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des citoyens de commettre des crimes. Une ame bien née n'en a pas la volonté, une ame tendre s'en effraie; elle fe représente un DIEU jufte et vengeur. Mais la religion artificielle encourage à toutes les cruautés qu'on exerce de compagnie, conjurations, féditions, brigandages, embuscades, surprises de villes, pillages, meurtres. Chacun marche gaiement au crime fous la bannière de fon faint.

On

paye par-tout un certain nombre de harangueurs pour célébrer ces journées meurtrières; les uns font vêtus d'un long juftaucorps noir, chargé d'un manteau écourté ; les autres ont une chemife par-dessus une robe; quelques-uns portent deux pendans d'étoffe bigarrée, par-deffus leur chemife. Tous parlent long-temps; ils citent ce qui s'eft fait jadis en Paleftine, à propos d'un

combat en Vétéravie.

Le refte de l'année ces gens-là déclament contre les vices. Ils prouvent en trois points et par antithefes que les dames qui étendent légérement un peu de carmin fur leurs joues fraîches, feront l'objet éternel des vengeances éternelles de l'Eternel; que Polyeucte et Athalie font les ouvrages du démon; qu'un homme qui fait fervir fur fa table pour deux cents écus de marée un jour de carême, fait immanquablement fon falut, et qu'un pauvre homme

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qui mange pour deux fous et demi de mouton, va pour jamais à tous les diables.

De cinq ou fix mille déclamations de cette efpèce, il y en a trois ou quatre, tout au plus, compofées par un gaulois nommé Maffillon, qu'un honnête homme peut lire fans dégoût; mais dans tous ces difcours à peine en trouverez-vous deux où l'orateur ose dire quelques mots contre ce fléau et ce crime de la guerre, qui contient tous les fléaux et tous les crimes. Les malheureux harangueurs parlent fans ceffe contre l'amour qui eft la feule confolation du genre-humain, et la feule manière de le réparer; ils ne difent rien des efforts abominables que nous fefons pour le détruire.

Vous avez fait un bien mauvais fermon fur l'impureté, ô Bourdaloue! mais aucun fur ces meurtres variés en tant de façons, fur ces rapines, fur ces brigandages, fur cette rage univerfelle qui défole le monde. Tous les vices réunis de tous les âges et de tous les lieux n'égaleront jamais les maux que produit une feule campagne.

Miférables médecins des ames, yous criez pendant cinq quarts d'heure fur quelques piqûres d'épingles, et vous ne dites rien fur la maladie qui nous déchire en mille morceaux! Philofophes moralistes, brûlez tous

vos livres. Tant que le caprice de quelques hommes fera loyalement égorger des milliers de nos frères, la partie du genre-humain confacrée à l'héroïfme fera ce qu'il y a de plus affreux dans la nature entière.

Que deviennent et que m'importent l'humanité, la bienfefance, la modeftie, la tempérance, la douceur, la fageffe, la piété, tandis qu'une demi-livre de plomb tirée de fix cents pas me fracaffe le corps, et que je meurs à vingt ans dans des tourmens inexprimables, au milieu de cinq ou fix mille mourans, tandis que mes yeux, qui s'ouvrent pour la dernière fois, voient la ville où je fuis né détruite par le fer et par la flamme, et que les derniers fons qu'entendent mes oreilles, font les cris des femmes et des enfans expirans fous des ruines, le tout pour les prétendus intérêts d'un homme pas ? Ce qu'il y y a de pis, c'est que la guerre eft un fléau inévitable. Si l'on y prend garde, tous les hommes ont adoré le dieu Mars; Sabaoth chez les Juifs fignifie le dieu des armes ; mais Minerve chez Homère appelle Mars un dieu furieux, infenfé, infernal..

que nous ne connaissons.

Le célèbre Montefquieu, qui paffait pour humain, a pourtant dit qu'il eft jufte de porter le fer et la flamme chez fes voifins, dans la crainte qu'ils ne faffent trop bien leurs affaires.

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Si c'eft là l'efprit des lois, c'est celui des lois de Borgia et de Machiavel. Si malheureusement il a dit vrai, il faut écrire contre cette vérité, quoiqu'elle foit prouvée par les faits.

Voici ce que dit Montefquieu: (a)

,, Entre les fociétés le droit de la défense ,, naturelle entraîne quelquefois la néceffité " d'attaquer, lorfqu'un peuple voit qu'une " plus longue paix en mettrait un autre en " état de le détruire, et que l'attaque eft dans ,, ce moment le feul moyen d'empêcher cette deftruction. "

Comment l'attaque en pleine paix peut-elle être le feul moyen d'empêcher cette destruction? Il faut donc que vous foyez sûr que ce voifin vous détruira s'il devient puissant. Pour en être sûr, il faut qu'il ait fait déjà des préparatifs de votre perte. En ce cas c'est lui qui commence la guerre, ce n'eft pas vous; votre fuppofition eft fauffe et contradictoire.

S'il y eut jamais une guerre évidemment injufte, c'est celle que vous proposez ; c'est d'aller tuer votre prochain, de peur que votre prochain (qui ne vous attaque pas) ne foit en état de vous attaquer : c'eft-à-dire qu'il faut que vous hafardiez de ruiner le pays dans l'espérance de ruiner fans raifon celui d'un

(a) Efprit des lois, liv. X, chap. II.

autre; cela n'eft affurément ni honnête ni utile, car on n'eft jamais sûr du fuccès ; vous le favez bien.

Si votre voifin devient trop puissant pendant la paix, qui vous empêche de vous rendre puiffant comme lui? s'il a fait des alliances, faites-en de votre côté. Si, ayant moins de religieux, il en a plus de manufacturiers et de foldats, imitez-le dans cette fage économie. S'il exerce mieux fes matelots, exercez les vôtres; tout cela eft très-jufte. Mais d'expofer votre peuple à la plus horrible misère, dans l'idée fi fouvent chimérique d'accabler votre cher frère le féréniffime prince limitrophe! ce n'était pas à un président honoraire d'une compagnie pacifique à vous donner un tel confeil.

GUEUX, MENDIAN T.

TOUT pays où la gueuferie, la mendicité

eft une profeffion, eft mal gouverné. La gueuferie, ai-je dit autrefois, eft une vermine qui s'attache à l'opulence, oui, mais il faut la fecouer. Il faut que l'opulence faffe travailler la pauvreté ; que les hôpitaux foient pour les maladies et la vieilleffe, les ateliers pour la jeuneffe faine et vigoureuse.

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