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point d'adversaire, personne n'ayant jamais dit: Je veux être l'avocat de l'erreur et du mensonge, et personne n'ayant jamais pris la défense de quelque erreur ou de quelque mensonge sans se persuader, ou du moins sans déclarer qu'il prenait la défense de la vérité.

Locke, Montesquieu, Smith, Diderot, Rousseau, Voltaire, le grand Frédéric ont publié des ouvrages de philosophie. Tous ces ouvrages si différents, dont plusieurs même sont si opposés, sont-ils tous et totalement erronés? Si vous n'osez répondre que oui, dites donc ce que vous y condamnez; saisissez les thèses que vous y jugez fausses; désignez-les, attaquez-les. On saura ce que vous voulez dire, à qui, à quoi vous en voulez. Peut-être serat-on de votre avis sur beaucoup de points; peut-être vous prouvera-t-on que, sur ces points, vous avez été prévenus par des écrivains plus forts que vous, et dont vous répétez, peut-être sans le savoir, et probablement en les affaiblissant, toutes les argumentations. Mais lorsque, après avoir déclaré la guerre à la philosophie et défié les champions qui peuvent se présenter pour la défendre, vous dites: J'appelle philosophie tout ce qui est faux, il est évident que vous évitez misérablement le combat, en vous déclarant du même sentiment que vos adversaires.

Si nous recherchons dans les archives de la faction ce que c'est que la philosophie moderne, nous trouverons un livre de Rivarol qui nous répondra: «La philosophie moderne, c'est « l'ignorance hardie... c'est l'esprit d'indépen« dance, joint au despotisme des décisions; « c'est l'esprit d'analyse, qui emploie partout « les dissolvants et la décomposition..... qui « tue et dissèque les hommes rivants pour les « mieux connaître..... C'est cet esprit malfai<< sant qui trouve tout mal, et qui ne se soucie « point de faire le bien... qui ne cherche que « le pouvoir au lieu du souverain bien... qui « détruit tout, la politique, la morale, la re«ligion, et surtout les rois... et qui cepen« dant, se confondant avec la mode, capte et << range sous ses enseignes les courtisans et les « rois... qui bâtit entre le tombeau des pères « et le berceau des enfants, accorde l'amour <«< au futur et à l'inconnu, voue la haine aux « contemporains... rit des droits de la pro

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« priété... et finit par ne trouver qu'un laby« rinthe au fond d'un abime... »

Voilà, dit l'auteur, une pâle copie de ce que tout le monde voit dans la philosophie moderne. Si c'est là une copie de quelque chose, c'est assurément une copie brouillée d'un assemblage bien bizarre d'objets bien disparates. Personne, sans doute, n'y reconnaîtra un système de philosophie; ce ne peut être que la copie d'un rêve de l'auteur.

Il est bien vrai, pourtant (et nous avons fait cet aveu dans une réponse que nous publiâmes dans le temps contre l'auteur), il est bien vrai, avons-nous dit, que l'esprit d'analyse s'est introduit dans la philosophie moderne, et même la caractérise. Mais qui, par ce mot, a jamais entendu l'esprit de destruction? « L'analyse, dit l'auteur, opère en sens contraire de la nature; toujours la première décompose, et la nature compose toujours. » Belle observation! Le travail de la nature consiste en décompositions comme en compositions, puisque la moitié du monde périt tandis que l'autre croît; et l'analyse ne consiste pas seulement à décomposer, elle consiste aussi à recomposer; car nulle analyse n'est complète que par la recomposition, qui la vérifie, et qui apprend les rapports et les proportions des parties décom posées. D'ailleurs, le but des décompositions ou analyses est uniquement la composition. L'analyse ne décompose que pour avoir le secret des bonnes compositions. L'horloger ne prend la peine de décomposer une montre que pour la raccommoder ou pour apprendre à en faire une meilleure ; le chimiste n'analyse les substances naturelles que pour apprendre à composer des remèdes, des aliments, des substances artificielles, utiles et agréables, ou pour empêcher que les substances naturelles, mal employées, ne nous nuisent et ne nous détruisent. L'anatomiste ne dissèque, n'analyse que pour apprendre l'art de guérir et de conserver. A l'égard du politique, du moraliste, du logicien, que décomposent-ils? Estce, comme le dit Rivarol, les choses, les sociétés, l'homme vivant? Ils décomposent les idées et les mots : voilà tout; et à quelle fin? pour composer des jugements qu'ils comprennent, des discours qu'ils entendent, des plans dont ils puissent se rendre compte, et pour faire ou dire ensuite ce qui est bien; car, pour

faire le bien et dire ce qui est bon, il faut, ce | semble, savoir d'abord ce qu'on veut faire et savoir ce qu'on veut dire. Je pourrais demander à l'auteur comment il sait que l'analyse décompose, si ce n'est par l'analyse; et que la nature compose, si ce n'est par l'analyse; et comment il peut nous le dire, si ce n'est par l'analyse; et pourquoi il n'a pas remarqué que l'analyse n'a d'autre but que la composition, et que la nature ne cesse de décomposer, si ce n'est faute d'analyse?

Qu'il est facile de jeter au hasard, sur quelques hommes, sur quelques ouvrages, des imputations vagues et des phrases déclamatoires, qui ne partent d'aucun principe, ne mènent à aucun résultat, et ne servent qu'à fomenter des passions malfaisantes! Mais aborder franchement une question indécise ou mal résolue, la bien réduire, examiner avec impartialité et précision les raisons des opinions opposées, saisir l'erreur, la décomposer, la rendre sensible à tous les esprits, faire jaillir la vérité de la discussion, l'opposer, lumineuse et frappante, à ses adversaires, voilà ce qui n'appartient qu'au talent et au savoir. Les écrivains des journaux de la faction nous offrent un spectacle bien opposé. Comme nous l'avons déjà dit, loin de pouvoir se mesurer avec les écrivains qu'ils déchirent, ils sont hors d'état de les entendre, et probablement ne se sont jamais avisés de les lire. Indignes du titre d'hommes de lettres, ils se sont faits écrivains de parti; incapables de servir la raison, ils se sont constitués vils flatteurs des plus viles passions.

On voit, aux idées confuses, contradictoires, absurdes, que les contempteurs de la philosophie se sont faites de cette mortelle ennemie du pouvoir, avec quelle certitude ils portent leur accusation! Si l'on consulte l'histoire du dix-huitième siècle, on pourra prendre à cet égard une opinion plus juste que ne pourrait en donner une discussion, dont le moindre défaut serait d'être interminable. Elle apprend que ce qu'on a appelé les philosophes ont plutôt mérité le reproche d'avoir été les partisans du despotisme que celui d'avoir provoqué l'anarchie. S'ils se sont trompés en politique, leur erreur a été l'opposée de celle dont on leur fait un crime. Voltaire, dans la querelle de la royauté contre la magistrature, le seul

corps intermédiaire qui existât alors en France, se déclara pour M. de Maupeou contre les cours de justice. Les économistes furent les inventeurs du système du despotisme légal, dont un orateur du gouvernement a parlé dans la présente session du Corps législatif comme d'une offense envers la liberté. A l'époque de la Révolution, les hommes les plus marquants de la littérature et de la philosophie, notamment Marmontel, se déclarèrent pour l'autorité royale, même contre les états généraux. M. de La Harpe fut le seul homme. remarquable de ce parti qui se jeta dans le jacobinisme; il y fut, à la vérité, un des premiers, ensuite un des plus violents; mais M. de La Harpe a bien prouvé, par la sincérité de sa foi, pendant les six dernières années de sa vie, que s'il a, pendant quarante ans, affiché la philosophie, ç'a été sans en être corrompu le moins du monde.

Il y a, sans doute, dans tous les pays de la terre, des esprits qui se tournent vers les affaires publiques, lesquelles, au fond, n'ont d'autre objet que les intérêts particuliers. Les uns s'y attachent par goût, comme à une occupation noble et intéressante, d'autres comme à un moyen de gloire et de considération, d'autres comme à un moyen d'honorable avancement, d'autres comme à un moyen de gagner de l'argent, d'autres par habitude ou par esprit de parti; et ceux-ci sont les plus nombreux à la suite d'une révolution qui a donné à la multitude la présomption de s'ingérer dans le maniement des affaires publiques.

Quand les nations sont éclairées, ces hommes affluent, et prennent un ton et un langage convenables aux temps: le ton et le langage de la raison, de l'amour des hommes et de la patrie, en un mot le langage de la philosophie; ils le prennent tous, depuis l'homme de génie désintéressé, qui a découvert, pour un siècle à venir, des moyens de prospérité dont il ne demande aucune reconnaissance à ses contemporains, jusqu'au plus petit réformateur des finances, qui sollicite une place dans les douanes ou une croupe dans une régie composée.

Que conclure de là? Que la philosophie se croit en droit et s'est mise en possession de réformer les États et de troubler les gouver

nements? Cette conclusion ne serait nullement raisonnable. Un rêveur, un ambitieux, un intrigant, un factieux ont beau se parer de phrases philosophiques: la philosophie n'est pour rien dans leurs grands projets de réformations. Rien ne peut empêcher que la philosophie, comme la religion, ne serve de manteau à l'hypocrite et au charlatan. Rien ne peut empêcher qu'un assassin de la Saint-Barthélemy ne dise: Je tue au nom de la religion, comme un assassin du temps de la Terreur: Je tue au nom de la raison. La raison et la religion en seront-elles moins respectables? En seront elles moins deux grandes autorités qui conduisent au même but par les mêmes voies, l'une tirant sa force d'une source sacrée et frappant à la fois l'imagination et le cœur, l'autre cherchant ses armes dans l'intérêt bien entendu et s'adressant à la réflexion?

Le moyen de réprimer les entreprises contraires au bien public, qui peuvent être présentées sous des couleurs religieuses ou philosophiques, est bien simple : c'est de chercher le factieux, l'intrigant, le perturbateur, sous le manteau du chrétien ou du philosophe. Toujours c'est au coupable qu'il faut faire le procès, et non pas au manteau dont il s'est couvert; car la seule raison qu'il ait eue de prendre ce manteau, c'est qu'il couvre, pour l'ordinaire, d'honnêtes gens, dont il ne faut pas risquer l'existence pour se défaire des gens dan

gereux.

Après avoir nettoyé la discussion de tout le❘ galimatias qu'on a fait sur la philosophie, revenons au véritable point de la question; elle est purement de fait; elle est de savoir si les journalistes qui décrient la Révolution sont amis du gouvernement actuel, et si les hommes honnêtes de la Révolution en sont les ennemis.

Nos journalistes ne seraient-ils pas aussi de ces amis-là, ainsi que l'armée de Condé, qui était composée de grands amis du pouvoir de Louis XVI?

D'un autre côté, nous l'avouons sans hésiter, il y avait parmi les compagnons d'armes de Charlemagne, de Hugues Capet, des braves qui s'étaient lassés de servir obscurément sous des rois fainéants, et qui étaient les ennemis d'un pouvoir qui, après avoir tenu les citoyens dans l'abaissement, s'était dégradé lui-même. Il y avait, parmi les magistrats et les conseils, des hommes qui, voyant un pouvoir tyrannique, déprédateur, quelquefois sanguinaire, avaient désiré qu'il changeàt de nature, et, par cette raison, qu'il passât en d'autres mains, cette dernière condition étant nécessaire à l'accomplissement de la première. Ces honimes ne ressembleraient-ils pas beaucoup à nos philosophes?

Mais parlons sans figure, expliquons-nous sans détour.

De quel pouvoir s'agit-il?

Qui êtes-vous? A quel pouvoir prenez-vous intérêt?

Qui sont les philosophes? A quel pouvoir est lié le sort des hommes que vous appelez ainsi, c'est-à-dire des hommes honnêtes et raisonnables de la Révolution?

Et d'abord, de quel pouvoir s'agit-il? Vous allez répondre du pouvoir légitime. Mais qu'estce que le pouvoir légitime? Est-ce le pouvoir existant? Est-ce le pouvoir aboli? Est-ce le pouvoir créé par le peuple français? Est-ce le pouvoir transmis autrefois en héritage, comme une propriété féodale?

A en juger par vos actions, c'est au pouvoir de l'ancien régime que vous êtes dévoués, puisque vous êtes et vous vous vantez d'être les ennemis invariables et immaculés de la Révolu

Il y avait, du temps de Charlemagne, de tion, puisque vous n'avez pas à vous reprocher grands amis du pouvoir... de Chilpéric.

Il y avait, du temps de Hugues Capet, de grands amis du pouvoir... des Carlovingiens.

Et tous ces amis-là traitaient le pouvoir de Hugues, de Charles, d'usurpation. M. Ferrand, le grand homme de nos journalistes, comme Monck est le grand homme de M. Ferrand, eût été un de ces amis-là: Pepin et Charlemagne ne sont, à ses yeux, que des usurpateurs, et il ne leur en épargne pas le titre.

de lui avoir fait un sacrifice, rendu un hommage, et que vous pouvez défier de citer une de vos actions dans le but de l'honorer.

A en juger par votre doctrine, c'est du pouvoir aboli que vous êtes occupés, puisque vous croyez, puisque vous osez soutenir que la Révolution est détruite, et que le pouvoir que nous croyions aboli est rétabli maintenant et en pleine vigueur.

A en juger, enfin, par votre affectation à re

tion, et de remettre en scène les anciens maitres sans faire revivre les habitudes des anciens sujets. Disons plus : il est impossible de rappeler de certaines habitudes sans rappeler toutes les autres; car les habitudes se tiennent, et leur liaison, leur mutuelle dépendance est elle-même une habitude.

mettre sans cesse sous nos yeux le tableau du | sion sans rappeler vers l'ancienne dominarègne de Louis XIV; à nous rebattre les oreilles des grandes choses, des grands noms, des grands personnages, du grand siècle auquel il a donné son nom; à nous montrer autour de sa personne des modèles de tous les talents, de toutes les connaissances, de toutes les vertus, pour tous les emplois, toutes les magistratures, toutes les dignités; à nous montrer dans ses sujets les modèles de la soumission et de l'obéissance; à nous faire voir dans les usages de sa cour, jusque dans les modes dont elle fut l'arbitre, des modèles de la magnificence, de la politesse et du goût; à en juger, disons-nous, par cette profusion d'éloges sans mesure que vous donnez sans cesse au grand siècle, on pourrait croire que votre secrète intention est de nous faire rougir du présent plutôt que de nous instruire du passé, et de venger le pouvoir de Louis XIV plutôt que de servir le pouvoir existant.

Il faut ouvrir les yeux à la vérité. Louis XIV ne pourrait être recommencé que par un de ses descendants (1); sa cour, son siècle ne pourraient être reproduits que par sa noblesse et son clergé. La grandeur apparente ou réelle de l'homme, la grandeur du siècle résultèrent de l'ensemble des choses, des personnes, des opinions qui existaient alors. Quand vous évoquez l'ombre de Louis XIV, ne voyez-vous pas qui elle protége? Quand vous évoquez l'ombre du grand Condé, ne voyez-vous pas qui elle ramène dans ce palais où les organes du peuple règlent aujourd'hui nos destinées? Quand Cependant, sur ce point, nous ne voulons vous évoquez l'ombre de Bossuet, ne la voyezpas tirer de conséquences trop générales. Plu- vous pas qui cherche ces bancs où le clergé de sieurs des prôneurs du grand siècle sont des France balançait les droits du prince et se hommes sans expérience, qu'entraîne une ima- préservait des charges du peuple? Eh! qu'agination sensible aux beautés poétiques qu'il vons-nous besoin, après tout, de l'autorité du présente, et qui se persuadent qu'en faisant res- siècle de Louis XIV? Encore une fois, le clergé pecter le pouvoir dans la majesté de Louis XIV, n'est plus un État dans l'État, un empire dans dans la gloire de son règne, ils le font respec- l'empire; c'est une simple corporation reliter dans le suprême magistrat qui nous gou-gieuse. Elle n'est plus un autre corps dans verne, et que, remettre en honneur la subordination et les principes du dix-septième siècle, c'est assurer l'autorité qui doit gouverner le dix-neuvième.

Cette opinion pourrait être juste dans cinquante ans, quand la génération qui a présente à l'esprit l'ancienne royauté, et qui est gouvernée par les anciennes habitudes de la monarchie, sera éteinte; quand les noms des héros de la Révolution seront consacrés à l'immortalité, et que leurs titres ne pourront plus être contestés par l'envie ou rabaissés par des vanités insolentes; en un mot, quand la Révolution sera au-dessus de toute atteinte. Mais, immédiatement après cette Révolution, qui est presque flagrante encore, quand toute l'ancienne noblesse de France et les Bourbons sont là, le cœur gros de leurs regrets et la tête échauffée de leurs prétentions, cette opinion est absurde. Dans un tel état de choses, il est impossible de rappeler à l'ancienne soumis

l'État, ni un groupe de privilégiés autour de l'autorité, cette noblesse qui avait à faire valoir près des Bourbons et ses services et ceux de ses pères pour les aïeux du monarque régnant. La Légion d'honneur ne fait pas suite à l'ancienne noblesse (2). Le consulat suprême,

(1) On a dit que tous les grands hommes étaient de la même famille. Cela est vrai aux yeux de la patrie, de l'humanité et de la postérité; cela est faux aux yeux des membres dégénérés et déshérités des anciennes familles et de leurs partisans.

(2) Si notre système politique pouvait admettre une classe intermédiaire, expédient qui aujourd'hui n'aurait pas l'utilité qu'il peut avoir eue en d'autres temps, encore faudrait-il qu'elle fût peu nombreuse, composee d'hommes dont l'existence comptat de la mème époque que le gouvernement; il faudrait qu'elle fût, pour ainsi dire, éclose des mèmes circons tances que lui, intéressée comme lui à la destinée des principes et des personnes qui ont contribué à son développement. Il faudrait que, dans un siècle, dans

ou, si l'on veut un autre mot, la monarchie républicaine, ne fait pas suite à la royauté féodale; le suprême consulat, ouvrage de tous les Français et protecteur de tous, n'a rien de commun avec la royauté protectrice des priviléges héréditaires. Il gouverne des citoyens: elle commandait à des vassaux, à des sujets. L'autorité, conférée par l'élection du peuple, ne fait point suite à l'autorité tenue à titre d'héritage féodal. La prérogative de nommer un successeur, qui à son tour nomme le sien, cette espèce d'hérédité imparfaite, qui a été instituée pour préserver à jamais la France du retour des Bourbons, pour nous servir de palladium contre les dangers d'une contre-révolution, ne fait point suite aux titres des Bourbons. La révolution de 89 a fait de la France une nation; celle du 18 brumaire en a fait la grande nation. La grande nation est autre chose que le peuple du dix septième siècle. Le dix-neuvième siècle n'est pas borné au simple héritage du dix-septième; il tient bien autre chose de lui-même.... Mais que parlons-nous du dix-neuvième siècle? Il n'y a pas de dixneuvième siècle! Le siècle de Louis XIV est le dernier de l'ère de Charlemagne; le siècle où nous vivons est le premier de l'ère de BoNAPARTE. La nation, en le nommant son chef pour la vie, en confiant d'avance ses destinées au successeur qu'il aura choisi, lui a donné ce siècle, une suite de siècles à remplir de son nom, de ses œuvres, de sa puissante influence. Il n'est pas chargé d'achever les destinées de Louis XIV; il doit commencer les siennes. Non, le siècle naissant n'élèvera pas de nouveaux monuments à la gloire de ce monarque; il ne payera de tribut d'admiration et de reconnaissance qu'à celui de qui il doit recevoir du bonheur et de l'éclat. Et pourquoi donc ne voir dans le plus long avenir que des traces du passé? N'y découvrez-vous rien de plus grand et de plus important encore? Les choses dont vous êtes les témoins ne vous annoncent-elles pas celles qu'il faut attendre et

deux siècles, les familles distinguées disputassent de la prééminence des services rendus par elles à Bonaparte et ses successeurs, comme, dans le temps de la royauté, elles disputaient de l'éclat des services rendus aux Bourbons par les hommes dont les Bourbons se montraient escortés dans l'histoire.

ne pouvez-vous tourner d'avance vos regards vers ces temps qui captiveront les regards de la postérité?

Ah! si vos pensées ressemblaient à celles de tant de bons citoyens, au lieu de vous occuper avec une sollicitude si extraordinaire de la question de savoir qui nous rendra Louis XIV, vous demanderiez qui continuera Bonaparte, qui sera le conservateur de son ouvrage, quel homme, quelle suite d'hommes, animés de son esprit, personnellement intéressés à la gloire de son nom, engagés comme lui au soutien des patriotes qui lui furent dévoués, assureront aux générations à venir, porteront à la postérité, consacreront à l'immortalité les bienfaits de son gouvernement. Au lieu d'opprimer, d'étouffer le présent sous le passé, vous songeriez à lui donner un long avenir; vous demanderiez un ordre légal des personnes adoptées par la Révolution, à la place de celles qu'elle a répudiées, et, dans les élans d'un zèle peut-être indiscret, mais pur et sincère, vous auriez recours aux maximes de l'hérédité, non pour les opposer au gouvernement actuel, comme l'a fait M. Ferrand, mais, au contraire. pour les opposer aux anciennes prétentions; non pour en armer les assassins que Londres et Varsovie vomissent à Paris, mais pour en couvrir le chef de l'État, et prévenir, autant qu'il est possible, de nouveaux attentats, en les rendant inutiles. Mais nous nous sommes écarté de notre objet; nous avons vu ce que c'est que le zèle du parti pour le pouvoir. Voyons ce que c'est que la prétendue inimitié des philosophes.

En prouvant qu'il subsiste une révolution, que ses principes sont fixés, sont en honneur, que ce que vous appelez philosophes sont les hommes attachés à ces principes, nous avons assez prouvé que ces philosophes aiment le gouvernement actuel, aiment le pouvoir institué par la Révolution. Ils l'aiment comme leur ouvrage; s'ils ne l'ont pas seuls conféré, c'est qu'ils ne sont pas toute la nation; mais ce sont eux qui ont appris, qui ont donné à la nation le principe de la souveraineté, d'où est venu le pouvoir qui la reprérente; ils en ont provoqué l'exercice, pour cette grande délégation. Ils aiment le gouvernement par intérêt, parce qu'ils lui doivent leur sûreté, parce qu'ils en tirent de la considération, du bien

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