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de Vitry (vers 1240), se font une violence incroyable au milieu d'une dégoûtante corruption et des plus nauséabondes odeurs; ils souffrent pour l'amour de Jésus-Christ une pénitence à nulle autre pareille. On pourrait la comparer aux tourments des saints martyrs. » Quant aux Trinitaires (23), on peut considérer comme leur fondateur le Pontife Innocent III, qui, après avoir interprété un songe qu'avaient eu en même temps Jean de Matha, théologien de Paris, et Félix de Valois, dirigea leurs pensées vers la rédemption des Chrétiens pris par les Sarrasins, traça les règles de l'ordre (ordo de Redemptione captivorum), et lui donna la dénomination d'ordre des Trinitaires. Leur vêtement était blanc, avec une croix rouge et bleue. La France les accueillit avec faveur, leur fournit de fortes sommes d'argent et un grand nombre de membres dont plusieurs fort savants. En 1200, on vit arriver du Maroc une première troupe de 200 Chrétiens rachetés, qui regagnèrent leurs foyers depuis si longtemps désirés. Les membres de l'ordre, appelés aussi Mathurins, du nom de leur première église à Paris, s'étendirent avec rapidité dans la France méridionale, et y fondèrent des établissements pour les femmes. Cerfroy devint la résidence du général (minister generalis). L'ordre pénétra en Espagne, où les guerres continuelles avec les Maures lui offrirent l'occasion de rendre des services éminents. Grâce à un Français de distinction, Pierre de Nolasque, et à Raymond de Pennafort, les Trinitaires obtinrent en 1218, une constitution particulière et furent placés sous la protection spéciale de la sainte Vierge (ordo B. Mariæ de Mercede). Les Pères de la Merci devaient vouer non-seulement leur fortune, mais aussi leur vie au rachat des esclaves. Grégoire IX confirma un ordre qu'animait d'une façon si admirable l'esprit de dévouement.

Les Humiliés (24) formèrent comme un degré intermédiaire entre le monde et le cl tre. Ce furent d'abord quelques pieuses personnes qui se réunirent pour prier en commun, telles par exemple qu'un petit nombre de familles chassées de Milan au x1° siècle par Henri 11. Les Humiliés se composaient généralement d'ouvriers; car ils avaient pour principe de vivre du travail de leurs mains, ils s'occupaient surtout de préparer les laines et de fabriquer du drap. Chaque membre travaillait, non pour lui-même, mais pour la communauté, qui pourvoyait à tous ses besoins. On compensait ainsi le travail plus faible des valétudinaires et des vieillards par celui de la jeunesse et de l'âge mûr, et l'on évitait le mécontentement et les soucis. Plus tard, des moines et des prêtres se joignirent à cette as sociation. Innocent III modifia pour elle la règle de Saint-Benoît. Grégoire IX adoucit la rudesse des travaux à cause des jeûnes rigoureux observés par les Humiliés, qui obtinrent un grand maître en 1245. L'activité et la pureté de mœurs qui les distinguaient leur attirèrent le respect général, et quelquefois la voix publique les porta à des fonctions éminentes. Néanmoins, dans la suite, l'ordre s'étant laissé envahir par des préoccupations mondaines, Pie V le supprima en 1571.

Vers ce même temps apparaissent les ordres militaires.

Au rapport de Tacite, la cavalerie formait déjà chez les Germains le principal corps d'armée. Sous le régime féodal, et surtout sous les Carlovingiens, les grands propriétaires qui servaient à cheval, formèrent une classe à part et distincte des bourgeois. L'Eglise eut besoin de toutes ses forces pour mettre des bornes aux duels des chevaliers et à la barbarie de leurs tournois; elle parvint par les croisades à donner à la chevalerie une direction plus noble et plus bienfaisante. Désormais, pour être admis dans ses rangs, il fallut faire preuve d'une parfaite connaissance de l'usage des armes et d'une conduite chrétienne. En effet, à partir de la première croisade, ceux qui s'étaient acquis une incontestable réputation de valeur, et ne s'étaient rendus coupables d'aucun acte déshonorant jusqu'à l'âge viril, prirent un rang supérieur dans leur propre classe (milites equites), el subirent une sorte d'initiation précédée d'un serment public et solennel. Dès lors les chevaners furent entourés d'une considération d'autant plus grande qu'on attribua à leur

(23) BONAVENTURA BARO, Ann. ordin. S. Trin.; Rom. 1684; Regula, dans HOLSTEN., t. I, p. 3 sq. f.f. HELIOT, t. II; HURTER, t. IV, p. 213.

(24) TIRABOSCHI, Vetera Humiliator, monumenta ; Mediol., 1766 sq., 3 vol. in-4°; HURTER, t. IV, p.

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prudence, non moins qu'à leur audace, l'heureux succès de la croisade. Ce noble exemple éveilla, dans ceux qui n'avaient point pris part à l'entreprise, un héroïque désir de se signaler par des prouesses analogues, et créa ces brillantes assemblées de la chevalerie qui fournirent un si vaste champ à l'imagination et à la poésie. L'Occident s'élança dans une carrière nouvelle, comme autrefois la Grèce aux jeux de Némée et de Corinthe. Puis, quand l'enthousiasme religieux, nourri par les Croisades, fut éteint, et que les femmes et les jeunes filles prirent la place dans les tournois, un élan nouveau, mais factice, poussa le chevalier à veiller sur les grandes routes et à protéger le laboureur pour plaire à sa dame, mais priva l'institution elle-même de sa véritable dignité. Ainsi tomba peu à peu la chevalerie, et l'on vit reparaître les farouches combats des temps primitifs. Les ordres militaires combinent, dans leur organisation, l'existence du religieux et celle du guerrier. La pensée mère du premier est de renoncer à sa propre volonté, soit en s'élevant par la contemplation jusqu'aux choses éternelles, soit en se modelant sur l'amour divin par la consécration de sa vie au service du prochain. Les ordres militaires naquirent de cette dernière idée, et ajoutèrent aux trois vœux monastiques celui de combattre les infidèles. Le régime féodal étant fondé sur la possession du fief par le fils aîné, les cadets purent trouver dans le nouvel ordre une position convenable, assortie à leur rang et sanctifiée par la religion.

Au temps où florissait le califat du Caire, plusieurs marchands d'Amalfi bâtirent une église à Jérusalem et la placèrent sous l'invocation de la sainte Vierge (1048). Peu à peu ils y joignirent un premier hôpital, puis un second pour les pèlerins. Ceux qui y faisaient le service sous Gérard prirent le nom de Frères hospitaliers de Saint-Jean-Baptiste (1099). Son successeur, Raimond du Puy, ajouta aux premiers devoirs d'offrir l'hospitalité et de soigner les malades, celui de combattre les infidèles (1118). Plus tard on établit de nouvelles divisions: il y eut des prêtres, des chevaliers et des frères servants, gouvernés par un grand maître, des commandeurs et des chapitres de chevaliers. Innocent II sanctionna cette organisation et permit aux Hospitaliers de porter une croix blanche sur la poitrine avec une croix rouge sur leur étendard (25). Les chevaliers de Saint-Jean conservèrent toujours une réputation digne de leur vocation: accablés par les Sarrasins, ils se retirèrent à Rhodes en 1310, et enfin à Malte en 1530.

Au moment où les Hospitaliers se chargeaient ainsi de combatre les mécréants, neuf chevaliers, sous la conduite de Hugues des Payens (magister militiæ) ajoutaient à leur vœu ordinaire ceux de religion, et le roi Baudouin II leur donna son palais pour habitation. Il était situé sur l'emplacement de l'ancien temple de Salomon, qui donna à la nouvelle milice sacrée le nom de Templiers, pauperes commilitones Christi templique Salomonis. Cependant le nouvel ordre allait mourir en naissant, quand quelques-uns de ses membres se rendirent en France pour s'y présenter au concile de Troyes (1127) et lui demander une règle. Grâce à l'intervention de saint Bernard, Honorius II leur assigna pour fonction de défendre les pèlerins contre les brigands qui infestaient les routes. Leur vêtement fut d'une grande simplicité : un manteau blanc avec une croix rouge (26). Les Templiers, puissamment soutenus par l'Occident, rendirent les plus grands services à la chrétienté contre les Turcs et les Sarrasins. Lorsque Ptolémaïs fut arrachée aux Chrétiens, ils s'établirent dans l'ile de Chypre, et, peu de temps après, ils revinrent en Europe, où ils se fixèrent dans les immenses domaines qu'ils avaient acquis comme association générale de la noblesse. Paris devint le centre de l'ordre.

(25) WILLELMUS TYR., lib. 1, 10; XVIII, 4 sq.; Jacob. de ViTRIACO, Hist. Hierosolym., c. 64; Statuta ord. Holsten., t. II, p. 444 sq.; Privilegia, MANSI, t. XXI, p. 780 sq., VERTOT, Hist. des chevaliers hospitaliers de St-Jean; Paris, 1726, 4 vol. in-4°, 1761; 7 vol.; HURTER, t. IV, p. 315; GANGER, Les ordres de chevaleric de Jérusalem ou les Maltais, d'après des documents inédits et authenthiques; Carlsruhe, 1844.

(26) WILLEL. TYR., XII, 7; JAC. DE VITRIACO, c. 65; BERNARDI, Tract. de nov. militia, sive hortatione ad milit. Templi; Regula dans HOLSTEN., t. II, 429, sq.; MANSI, t. XXI, p. 305 sq.; MUNTER, Statuts de l'ordre des Templiers: Berlin, 1794; DUPUY, Hist. des Templiers; Paris, 1650; Brux. 1754, in-4°; D'ESTIVAT, Hist. crit. et apolog. des chevaliers du Temple; Paris, 1789, 2 vol. in-4°; HELVOT, t. VI; WILCKE, Hist. de Templiers, Leipzig, 1826-35; ADDISON, History of the kneight Templars; Lond., 1811.

DICTIONN. D'ASCÉTISME. 1

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Les frères Hospitaliers offraient leurs soins aux pèlerins de toutes les nations, mais il leur était souvent impossible de se faire comprendre par les Allemands. Cette circonstance donna l'idée d'un hospice germanique (1128), qui fut soumis à l'inspection du grand maître de Saint-Jean de Jérusalem. Mais comme, malgré cette amélioration, les pèlerins allemands furent négligés pendant le siége d'Accon, les bourgeois de Brême et de Lubeck formèrent, dans la ville sainte, un nouvel établissement national auquel se joignit bientôt le premier. Telle fut l'origine de l'ordre Teutonique, placé également sous l'invocation de la sainte Vierge, dont Walpot de Bassen fut le premier chef (1190), et dont le vêtement consistait en un manteau blanc orné d'une croix rouge (27). On ne tarda pas à obtenir la double confirmation de Clément III et de Henri VI. L'ordre compta bientôt deux mille membres, et, lorsqu'avec leur concourt Damiette fut prise en 1219, on leur assigna des terres en Prusse (1226), avec la mission de protéger les chrétiens de ces contrées contre les incursions de leurs voisins idolâtres. Différentes cités durent leur existence à ces chevaliers; de ce nombre sont Marienwerder, Torn, Culm, Rheden, Elbing et Konisberg (1232-55). Après la perte d'Accon, le grand maître résida quelque temps à Venise, d'où il transporta son siége à Marienbourg en 1309. L'ordre des Portes-glaives qui s'était élevé en 1202, en Lithuanie, se réunit trente-cinq ans après à l'ordre Teutonique (28).

Cette époque, si féconde en institutions de tout geure, produisit aussi dans ces ordres mendiants une sorte de chevalerie purement spirituelle, plus héroïque encore que la première, et qui, unique dans l'histoire, accomplit de la manière la plus admirable la plus difficile des missions (29). Une foule de causes contribuèrent à leur établissement : les dangers de la religion menacée au milieu de son triomphe, les besoins du peuple désirant avec ardeur des guides animés d'un esprit apostolique qu'il ne trouvait point dans le clergé séculier, l'audace des Cathares et des Vaudois répandant partout leurs rêveries mystiques, et enfin, l'intervention générale des moines dans l'éducation du peuple el la direction des âmes. Tout se réunissait donc pour amener la formation d'un nouvel ordre qui, supérieur aux sectes, en austérité, en esprit de renoncement et de pénitence, devait par le fait détruire les objections des hérétiques et élever en face d'eux une vraie chevalerie spirituelle. Cette pensée une fois éclose fit naître celle d'étendre la sphère de l'activité monastique, et de combiner les devoirs du moine et du prêtre, à l'exemple de ce qui venait de se passer pour les ordres militaires. Au commencement du xur siècle, deux esprits également éminents s'occupèrent de ce problème. Tous deux eurent, dans la suite, des rapports d'amitié, quoique chacun d'eux résolût la question d'une manière différente (30).

François d'Assise naquit en 1182, au royaume de Naples, d'un riche négociant. Au milieu des plaisirs et des caprices de la jeunesse, François conserva la véritable noblesse de l'âme; il se montrait compatissant et généreux jusqu'à la prodigalité. Une longue maladie, jointe à de terribles angoisses spirituelles, l'arracha à sa vie futile et légère : une caverne solitaire devint son lieu de retraite et de prière. Un jour (1208) il entendit lire

(27) JAC DE VITRIACO, 1066; HENNING, Statuts des orares allemands; Konisberg, 1806; Petri de DuisBURG (vers 1236), Chron. Pruss., sive Hist. Teut. ord.; ed. Hartknoch., Ienæ, 1679, in-4o; Duelli, Hist. ord. equit. Teut.; Vienna, 1727, in-fol.; VOIGT, Histoire de Prusse jusqu'à la chute des ordres allemands; Koenigsb., 1827, 9 vol.

(28) POLL. De Gladiferis, sive fratribus milit. Christi; Erlang, 1806.

(29) Vita S. Francisci, par THOM. DE CELANO, en 1229, puis complétée, en 1246, par LEO ANGELUR et RUFFINUS, surtout BONAVENTURA (BOLLAND., Acta SS., mens. Oct., t. II, p. 635 seq.); Regula dans HOLSTEN, BROKIE t. III; Cf. LUC WADDING, Ann. Minor., 1540, Lugd., 1625, sq., 8 vol. in-fol., 1564; Romæ, 1731, 19 vol. in-fol., ed. Voigt; St FRANÇOIS d'ASSISE, Essai historique; Tubingue, 1840; E. CHAVIN DE MALAN, Hist. de saint François d'Assise (1182-1226), Paris, 1841. Cf. HURTER, t. IV, p. 249-82. Vita S. Dominici par ses successeurs JORDANUS et HUMBERTUS, 5 général (BOLLAND., Acta SS., mens. Aug., t. I, p. 358 sq.); Constitut. Frat. ord. Præd., dans HOLSTEN., t. IV, p. 10 sq.; RIPOLI et BREMOND., Bullar. ord. Præd., 1737, sq., 6 vol. in-fol.; Monachii aliorumque Ann. ord. Præd., Romæ, 1746; LACORDAIRE, Les Ordres religieux et notre temps; Paris, 1839; JOAN, Vie de saint Dominique; HURTER, t. IV, p. 282-312. (30) L'un était environné de tout l'éclat d'un séraphin (François); l'autre marchait dans la sagesse et la sainteté, entouré de la splendeur d'un chérubin (Dominique). › DANTE, Paradis, chant x1, v. 38-40.

le passsage de l'Evangile où Notre-Seigneur envoie ses disciples au milieu des hommes, sans or ni argent, sans bâton ni aliments pour le voyage (Matth. x, 8, 10. ). A ces paroles, le jeune Napolitain se sentit ému d'une immense joie. « Voilà, s'écrie-t-il, l'objet de mes vœux, voilà le vœu auquel mon cœur aspire ! » Malgré ses richesses, il se sentit sur-lechamp dans un véritable dénûment, et conçut le projet d'une association dont les membres seraient destinés à parcourir le monde en prêchant la pénitence comme les apôtres. Mais cette subite conversion lui attira le mépris de ses compatriotes et la malédiction de son propre père. Quelques esprits cependant furent touchés de respect en voyant cette haute sainteté, ce profond mépris du monde, cette humilité sincère, cet amour de Dieu sans parlage, cette rigoureuse imitation de la vie indigente du Sauveur. Bientôt quelques personnes se joignirent à lui pour aspirer à la même perfection. Une longue robe brune surmontée d'un capuchon et une corde pour ceindre les reins devint le simple et noble vêtement des associés. Cependant les recommandations de l'archevêque Guido d'Assise et du cardinal Jean de Saint-Paul permirent à François d'approcher du grand Pontife Innocent III. Qui done, demanda le Pape, vous fournira la subsistance nécessaire? -J'ai mis ma confiance en notre Seigneur Jésus-Christ, répondit le saint; celui qui nous promet la gloire de la vie éternelle ne nous refusera pas la nourriture du corps. -- Allez donc avec Dieu, cher fils, reprit Innocent, et à mesure qu'il vous éclairera, prêchez à tous la pénitence. Si le Seigneur daigne augmenter votre nombre et la grâce en vos cœurs, mandez-le-nous; alors nous vous accorderons avec plus de sécurité de plus grandes faveurs. Il faut se rappeler, en effet, qu'Innocent avait défendu l'établissement de nouveaux ordres. François d'Assise se prosterna pour prêter serment d'obéissance et d'hommage au Saint-Père. Peu après, il envoya ses compagnons dans toutes les directions (1209). « Partez, disait-il au moment de l'adieu, voyagez toujours deux à deux. Louez Dieu dans le silence de vos cœurs jusqu'à la troisième heure; alors seulement vous pourrez parler. Mais que votre prière soit simple, humble et de nature à faire honorer le Seigneur par celui qui vous écoutera. Annoncez partout la paix, mais commencez par la garder dans votre propre âme. Ne vous laissez jamais aller à la haine ni à la colère, ni vous détourner de la route que vous avez choisie, car nous sommes appelés à ramener dans la voie droite ceux qui s'égarent, à guérir les blessés, à redresser les estropiés.... La pauvreté est l'amie, la fiancée du Christ; la pauvreté est la racine de l'arbre, elle est la pierre angulaire, la reine des vertus. Si nos frères la délaissent, nos liens sont brisés; mais s'ils s'y attachent, s'ils en donnent au monde le modèle, le monde se chargera de les nourrir. >>

François passa ensuite en Espagne, acux fois en Syrie et en Egypte. Honorius III ac corda aux Franciscains (Fratres minores) le privilége de prêcher et d'entendre les confessions dans tous les lieux où ils se présenteraieut (1223). Néanmoins l'ordre s'imposa la mission de prêcher plutôt par la pratique que par la parole. Le génie de saint François a inspiré les plus suaves accents de la littérature mystique. L'esprit intérieur anime partout sa règle, personne ne peut l'adopter avant l'âge de 15 ans et sans subir un noviciat d'une année. Des vœux de chasteté, d'obéissance et de pauvreté sont de rigueur; aucun membre n'a le droit de rien posséder, ni dans le présent ni dans l'avenir; les frères doivent, pardessus tout, se garder de l'hypocrisie ou piété étroite; montrer une douce joie dans le Seigneur, une disposition permanente à servir amis et ennemis, innocents et criminels, pauvres et riches; tel doit être le caractère d'un Franciscain. Le saint rédigea une règle pour son élève et amie spirituelle la B. Claire d'Assise (1224), qui avait fondé un ordre. analogue pour les femmes (31) dès l'année (1212) (Ordo sanctæ Clara).

François se vit obligé aussi d'instituer une confrérie dont les membres, vivant dans le monde nouèrent des rapports intimes entre l'ordre de Saint-François et les laïques, et lui assurèrent partout une base large et solide (Tertius ordo de Pœnitentia, Tertiarii, 1221). Le

(31) HOLSTENIUS, BROCKIE, tom. III, p. 54, sq, et pour la règle du tiers-ordre, ibia., page 39, sq.

saint ne savait pas préparer des discours médités et écrits d'avance, comme celui qu'il devait prononcer devant le Pape Alexandre et les cardinaux en 1217; mais ses improvisations respiraient une éloquence incomparable, quand elles s'échappaient toutes brûlantes de son cœur. Rien de plus admirable que le profond sentiment de la nature qui le rapprochait (32) des créatures et attirait à lui les animaux des champs et les oiseaux de l'air, qu'il interpellait comme des frères et des sœurs chéries. Les hymnes de saint François sont d'une grande élévation et doivent être rangées parmi les plus magnifiques productions de la poésie chrétienne (33). Il obtint de nombreuses indulgences du Saint-Siége et de grandes grâces du Ciel pour le petit coin de terre (portiuncula) où s'éleva sa cellule et où il båtit l'église de Sainte-Marie, sanctuaire de prédilection, témoin de ses extases et vrai centre de son ordre. Le bienheureux s'identifia tellement avec les souffrances terrestres du Sauveur, que le Christ lui apparut sous la forme d'un séraphin et imprima sur sa chair les stigmates de la Passion (34), dont les douleurs remplissaient le saint d'une joie toute divine. Etendu nu sur le pavé de l'église, il expira comme un séraphin en chantant son triomphe. «Heureux, s'écriait-il, d'être enfin délivré et de se retrouver dans le sein du Seigneur! (4 oct. 1226.) » Grégoire IX avait canonisé saint François en 1228; Benoît XII établit pour les Franciscains la fête de ses stigmates (Festum stigmatum S. Francisci), qui devint générale sous ses successeurs (17 septembre).

Les Dominicains ne furent pas moins célèbres que les Franciscains. Dominique, leur fondateur, appartenait à la puissante maison de Guzman et reçut le jour à Callaroga (Calahorra) en 1170. Il étudia pendant quatre ans à l'Université de Valence, reçut la prêtrise des mains de l'évêque d'Osma et fut bientôt élevé au rang de chanoine. Le bonheur et le malheur des hommes faisaieut l'objet constant des pensées de Dominique. C'était au temps où Innocent III avait envoyé dans le midi de la France, pour convertir les hérétiques, les moines de Citeaux, qui avaient échoué dans leur mission, parce que, disait Diégo, l'évêque d'Osma, ils s'étaient montrés dans l'appareil de la religion triomphante, au lieu de déposer toute pompe extérieure, de voyager à pied et de confirmer leurs prédications par l'exemple d'une vie mortifiée. Peu à peu les missionnaires, qui avaient vainement arrosé de leurs sueurs cette terre désolée, finirent par l'abandonner; Dominique seul persistait encore. Dix ans se passèrent pour lui dans cette œuvre ingrate, et sa parole pacifique, ses prières, sa patience inaltérable, formaient un contraste consolant avec la croisade sanglante, récemment commencée contre les Albigeois. Enfin, après avoir mari sa résoJution, Dominique partit pour Rome en 1215 et soumit à Innocent III le projet de doter l'Eglise d'un nouveau moyen de défense, en combinant la vocation du moine avec celle du prêtre séculier. Le Pontife prescrivit la règle de Saint-Augustin, modifiée par celle des Prémontrés, qui permettait encore la propriété. Honorius III, d'après les prédictions de son illustre prédécesseur, donna aux membres de l'ordre le nom de Frères-Prêcheurs (Prædicatores), avec le droit de se livrer partout à la direction des âmes. Les femmes eurent aussi leur part dans le nouvel institut (Sorores de Militia Christi). Le but spécial en était d'assurer le salut des âmes, en annonçant la foi qui seule peut le procurer. La prédication et l'enseignement, principales armes des Dominicains, ne les empêchaient pas de se donner à toutes les œuvres utiles au prochain. On exigeait de l'aspirant une année de noviciat, après laquelle il fallait en consacrer neuf à des études philosophiques et théologiques, pour se préparer à figurer dignement dans les universités et les chaires chrétiennes. Lorsque, plus tard, le moine espagnol rencontra saint François, il voulut fondre les deux ordres en un seul; mais celui-ci lui dit : « Par la grâce de Dieu, les lois, l'austérité, le but même de nos congrégations établissent entre elles de profondes différences, afin que l'une serve

(32) Comme il avait, dit Goerres, éteint en lui le péché, les suites du péché originel avaient aussi complétement disparu en lui. La nature devint son amie; elle obéit à l'énergie de sa volonté : les animaux entrèrent dans des rapports familiers avec lui, comme, suivant les traditions antiques, ils obéissaient à l'homme avant la grande catastrophe. (Le Catholique.)

(33) GOERRES, saint François considéré comme troubadour. Voyez aussi la traduction de ses poésies par Schlosser, et surtout le Lever du soleil. Les cantiques en allem. et italien; Francf.-s.-le-M., 1842. (34) RAYNALDUS ad. an. 1237, n° 60; WADDING., ed. Rom., t. II, p. 459. Cf. GORRES, Myst. chret., t. II, P. 240.

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