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dit: Tout ce que vous avez fait aux moindres des miens, c'est à moi que vous l'avez fait.

Jésus-Christ était sa règle et son modèle, le centre de son esprit et de son cœur, le principe de toutes ses pensées et ses affections. Un jour qu'il demeurait un peu long-temps à Montpellier, sa sainte épouse lui envoya du château de Puy-Michel une domestique, avec une lettre, pour lui demander de ses nouvelles. Il lui répondit: Je me porte bien de corps, et, si vous voulez me voir, cherchez-moi dans la plaie du côté droit de Jésus: c'est là que j'habite, c'est là que vous pourrez me trouver; ne me cherchez point ailleurs.

Outre les jeûnes ordonnés par l'Eglise, il jeûnait tous les vendredis, tout l'avent et aux vigiles de beaucoup d'autres fêtes. Il portait un cilice sous ses vêtements précieux. Souvent il se donnait la discipline avec des chaînettes de fer, en mémoire des plaies du Sauveur, récitant tout le Miserere, et se donnant trois forts coups à chaque verset. Il communiait tous les dimanches de l'avent et du carême, toutes les grandes fêtes de l'année et à plusieurs autres, principalement de vierges. Il reçut de Dieu une grâce si merveilleuse pour la prière et la contemplation, qu'à toute heure, en tout temps et en tout lieu, son esprit s'y portait sans peine. Continuellement et intimement uni à Dieu, il lui survenait fréquemment desilluminations, des ravissements, des extases au milieu des repas, des conversations, des concerts de musique, et même des danses, à tel point que sa sainte compagne, qui en savait quelque chose par expérience, avait bien peur dans ces occasions que, tout absorbé en Dieu, il ne vînt à faire un faux pas et à tomber.

Voici quelle était une de ses récréations. Chaque jour il avait douze pauvres et lépreux, auxquels il lavait et baisait lui-même les pieds et la bouche. Il leur donnait ensuite a manger, et les renvoyait avec d'abondantes aumônes. Un jour qu'il allait à la chasse avec une nombreuse société, il s'écarta des autres avec un chevalier et un serviteur, pour aller visiter une léproserie. Il y trouva six hommes frappés d'une lèpre très-pernicieuse. Quelques-uns avaient les lèvres déjà toutes consumées, on leur voyait les dents, qui commençaient à tomber; ils faisaient horreur à voir. Le saint les salua d'abord avec bonté, leur fit une exhortation pieuse, et enfin les embrassa très-dévotement l'un après l'autre. Après qu'il les eut ainsi embrassés, ils furent tous rendus à une santé parfaite, et toute la maison remplie d'une odeur très-agréable. Le saint leur fit une aumône et repartit, mais après leur avoir fait promettre à tous de n'en rien dire pendant sa vie. Dieu multiplia d'une manière semblable, dans des temps de disette, le blé qu'il distribuait aux

pauvres.

Tel était saint Elzéar de Sabran, lorsqu'en 1323 il fut envoyé à la cour de France par le roi de Naples, en qualité d'ambassadeur. Un grand nombre de seigneurs du royaume l'accompagnèrent. L'objet de cette ambassade était de demander en mariage, pour le duc de Calabre, Marie, fille du comte Charles de Valois. Il fut reçu avec toute la distinction que méritaient sa naissance, son rang et sa vertu. Sa négociation eut un heureux succès, et le mariage fut arrêté.

Elzéar tomba malade à Paris. Il avait fait son testament longtemps auparavant ; il y donnait ses biens meubles à sainte Delphine, sa femme, et ses terres à Guillaume de Sabran, son frère. Il y avait dans son testament des legs pour ses parents, ses domestiques, et surtout pour les monastères et les hôpitaux. Le saint, connaissant que sa mort était proche, fit une confession générale, accompagnée de beaucoup de larmes; chaque jour il entendait la messe devant son lit et se confessait fréquemment. Quoiqu'il eût caché toute sa vie la virginité qu'il gardait avec son épouse, il la fit connaître en ces derniers moments, et dit : Un méchant homme a été sauvé par une bonne femme, que j'ai reçue vierge et que je laisse vierge en cette vie mortelle. Sa maladie, qui fut très-douloureuse, il la supporta non-seulement avec patience, mais avec joie. Son esprit était continuellement uni à Dieu; avec cela, il aimait à entendre des paroles édifiantes et la passion de Jésus-Christ, qu'il se faisait lire. Sa langue ne cessait de louer Dieu, il répétait souvent ces paroles du psaume: Le Seigneur lui portera secours sur son lit de douleur; vous avez remué toute sa couche dans son infirmité. Lorsque, après le saint viatique, on lui administra l'onction des malades, et qu'on fut arrivé à ces paroles des litanies : Par votre sainte croix et votre passion, délivrez-le, Seigneur, il répéta trois fois ces paroles, et dit à la fin : Voilà mon espérance, c'est en elle que je veux mourir.

Tombé en agonie, il commença à faire un visage terrible, comme un homme qui lutte contre de redoutables adversaires et de puissants obstacles. Dans ce combat, il dit tout haut: Les démons ont une grande puissance, mais ils ont perdu leur force par la vertu et les mérites de la bienheureuse incarnation et passion de JésusChrist. Quelques moments après, il cria de nouveau: Enfin je l'ai vaincu entièrement ! Après quelque temps, il ajouta avec un grand cri: Je me remets entièrement au jugement de Dieu! Cela dit, son visage fut renouvelé, devint tout vermeil et resplendissant, et il rendit l'esprit. C'était le vingt-septième jour de septembre 1323, la trente-huitième année de son âge. Il fut extraordinairement regretté à la cour de France et à celle de Naples. Pour se conformer à ses dernières volontés, on porta son corps en Provence, et on l'enterra

dans l'église des Franciscains de la ville d'Apt, où il est encore. It était, ainsi que sa femme, du tiers-ordre de Saint-François. Le pape Clément VI ayant fait constater la vérité d'un grand nombre de miracles opérés par son intercession, Urbain V signa le décret de sa canonisation, qui ne fut cependant publiée qu'en 1369 par Grégoire XI.

Delphine vivait encore quand on mit son mari au nombre des saints. Le roi et la reine de Naples, qui l'avaient à leur cour et qui voyaient qu'elle en était le modèle par ses vertus, ne voulurent jamais consentir à sa retraite. Le roi Robert étant mort en 1343, la reine, qui se nommait Sancie, et qui était fille du roi de Majorque, renonça aux grandeurs humaines, et prit l'habit dans le monastère des pauvres clarissés qu'elle avait fondé à Naples. Elle y vécut dix ans, sans vouloir se séparer de sa chère Delphine, qui l'avait formée aux exercices de la vie spirituelle. Après la mort de cette pieuse princesse, Delphine retourna en Provence et s'enferma dans le château d'Ansois, où elle continua de vivre dans la pratique des plus héroïques vertus. Elle mourut à Apt, l'an 1569, dans la soixanteseizième année de son âge, Sa bienheureuse mort arriva le vingtsix septembre, jour auquel elle est nommée dans le martyrologe franciscain. Ses reliques se gardent avec celles de saint Elzéar 1.

Une cousine de saint Elzéar de Sabran fut sainte Roseline de Villeneuve, famille également ancienne et illustre en Provence. Roseline entra dans l'ordre de Saint-Bruno, dont elle fut une des gloires. Elle s'était consacrée à Dieu dès l'âge le plus tendre, embrassa la vie de chartreuse vers seize ans. Sa vie entière ne fut qu'un progrès continuel dans les vertus les plus parfaites. Elle s'appliquait surtout à une vigilance extrême sur tous les mouvements de son cœur et de sa volonté, crainte qu'il ne s'y glissât quelque chose d'impur ou quelque disposition au relâchement. Elle aimait aussi beaucoup la prière, et Dieu lui avait accordé le don des larmes. Sainte Roseline mourut le onze juin 1329 2.

Un saint illustre du même temps et de la même partie de la France, fut saint Roch. Il naquit à Montpellier, vers les commencements du règne de Philippe le Bel, d'un gentilhomme nommé Jean. Sa mère, nommée Libaire, qui avait demandé souvent un fils à Dieu, mit tous ses soins à lui inspirer la piété chrétienne dès le berceau. Roch, dont toutes les inclinations se portaient à la vertu, vécut depuis ce premier âge dans une grande pureté de mœurs, et accoutuma son corps encore tendre à supporter l'abstinence et les

Acta SS., 27 septembr. - Ibid., 11 junii.

autres mortifications. Ayant perdu son père et sa mère à l'âge de vingt ans, il se vit maître de grandes richesses. Il distribua aux pauvres ce dont il put disposer, laissa l'administration des fonds de terre à un de ses oncles, se déroba de son pays, et s'achemina vers Rome en habit de pélerin et de mendiant. Traversant la Toscane, il apprit que la peste était dans la ville d'Aquapendente: il alla s'y offrir pour servir les pestiférés. Il suivit la peste à Césène, à Rimini, et enfin à Rome, servant partout et sans relâche ceux qu'elle attaquait. Tout son désir était de faire à Dieu le sacrifice de sa vie dans cette espèce de martyre. Après s'y être dévoué plusieurs années et dans plusieurs villes de Lombardie, il tomba lui-même malade à Plaisance. Pour ne point incommoder les autres malades de l'hôpital, par les cris involontaires que lui arrachait l'excès des douleurs, il se traîna dans une hutte à l'entrée d'un bois. Un gentilhomme, appelé Gothard, qui demeurait dans le voisinage, lui procura les choses nécessaires. Dieu récompensa l'un et l'autre ; il rendit à Roch une santé parfaite, et Gothard, touché de ses exemples de vertu, résolut de quitter le monde pour servir Dieu dans la retraite.

Saint Roch, sortant de l'Italie, revint dans le Languedoc sous son habit de pélerin, et alla se loger dans un village qui avait appartenu à son père et que lui-même avait cédé à son oncle. Comme c'était à une époque d'hostilités, on rapporte qu'il fut pris pour un espion et amené devant le juge de Montpellier, qui était son oncle même et qui le mit en prison sans le connaître. Roch, qui n'aspirait qu'à vivre caché en Dieu au milieu des humiliations et des souffrances, demeura cinq ans dans cette prison, sans que personne s'avisât de solliciter cette affaire, ni que lui-même s'en mit en peine. Il y mourut, suivant l'opinion la plus commune, le seize août 1327. Sa mémoire devint aussitôt célèbre et par les miracles opérés à son tombeau, et par la dévotion des peuples, qui l'invoquèrent dèslors contre les épidémies. Son nom a été inséré dans le martyrologe romain au seize août 1.

Vers cette époque, l'Espagne vit deux de ses enfants terminer une sainte vie par une sainte mort; martyrs de la charité l'un et l'autre. Saint Pierre Pascal eut pour patrie la ville de Valence. Il descendait de l'ancienne famille des Pascal, qui avait eu la gloire de donner cinq martyrs à l'Eglise de Jésus-Christ. Ses parents étaient distingués par leur vertu et surtout par leur charité. C'était chez eux que logeait saint Pierre Nolasque dans ses voyages. Pierre Pas

1 Acta SS., 16 august.

cal fut regardé comme le fruit de ses prières, et il reçut de lui les premiers principes de la piété. Il fit ses premières études dans la ́ maison paternelle. Ayant embrassé l'état ecclésiastique, il fut pourvu d'un canonicat de Valence, ville que le roi d'Aragon avait prise depuis peu sur les Maures. On lui donna pour précepteur un prêtre de Narbonne, docteur de la faculté de théologie de Paris. Les parents du jeune Pierre Pascal avaient depuis peu racheté ce prêtre, que les infidèles avaient fait captif. Notre saint le suivit à Paris; il y étudia en théologie, et prit le bonnet de docteur. Il prêcha ensuite, et y enseigna avec beaucoup de réputation. De retour à Valence, il employa une année à examiner ce que Dieu demandait de lui. Il entra dans l'ordre de la Merci pour la rédemption des captifs, dont il prit l'habit en 1251. Il eut pour directeur, à Barcelone, saint Pierre Nolasque, et fit, sous un maître aussi expérimenté, de grands progrès dans les voies intérieures de lá perfection.

Jacques Ier, roi d'Aragon, instruit du mérite et de la vertu de Pierre Pascal, le choisit pour précepteur de son fils don Sanche, qui voulait se consacrer à Dieu dans la cléricature. Il entra depuis dans l'ordre de la Merci, qu'il fut obligé de quitter en 1262, pour remplir le siége archiepiscopal de Tolède. Ce prince, qui n'avait pas encore l'âge requis par les canons, fit sacrer notre saint évêque de Grenade, ville alors soumise aux mahométans, afin de lui confier le gouvernement de son diocèse. L'infant mourut en 1275, des blessures qu'il avait reçues en volant au secours de son troupeau, devenu victime de la fureur des Maures. Pierre Pascal revint dans son couvent, où il sut allier les fonctions du saint ministère avec les exercices de la vie religieuse. Il fonda des maisons de son ordre à Tolède, à Baëça, à Xérès et à Jaën dans la Castille. En fondant la dernière, il se proposa de procurer quelques secours spirituels aux chrétiens de Grenade, qui avaient des droits particuliers à sa sollicitude, quoiqu'il ne pût vivre au milieu d'eux..

Le bienheureux Pierre du Chemin, religieux de la Merci, ayant été mis à mort à Tunis par les infidèles, en 1284, Pierre Pascal se sentit enflammé d'un désir ardent de sacrifier sa vie pour JésusChrist; et ce désir augmentait de jour en jour. Lorsqu'on l'eut fait évêque de Jaën, l'an 1296, il allait souvent à Grenade, malgré les dangers auxquels il s'exposait. Il rachetait les captifs, il instruisait et consolait les chrétiens, il prêchait aux infidèles, il gagnait les renégats et les faisait rentrer dans le sein de l'Eglise. Les mahométans, irrités de son zèle, le mirent dans une prison obscure, et défendirent à qui que ce fût de lui parler. Mais il trouva le moyen

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