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DE

L'ÉGLISE CATHOLIQUE.

LIVRE SOIXANTE-DIX-HUITIÈME.

DU CONCILE OECUMÉNIQUE DE VIENNE, 1311, A LA MORT DE L'EMPEREUR HENRI VII, PAPE CLÉMENT V ET DU ROI PHILIPPE LE BEL, 1314.

Grand nombre de saints dans l'Eglise, malgré les troubles de l'Eglise.

DU

Pourquoi Jésus-Christ a-t-il établi son Eglise, son royaume qui n'est pas de ce monde, mais qui pourtant est dans ce monde? qui n'est pas de ce monde par son origine, son autorité, sa fin, mais qui pourtant est dans ce monde, comme le royaume impérissable de l'Eternel et de son Christ? Pourquoi Jésus-Christ a-t-il organisé dans son royaume cette hiérarchie toujours vivante d'apôtres, de prophètes, d'évangélistes, de pasteurs et de docteurs? Saint Paul nous l'a dit : C'est pour la consommation des saints1; c'est pour peupler le ciel d'âmes parfaites; c'est pour commencer en elles, dès le temps, cette vie surnaturelle et divine de la grâce, qui doit se consommer éternellement dans la gloire, par la claire vue de Dieu en lui-même. Voilà pourquoi Dieu a créé le monde et le conserve; voilà pourquoi le Fils de Dieu s'est fait homme; voilà pourquoi l'Eglise, le Pape, les évêques, les prêtres, les sacrements, et l'Esprit saint animant tout cet ensemble, atteignant d'une fin à l'autre avec force et disposant tout avec douceur.

Voilà ce qu'il faut comprendre, si l'on veut comprendre quelque chose à l'histoire de Dieu et de l'homme, à l'histoire universelle de l'Eglise catholique. Ne voir que les événements extérieurs, que les révolutions politiques, c'est ne voir dans les mines d'or ou d'argent

'Ad consummationem sanctorum. Ephes., 4, 12.

TOME XX.

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que les manœuvres, leurs coups de pioche, les galeries souterraines, les ténèbres, le mauvais air, les eaux qui suintent, les décombres sans fin, les creusets, la fournaise, le fracas du marteau et de l'enclume, les accidents innombrables qui peuvent blesser ou même tuer; c'est tout voir, excepté l'or et l'argent qui sortent de tout cela, et auprès de qui tout le reste paraît de la boue. Le monde, le temps, l'Eglise, c'est la mine d'or et d'argent pour le ciel : l'or, l'argent qui sortent de cette mine, ce sont les âmes saintes, auprès de quoi tout le reste est à peine quelque chose; car le bien surnaturel d'un seul individu l'emporte sur le bien naturel de tout l'univers. Nous l'avons appris de saint Thomas. C'est donc cet or pur que le chrétien intelligent doit chercher parmi les décombres des révolutions humaines, comme l'ouvrier cherche le minerai parmi les débris d'une masse de terre ou de roche, que la poudre vient de faire sauter.

A l'époque où nous sommes, tel historien ne voit que les Grecs qui se disputent entre eux, le roi Philippe de France et le pape Boniface VIII qui se querellent, les Templiers qui remplissent le monde de leur procès ; il ne verra ni or ni argent.

Et cependant l'Italie, délaissée de la cour romaine, divisée entre les Gibelins et les Guelfes, sans gouvernement central, l'Italie produisait une foule de saints et de saintes, et dans le cloître et dans le monde. Les obstacles deviennent des moyens pour qui est fidèle à la grâce de Dieu.

A cette époque, rien n'était fertile en saints personnages comme la ville de Sienne et l'ordre des Servites ou Serviteurs de Marie. Vers l'an 1258, naquit à Sienne un enfant dans l'illustre famille de Pélacani; il fut appelé Clermont, mais est plus connu sous le nom de Joachim. A peine eut-il atteint l'âge de raison, qu'on vit en lui les plus heureuses dispositions à la vertu. Il avait une tendre dévotion envers la sainte Vierge; jamais il ne passait devant une de ses images sans lui adresser dévotement la salutation angélique; il pratiquait volontiers des jeûnes et des abstinences pour l'amour de Marie; aussi le favorisa-t-elle de grâces particulières dès sa première enfance. Sa charité pour les pauvres avait aussi quelque chose d'extraordinaire; il se dépouillait de ses propres habits pour les revêtir, et leur distribuait tout ce qu'on lui donnait pour les amusements de son âge cela ne l'empêchait pas de solliciter encore en leur faveur les libéralités de ses parents. Son père lui ayant un jour représenté qu'il devait mettre des bornes à ses aumônes, afin de ne pas réduire sa famille à la mendicité, il lui répondit: Vous m'avez appris que c'était à Jésus-Christ qu'on faisait

l'aumône en la personne des pauvres; pourrait-on lui refuser quelque chose? Quel est l'avantage des richesses, sinon de procurer les moyens d'amasser des trésors dans le ciel ? Le père pleura de joie en voyant de si beaux sentiments dans un âge aussi tendre; il résolut avec sa femme de se donner tout à Dieu, comme leur enfant.

A l'âge de quatorze ans, sur une invitation de la sainte Vierge, il résolut d'entrer dans son ordre des Servites. Ses parents l'ayant su, le supplièrent avec larmes de rester avec eux, menant dans leur maison le genre de vie qui lui plairait. Pour le détourner de son dessein, ils convinrent secrètement avec leurs amis de l'envoyer dans une autre contrée; mais le saint jeune homme l'ayant connu surnaturellement, sortit de nuit de la maison paternelle, entra chez les Servites et y reçut l'habit des mains de saint Philippe Béniti. C'était l'an 1272. Il prit le nom de Joachim, par affection pour la sainte Vierge, sa mère et sa patrone. Sa ferveur fut si grande dès les premiers jours du noviciat, que les plus parfaits le regardaient comme un modèle accompli. Entre autres vertus qui brillaient en lui, on remarquait surtout un esprit de prière, une humilité et un amour de l'abjection dont il y avait peu d'exemples. On voulut l'élever au sacerdoce; mais cette dignité lui paraissait si redoutable, qu'on ne put jamais le déterminer à se laisser ordonner. Toute son ambition se bornait à pouvoir servir la messe, et il lui arriva plus d'une fois, durant le saint sacrifice, d'avoir des ravissements.

Il n'était occupé que du soin de se cacher aux yeux des hommes; mais plus il fuyait l'estime, plus il en acquérait. Se trouvant trop honoré à Sienne, où tout le monde le vénérait comme un saint, il pria son général de l'envoyer à quelque maison éloignée. On lui permit de se retirer dans celle d'Arezzo. La nouvelle de son départ ne se fut pas plus tôt répandue, que les habitants de Sienne demandèrent son rappel. On le rappela donc dans sa patrie, où il mourut le seize avril 1305, à l'âge de quarante-sept ans. Dieu l'honora du don des miracles avant et après sa mort. Le pape Paul V et Urbain VIII permirent aux Servites de rendre un culte public au serviteur de Dieu, d'en célébrer la fête et d'en faire l'office 1.

A Sienne encore naquit, dans le treizième siècle, le bienheureux Antoine Patrizzi, qui fut élevé dans l'innocence par ses parents, qui joignaient la piété à la noblesse. Dès son jeune âge, il fut favorisé des plus précieux dons de Dieu, et, pour les conserver avec plus de soin, il embrassa l'état religieux. Envoyé par ses supérieurs au

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[Livre 78. couvent de Monteciano, il y vécut si saintement, qu'on le regardait comme un modèle de la perfection chrétienne. Le bienheureux Antoine mourut l'an 1311. Le pape Pie VII permit, le premier mars 1804, de rendre un culte public à ce saint religieux, dont la fête se célèbre le vingt-huit mars. De la même famille de Sienne, était François Patrizzi, dont nous avons déjà parlé dans le livre précédent.

Une gloire de l'ordre des Servites fut encore le bienheureux André, issu de la noble famille des Dotti, né à Borgo-di-San-Sepolcro, ville de Toscane, vers l'an 1256. Saint Philippe Béniti prêchant dans cette ville en 1274, prit pour texte d'un de ses sermons ces paroles de l'Evangile : Quiconque ne renonce pas à tout ce qu'il possède, ne peut être mon disciple. Son discours fut si éloquent, qu'André, qui se trouvait au nombre des auditeurs et qui était alors dans sa première jeunesse, en fut vivement touché et forma aussitôt la résolution d'embrasser l'état religieux. Abandonnant donc courageusement sa famille et renonçant au riche patrimoine qu'il possé→ dait, il va se jeter humblement aux pieds du saint prédicateur et se fit admettre dans l'ordre des Servites. André, parvenu au sacerdoce, travailla avec un zèle infatigable à procurer le salut des âmes; mais ayant appris qué l'évêque de Citta di Castello avait donné au couvent de Borgo-di-San-Sepolcro des maisons qui étaient habitées par des solitaires et qui se trouvaient près des Apennins, il sollicita avec instance de ses supérieurs la permission de se retirer dans cette solitude; il y passa plusieurs années, comblé de faveurs et de consolations célestes, et paraissant par sa sainteté plutôt un ange qu'un homme. Aussi se vit-il bientôt forcé de se charger du gouvernement de cet ermitage. Il y avait trouvé des solitaires qui n'appartenaient à aucun institut; ses exhortations et ses manières pleines de douceur les déterminèrent, en 1294, à s'attacher à l'ordre des Servites. Il ne resta pas long-temps parmi eux; les ordres de son général l'obligèrent à quitter sa paisible retraite, pour aller annoncer la parole de Dieu. On avait jugé, et avec raison, qu'une lumière si vive et si pure ne devait pas davantage être laissée sous le boisseau. Ses discours, enflammés par la charité, excitèrent dans un grand nombre d'âmes l'amour des biens éternels. La réputation de sainteté qui le précédait donnait une nouvelle force à ses paroles. L'estime qu'on avait pour sa personne en inspira une plus grande pour l'ordre religieux dont il était membre, et fut cause de la fondation de plusieurs monastères de religieux servites.

'Godescard, 28 avril.

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