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dice de Jean Paléologue. L'an 1555, celui-ci ayant dépouillé son rival, Philothée se sauve dans un monastère, pour se soustraire à son ressentiment. Calliste, après la fuite de Philothée, remonta sur le siége de Constantinople. L'an 1362, il est député auprès d'Elisabeth, veuve du Crale ou prince de Servie, pour l'engager à faire la paix avec l'empire. Calliste meurt dans son ambassade sur la fin de la même année. Philothée, après la mort de Calliste, fut rétabli par - l'empereur Jean Paléologue. Il tint le siége encore treize ans et demi, et mourut l'an 1376. Nous avons plusieurs écrits de Philothée, dont le principal est contre Nicéphore Grégoras, en faveur des Palamites 1.

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Mais qu'est-ce donc que ces Palamites? Qu'en est-il de leur doc trine ou de leurs erreurs? C'est sans doute quelque chose de fort grave, pour occuper si vivement les empereurs et les patriarches de Constantinople, dans un moment où les Turcs portaient leurs ravages jusqu'aux portes de cette capitale? Il s'agissait effectivement d'une chose qui devait intéresser au suprême degré les empereurs et les évêques grecs du Bas-Empire. Il s'agissait, ni plus ni moins, de la lumière que voyaient les moines du mont Athos en regardant fixement leur nombril pendant l'oraison. Oui, telle est la grande affaire qui occupera, qui divisera les Grecs, jusqu'au moment où les Turcs entreront à Constantinople.

Voici en quels termes Simon, abbé d'un monastère de Constantinople, vers le milieu du onzième siècle, décrit et recommande cette merveilleuse méthode d'oraison pour les moines grecs. « Etant seul dans ta cellule, ferme ta porte et assieds-toi dans un coin. Elève ton esprit au-dessus de toutes les choses vaines et passagères, ensuite appuie ta barbe sur ta poitrine, tourne les yeux avec toute ta pensée au milieu de ton ventre, c'est-à-dire au nombril. Retiens encore ta respiration, même par le nez; cherche dans tes entrailles la place du cœur, où habitent pour l'ordinaire toutes les puissances de l'âme. D'abord tu y trouveras des ténèbres épaisses et difficiles à dissiper; mais, si tú persévères, continuant cette pratique nuit et jour, tu trouveras, merveille surprenante! une joie sans interruption. Car, sitôt que l'esprit a trouvé la place du cœur, il voit ce ce qu'il n'avait jamais su; il voit l'air qui est dans le cœur, il se voit lui-même lumineux et plein de discernement 2. »

Telle était donc la merveilleuse méthode d'oraison pour les moines grecs du mont Athos. On conçoit sans peine qu'en régardant ainsi nuit et jour leur nombril, ils devaient voir des choses

'Art de vérifier les dates.' 2 Apud Allat, de Consens., p. 829.

TOME XX.

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non moins merveilleuses que leur méthode. Aussi prétendaient-ils que cette lumière ombilicale était Dieu même. Mais, l'an 1341, l'abbé Barlaam, que l'empereur Andronic avait envoyé au pape Benoit XII pour traiter de la réunion, étant de retour à Thessalonique, eut de grandes disputes avec eux sur cette contemplation de l'ombilic. Il les accusa de renouveler l'hérésie des Massaliens, condamnés vers la fin du quatrième siècle, et les nommait Omphalopsyques, c'est-à-dire ayant l'âme au nombril.

Le chef de ces visionnaires que combattait Barlaam était Grégoire Palamas, d'où le nom de Palamites. L'historien Nicéphore Grégoras lui avait ouï dire qu'il voyait de ses yeux l'essence divine. Nicéphore atteste l'avoir ouï dire à Palamas et à Drimyr, son compagnon, en présence de plusieurs personnages, avant que Barlaam vînț en Grèce. Il les avait dès-lors vivement repris et en avait averti le grand-logothète et quelques savants prélats, qui dirent que c'était l'hérésie des Massaliens et lui ordonnèrent de fuir la compagnie de ces gens-là. Palamas se trouvant donc à Thessalonique lorsque Barlaam y revint, soutint que cette lumière divine dont il s'agissait, avait apparu à plusieurs saints, comme aux martyrs pendant les persécutions, et au grand saint Antoine. Et pour remonter plus haut, ajoutait-il, et jusques au premier exemple, c'est cette lumière que les apôtres virent sur le Thabor à la transfiguration, et dont ils ne purent soutenir l'éclat. Si donc, étant encore des hommes imparfaits, ils ne laissèrent pas de voir cette lumière divine et incréée, faut-il s'étonner que les saints, éclairés d'en haut, la voient encore à présent?

A ces mots, Barlaam s'écria: Quelle absurdité! la lumière du Thabor incréée! Elle est donc Dieu, selon vous, car rien n'est incréé, si ce n'est Dieu. Si donc cette lumière n'est ni une créature ni l'essence de Dieu, car personne n'a jamais vu Dieu, que reste-t-il, sinon d'adorer deux dieux, l'un créateur de tout et invisible, l'autre visible selon vous, c'est-à-dire cette lumière incréée? Pour moi, je ne souffrirai jamais que l'on nomme incréé rien qui soit distingué de l'essence de Dieu.

Ensuite Barlaam passa à Constantinople et mit entre les mains du patriarche Jean d'Apri ce qu'il avait écrit contre les moines Quiétistes, et le pria d'assembler un concile, prétendant les y convaincre d'erreurs contre la foi. Le patriarche manda les moines qui étaient à Thessalonique, et l'empereur revenant de la guerre arriva au même temps à Constantinople. Il voulut d'abord imposer silence aux deux partis et les réconcilier; mais, n'y pouvant réussir, il permit de tenir le concile. On le tint à Sainte-Sophie, le onzième

de juin 1341, et l'empereur Andronic y présida, avec le patriarche Jean, les évêques, les sénateurs et plusieurs personnes constituées en dignité. On fit parler Barlaam le premier comme étant l'accusateur, et on ne traita que deux articles : celui de la lumière du Thabor et celui de la prière. Sur ces deux articles, Barlaam fut condamné; de quoi n'étant pas content, il se retira et revint en Italie, où le Pape le fit évêque de Gieraci en Calabre.

Plus tard, Grégoire Palamas et les Quiétistes eurent leur tour: le patriarche Jean d'Apri condamna leur tome ou exposition de leur doctrine. L'impératrice douairière, Anne de Savoie, tint Palamas enfermé dans une des prisons du palais : elle écrivit aux moines du mont Athos que c'était à cause des nouveaux dogmes qu'il enseignait et par lesquels il troublait l'Eglise. Mais, en 1347, elle changea tout à coup de sentiments; voici pourquoi. Cantacuzène faisait des progrès; le patriarche Jean d'Apri conseillait à l'impératrice de faire la paix avec lui; l'impératrice prend le patriarche en telle aversion, qu'elle se détermine à le déposer. Pour y réussir, elle prend sous sa protection Grégoire Palamas, lui donne toute sa bienveillance, approuve sa doctrine et se conduit ouvertemeut par ses conseils. Aussitôt la nouvelle doctrine se réveille et se répand dans la ville de Constantinople, qui en fut troublée; car les évêques et les prêtres s'y opposaient, avec tous ceux qui étaient les mieux instruits de la religion; ce qui causait des disputes continuelles.

L'impératrice consulta sur ce sujet l'historien Nicéphore Grégoras, et lui proposa les nouvelles opinions de Palamas. Elle trouva Nicéphore attaché à la doctrine des Pères et des conciles, sans aucune complaisance pour elle; ce qui la mit en une furieuse colère. Elle le congédia donc durement, lui ordonnant de donner son avis par écrit, afin que ceux qui pensaient comme elle eussent plus de moyens de le contredire. Le six de février 1347, elle fit déposer le patriarche, nonobstant les remontrances d'un moine vertueux, son confesseur, qui en fut disgracié. Elle assembla donc les évêques et tous ceux qui étaient du parti de Palamas; les portes du palais furent fermées à tous les défenseurs du patriarche : lui-même ne fut pas admis au concile, mais condamné par défaut, et la sentence de déposition ne portait autre cause, sinon qu'il avait anathématisé Palamas avec sa doctrine. Le soir, l'impératrice donna un grand repas à ceux qui avaient eu part à cette action. La joie fut grande, accompagnée de contes plaisants et d'éclats de rires peu modestes; mais elle fut troublée vers la fin de la nuit, quand l'impératrice

'Nicéph. Grég., 1. 19, c. 1. Cantacuz., 1. 2, c. 39.

apprit tout d'un coup que Cantacuzène était entré dans la ville et qu'elle fut contrainte de le reconnaître empereur, mais au second rang après elle et son fils. Cette révolution ne changea rien au sort du patriarche. Il fut déposé dans un nouveau concile qui approuva la doctrine de Palamas, et il mourut en prison huit mois après.

Palamas aurait bien voulu se faire lui-même patriarche de Constantinople, mais, ne pouvant y réussir, il voulut y mettre Isidore, un de ses principaux sectateurs, qui, étant moine, avait été élu évêque de Monembasie; mais ayant été convaincu des erreurs de Palamas, il fut déposé et excommunié l'an 1344. Isidore ne laissa pas d'être transféré au siége patriarchal de Constantinople, ce qui causa un schisme dans cette église; car la plupart des évêques s'assemblèrent, anathématisèrent Isidore et ses partisans, et lui envoyèrent hardiment la sentence. Sur la plainte des Palamites, l'empereur méprisa les uns, punit les autres de la perte de leurs biens et de leurs honneurs, et en bannit plusieurs de Constantinople. Il vint ensuite de toutes parts des lettres portant anathème à Palamas, à Isidore et à leurs sectateurs. Il en vint d'Antioche, d'Alexandrie, de Trébisonde, de Chypre, de Rhodes et d'ailleurs; d'évêques et de prêtres, qui s'attachaient à la doctrine des Pères et rejetaient toute nouveauté. Cependant Isidore, pour consoler Palamas d'avoir manqué le siége de Constantinople, l'ordonna métropolitain de Thessalonique; mais on ne voulut point l'y recevoir; quoiqu'il eût des lettres de l'empereur, on ne lui permit pas d'entrer dans la ville, et il fut réduit à se retirer dans l'île de Lemnos 1.

Avec le temps le patriarche Isidore tomba malade de honte et de chagrin. Il s'était mêlé de faire le prophète, prenait ses songes pour des révélations et en faisait la règle de sa conduite; ce qui était ordinaire aux Palamites, en vertu de leur lumière ombilicale. Ses prédictions lui ayant mal réussi, Isidore en tomba malade et mourut à la fin de 1549. Les Palamites eurent grand soin qu'on lui donnât un successeur des leurs. Ce fut un moine nommé Calliste, ami de Palamas, que l'empereur fit venir du mont Athos l'an 1350, et auquel il substitua, l'an 1354, l'évêque Philothée, qui était de même grand sectateur de Palamas. Voilà comme les visionnaires du nombril devinrent les guides spirituels de l'Eglise et de l'empire de Constantinople.

De nos jours, on pourrait voir quelque chose de semblable dans les philosophes contemplatifs du moi; car, pour être placé dans l'encéphale, dans un viscère du bas-ventre ou dans le nombril, ce

' Nicéph. Grég., 1. 15. Cantacuz., 1. 3 et 4.

moi ne change pas de nature; sa contemplation exclusive pourra toujours produire les mêmes lumières.

Quant aux avances que firent les Grecs de temps en temps, pour se réunir à l'Eglise romaine, ce n'était généralement que dans la vue d'obtenir des secours contre les Turcs. L'abbé Barlaam, envoyé secrètement l'an 1339, par Andronic, et sans aucun pouvoir de conclure, le dit assez nettement. Il demandait ces secours comme une condition préalable, pour que l'empereur osât parler de la réunion à son peuple. Le pape Benoit XII répondit que, pour qué cette réunion fût sincère, elle devait précéder le secours, qui ne manquerait point après; autrement les Grecs, devenus plus forts par l'assistance des Latins, deviendraient encore plus intraitables. Barlaam et les autres envoyés de l'empereur proposèrent encore de remettre en question la procession du Saint-Esprit. Le Pape et les cardinaux répondirent: Il n'est pas à propos de paraître maintenant révoquer en doute ce qui a été décidé solennellement au concile d'Ephèse, en ceux de Tolède et de Lyon, et en plusieurs autres, que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils comme d'un seul principe: ce que les Grecs ont professé expressément au temps du pape Hormisda, de Jean, patriarche de Constantinople, et de l'empereur Justin; et long-temps après, un autre patriarche Jean et l'empereur Michel Paléologue, par la lettre synodique envoyée au pape Jean XXI1.

Ces citations demandent à être expliquées. Le concile d'Ephèse ne traita directement que du mystère de l'Incarnation contre l'hé– résie de Nestorius; et ce ne fut qu'incidemment qu'on y parlà de la procession du Saint-Esprit, à l'occasion du neuvième anathème de saint Cyrille et du faux symbole dénoncé par le prêtre Charisius. On y voit toutefois assez clairement que saint Cyrille et tout le concile croyaient clairement que le Saint-Esprit procède aussi du Fils. Le concile de Tolède, dont il est ici parlé, est le troisième tenu l'an 589, où se trouve, pour la première fois, l'addition Filioque. Quant au pape Hormisda, nous avons une lettre de lui écrite à l'empereur Justin en 521, où il dit expressément : C'est le propre du SaintEsprit de procéder du Père et du Fils, sans que les Grecs se soient plaints alors de cette expression. Le concile de Lyon est celui de l'an 1274, où se fit la réunion procurée par Michel Paléologue 2.

Si l'abbé Barlaam ne put réussir, ce ne fut pas sa faute; car il existe de lui plusieurs opuscules, où il établit solidement la doc

1

Raynald, 1339, n. 19 et seqq. Allat. Consens,, p. 780.

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