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donné, il fut réduit à se soumettre au sultan d'Egypte, à des conditions injurieuses et injustes. Le Musulman le contraignit de promettre par serment, sur les évangiles, qu'il n'enverrait plus jamais ni ambassadeurs, ni lettres au souverain Pontife ni à la cour romaine. Benoit XII, l'ayant appris d'ailleurs, écrivit au roi d'Arménie une lettre où il dit: Un tel serment est contraire à la volonté de Dieu et à la justice, et déroge à votre dignité. D'ailleurs il n'est point volontaire, mais extorqué par la violence de l'ennemi; c'est pourquoi nous vous en déchargeons par l'autorité apostolique, et déclarons que vous n'êtes point tenu de l'observer. La lettre est du premier mai 1338 1.°

2.

Une réflexion à ce sujet ne sera pas inutile. Tout le monde convient que tout serment n'oblige pas toujours: comme si quelqu'un, par emportement ou par contrainte, avait juré de tuer son père, d'incendier la maison du voisin, de trahir la patrie. Dans ce cas, quand il y a doute, le fidèle catholique consulte le pasteur de l'E— glise, à qui a été dit : Tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. L'homme qui n'est pas catholique n'y met pas tant de façon, il se délie lui-même, quand et comme il lui plaît.

Le roi d'Arménie, Léon, fatigué par les incursions des infidèles du voisinage, qui ravageaient continuellement son royaume, envoya deux ambassadeurs au pape Benoit, dont le premier était Daniel, frère Mineur, vicaire de son ordre en Arménie, et natif du pays. Ils demandaient du secours. Le Pape leur répondit: Nous avons appris avec douleur que, dans la grande et la petite Arménie, plusieurs tiennent des erreurs contre la foi; et, si ce rapport était véritable, nous ne pourrions honnêtement secourir les Arméniens. Pour nous éclaircir et satisfaire au devoir de notre conscience, nous avons fait faire une enquête juridique, où plusieurs témoins ont été ouïs, et on nous a représenté les livres dont se servent communément les Arméniens, et ces erreurs ont été prouvées manifestement. C'est ce que porte la lettre du Pape au roi Léon, et il y.. joignit un mémoire des erreurs en question.

Le Pape écrivit aussi au catholique ou patriarche des Arméniens une lettre semblable, où il ajoute: Nous vous prions d'assembler un concile où vous fassiez condamner ces erreurs et ordonner que la pureté de la foi soit enseignée chez vous, telle que l'enseigne l'Eglise romaine. Et, pour déraciner entièrement ces erreurs, on croit qu'il serait utile d'ordonner dans votre concile, que vos prélats et votre clergé eussent les livres des décrets, des décrétales et

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des canons que suit l'Eglise romaine, afin que vous fussiez mieux ́instruits de sa foi et de ses observances. Nous sommes persuadés que si ces erreurs étaient dissipées, les ennemis de la foi ne prévaudraient point contre vous. Enfin, il nous paraîtrait expédient que, par délibération du concile, on nous envoyât des hommes savants et zélés, avec lesquels nous pussions conférer sur ces matières; et, si nous le jugeons à propos, nous vous en enverrions aussi de notre côté1.

Le mémoire contenant les erreurs des Arméniens porte en substance: Notre Saint-Père le pape Benoit XII, et long-temps auparavant Jean XXII, ayant appris qu'en Arménie on enseignait diverses erreurs contre la foi, a fait venir en sa présence plusieurs Arméniens et quelques Latins qui avaient été dans le pays; il leur a fait prêter serment de dire la vérité, aux uns par lui-même, aux autres par le cardinal Bernard de Saint-Cyriaque. On a interrogé par interprète ceux qui ne savaient que l'arménien; on a représenté au Pape quelques livres arméniens dont ils se servent communément, et on les a soigneusement examinés. Or, de cette enquête, rédigée par un notaire apostolique, il résulte que les Arméniens croient et enseignent les propositions suivantes. Le mémoire contient cent dix-sept articles 2.

L'église d'Arménie ayant reçu ces lettres et ce mémoire, les évêques s'assemblèrent en concile, suivant l'intention du Pape, sous la présidence du catholique ou patriarche Mekquitar, et avec l'agrément du roi et des princes. Avec le patriarche, il s'y trouva six archevêques : Basile de Sis, Vartan de Tarse, Etienne d'Anazarbe, Marc de Césarée en Cappadoce, Basile d'Icône et Siméon de Sébaste ; quinze évêques ayant des évêchés, quatre qui n'en avaient point, trois qui étaient de la cour du patriarche; cinq docteurs, dont le premier est Daniel, frère Mineur de Sis; dix abbés de monastères et plusieurs prêtres. Le concile examina successivement tous les articles du mémoire, et y répond avec une précision et en même temps une candeur qui font plaisir. Au temps de Fleury, on ne connaissait point ce concile : les actes en ont été retrouvés depuis et publiés par Martène, ainsi que par Mansi 3.

Le premier article du mémoire porte : Les anciens docteurs de l'Arménie enseignaient que le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père; mais depuis six cent douze ans, les docteurs et les prélats

4

Raynald, 1341, n. 45-47.

2 Ibid., n. 48 et seqq. 3 Martène. Collectio amplissima Veter. Script., t. 7, col. 310-413. Mansi. Concil., t. 25, col. 1185–

de la grande Arménie ont abandonné et même condamné cetté ancienne doctrine, en sorte que nul n'ose plus la professer, sinon ceux qui sont unis à l'Eglise romaine; enfin, lorsqu'il est dit dans leurs écrits que le Saint-Esprit procède du Fils, ils ne l'entendent que de sa procession temporelle pour sanctifier la créature, et non de sa procession éternelle par laquelle il procède éternellement et personnellement du Père et du Fils.

Le concile répond sur le premier point: Il est vrai, quoique nous ayons peu d'anciens écrits sur cette matière, on y trouve toutefois en quelques passages que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, comme dans l'oraison de la Pentecôte, que chaque année toute l'église d'Arménie récite en commun, et où elle dit à l'Esprit saint: Seigneur! vous qui êtes le Seigneur des vertus et le Dieu véritable, la source de lumière, procédant en vous-même d'une manière inscrutable du Père et du Fils, Esprit-Saint qui opérez les merveilles. Saint Cyrille dit également: Il est nécessaire de confesser que l'Esprit est de l'essence du Fils; car, comme il est de lui selon l'essence, il est envoyé par lui aux créatures pour les renouveler. Quant au second point, d'avoir abandonné ou même condamné cette doctrine, le concile répond qu'il n'en est rien, vu, entre autres, que l'Arménie tout entière n'a cessé et ne cesse de dire tous les ans la susdite, oraison de la Pentecôte. De plus, quand l'Eglise romaine eut défini que le Saint-Esprit procède du Fils: comme du Père, quoique les Grecs y fussent opposés, les docteurs des Arméniens ont reçu cette définition en concile, comme cela se trouve chez nous dans les histoires conservées en la grande Arménie; mais nous n'avons pas retenu au juste le nom du Pape qui enyoya la formule. Quant à la petite Arménie, au temps du grand roi Hécon et du catholique Constantin, le pape Grégoire envoya un légat et ordonna par sa lettre de dire et de confesser que le SaintEsprit procède du Fils comme du Père: le roi et le patriarche le reçurent en concile, le confirmèrent et l'envoyèrent à ceux de l'Orient, qui le reçurent et y acquiescèrent de même. Mais depuis notre réunion avec l'Eglise romaine, cela devint plus exprès et plus répandu, au temps du roi Esyn et du catholique Constantin. Quant au troisième point, il n'est pas vrai; car, lorsqu'on trouve dans nos livres que le Saint-Esprit procède et du Père et du Fils, ou de l'un des deux, sans qu'il soit question de sa mission vers les créatures, nous l'entendons de la procession éternelle, comme dans l'oraison plus haut; mais quand l'Esprit saint est envoyé par le Fils vers les créatures, pour les renouveler et les sanctifier, nous l'entendons de la procession temporelle.

Sur l'article six, touchant l'état des enfants morts sans baptême, le concile répond: L'église des Arméniens ne met point de différence entre les enfants non-baptisés, qu'ils soient nés de chrétiens ou d'infidèles; mais, suivant la parole du Seigneur, ils les excluent uniformément du paradis céleste; et, quoiqu'ils n'aient pas la gloire, i ne doivent avoir de peine sensible, comme dit Saulius, ils n'enreront ni dans la peine ni dans le royaume, parce qu'ils n'ont fait ni bien ni mal; quant au lieu où ils vont, nos anciens ne disaient rien de précis, mais en général qu'ils vont où Dieu juge à propos : depuis que nous avons appris de vous qu'ils vont dans le limbe, qui est au-dessus de l'enfer, nous disons comme vous.

Sur l'article huit, si les justes verront l'essence de Dieu, le concile répond: De dire que les justes ne verront pas l'essence de Dieu, c'est contraire à la doctrine de l'Evangile et des apôtres, d'après lesquels l'église d'Arménie croit que nous verrons Dieu de la même manière que le voient les anges. Il est dit en saint Mathieu, que les anges des petits enfants voient sans cesse la face de mon Père qui est dans le ciel. Or, que nous devions voir Dieu comme les anges, saint Paul le dit aux Corinthiens: Maintenant nous voyons par un miroir et comme en énigme; mais alors nous verrons face à face. H dit fâce à face, parce que nous verrons manifestement l'essence de Dieu. L'apôtre caractérise encore cette vision, quand il dit : Maintenant je connais en partie; mais alors je connaîtrai comme je suis connu, c'est-à-dire comme Dieu nous voit et nous connaît maintenant: ainsi nous verrons Dieu suivant la mesure de notre dignité et de notre puissance, mais non autant que Dieu se voit lui-même. Que nous devions voir l'essence de Dieu, saint Jean l'atteste encore par cette parole: Nous savons que, quand il se manifestera, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons comme il est. C'est-à-dire parce que nous verrons son essence sa grandeur, sa gloire, sa sagesse et sa bonté; tout cela, en Dieu, étant Dieu. Cependant nous ne le verrons pas autant qu'il se voit luimême, la science de Dieu étant immense, infinie, incomparable, incompréhensible, incirconscriptible.

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Aussi notre église chante-t-elle dans nos cantiques: Jésus-Christ, notre Dieu, accordez-nous, avec Pierre et les fils de Zébédée, d'être dignes de voir votre divinité. Et encore: Purifiez, Seigneur, les sens de vos serviteurs coupables, et accordez-leur de vous voir et d'entendre cette parole du Père: Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Voyez donc et qu'ici et en beaucoup d'autres endroits, nous demandons à voir l'essence de Dieu. Toutefois, s'il est quelques ignorants, ce que nous ne savons pas, qui disent ou écrivent le contraire,

nous ne les approuvons point, mais nous les réprouvons et les méprisons.

Sur l'article quinze : Que les Arméniens tiennent communément que dans l'autre vie il n'y a pas de purgatoire pour les âmes, le concile répond: Cet article est vrai dans un sens, et non dans un autre. Si quelqu'un entend le nom seul de purgatoire, il est vrai que les Arméniens connaissent ce nom depuis peu; mais si l'on dit que les âmes pécheresses, qui sortent de ce monde avec la foi, l'espérance, la contrition et la confession, mais non toutefois avec la pénitence parfaite, ne souffriront dans l'autre vie aucune peine, dans un lieu ou un temps quelconque, pour les péchés non expiés par la satisfaction, cela est faux. Ceci est manifeste, en ce que les Arméniens, soit pour un ou plusieurs défunts, et aussitôt après leur mort et plus tard, célèbrent par eux-mêmes et font célébrer par d'autres des vigiles, des aumônes et des messes et que, par ces bonnes œuvres, ils demandent à Dieu, pour les défunts, la rémission des péchés, la délivrance des tourments et l'héritage du royaume des cieux : trois points que le concile prouve par l'office public des morts. Il ajoute : Mais depuis que nous sommes venus à la connaissance de la grande, de la sainte et glorieuse Eglise romaine, nous avons reçu et confirmé, comme Elle, l'expression du purgatoire; et, ce que nous avons reçu, nous le prêchons et l'enseignons aux

'autres.

L'article quarante-sept porte: Les Arméniens ne disent pas qu'après les paroles de la consécration, le pain et le vin soient transsubstantiés au vrai corps et au vrai sang de Jésus-Christ, qui est né de la Vierge Marie, a souffert et est ressuscité. Réponse du concile : Ceci est réfuté par le texte du canon de la messe arménienne, qui dit : Ayant le pain et bénissant le vin, il les fait vraiment le corps et le sang de notre Seigneur Jésus-Christ, les changeant par le Saint-Esprit. Par où il est manifeste que l'église d'Arménie entend consacrer et transsubstantier le pain et le vin, par l'opération du Saint-Esprist, au vrai corps et au vrai sang du Christ, qui est né de la Vierge Marie, a été crucifié et enseveli, est ressuscité et monté au ciel, est assis à la droite de Dieu le Père, d'où il viendra pour exercer le jugement. Jésus-Christ dit la même chose: Ceci est mon corps, ceci est mon sang : qui mange mon corps et boit mon sang, habitera en moi-et moi en lui. Donc, quiconque dira, pensera ou prêchera autre chose que ce que dit le Christ, qu'il soit anathème!

L'article continue: Mais ils tiennent que ce sacrement est une image, une similitude, une figure du vrai corps et du vrai sang du Seigneur: il y a certains docteurs d'Arménie qui l'enseignent d'une

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