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fussent Chrétiens orthodoxes, et qu'ensuite la piété se maiutint au niveau de cette première faveur; alors la terre deviendrait réellement un ciel anticipé, ou un nouvel Eden, plus les douleurs physiques. Personne ne peut dire, toutefois, qu'un jour la terre ne sera pas témoin de quelque chose de semblable. Il ne faudrait pas juger de ce qui peut être un jour par ce que nous voyons; et il ne faut pas juger le christianisme épuisé parce que les peuples chrétiens de ce temps-ci sont bien dégénérés des mœurs chrétiennes des temps apostoliques. Qui sait si le temps d'épreuve, d'enfantement, de grands obstacles à vaincre, de fortes crises ne sera pas bientôt passé? Mais ce qu'il y a de certain, c'est que dixhuit cents ans sont très-courts pour faire l'éducation du genre humain. Les persécutions ont duré trois siècles, ensuite sont venues les hérésies qui ont tenu l'Eglise constamment en action pour maintenir intacte la pureté dogmatique et donner un sens net et juste du texte sacré et des vérités traditionnelles. Ce travail est accompli. Voici maintenant l'ère de la crise purement intellectuelle et philosophique qui, depuis plus d'un siècle, tenant les esprits en suspens, fait demander à une multitude d'esprits timides et de peu de foi, si l'Evangile est le dernier mot du développement moral de l'humanité; si la raison seule, montant triomphalement tous les degrés de ses découvertes dans les sciences et dans le vaste domaine de la nature, et forte de ses propres réflexions, de sa propre intuition dans le coup d'œil qu'elle jette de cette hauteur sur l'univers et sur les destinées de l'homme, ne pourra pas présenter une solution plus satisfaisante. Il est certain que cette question ressort par mille endroits de la littérature et de la science de notre temps. Mais il est vrai aussi que Dieu a ménagé les événements contemporains, depuis la fin du dernier siècle jusqu'à ce jour, en 1853, de manière à donner de cruels démentis et d'incomparables humiliations à ceux qui avaient engagé leur honneur à voir réussir une combinaison sociale anticatholique. La déroute des dieux de l'Olympe devant le fier et victorieux Jupiter, tel que l'a dépeint Homère, ne donne pas une idée assez forte de la défaite complète des philosophes de nos jours devant l'irrésistible cours des idées chrétiennes, qui commencent à couler à pleins bords dans tous les esprits, et n'attendent plus que de passer dans les actes avec plus de franchise. Mais au moins on peut le constater, la victoire intellectuelle sur l'esprit philosophique, qui s'appelle ou philanthrope comme il y a soixantedix ans, ou panthéiste et socialiste comme de nos jours, cette victoire intellectuelle du catholicisme est décisive. L'armée philosophique est en déroute générale sur tous les points, on ne sait plus où poursuivre les fuyards; ils ont disparu: on croirait qu'ils sont rentrés dans les entrailles de la terre, et qu'ils n'ont pu sauver un seul de leurs drapeaux. Oui, ce serait une grande erreur de croire le christianisme épuisé. Une simple lecture de l'Apocalypse laisse entrevoir, à la fin, à travers ses figures cependant si mystérieuses et si étonnantes, des siècles de prospérité morale. Ils sont dépeints en peu de paroles, car l'histoire des temps de paix est courte, mais ces paroles sont significatives. - Je demande pardon pour cette digression, qui ne s'écarte que très-peu de notre sujet : elle en fait même partie; ces réflexions nous feront mieux comprendre comment la vie monastique a pris naissance à côté de la vie commune. Car la vie ascétique et contemplative est la vie parfaite; et ce genre de vie sera toujours protégé dans l'Eglise. Elle sera toujours assez féconde pour enfanter des âmes toutes spirituelles et dominant les vanités du siècle. Quand les mœurs communes des Chrétiens dégénérées se furent tout à fait corrompues, les âmes d'élite dont nous parlons ont dû prendre le parti, ne pouvant rendre le monde semblable à elles, de le laisser aller de son côté et de marcher du leur, par un chemin plus caché, à la suite de Jésus-Christ portant sa croix. Les unes ont pratiqué cette vie pure et méditative dans le monde, mais comme n'usant pas du monde ainsi que parle saint Paul; les autres ne se croyant pas en sûreté, ou ayant plus de facilité de se retirer, l'ont fait courageusement, et sont allées peupler les déserts (déserts pour le monde, mais vraie terre promise depuis qu'ils furent peuplés par les anges de la terre), attirant les regards complaisants du ciel.

Il s'est élevé une controverse à laquelle plusieurs savants ont pris part. C'était de savoir si les thérapeutes, dont l'origine est essénienne, n'ont pas été des Juifs convertis au christianisme. S'il en était ainsi, nous devrions les considérer comme les oremiers

DICTIONN. D'Ascétisme. I.

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contemplatifs de l'ère chrétienne menant une vie distinguée de la vie commune. Nous n'entrerons pas dans cette controverse. Seulement, nous avouons qu'il nous paraît que le sentiment le mieux établi est celui qu'ont soutenu le Père de Montfaucon et le Père Hélyot, savoir que réellement les thérapeutes étaient convertis au christianisme, et que c'est vraisemblablement avec ces âmes si bien prédisposées que saint Marc a réussi à fonder une Eglise si florissante à Alexandrie, dans laquelle apparaissent, dès ce temps, des Chrétiens menant la vie ascétique.

« On demeurera aisément d'accord, dit le Père Hélyot, qu'il y a eu une succession de moines depuis les thérapeutes jusqu'à saint Antoine, si en quittant toute prévention, l'on veut reconnaître pour disciples des thérapeutes les ascètes, qui se renfermaient aussi dans des solitudes où ils gardaient la continence et mortifiaient leur corps par des abstinences et des jeunes extraordinaires, portant continuellement le cilice, dormant sur la terre, lisant l'Ecriture sainte, et priant sans cesse; et on doit les comprendre dans l'état monastique, puisque, comme remarque le cardinal Bellarmin, les Grecs ont donné plusieurs noms à ceux qui l'ont embrassé : de thérapeutes, pour les raisons que nous avons déjà dites; d'ascètes, c'est-à-dire athlètes ou exercitants, parce que le devoir d'un moine est un exercice continuel; et c'est le nom dont se sert saint Basile, appelant Ascétiques son traité de l'institution des moines. On les nomma aussi suppliants, parce que leur principale occupation était la prière et l'oraison. Saint Chrysostome et quelques autres les ont appelés philosophes. Enfin le nom le plus commun et que les Latins ont retenu est celui de moine qui signifie proprement solitaire ou ermite que saint Augustin prétend devoir aussi appartenir aux cénobites, comme en effet il leur est resté. On a encore ajouté à tous ces noms celui de religieux, qu'on donne indifféremment à tous ceux qui se consacrent à Dieu par la solennité des vœux. Quelques-uns disent qu'avant Salvien de Marseille, qui vivait dans le v siècle, il n'était pas en usage. Il paraît néanmoins, par un des canons du quatrième concile de Carthage et par la traduction de la Règle de saint Basile par Ruffin, que, dans le iv siècle, l'on donnait déjà ce nom aux personnes qui se consacraient à Dieu. »

<< Saint Palémon, avec qui saint Pacôme se retira vers l'an 314, était un anachorète fort agé, et néanmoins instruit par d'autres dans les pratiques de la vie solitaire. Nous trouvons au siècle saint Denis, Pape, qui, d'anachorète qu'il était, ayant été fait prêtre de l'Eglise romaine, fut élu l'an 259 pour la gouverner. Si nous remontons au siècle, nous trouvons saint Télesphore, qui, ayant été aussi anachorète, fut élevé au souverain pontificat l'an 128. L'hérétique Marcion, selon ce que nous apprend saint Epiphane, se sépara de l'Eglise vers le milieu de ce siècle, après avoir fait profession de la vie monastique. Enfin, dans le 1 siècle, nous trouvons, comme on vient de le dire, les thérapeutes, que le P. Papebroch ne veut pas néanmoins reconnaître pour moines; mais il ne fait pas difficulté de reconnaître pour tels les autres disciples des apôtres dont parle Philon, qui, selon cet auteur Juif, étaient répandus chez les Grecs et les barbares : Alios vero (dit ce savant Jésuite) quos in aliis regionibus inter Græcos et Barbaros indicat Philo, aliorum quoque apostolorum vel apostolicorum virorum fuisse discipulos, nequaquam ambigo, et veros omnino monachos (licet hoc nomen necdum usurparetur) id est solitarios agnosco. Et l'on peut croire aisément que, pendant les persécutions, il y a eu des communautés qui, à la vérité n'étaient pas si nombreuses qu'elles l'ont été, lorsque l'Eglise fut en paix ; en effet l'Angleterre et l'Irlande possédaient des monastères même sous la persécution. >> << Au reste, les noms de thérapeutes, d'ascètes, de moines, de solitaires et d'ermites ayant été donnés indifféremment à tous ceux qui ont fait profession de la vie monastique, on doit reconnaître une succession de moines sans interruption depuis saint Marc jusqu'à saint Antoine; presque tous les historiens, et M. de Tillemont même demeurent d'accord qu'il y a toujours eu des ascètes dans l'Eglise. On doit reconnaître leurs laures pour de véritables monastères, quand bien même ils n'auraient été que de huit ou de dix religieux au plus, puisque l'essentiel de la vie cénobitique n'est pas de demeurer quatre ou cinq cents ensemble, mais seulement plusieurs, et que le nombre de huit ou dix, et même un moindre nombre, est suffisant pour cela, Car il n'y a personne qui dise que les Capu

cins soient des solitaires, et leur qualité de mendiants n'empêche pas qu'ils ne soient véritablement cénobites. »>

« J'avoue, continue le P. Hélyot, que, quoique ces monastères des trois premiers siècles fussent de véritables monastères, ils n'étaient pas néanmoins aussi parfaits qu'ils l'ont été au temps de saint Antoine, et encore davantage au temps de saint Basile, qui a donné la dernière perfection à l'état monastique : c'est pourquoi on peut les appeler de simples monastères pour les distinguer de ceux-ci; et je crois que le P. Papebroch voudra bien me passer cette distinction de simples monastères et de parfaits, puisque, nonobstant qu'il dise que les disciples des apôtres, dont nous venons de parler, fussent de véritables moines, il ne laisse pas de dire aussi qu'ils étaient de simples moines, qu'il compare aux ermites de ce temps-ci, pour les distinguer de ceux du ive siècle, engagés par des vœux; et comme il se voit à présent des communautés considérables d'ermites de dix, de vingt, de trente, et même de plus grand nombre, qui sont de véritables communautés, on peut les comparer à celles des premiers siècles, où l'on vivait sans doute avec plus de subordination que dans la plupart de celles-ci qui sont néanmoins gouvernées par un supérieur. »

. Dans ce grand nombre de solitaires qui ont peuplé les déserts, il s'est formé deux espèces de moines, dont ceux qui ont vécu en commun ont été appelés cénobiles, et ceux qui se sont retirés dans une solitude plus étroite, après avoir vécu longtemps en communauté, et y avoir appris à vaincre leurs passions, retinrent le nom d'anachorètes. »

Il y avait aussi les rhémobotes ou sarabaïtes, dépeints par saint Jérôme et Cassien (3), moines voyageurs qui n'étaient pas toujours dignes de leur profession.

Cassien les préfère aux cénobites, comme étant plus avancés dans la perfection, et saint Jérôme (4) a d'abord cru que cet état était le comble de la perfection monastique. Mais ce Père changea ensuite d'avis. L'expérience l'a mieux éclairé, et lui a fait voir que la vie cénobitique, ou en commun, était celle qu'on devait suivre le plus sûrement, comme la moins exposée aux tentations.

Saint Basile, qui en a fait l'éloge, en a fait connaître les avantages. Il dit que Dieu ayant voulu que nous eussions besoin les uns des autres, nous devons, par cette considération, nous unir tous les uns aux autres; que les avantages que nous possédons sont inutiles dans une vie absolument solitaire; qu'elle ne se propose qu'un seu! but qui est la commodité de celui qui l'embrasse, ce qui est visiblement contraire à la charité que l'Apôtre a si parfaitement accomplie, et qui consiste à ne chercher point ce qui nous est avantageux en particulier, mais ce qui est avantageux à plusieurs pour être sauvés; que les solitaires ne reconnaissent pas facilement leurs défauts, n'ayant personne qui les reprenne et les corrige, et qu'on leur peut attribuer ces paroles du Sage Malheur à celui qui est seul! parce que lorsqu'il tombe, il n'a personne pour le relever; qu'un grand péril qui est à craindre dans la vie solitaire est celui de la complaisance, dont il est très-difficile de se garantir dans cet état; car un solitaire n'ayant personne qui puisse juger de ses actions, s'imaginera être arrivé au comble de la perfection; mais qu'au contraire, la vie cénobitique a cet avantage que la correction y étant faite, même par un ennemi, est souvent une occasion à ceux qui jugent sainement des choses, de désirer le remède de leurs maux; qu'elle est une carrière où l'on s'applique aux combats spirituels, un chemin facile pour s'avancer dans la piété, un continuel exercice, une perpétuelle mé. ditation des commandements de Dieu; et enfin que ce genre de vie est conforme à celui des premiers chrétiens qui étaient tous unis ensemble, et qui n'avaient rien qui ne fût commun entre eux. »>

Du reste, en relevant le mérite de la vie cénobitique, il faut bien se garder de condamDer la vie érémitique ou solitaire, qui a donné de grands saints à l'Eglise

Il y avait autrefois des reclus qui étaient enfermés très-étroitement. Le concile in Trullo Jeur ordonna de n'embrasser ce genre de vie qu'après avoir commencé, dans le monastère, à vivre séparés comme des anachorètes, et après avoir persévéré dans cet état pendant

(3) Cass., coll. 48.

(4) Epist. ad Eust

trois ans, outre une année d'épreuve qu'ils devaient faire encore hors du monastère, après quoi ils pouvaient être enfermés; mais il ne leur était pas permis de sortir du lieu. de leur réclusion, à moins que ce ne fût pour quelque cause qui regardât le bien public, ou qu'il n'y eût péril de mort pour eux. Alors ils en pouvaient sortir avec la bénédiction de l'évêque; et si quelques-uns de ces reclus en sortaient autrement, le même concile ordonna qu'ils seraient enfermés, malgré eux, dans le même lieu, et qu'on leur imposerait des jeunes et des mortifications. Le concile de Francfort n'en voulut point souffrir, à moins que les évêques et les abbés ne les renfermassent eux-mêmes. >>

<< Il n'y a pas lieu de douter que saint Antoine n'ait établi de véritables monastères parfaits et réglés, où l'on vivait en commun; puisque, comme dit saint Athanase, les monastères qu'il établit étaient remplis de solitaires qui passaient leur vie à chanter, à étudier, ¦ à jeûner, à prier, à se réjouir, dans l'espérance des biens à venir; à travailler, pour pouvoir donner l'aumône, conservant entre eux l'union et la charité, mangeant aussi en commun, comme nous le pouvons juger par la complaisance de saint Antoine qui, aimant à manger seul, ne laissait pas souvent de manger avec ses frères, lorsqu'ils l'en priaient, afin de pouvoir, avec plus de liberté, leur tenir des discours utiles. >>

PROGRÈS DE LA VIE MONASTIQUE

DANS LES SIX PREMIERS SIÈCLES DE L'église.

<< Comme la Vie de saint Posthume, qui se trouve parmi celles des Pères du désert, est regardée par de savants critiques comme fausse et supposée, je ne m'arrête pas à ce que dit l'auteur de cette Vie, que saint Macaire avait le soin et la conduite de cinquante mille moines que saint Antoine lui avait laissés en mourant. Je veux même croire qu'il s'est glissé quelque erreur dans le texte de la préface que saint Jérôme a mise à la tête de la Règle de Saint-Pacôme qu'il a traduite, où il dit que les disciples de ce saint s'assemblaient, tous les ans, à pareil nombre, pour célébrer les fêtes de la Passion, et de la Résurrection de Notre-Seigneur; et il se peut faire que Pallade ne se soit point trompé, lorsqu'il n'a mis que sept mille moines de cet ordre. Mais au moins faut-il avouer qu'après la mort de saint Antoine et de saint Pacôme, le nombre des moines et des solitaires était infini, puisque Rufin qui fit le voyage d'Orient en 373, c'est-à-dire environ dix-sept ans après la mort de saint Antoine, nous assure, comme témoin oculaire, qu'il y avait presque autant de moines dans les déserts que d'habitants dans les villes; que dans celle d'Oxirinque il y avait plus de monastères que de maisons; qu'à toutes les heures du jour et de la nuit on y faisait retentir les louanges de Dieu, et qu'il avait appris de l'évêque de ce lieu qu'il y avait vingt mille vierges consacrées à Dieu et dix mille religieux; il assure avoir encore vu le prêtre Sérapion, Père de plusieurs monastères et supérieur d'environ dix mille religieux; mais il est bon de faire connaître quels étaient les illustres capitaines, qui conduisirent dans le désert et dans les villes tant de saintes colonies, après que la paix eut été rendue à l'Eglise. Nous avons déjà dit que saint Antoine établit les premiers monastères réglés ét parfaits dans la basse Thébaïde; saint Amon, sur le mont de Nitrie, et saint Pacôme, dans la haute Thébaïde. Le désert de Scété fut aussi fort célèbre par la multitude des saints qui y ont demeuré, et qui suivirent saint Macaire l'Egyptien comme leur chef. Saint Hilarion, qui avait été, de même que saint Macaire, disciple de saint Antoine, se retira dans la Palestine, où ses miracles continuels et l'éclat de ses vertus firent qu'en peu de temps un grand nombre de personnes se rangea sous sa conduite. La Syrie a eu l'avantage d'être habitée par de saints religieux, sous la conduite d'Aonès, qui donnèrent aux habitants qui étaient idolâtres la connaissance du vrai Dieu. Elle a encore produit un illustre écrivain qui nous a appris les vies admirables de ces saints solitaires, et leurs principaux exercices, qu'il avait lui-même pratiqués dans un monastère dont il fut tiré malgré lui, pour monter sur le siége épiscopal de Tyr. C'est le savant Théodoret qui, quoique élevé à cette dignité, ne diminua rien de ces saintes pratiques. La montagne de Sinaï, si célèbre par la demeure de saint Jean Climaque et de saint Nil, fut aussi habitée par de saints moines, dès le ive siècle; de même que la Perse, où plusieurs solitaires suivant les traces de sang des autres Chrétiens qui le répandaient généreusement pour la foi de Jésus-Christ, couraient avec la même générosité au martyre. Saint Grégoire, apôtre

d'Arménie, introduisit aussi la vie monastique dans ce pays-là. Enfin il n'y eut presque point de province en Orient où elle ne fût établie.

« Mais son plus grand accroissement fut lorsque saint Basile l'eut introduite dans le Pont et la Cappadoce, vers l'an 363; qu'il l'eut réduite à un état certain et uniforme; qu'il eut réuni les solitaires et les cénobites ensemble; qu'il lui eut donné sa dernière perfection en obligeant ses religieux à s'y engager par des voeux solennels; et qu'il leur eut écrit des règles qui furent trouvées si saintes et si salutaires, comme n'étant qu'un abrégé de la morale de l'Evangile, que, dans la suite, la plus grande partie des disciples de saint Antoine, de saint Pacôme, de saint Macaire et des autres anciens Pères des déserts, s'y sont soumis, ce qui lui a fait donner le nom de patriarche des moines d'Orient; car il y a plusieurs siècles que sa règle a prévalu sur toutes les autres en Orient; et quoique les maronites, les arméniens en partie, les jacobites, les coptes et les nestoriens se disent de l'ordre de Saint-Antoine, ils ne suivent néanmoins ni la règle que nous avons dans le Code des règles sous le nom de Saint-Antoine, ni aucune des anciennes règles des Pères d'Orient, et ils n'ont seulement que certaines pratiques pour les monastères de chaque secte. Mais généralement tous les grecs, les nestoriens, les melchites, les géorgiens, les mingreliens et la plus grande partie des arméniens suivent la règle de Saint-Basile.

« La profession monastique ne fit pas de moindres progrès en Occident, où les troubles excités dans l'Eglise par la fureur des ariens la firent passer d'Orient; car saint Athanase, évêque d'Alexandrie, s'étant retiré à Rome vers l'an 339 avec plusieurs prêtres et deux moines d'Egypte, il fit connaître aux personnes de piété la vie de saint Antoine qui demeurait alors dans son désert de la Thébaïde, et il y eut plusieurs personnes qui voulurent embrasser une profession si sainte. L'on bâtit à cet effet des monastères à Rome, ce qui servit comme de modèle pour tout le reste de l'Italie. >>

Saint Benoît y parut à la fin du ve siècle. Quelques-uns ont prétendu qu'il n'écrivit point sa règle dans le désert de Subiaco; d'autres ont cru qu'elle ne fut publiée par l'abbé Simplicius que l'an 586, et que saint Benoît ne l'avait faite que pour les moines du mont Cassin. Mais depuis que dom Thierry Ruinart, religieux Bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, dans sa savante Dissertation sur la mission de saint Maur en France, imprimée à Paris en 1702, depuis que dom Jean Mabillon, de la même congrégation dans les Annales de l'ordre de Saint-Benoit, ont prouvé que saint Maur y avait été envoyé par saint Benoît, avec quatre de ses disciples, l'an 543, et qu'ils y apportèrent avec eux la Règle de ce saint patriarche des moines d'Occident, écrite de sa main, avec un poids et un vase, pour mieux observer ce qu'elle prescrit de la quantité du pain et du vin dans le repas, il n'y a point de doute que saint Benoît ne l'eut publiée de son vivant, et que ce n'était pas pour le seul monastère du mont Cassin qu'il l'avait faite, quoique les preuves convaincantes de ces savants Bénédictins n'aient pas satisfait ceux qui avaient combattu cette mission et qu'ils n'aient regardé ces preuves convaincantes que comme des préjugés et des conjectures. Cette règle fut trouvée si sainte qu'elle fut universellement reçue en Occident, ce qui fit donner à ce saint fondateur le nom de Patriarche des moines d'Occident.» (HÉLYOT.)

La France, avant même l'établissement de sa monarchie, n'a pas été privée de la gloire d'avoir produit plusieurs communautés religieuses. Dès le v siècle, saint Martin qui s'était retiré dans la petite ile Gallinaire, à la côte de Ligurie près d'Albengue, ayant appris le retour de saint Hilaire, évêqne de Poitiers, dans sa ville épiscopale après son exil, le vint trouver et bâtit auprès de cette ville le monastère de Ligugé. Ce saint, ayant été élevé dans la suite sur le siége épiscopal de Tours, bâtit un autre monastère à une lieue de cette ville, qui, après sa mort, fut appelé Marmoutier, en latin, Majus monasterium, à causo qu'il était plus grand et plus spacieux que celui qui fut construit dans la même ville, sur le tombeau de ce saint, et que tous les autres qu'il avait aussi fondés dans la province. Saint Maxime, l'un de ses disciples, voulant vivre dans un lieu où il fût inconnu, se retira dans le monastère de l'île Barbe, proche de Lyon. Quelques-uns prétendent que c'est la première communauté de moines qui se soit formée dans les Gaules: certain auteur fait même remonter la fondation de cette abbaye vers le milieu du siècle,

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