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DICTIONNAIRE D'ASCETISME.

Tobie et saint Jean-Baptiste; ensuite Jésus lui-même, notre Sauveur, Marie, Joseph, les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges. -2° Les saints Pères. Saint Jean-Chrysostome (in Matth. vi) démontre cette vérité par l'exemple de Jésus, souffrant, dès son berceau, les persécutions d'Hérode, « afin que, fortifiés par cet exemple, nous supportions avec courage toutes les tribulations, sachant qu'elles sont les compagnes inséparables de la vertu ; » et concluant par l'exemple de la sainte Vierge et de saint Joseph, en butte à toute sorte d'épreuves, il ajoute : « que Dieu a fait en sorte de ne laisser aucun de ses saints au milieu des consolations ou des tribulations perpétuelles; mais il a parsemé la vie des justes d'une admirable variété de félicités et d'épreuves. »> Saint Bonaventure (in iv Proc. relig.) expose minutieusement toutes les tentations par lesquelles Dieu éprouve les âmes justes dans leur intérêt, et pour les faire arriver à la contemplation. Gerson dit (Théol. myst., caus. 9): « Que la pourriture pénètre mes os et me ronge intérieurement, afin que je me repose au jour de la tribulation et que je m'élève (par la contemplation) jusqu'à notre peuple ceint, » c'està-dire jusqu'aux hommes parfaits. Sainte Thérèse, qui, pendant dix-huit ans, fut disposée à la contemplation par l'aridité, dit au chap. x de sa vie : « Je pense que le Seigneur, toujours au commencement, quelquefois à la fin de la vie spirituelle, éprouve ceux qui l'aiment par des tourments intérieurs et des tentations, afin de savoir s'ils pourront boire son calice et porter sa croix, avant de leur confier des trésors d'un prix infini. » 3° La raison. L'âm eest purifiée par l'abandon et par le feu d'une tri bulation spéciale, afin que, exempte des défauts, même les plus légers, elle puisse s'enflammer tout entière du feu de l'amour divin et de la flamme de la contemplation. Saint Jean de la Croix nous en donne une belle explication (Noct. obscur. lib. 11, c. 10) par la comparaison du bois qu'on met au feu. D'abord, il perd l'humidité qu'il contient, il noircit ensuite; bientôt il s'éclaircit, et enfin, après l'expulsion de toutes les matières contraires à l'action du feu, il s'enflamme et se transforme en un feu ardent. Ce saint continue en ces termes : « Il en est de même pour ce feu de l'amour et de la contemplation. Avant de s'unir et de transformer l'âme, il la purifie de tout ce qui lui est contraire, il la fait paraître dans toute sa laideur, il la rend noire et obscure, pire même qu'elle n'est en réalité; car cetté divine purification agite les humeurs vicieuses et les maux intérieurs qui, profondément enracinés dans l'âme, lui avaient échappé, en sorte qu'elle était loin de se croire dans un aussi triste état. Bientôt, pour expulser et anéantir toutes ces souillures, cette épreuve les lui montre clairement à l'éclat de la lueur divine, qui rayonne du sein même de cette obscurité. » L'abandon, avons-nous dit, précède ordinairement la contemplation et y dispose

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l'âme; car il n'est pas douteux que Dieu, dans sa providence infinie et sa bonté, né veuille parfois élever l'âme du premier degré de la sainteté jusqu'à la contemplation, comme il nous l'a montré dans la subite conversion de Saul, et dans la sanctification, dès le sein de sa mère, de son saint précurseur. Outre cette disposition à la contemplation, Dieu se propose encore, dans cet abandon, d'autres fins, très-utiles pour nous, lesquelles sont autant d'effets et d'avantages que Dieu nous procure par ce moyen. En effet, Dieu, qui est si bon, ne tourmenterait pas spécialement les âmes qui lui sont si chères, s'il n'avait voulu leur accorder par là des faveurs toutes particulières. Sans compter les autres fins, qui ne sont connues que de la seule sagesse infinie, saint Jean Chrysostome (hom. 1, ad popul.), saint Bonaventure (in vir Proc. rel.), Gerson (Myst. théol., caus. 6), Rodriguez (p. 11 Exerc. perf., t. IV, c. 4), en ont indiqué plusieurs, dont nous donnons les principales. La première de ces fins est d'instruire l'âme par l'expérience, à ne pas trop s'attacher à la douceur de la consolation, mais à se laisser éloigner de la mamelle par l'amertume de l'aloès, afin de puiser des forces dans une plus solide nourriture, selon ces paroles d'Isaïe (xxvIII, 9): A qui le Seigneur enseignera-t-il sa loi? à qui donnera-t-il l'intelligence de sa parole? à des enfants sevrés et arrachés de la mamelle. « Il y a, dit saint Grégoire (1. xxiv Mor., c. 7), trois degrés dans la conversion, le commencement, le milieu et la perfection. Au commencement, les convertis éprouvent le charme d'une délicieuse douceur; au milieu de la conversion, ils ont à lutter contre les tentations; mais à la fin ils goûtent la plénitude de la perfection. Ils ressentent donc d'abord une douceur qui les console, ensuite une amertume qui les exerce, enfin de suaves délices qui les affermissent. »>

La seconde fin de l'abandon, c'est de faire désirer à l'âme, avec plus d'ardeur, la consolation dont elle est privée, de la lui faire considérer comme une pure faveur, et de l'exciter à mieux rechercher son bien-aimé, dont elle déplore la perte. C'est par ce sentiment que l'âme sainte disait à son bienaimé Le voici qui se tient derrière notre mur, qui regarde par les fenêtres, qui jelle sa vue au travers des barreaux (Cant. 11, 9); et que saint Jean Climaque s'écriait (Scal., gr. 7): « La mère du petit enfant se cache à dessein, et elle se réjouit de le voir la chercher avec inquiétude; elle lui apprend ainsi à ne pas s'attacher constamment à ses pas, elle lui fait mieux apprécier tout son amour, et l'excite à l'aimer elle-même avec plus d'ardeur. »>

La troisième fin consiste à préserver l'âme d'un subtil sentiment d'orgueil, qui se glisse avec les biens que lui procure la consolation. En effet, dit l'Ecclésiastique (11, 5): L'or et l'argent s'éprouvent par le feu: mais les hommes que Dieu veut recevoir au nombre des siens s'éprouvent dans le creuset de l'hu

miliation. « Si l'homme, dit saint Bonaventure, n'était pas quelquefois privé de la consolation spirituelle, il s'enflerait trop, perdrait la grâce et périrait; Dieu la lui enlève donc, pour l'empêcher de la perdre. C'est ainsi qu'un père refuse à son jeune fils de l'argent, de peur qu'il ne le perde au jeu, jusqu'à ce qu'il soit devenu sage, et qu'il sache le conserver avec prévoyance. » (Process. VII Relig., c. 1.) « Comme une mère, dit saint François de Sales (Introd., p. 5, c. 14), refuse du sucre à son fils, parce qu'il engendre des vers; ainsi Dieu nous enlève les consolations, quand elles font naître en nous des sentiments de vaine complaisance et qu'elles nous exposent aux vers de la présomption. »

La quatrième fin est d'affermir de plus en plus l'âme dans l'humilité du cœur, par la connaissance d'elle-même et de sa misère. Rien, en effet, n'inspire mieux ce sentiment que l'abandon, comme l'atteste David : C'est un bonheur pour moi d'avoir été humilié par vous (Ps. CXVIII, 71). Comme rien ne convient mieux à l'humilité que la tristesse, dit saint Jean Climaque (Scala, grad. 7), rien ne lui est plus opposé que le rire. « Pour réprimer l'audace de l'homme, écrit saint Laurent Just. ( De cart. connub., c. 15), parfois la sagesse divine se soustrait sagement à ses regards, non par haine ou par mépris, mais par amour; car jamais on ne reconnaît mieux sa faiblesse que quand on se voit abandonné. Un succès continuel est une cause de vanité. C'est à peine si l'âme instruite par l'adversité et brisée par les sens. ons, peut reconnaitre son infirmité. »

La cinquième fin est de faire pousser à la crainte filiale de Dieu de plus profondes racines dans l'âme. Sur qui jetterai-je les yeux, dit le Seigneur, sinon sur le pauvre qui a le cœur brisé et qui écoute mes paroles avec tremblement ? (Isa. LXVI, 2.) Et saint Jérôme ajoute ce commentaire : « Le Seigneur jette donc ses regards sur quiconque est humble et paisible, et écoute ses paroles avec crainte. >>

La sixième fin est d'exciter l'âme à la prière, en lui faisant reconnaître tous ses besoins. C'est ce que faisait David: Sauvezmoi, Seigneur, parce que les eaux des tribulations sont entrées jusque dans mon âme (Ps. LXVIII, 2). Ezéchias s'écriait aussi, sur le point de mourir : Le Seigneur, comme un lion, a brisé tous mes os. Le matin je disais: Seigneur, vous finirez ma vie ce soir. Je criais comme le petit de l'hirondelle, je gemissais comme la colombe (Isa. xxxvIII, 13, 14). Voici comment saint Jérôme explique ce passage: « La mort qui s'approche, la douleur qui m'accable, ont, comme un lion, brisé tous les os de mon corps. Et moi, comme l'hirondelle et la colombe, je passais toutes mes nuits dans les pleurs et les gémissements; et, les yeux levés vers le ciel, je n'attendais de secours que de Dieu, qui seul pouvait me venir en aide. >>

La septième fin est d'exercer l'âme du juste à la patience, selon ces paroles de l'Ecclé

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siastique (11, 4): Recevez de bon cœur tout ce qui vous arrivera: demeurez en paix dans votre douleur, et au temps de votre humiliation conservez la patience. Car l'or et l'argent s'épurent par le feu; mais les hommes que Dieu veut recevoir au nombre des siens, s'éprouvent dans le creuset de l'humiliation. Saint Jacques dit aussi : Mais vous autres, mes frères, persévérez dans la patience jusqu'à l'avènement du Seigneur vous voyez que le laboureur, dans l'espérance de recueil lir le fruit précieux de la terre, attend patiemment la première et l'arrière-saison. Soyez ainsi patients et affermissez vos cœurs; car l'avénement du Seigneur est proche (Jac. v, 7 et 8). Saint Augustin dans son Commentaire sur le ps. LXI, s'exprime ainsi : « La fournaise, c'est le monde; la paille, les méchants; l'or, les justes; le feu, la tribulation; l'orfévre, Dieu. Je fais ce que veut l'orfévre; je supporte les épreuves qu'il m'impose. Mon devoir est de les supporter, et c'est par elles qu'il me purifie. » Voici comment saint Jean Chrysostome explique la comparaison de saint Jacques (hom. 4, ad. pop.): « La pluie ne fait pas germer et croître la semence, autant que les larmes répandues font grandir et fleurir les semences de la piété. Ces larmes purifient l'âme et arrosent l'entendement; elles font croitre en peu de temps le germe de la doctrine; aussi est-il nécessaire de tracer un profond silion. »>

La huitième fin est de fortifier l'âme dans la foi pure, indépendamment de l'expérience de la consolation. Aussi l'Ecclésiastique, parlant de ceux qui sont livrés à l'abandon (1, 8), dit: Vous qui craignez le Seigneur, croyez en lui, et votre récompense ne sera pas vaine. C'est ce que prouve saint Bonaventure (Process. vII Relig., c. 1): « Le Seigneur veut nous instruire, par la privation de consolation, à nous appuyer sur la vérité de l'Ecriture et de la foi, plutôt que sur notre expérience, quelle qu'elle soit; car la foi n'aurait pas de mérite, si elle consistait dans la seule expérience. »>

La neuvième fin est d'affermir davantage l'âme dans l'espérance, indépendamment du secours des consolations. L'Ecclésiastique nous le montre encore (11. 9): Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde vous consolera. Saint Bonaventure l'espérance qui s'appuierait sur l'expéle prouve (loc. citat.), en montrant que ble, et que nous devons par conséquent rience, ne serait pas une espérance véritaplutôt espérer par la patience et la consolation des Ecritures. « N'ayez donc aucune défiance, dit-il, si Dieu vous prive des douceurs de la consolation interieure, comme s'il vous délaissait et n'agréait pas vos bonnes œuvres; mais recourez à ces témoignages véritables et qu'ils vous consolent, manière à vous remplir de confiance pour la vérité de Dieu, tant que vous ne vous éloignerez pas volontairement de lui, en consentant a transgresser ses préceptes. » : La dixième fin est de purifier l'âme dans

de

Il faut opérer son salut avec crainte et tremblement dans les travaux, les veilles et les aumônes, dans les prières et les offrandes, dans les jeunes et la chasteté (sess. vi, c. 13). Donc les âmes d'élite, appelées par la dure épreuve de l'abandon à la douceur de la contemplation et à une perfection complète, doivent fortement s'appliquer à la pratique des bonnes œuvres en supportant avec courage cet abandon; elles doivent rester fermes et immobiles et coopérer à la grâce divine; car leur labeur ne restera pas stérile aux yeux de Dieu.

l'amour de Dieu, abstraction faite de toute consolation et de toute jouissance particulière. C'est encore l'Ecclésiastique qui nous l'enseigne (v, 10): Vous qui craignez le Seigneur, chérissez le, et vos cœurs seront éclairés. Jean d'Avila dit à ce sujet (in Audi filia, c. 26): « De même que c'est la marque d'un bon Chrétien d'aimer pour l'amour de Dieu celui qui m'a fait du mal, car il n'est personne qui n'aime son bienfaiteur; de même rendre grâces à Dieu dans l'adversité, et ne pas s'arrêter à la rigueur qu'il nous montre extérieurement, pour ne considérer que la récompense cachée qu'il nous pré-Cependant certaines âmes affligées ont pare par ces épreuves, c'est la marque d'un homme qui ne voit pas avec les yeux de la chair, et qui aime Dieu, puisqu'il se conforme à sa volonté dans les peines qu'il a à

souffrir. »

La onzième fin est d'enseigner à l'âme, par le langage en quelque sorte nouveau que Dieu lui parle dans l'abandon, à connaître minutieusement, à discerner et à extirper tous ses défauts, toutes ses intentions mauvaises, toutes ses affections vicieuses cachées dans sa partie sensitive ou intellectuelle. En effet, la tribulation et l'abandon sont cette parole de Dieu, vivante et efficace, qui perce plus qu'une épée à deux tranchants; elle entre et pénètre jusque dans les replis de l'ame et de l'esprit, jusque dans les jointures et dans la moelle; et elle déméle les pensées et les mouvements du cœur (Hebr. IV, 12). Car, ainsi que le remarque saint Grégoire (in Ezech., hom. 21): Souvent nous pensons une chose et nous avons intention d'en faire une autre.

La douzième fin est d'orner l'ame de vertus, de la rendre digne de son divin époux, de la purifier complétement par le feu de la tribulation et de la réformer tout entière d'une manière conforme à la volonté de Dieu. C'est ainsi que David s'écriait: Je me suis écoulé comme l'eau, tous mes os se sont déplacés; mon cœur au milieu de mes entrailles est devenu semblable à la cire qui se fond (Ps. xx1, 15). Aussi Thauler nous enseigne (c. 11 Just.) : Toute âme qui voudra devenir la reine bien-aimée et préférée de son époux éternel ne peut y parvenir que par le feu ardent des adversités ou des alllictions, qui étendent leurs ravages jusque dans la moelle de ses os, et qui préparent l'âme comme le feu prépare la cire à recevoir toutes les impressions que l'ouvrier voudra lui faire prendre. »

Pour que l'abandon puisse obtenir toutes ces fins, nous devons, avec le secours de la gráce, coopérer à la volonté de Dieu. Ainsi nous l'enseigne l'Ecriture sainte: Efforcez vous de plus en plus, mes frères, d'affermir votre vocation et votre élection par les bonnes œuvres (11 Petr. 1, 10). Mes frères bien-aimés, demeurez fermes et inébranlables, et travaillez sans cesse de plus en plus à l'œuvre de Dieu, sachant que votre travail ne sera pas sans récompense en Notre-Seigneur (I Cor. xv, 58). C'est aussi l'avis du concile de Trente, qui exhorte les justes à la persévérance en disant:

coutume de prétexter des excuses d'impossibilité, et 1° elles disent que, dans leur abandon, il leur est impossible de continuer la pratique des bonnes œuvres, qu'elles ne se reconnaissent propres à rien de bien et sont obligées de s'écrier en gémissant avec saint Bernard (serm. 54, in Cant.) : « Je ne trouve aucun goût dans les psaumes; la lecture et la prière sont pour moi sans douceur; je ne puis plus me livrer à mes méditations accoutumées..... Paresseux pour le travail manuel, endormi quand je voudrais veiller, je suis devenu prompt à la colère, opiniâtre à la haine, intempérant dans mes paroles et mes repas, lourd et négligent dans la prédication. » J'emprunterai, pour leur répondre, les paroles de l'Apôtre: Dieu est fidèle et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces; mais il vous fera tirer avantage de la tentation même, afin que vous puissiez persévérer (I Cor. x, 13). Car, selon le concile de Trente: « Dieu n'ordonne pas l'impossible; en ordonnant, il vous avertit de faire ce que vous pouvez, de demander ce que vous ne pouvez pas, et il vous aide pour que vous le puissiez (sess. 6, c. 11). » Dieu lui-même dit formellement aujuste: Je suis avec lui dans la tribulation: je le délivrerai et je le glorifierai (Ps. xc, 15). Done bien que, par nous-mêmes, nous ne puissions seuls faire de bonnes œuvres au milieu d'une telle contradiction, nous le pouvons toutefois avec celui qui peut tout. Quoique nous paraissions et même que nous soyons réellement abandonnés de lui, quant à sa présence sensible et expérimentale, toutefois par sa présence insensible et pu rement spirituelle, il est avec nous et il travaille avec nous par sa grâce. 2° Ces âmes disent encore que, malgré tous leurs efforts, elles ne penseut pas pouvoir coopérer à la grâce de Dieu, et qu'elles éprouvent en elles-mêmes le sentiment que désigne l'Apôtre (Rom. vII, 18): Je trouve en moi la volonté de faire le bien, mais je ne trouve point le moyen de l'accomplir. Saint Thomas leur répond (lect. 30): « Je trouve en moi la volonté de faire le bien depuis que j'ai été régénéré par la grâce. En effet, c'est par l'opé ration de cette grâce divine que non-seulement je veux le bien, mais encore que je fais quelque bien, puisque, guidé par l'esprit, je résiste à la concupiscence; mais je ne trouve pas en mon pouvoir les moyens d'accomplir entièrement le bien, c'est-à-dire

de repousser complétement la concupiscence.» Résistons donc à la partie inférieure, luttons contre elle, voulons efficacement le bien dans la partie supérieure ; qu'il soit l'objet de tous nos désirs; car si nous le désirons ardemment, dit saint Augustin, pourquoi ne l'obtiendrions-nous pas ? (conc. 8 in ps. CXVIII): « Ce qui seul nous empêche d'obtenir les justifications de Dieu, c'est que nous ne les désirons pas réellement.» Si ces âmes ont encore des craintes sur l'efficacité de leur coopération, il ne leur reste plus, dit saint Bonaventure (in IV Proc. relig., c. 4), « qu'à élever vers le Seigneur leurs cris et leurs instances, quand elles souffrent la tribulation, afin d'être délivrées de leurs nécessités. » 3° Elles disent aussi qu'elles connaissent bien toute la vertu de la prière, mais qu'elles en sont complétement incapables, qu'elles peuvent à peine dire un seul mot, à peine élever leur âme à Dieu. Répondons-leur avec saint Laurent Justinien (Tr. de perf. mon., c. 18): « Dans cette situation, loin de négliger la prière, il faut y persévérer avec constance.... Il faut élever ses cris vers le ciel avec un humble et ardent désir de cœur, toutes les fois que notre esprit est assailli, pendant la prière, par le choc des pensées mauvaises.>> C'est la nécessité elle-même qui nous donne ce conseil. Aussi ce grand saint ajoute: « Après avoir perdu le port du paisible repos, on doit s'écrier sans cesse vers le Seigneur et lui dire: Sauvez-moi, mon Dieu, puisque les eaux ont pénétré jusqu'à mon ame.» «Faites une prière, dit saint Augustin, aussi courte et aussi parfaite que possible: Dieu est toujours le même..... Puissé-je me connaître et vous connaître! Une invo cation semblable suffit. » Qu'on ne résiste donc pas aux desseins de Dieu, mais qu'on se soumette à sa volonté avec humilité et résignation. 4° Elles disent enfin que cette résignation leur serait moins difficile si elles avaient la certitude que l'abandon interminable auquel elles sont livrées, est seulement une épreuve, et non une punition de leurs fautes présentes et passées. Mais si quelqu'un est puni par l'abandon des fautes qu'il a commises ou qu'il commet encore tous les jours, c'est une raison pour lui de s'abstenir d'en commettre de nouvelles, et de subir le châtiment de ses péchés avec patience et résignation à la volonté divine, en s'écriant avec Job (xxxIII, 27): J'ai péché, j'ai vraiment offensé Dieu et je n'ai point été chatié comme je le méritais. Ecoutons cet avis de Louis de Blois (65) (Consol. pusillan., c. 25): « Si dans les afflictions votre âme n'est pas toujours également résignée, vous n'avez pas perdu pour cela tout espoir de salut, ni même la grâce de Dieu; gardezVous seulement de resister à Dieu avecimpatience et opiniâtreté. Car si vous conservez, autant qu'il vous est possible, une humble et douce patience, vous serez chéri de Dieu, et vous parviendrez enfin à la félicité de son céleste royaume. »>

L'âme affligée coopérera en effet heureusement, dans l'état d'abandon, à la volonté et à la grâce de Dieu, si elle observe avec soin les règles suivantes :

I. Que la personne affligée se confie humblement et simplement à un sage et pieux directeur spirituel. C'est le conseil de saint François de Sales (p. 4 Introd., c. 14) « Allez trouver votre confesseur, ouvrez-lui votre cœur, dévoilez-lui tous les replis de votre âme; acquiescez en toute simplicité et toute humilité aux conseils qu'il vous donnera: car Dieu, qui aime surtout l'obéissance, rend souvent utiles les conseils que l'on reçoit, surtout les conseils des directeurs des âmes, quand même nous n'en apercevrions pas l'utilité. » Le saint prélat le prouve par l'exemple du Syrien Naaman, qui vint trouver Elisée pour obtenir la guérison de sa lèpre (IV Reg. v ).

Cette règle est-universelle et en quelque sorte transcendante. En effet, toutes les règles suivantes peuvent bien être pratiquées par celui qui souffre l'abandon; toutefois, dans leur observation, il doit toujours se laisser guider par les conseils de son directeur; et le directeur doit aussi s'en servir pour venir en aide à l'âme abandonnée.

II. Si l'âme, en proie à l'abandon et aux tribulations est souillée de péchés, qu'elle se tourne de tout coeur vers le Seigneur, se rappelant que c'est par cette voie que Dieu rappelle ordinairement les pécheurs à son amitié; il les trouble par les adversités, afin de leur apprendre à ne chercher de véritable paix qu'en Dieu seul. C'est ce que le concile de Trente nous enseigne (sess. XIV, c. 4) par l'exemple des Ninivites et par ce qui est arrivé au roi Manassès (11 Paralip. XXXIII, 12): la tribulation de la captivité inspira à ce prince un véritable repentir. Beaucoup d'autres ont été de même conduits à la pénitence par les afflictions; mais cette pénitence par leur faute est demeurée stérile, parce qu'ils n'ont pas convenablement répondu à la grâce: témoin le roi Antiochus (I Mach. vi; II, 1x).

Dans ce dernier cas, l'âme pécheresse n'est pas disposée à la contemplation par l'abandon et les adversités, à moins que, par une faveur toute particulière, qui ne peut faire règle, on ne s'élève, au moment même de la conversion jusqu'à la hauteur de la contemplation. Alors cette faveur se manifeste d'une manière toute spéciale. Ainsi Saul est terrassé, aveuglé, en proie à de vives tribulations; quand il se relève, il s'appelle Paul, il est ravi jusqu'au troisième ciel (Act. 1x). Remarquons néanmoins que dans ces cas extraordinaires, où Jésus veut lui-même servir de maître au nouveau converti, il envoie son disciple, malgré sa haute perfection, à Ananie, à un directeur humain (Act. vII). C'était, selon la remarque de Cassien (Collat., 11, c. 15), pour donner un exemple à la postérité, et pour réprimer la présomption de ceux qui prétendraient ne prendre d'autre maître que Dieu seul, et

(65) Blosius, en français Louis de Blois, né à Liége, écrivain du xvi siècle, voir l'art. De Blois,

préféreraient s'en tenir exclusivement à sa doctrine, méprisant les enseignements des personnes expérimentées.

III. Si l'âme en proie à la tribulation est tiède dans le service divin, n'aspirant pas à la perfection et cherchant à peine à fuir le péché mortel, qu'elle ouvre ses yeux accablés par le sommeil de la tiédeur, qu'elle voie dans cette tribulation un moyen dont Dieu se sert pour l'instruire, lui faire connaitre les dangers qu'elle court, et la faire marcher avec fermeté et avec ferveur dans la voie de Dieu. C'est pourquoi le Roi-Prophète priait ainsi le Seigneur: Comprimez leur bouche avec le mors et le frein, parce qu'autrement ils ne s'approcheraient pas de vous (Ps. xxxi. 9). C'est aussi de ces âmes que parle Gerson, en disant (Tr. de mont. contempl., c. 15): « Il en est d'humeur et de condition différentes, qui sont plus endurcis, et ont un caractère aussi rétif que l'âne même; ils ont besoin d'être stimulés: les tribulations et les adversités sont les meilleurs moyens de les ramener à Dieu. Ce Dieu tout-puissant les attire à lui, comme une mère altire son enfant qui l'a quittée. Elle fait en sorte que d'autres l'attaquent et le tourmentent l'enfant appelle alors sa mère et retourne auprès d'elle en pleurant. Elle le reçoit dans ses bras, et l'avertit de ne point s'éloigner d'elle à l'avenir, ajoutant qué partout ailleurs il ne peut qu'éprouver du mal. »

Dans ce cas encore l'abandon n'est pas une disposition à la contemplation; car de la tiédeur à la contemplation, le chemin est long à parcourir. Et si Dieu, par un miracle, n'y dispose pas autrement, il faut d'abord chasser toute tiédeur, éveiller la ferveur en son âme, rentrer dans la voie spirituelle, et y faire de grands progrès. L'âme tiède doit donc suivre ce conseil de l'Apocalypse (111, 19): Animez-vous de zèle et faites pénitence, c'est-à-dire, selon l'explication d'Alcazar: • Reconnaissez à la fois votre misère et mon amour, et animé du feu de mon amour, enflammez-vous de zèle contre la tiédeur et faites pénitence. >>

IV. Si l'âme éprouvée par la tribulation s'applique avec une entière résignation au service divin, et qu'elle y persévère, évitant les péchés mortels et les fautes légères les plus notoires et les plus fréquentes, faisant le bien, s'avançant par l'exercice des vertus et aspirant à la perfection; mais que d'un autre côté elle fasse peu de progrès dans la mortification de ses passions, dans la connaissance de soi-mênie et de ses défauts, et ne soit pas en état d'agir d'une manière héroïque, elle doit s'efforcer, au milieu de ses tribulations, de les supporter avec une sainte résignation, et d'avancer dans la vertu, surtout dans la vertu d'humilité. Voici ce que nous lisons dans l'Ecclésiastique (11, 1), an sujet de ces âmes, quand elles commencent à marcher dans la voie spirituelle: Mon fils, lorsque vous entrerez au service de Dieu, demeurez ferme dans la justice et dans la crainte, et préparez votre âme à la tentation. DICTIONN. D'ASCÉTISME. I.

Quant à ceux qui sont en voie de progrès, Jésus-Christ leur dit lui-même : Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que veuxje, sinon qu'il s'allume? (Luc. XII, 49.) Qu'il s'agisse ici du feu de la tribulation, comme l'entend Maldonat, d'après Tertullien; qu'il s'agisse du feu de la charité, selon l'acception commune, cela prouve, dans l'un et l'autre sens, que Jésus-Christ veut allumer par la tribulation le feu de la charité, comme par un bûcher.

Ce n'est pas encore là une disposition à la contemplation; il faut, dans cette situation d'esprit, s'appliquer aussi persévéramment que possible à la méditation. Voici ce que dit Gerson à ce sujet (Tr. de perf., consid. 5): « Il est aussi difficile d'allumer le feu de la dévotion spirituelle au souffle de la méditation, que d'allumer un feu matériel avec du bois humide, vert ou souillé de boue. Soufflez, faites les plus grands efforts; ce bois ne produit d'abord que des nuages de fumée qui vous aveuglent. A peine si l'on voit briller une étincelle, qui s'évanouit aussitôt. A moins de persister avec constance, vous aurez bientôt, dans votre dépit, dispersé tout le bois : cette persévérance doit ici se joindre à la méditation.»

V. Si l'âme délaissée a déjà fait de grands progrès dans la mortification de ses passions, et dans la connaissance de soi-même et de ses défauts; si elle agit héroïquement, qu'elle s'exerce alors, au milieu de ses tribulations, à pratiquer héroiquement les vertus et surtout l'humble résignation au bon plaisir de Dieu. Si elle n'y manque pas, elle peut espérer qu'à cette épreuve succédera le don de la contemplation. Qu'elle se rappelle l'exemple de Jérémie, s'élevant de cet état d'abandon jusqu'à la contemplation. Il l'atteste lui-même (Thren. III, 1): Je suis un homme voyant ma pauvreté, sous la verge de l'indignation du Seigneur. Il trace un tableau terrible de son abandon; ensuite il prie Dieu humblement : Souvenez-vous de la pauvreté où je suis et de l'excès de mes maux (ibid., 19). Alors l'espérance renaît dans son cœur: Ce souvenir que j'entretiendrai dans mon cœur deviendra le sujet de mon espérance (ibid., 21). Il est bon d'attendre en silence le salut que Dieu nous promet (ibid., 26). Il dit entin: Il s'assiéra, il se tiendra solilaire, et il se taira, parce qu'il a mis ce joug sur lui (ibid., 28), ou, selon d'autres, parce qu'il s'est élevé au-dessus de luimême. Voici comment saint Basile expose ce passage (De laud. vit. solit.): « L'âme qui désire Dieu avec ardeur, s'élève au-dessus d'elle-même, et en s'arrachant des choses terrestres, elle parvient à la hauteur de la contemplation divine, se sépare des actions du monde, et par ses célestes désirs s'envole dans les régions les plus élevées de la contemplation. Lorsque l'homme s'efforce d'apercevoir celui qui est au-dessus de tout, il s'élève au-dessus de lui-même et de toutes les bassesses de cette vallée du monde. »

Louis de Blois (Consol. pusillan., c. 26)

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