui l'habitent, qui conservent toujours des projets de révolte.

J'ai admiré dans Platon avec quel succès il nous démontre la difficulté avec laquelle la vérité arrive à l'intelligence de l'homme, par la comparaison de ces ombres humaines qui se dessinent dans le fond d'une caverne, où il n'y a qu'un demi-jour pour juger les choses. J'ai admiré le discours de Socrate pendant que le poison était déjà dans sa poitrine; le Songe de Scipion, dans Cicéron, et d'autres beautés de cette valeur; mais la hauteur et la profondeur de saint Jean de la Croix sont plus remarquables dans les pages dont nous parlons. Il y a beaucoup moins de prétention; ce coup d'œil sur la nature humaine est, d'une part, plus large, plus profond, et les conséquences plus précises et plus vraies. Je ne connais nulle part une philosophie plus sublime, plus transcendante.

Nous ne ferons pas l'éloge du livre de l'Imitation de Jésus-Christ. Il aura un article à part. Nous ne voulons en ce moment que dire un mot du charme de cette diction naturelle et simple, qui est dans ce livre admirable au service d'une connaissance si juste du cœur humain, qu'elle en peint toute la mobilité; et cela avec un accent si céleste et si doux, qu'on a partout, quelque chose qu'il traite, le désir de devenir meilleur et de s'amender. Il se peut que la sainteté toute seule produise ces fruits; je n'en reste pas moins certain qu'il y a dans ces productions un grand art littéraire, un talent d'écrire d'autant plus remarquable, qu'il arrive a son but en ne faisant pas songer à lui.

En parlant des écrivains qui se sont fait une grande et juste renommée, en traitant des règles de la vie spirituelle, nous ne pouvons passer sous silence le savant Jésuite Rodriguez. Peu d'hommes ont eu un esprit plus juste et plus sensé. Il connaissait l'histoire profane et sacrée; il a su assaisonner ses traités d'exemples et de traits puisés à toutes les sources, comme son contemporain Montaigne.' Ceux qui ont voulu lui faire la guerre pour ses exemples peu admissibles, historiquement parlant, ort oublié qu'il suffisait, pour le but de l'auteur et le fruit du lecteur, qu'ils eussent une valeur parabolique. Mais quelle exactitude dans le théologien ! quelle prudence consommée dans le moraliste ! quelle manière large et naturelle d'embrasser un sujet! quelle suite dans l'exposition des preuves! quelle force dans le raisonnement! Quoiqu'il ne semble marcher que pas à pas, et sans se presser, vers son but, il l'atteint infailliblement et force son lecteur à se plier insensiblement sous le joug de la conviction à sa belle et pure doctrine, qui respire sans cesse la fleur de l'Evangile.

Ce n'est pas un génie médiocre qui, dans le temps où il vivait, trouvait des comparaisons telles que celles-ci :

Comme les mathématiciens ne considèrent dans les corps que les dimensions et les figures, et font toujours abstraction de la matière, parce qu'elle ne fait rien à leur sujet : de même le véritable serviteur de Dieu ne doit songer, dans toutes ses actions. qu'à faire la volonté de

Dieu, et, pour cet effet, il faut qu'il fasse une entière abstraction de la matière, c'est-à-dire qu'il ne regarde point, ni dans quelle charge on l'emploie, ni quelle chose on lui commande, parce que ce n'est pas en cela que consiste notre perfection, mais à faire la volonté

de Dieu.

Ce n'est pas un écrivain ordinaire qui, dans l'action de grâces après la Communion, sait trouver des images aussi ingénieuses et d'un aussi bon goût que celles-ci : « Ceux qui ont reçu la Communion se représentent Jésus-Christ au dedans d'eux-mêmes et appellent toutes leurs puissances et tous leurs sens pour le venir reconnaître comme leur roi et pour se soumettre à lui; de même que dans le monde un homme, qui recevrait chez lui un grand seigneur, ferait venir ses parents pour le saluer et lui rendre leurs devoirs. Ou bien ils considèrent leurs sens comme des malades, et regardent en même temps JésusChrist comme un médecin; ils le mènent de l'un à l'autre, comme un médecin qu'on mènerait dans une infirmerie où il y aurait plusieurs malades, et lui disent: Seigneur, venez et voyez, ayez pitié de moi et de mon infirmité. »

Les œuvres de Rodriguez ne vieilliront jamais, parce qu'elles portent le caractère du naturel, de la solidité et du bon goût.

Disons donc en terminant: Le mysticisme contient la fleur de la pensée chrétienne, et cherche à réaliser le beau idéal de l'Evangile. Il aspire à échapper à toutes les illusions du monde.

Quelle erreur ! les plus innocents d'entre les hommes se regardent devant Dieu comme des repris de justice, des flétris, et ils ne se trompent pas et les plus coupables se vantent d'être irréprochables et se posent comme des maîtres à qui tout est dû. Avec la foi on sait de quel côté est la sagesse dans ces extrêmes; cependant même avec de la foi notre sagesse est souvent en défaut pour juger sainement de bien des choses en particulier.

La pensée chrétienne élevée jusqu'à l'habitude de la contemplation, accompagnée de la [ratique de la vertu, peut seule faire monter nos intelligences jusqu'à la juste appréciation de ce que nous sommes et de ce que nous entreprenons.

Le monde ne ressemble pas mal à ces situations où par un jeu d'optique les objets paraissent renversés: ceux qui montent paraissent descendre, ceux qui descendent paraissent monter. Cromwel, qui multipliait les forfaits pour arriver à sa fin, semble grandir aux yeux du siècle. Charles-Quint, abdiquant la couronne qu'il portait si fièrement pour se réduire à l'état de simple particulier et méditer sur la mort devant un cercueil, paraît se rapetisser. Voilà comme les jugements du monde ne sont que vanité.

Les âmes vraiment contemplatives, qui, an milieu des travaux de la vie présente ont assez de force d'âme et de chaleur dans le cœur pour rester habituellement unies de pensée à leur Dieu, sont véritablement la portion d'élite du genre humain. Malgré leur extérieur simple et modeste, Dieu les comble d'honneur même en ce monde. Ils sont vraiment les familiers du grand roi; aussi sont-ils constamment admis non-seulement à sa cour, et à sa table, mais encore à toutes ses communications et à ses familiarités les plus intimes.

DICTIONNAIRE

D'ASCETISME.

ABANDON. (Voy. VOIE UNITIVE.) — La première union de l'âme avec Dieu (Voir UNION), est l'union obscure qui dispose à l'union suave, et se fait au moyen de l'abandon. Par cet abandon on doit entendre tout châtiment que Dieu nous envoie par une volonté positive ou permissive, dans le but de purifier notre âme et de la disposer à l'union suave.

A

Les mystiques et les ascètes ont donné à cet état diverses dénominations. 1° On l'appelle désolation, en ce sens qu'il exclut la consolation sensible et accidentelle; 2° on l'appelle aridité, en ce sens qu'il exclut la dévotion sensible et accidentelle; 3° purgation passive, en tant qu'envoyé de Dieu pour la purification de l'âme. Il n'est donc pas ici question de ces pénitences volontairement entreprises, ni de la mortification des passions, par laquelle on s'efforce, avec la grâce divine, de se purifier du péché et de toutes ses traces, ce qui constitue la purgation active. Il ne s'agit pas non plus de la purgation passive, qui est, en un certain degré, du domaine de toute la vie et propre à toutes les conditions de l'humanité, puisqu'il n'est personne à qui Dieu n'envoie quelques châtiments pour purifier son âme. Il en frappe les pécheurs, pour les rappeler au bien les nouveaux convertis, pour les affermir dans leurs bonnes résolutions; ceux qui tendent à la perfection dans la voie purgative, pour les purifier du vice; dans la voie illuminative, pour faciliter leurs progrès dans la perfection et dans l'exercice des vertus; dans la voie unitive, pour les perfectionner par l'union avec Dieu. C'est ce qui se fait dans l'union obscure dont il s'agit ici. Et à ce propos remarquons que dans la voie unitive on peut aussi distinguer des commençants, des progressants et des parfaits qui éprouvent tous alternativement quelque purgation passive de consolation et de désolation. Mais comme ceux qui commencent à marcher dans cette voie, qui est aussi ordinairement celle de la contemplation, sont éprouvés préalablement par une purgation passive toute spéciale, nous allons ici la décrire sous le nom d'abandon, prélude ordinaire de la contemplation de l'âme en Dieu.

L'abandon est appelé par saint Jean de la Croix nuit obscure (Lib. de noct. obsc.), et divisé en purgation passive sensible, c'est-à

dire qui agit dans la partie sensible des' facultés sensitives de l'âme, et purgation passive spirituelle qui s'exerce sur la partie intellectuelle. De même qu'au milieu de la nuit, le voyageur marche tout tremblant et comme privé de ses sens et de ses facultés, de même dans ces deux purgations, en l'absence de toute lumière et de toute consolation sensible pour elle, l'âme s'avance avec crainte dans l'obscurité, et, dépouillée en quelque sorte de ses sens et de ses facultés, elle ne trouve rien qui lui plaise hors de Dieu, et se trouve ainsi disposée à ne chercher que Dieu seul, à la clarté de la lumière nouvelle qu'il lui envoie. Il ne faut pas toutefois confondre cet état avec l'apathie stoïque ou l'inaction des faux illuminés; car dans ces sortes d'abandon, notre coopération est toujours réclamée par la purgation active. Il est une autre division de l'abandon: abandon de la vie active, abandon de la vie contemplative, et abandon de la vie mixte. Quoique, en effet, le don de contemplation convienne mieux à la vie contemplative et y prépare l'âme par cett épreuve toute spéciale de l'abandon, comm cependant, aucune de ces trois vies indiquée: n'exclut l'autre, Dieu peut aussi accorder la contemplation aux ames qui marchent dans la voie active et dans la voie mixte ; et ainsi ces âmes peuvent se préparer pareillement à la vie contemplative par un abandon spécial. Nous exposerons tour à tour les diverses espèces d'abandon, après avoir traité d'abord de l'abandon en général :

1° L'abandon est ordinairement et presque toujours une sorte de disposition préalable à la contemplation divine. Ainsi nous le montrent, 1° les saintes Ecritures: Il y a un temps pour pleurer et un temps pour rire (Eccle. 11, 4). Heureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés (Matth.v, 5). Ces textes nous montrent que la consolation qui, selon saint Thomas (1-2, q. 69, a 3), est la béatitude contemplative de cette vie, est ordinairement précédée de la tristesse ou de l'abandon. L'Ancien et le Nouveau Testament nous font voir beaucoup d'âmes saintes, éprouvées d'abord par la tribulation, admises ensuite à goûter les consolations promises de la béatitude, témoins Abraham, Isaac, Jacob, Job, Moïse, David,

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