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qui m'ont conseillé de mettre dans le dernier volume différentes tables, et qui se sont même engagées à les préparer. Entre autres, il y aura une table des vies des saints, mois par mois; car généra– lement tous les saints de Godescard se trouvent dans cette histoire, peut-être même quelques-uns de plus. Je réclame, surtout pour la nouvelle édition, les conseils des séminaires et des congrégations religieuses, notamment de celles à qui Dieu fait la grâce d'être persécutées à la Chine, au Tonquin, et même ailleurs.

Enfin, pour remercier Dieu des bénédictions qu'il a répandues sur mon travail, et pour obtenir qu'il me les continue jusqu'au bout, mon intention est de consacrer le bénéfice de la nouvelle édition à une œuvre de charité chrétienne et publique. J'ai l'honneur d'être, M. le rédacteur, etc.

L'ABBÉ ROHRBACHER.

DE LA GRACE ET DE LA NATURE.

Paragraphes cités page 508.

§ LXXI.

L'homme, intelligence incarnée, est à la fois esprit et corps; il n'est pas corps seul, ni esprit seul, mais l'un et l'autre ; il ne l'est point isolément, mais avec ses semblables. Pour donc bien connaître la raison humaine, il faut connaître l'homme total et complet, non dans son corps seul, non dans son esprit seul, non dans son individu seul, non dans la société seule, mais dans le tout ensemble; car l'homme est à la fois tout cela. Si, de plus, il est chrétien, si par la foi divine son esprit et son cœur sont élevés à un ordre de choses au-dessus de la nature, il ne faut pas confondre l'homme et le chrétien; il ne faut pas méconnaître l'homme pour le chrétien, ni le chrétien pour l'homme.

S LXXII.

Or, les systèmes de philosophie les plus connus de nos jours pèchent tous contre ce que nous venons de dire. Le sensualisme ne voit dans l'homme que les sens, le corps, l'animal; l'idéalisme n'y voit que les idées, l'esprit, sans relation avec l'univers sensible; le rationalisme n'y voit que la raison de l'individu, sans relation avec celle de ses semblables; le système exclusif de la raison générale ne voit que la société et méconnaît l'individu; le système exclusif de

TOME XX,

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la foi divine ne voit que le chrétien et méconnaît l'homme. Chaque système est faux en ce qu'il exclut les autres; tous sont vrais, dès qu'ils viennent à s'embrasser et à s'unir.

S LXXIII.

Ils s'embrassent et s'unissent dans la personne du Christ. Comme Dieu, le Christ a créé tout l'homme, non pas son corps seul, non pas son âme seule, mais l'un et l'autre. Il ne l'a pas fait pour demeurer seul, mais pour être en société. Il l'a fait à son image, à l'image de Dieu. Or, Dieu, quoique un et unique, n'est pas seul : il est une société de trois personnes, dont la seconde, par une ineffable tradition, procède de la première, et la troisième de la première et de la seconde. Le Christ est cette sagesse éternelle qui se joue dans l'univers et fait ses délices d'être avec les enfants des hommes1; qui va cherchant ceux qui sont dignes d'elle; qui se montre à eux avec hilarité au milieu des chemins et dans toutes sortes de rencontres 2; qui parmi les nations se communique aux âmes saintes et y établit des amis de Dieu et des prophètes 3. Il est cette lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde". Et cette lumière, et cette sagesse, et ce Verbe-Dieu s'est fait homme; il a pris un corps et une âme, non pas un corps illusoire, mais un corps réel; non pas une âme différente de la nôtre, mais une âme pareille. Il unit à jamais dans l'unité de sa personne divine, et l'humanité et la divinité, et le corps et l'âme, sans que jamais cependant l'âme se confonde avec le corps, ni la divinité avec l'humanité. Et avec cela il dit, en parlant de l'ordre surnaturel de la grâce et de la gloire : Personne ne peut venir à moi, si mon Père ne l'attire ".

§ LXXIV.

Lors donc que la philosophie des sens nous dit que les sens du corps nous donnent la certitude, elle a raison; car celui qui est la vérité même nous a donné les sens corporels, il les a pris lui-même en se faisant notre semblable, et nous a dit: Palpez et voyez 6. Et

Ludens in orbe terrarum ; et deliciæ meæ, esse cum filiis hominum. Prov. 8, 31. 2 Quoniam dignos seipsd circuit quærens, et in viis ostendit se illis hilariter, et in omni providentid occurrit illis. Sap., 6, 17. —3 Et per nationes in animas sanctas se transfert, amicos Dei et prophetas constituit. Sap., 7, 27. - Erat lux vera, quæ illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. Joan., 1, 9. 5 Nemo potest venire ad qui misit me, traxerit eum. Joan., 6, 44.

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me,

nisi Pater,

- 6 Palpate et videte. Luc, 24, 39.

lorsque la philosophie de l'esprit et des idées nous dit que les idées de l'intelligence nous donnent la certitude, elle a raison; car c'est la vérité même qui nous a donné une âme intelligente et qui l'a prise elle-même. Cependant, comme notre âme n'est pas Dieu, mais seulement faite à son imagé, nous ne voyons pas, comme Dieu, la vérité en elle-même, la vérité absolue, nous en voyons seulement une image, mais une image vraie, puisqu'elle vient de Dieu. Et lorsque la philosophie de la raison individuelle nous dit que l'individu complet et développé peut avoir la certitude, elle a raison; car la lumière véritable éclaire tout homme venant en ce monde. Et lorsque la philosophie de la raison générale nous dit que la vérité, que la certitude se trouvent dans la raison commune de l'humanité, elle a raison; car la lumière véritable éclaire, non pas seulement tel ou tel homme, mais tout homme venant en ce monde; et il est plus facile de discerner en tous que dans un seul, ce qui vient de cette irradiation divine et commune, d'avec ce qui vient d'ailleurs. Et lorsque la philosophie de la foi nous dit que la vérité, la certitude se trouvent dans les Ecritures des prophètes et des apôtres, elle a raison; car c'est la sagesse éternelle qui a inspiré ces amis de Dieu. Et quand cette même philosophie nous dit que la certitude ne se trouve que dans la foi chrétienne, elle a raison pour l'ordre surnaturel de la grâce et de la gloire; mais comme, dans le Christ, la divinité ne détruit point l'humanité, pas même les cicatrices du corps, ainsi, dans le chrétien, la foi divine ne détruit point la raison humaine, pas même dans ses moindres lueurs, mais au contraire elle l'élève, la perfectionne et lui communique quelque chose de son caractère divin.

Lettre dont il est question page 508.

Au rédacteur de l'Ami de la Religion.

Monsieur,

Nancy, 2 janvier 1841.

Vous avez publié, sur l'Esquisse d'une Philosophie de M. F. de La Mennais, trois articles dont les réflexions m'ont paru fort justes. Permettez-moi de vous communiquer, à l'égard de cet ouvrage et de son auteur, certaines particularités qui pourront aider vos lec

Ego sum via, veritas et vita. Joan., 14, 6.

teurs à bien apprécier l'un et l'autre ; peut-être même à bien apprécier quelques autres personnes et quelques autres choses.

En 1828, étant à Rennes, je dirigeais les études philosophiques et théologiques de plusieurs jeunes gens. M. F. de La Mennais y vint pour m'exposer de vive voix et me dicter un plan combiné de philosophie et de théologie. Comme j'y aperçus dès-lors la tendance qui depuis a été réprouvée par le Saint-Siége, je refusai de l'écrire. Un ami qui était présent, et qui vit encore, l'écrivit à ma place : je refusai de m'en servir. Ayant été laissé libre, je le modifiai dans le ́sens qui depuis s'est trouvé celui des deux Encycliques. Voici com ment. Dans son plan de théologie, M. F. de La Mennais distinguait trois Eglises : l'Eglise primitive, l'Eglise judaïque, l'Eglise chrétienne. La première y apparaissait comme la source et la règle des deux autres. On y assignait pour monuments de cette Eglise primitive les traditions des anciens peuples, sans dire nettement si, à la tête de ces peuples ou du moins dans leur nombre, on devait compter les Juifs et les chrétiens. Il me parut que c'était là subordonner implicitement le christianisme et le judaïsme au chaos du paganisme ; qu'il y avait d'ailleurs une erreur grave à supposer d'une manière quelconque que les monuments écrits de la gentilité étaient antérieurs à la Bible, car tous ces monuments sont postérieurs aux livres de Moïse, plusieurs même le sont à l'Evangile. De là, pour moi, une répugnance invincible à adopter ce plan. Ayant été laissé libre, je le changeai sur cet article fondamental, du tout au tout. Je posai en principe, avec le commun des théologiens, avec Bailly entre autres, que l'Eglise catholique, dans son état actuel, remonte de nous jusqu'à Jésus-Christ; et que de JésusChrist, dans un état différent, elle remonte, par les prophètes et les patriarches, jusqu'au premier homme qui fut de Dieu; que hors de l'Eglise catholique, ainsi entendue, on peut bien trouver quelques débris de vérités, qui encore viennent originairement d'elle, mais nul ensemble, ni même nulle vérité complète. Voilà bien, je crois, le sens qui depuis a été indiqué comme le seul véritable par les Encycliques de Grégoire XVI.

Non content de donner cette direction aux études théologiques dont j'avais la surveillance, j'entrepris quelque chose de plus. Depuis 1826, je travaillais à une Histoire de l'Eglise, la prenant seulement depuis Jésus-Christ, avec le dessein d'y joindre une simple Introduction pour faire sentir que, dans le fond, cette Histoire rémontait jusqu'à l'origine du monde. Mais quand j'eus remarqué dans les idées de M. F. de La Mennais cette tendance, quoique flottante encore, et par où il abusait déjà du terme vague d'Eglise

primitive, dès-lors ce qui n'avait été pour moi qu'une idée d'Introduction me parut devoir être l'objet capital. Comme l'Eglise catholique elle-même, je crus devoir embrasser tous les siècles dans son Histoire, à partir de la création du monde. De ce moment, je n'ai cessé d'y travailler sans relâche jusqu'à ce jour. J'en suis actuel, lement à la mort de Louis le Débonnaire, en 840. Le titre qui m'a paru exprimer le mieux l'ensemble et le but de tout ce travail est : Histoire universelle de l'Eglise catholique; avec cette épigraphe tirée de saint Epiphane: Le commencement de toutes choses est la sainte Eglise catholique.

Pendant ce même temps, M. F. de La Mennais travaillait de son côté à son Essai de philosophie catholique; car tel en a été le titre et la pensée première pendant plusieurs années. Vers la fin de 1829, il vint de La Chenaye à Malestroit, où j'étais alors, quelques jeunes gens auxquels il avait développé de vive voix ses idées, et qui les avaient ensuite rédigées. Je remarquai, dans le nombre, des idées peu exactes sur la nature et la grâce : la grâce n'y apparaissait que comme une simple restauration de la nature; quelquefois l'une y semblait confondue avec l'autre ; je crus y reconnaître la même tendance que dans son Eglise primitive. Toutefois, comme la rédaction n'était pas de lui, mais des jeunes gens, je pensai que c'était à ceux-ci qu'il fallait s'en prendre, et je ne lui en fis rien connaître à lui-même. Seulement, j'étudiai la matière à fond dans saint Thomas, afin de n'émettre que des idées nettes et catholiques sur l'état du premier homme avant et après sa chute, dont j'écrivais alors l'histoire. Vers la fin de 1832, il nous vint à Malestroit d'autres jeunes gens auxquels il avait dicté ses propres cahiers de Philosophie. J'y trouvai les mêmes inexactitudes et la même confusion sur la nature et la grâce. Comme c'était un point capital dans l'ouvrage, j'écrivis à M. F. de La Mennais, qui était alors à Rome avec MM. Lacordaire et de Montalembert. Je lui exposai ce qui me semblait inexact sur la grâce et la nature dans son Essai de philosophie catholique; je transcrivis du premier livre de mon Histoire ce que je dis là-dessus en parlant de l'état du premier homme avant et après sa chute; enfin je le priai, pendant qu'il était à Rome, de consulter sur cette matière les théologiens en qui il aurait le plus de confiance, afin de savoir à quoi nous en tenir. Ma lettre ne le trouva plus à Rome et ne lui revint qu'à Paris. Aussitôt il fit retirer, autant qu'il le put, tous les exemplaires manuscrits de sa Philosophie. Ce fut son excellent frère, l'abbé Jean, qui m'apprit cette nouvelle avec beaucoup de joie ; car je lui avais fait confidence de ma démarche, et il l'avait fort approuvée.

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