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Là l'on voit les grasses génisses,
Se promenant à pas comptés,
Par des cris cent fois répétés,
Témoigner leurs chastes délices;
Là les brebis sur des buissons
Font pendre cent petits flocons

De leur neige luisante;
Les agneaux aussi bondissant

Sur la fleur renaissante,
Lui rendent leur culte innocent.

Là l'on voit, en troupes superbes,
Les jeunes poulains indomptés,
Dessous leurs pas précipités,
Faire à peine courber les herbes :
Je vois ces jeunes furieux,
Qui semblent menacer les cieux,

D'une tête hautaine,
Et par de fiers hennissemens,

S'élançant sur la plaine,
Défier les airs et les vents.

Mais quelle horrible violence
Pousse ces taureaux envieux
A troubler la paix de ces lieux
Sacrés aux charme du silence ?
Déjà, transportes de courroux,
Et sous leurs pieds et sous leurs coups,

Ils font gémir la terre;
Déjà leur mugissante voix,

Comme un bruyant tonnerre, Fait trembler les monts et les bois.

Je vois déjà leur poil qui fume,
Leurs yeux semblent étincelans;
Leurs gosiers secs et pantelans
Jettent plus de feu que

d'écume;
La rage excite leur vigueur;
Le vaincu redevient vainqueur;

Tout coup fait sa blessure : Leur front entr'ouvert et fendu

Fait rougir la verdure D'un sang pêle-mêle épandu.

Parfois, l'un fuyant en arrière
Se fait voir plus faible et plus lent;
Et puis revient, plus violent,

Décharger son âpre colère :
De même un torrent arrêté
D'abord suspend sa fierté,

Remonte vers sa source,
Et puis, redoublant en fureur,

Son indomptable course
Traîne le ravage et l'horreur,

Pendant cette rude tempête,
On voit les timides troupeaux
Attendre qui des deux rivaux
Les doit faire sa conquête ;
Mais déjà l'un, tout glorieux,
Fait, d'un effort victorieux,

Triompher sa furie :
L'autre, morne et plein de douleur,

Va, loin de la prairie,
Cacher sa honte et son maiheur !

Mais quittons ces tristes spectacles,
Qui n'offrent rien que d'odieux,
Pour aller visiter ces lieux
Où l'on ne voit que des miracles.
Muse, si ce combat affreux
T'a presque fait, malgré mes veux,

Abandonner ces plaines,
Viens dans ces jardins, non de fleurs

Inutiles et vaines,
Mais d'inestimables douceurs.

Ces deux pièces ont été prises au hasard parmi une douzaine d'autres que le jeune poète écrivit la même année dans ce collége. Louis Racine fait remarquer que son père était alors beaucoup plus heureux dans la versification latine que dans la française, comme c'est géné. ralement le cas dans tous nos colléges.

Orphelin à l'age de quatre ans, Racine fut élevé par son grand père maternel qui l'envoya de bonne heure au collége de Beauvais, d'où il passa bientot après à Port-Royal des champs, où il resta trois ans qu'il marqua par de brillans succès dans ses études. Quoique très-jeune il: se fit remarquer par son ardeur pour l'étude et son gout pour la poésie. Il avait une passion excessive pour les auteurs grecs : son plus grand plaisir était de s'enforcer dans les bois de Port-Royal avec Sophocle et Euripide, qu'il savait presque par cæur. Il se plaisait à faire des remarques sur Platon, Homère, Pindare, Aristote et autres. Sa mémoire était si heureuse qu'il sut par ceur à la troisième lecture le roman grec des amours de Théagène et Chariclée. En sortant de Port-Royal, il entra au collège d'Harcourt, où il fit son cours de phi. losophie, et débuta dans le monde par une pièce de vers qu'il composa à l'occasion du mariage du roi (1660.) Cette pièce, intitulée La Nymphe de la Seine, et adressée à la reine, valui a Racine une gratification de cent louis, et une pension de six cents livres sur la cassette du roi.. On voulut lui faire étudier la jurisprudence, voais il ne voulait point entendre parler d'occupations contraires au génie des

muses.

La nécessité l'obligea pouriant d'aller joindre l'abbé Sconin, son oncle maternel, à Uzès (Languedoc,) où il étudia la théologie par complaisance pour son oncle ; mais en lisant les auteurs sacrés, il lisait aussi les poètes grecs, latins, et italiens. Comme on peut bien le penser, le beau ciel du midi de la France ne servit qu'à augmenter son goût pour la poésie. De retour à Paris, il fit connaissance avec Molière et Boileau, et pullia une ode intitulée La renommée aux muses, qui lui procura encore une gratification de six cents livres de la part du jeune monarque (26 août 1664,) et le fit admettre à la cour. La même année il donna sa premièré tragédie, la Thébaïd. Cette pièce est très-faible. L'Alexandre qui suivit (1665,) fit conce. voir du poète de plus grandes espérances qu'il réalisa dans Andro. maque (1667) On y admira l'art avec lequel cette tragédie est conduite, les effets de la terreur et de la pitié portés au plus haut point, et un style noble sans enflure, et simple sans bassesse. Depuis cette époque, Racine ne produisit que des chefs-d'æuvre, si l'on excepte Bérénice, sujet qn'il ne traita que sur la demande de Henriette d'Angleterre, et Esther, pièce qui n'étant point destinée pour le théâtre, mais seulement pour l'instruction des jeunes élèves de Saint-Cyr, pouvait se passer d'un plan aussi régulier que celui de ses autres tragédies, pourvu qu'elle renfermát de grandes leçons. Depuis Andromaque, l'envie n'avait pas cessé do s'acharner contre Racine, mais elle fut portée à un tel point apres Phèdre, elle employa tant de ma. nouvres, que ce grand homme, dégouté du théâtre, abandonna le champ à ses ennemis, et se retira. C'est alors qu'il se maria (1 juin 1677,) et ne s'occupa que des devoirs qu'il avait à remplir à la cour, et de sa famille qu'il aimait bien tendrement comme on peut le voir par ses lettres. Le poète ne songeait plus au théatre, lorsque Mme. de Maintenon lui demanda des pièces pour la maison de Saint-Cyr: il fit Esther, dont il est parlé plus haut, et Athalie, la plus belle pièce qui existe sur aucun théâtre du monde; pièce unique par la simplicité, de l'intrigue, par la beauté de la poésie, par la noblesse des caractères, par la vérité des sentimens, par de grandes leçons données aux rois, aux ministres et aux courtisans, et par l'usage heureux des sublimes traits de la Bible. Racine eut la douleur de voir tomber ce chefd'ouvre, et ne vécut pas assez pour voir la justice tardive qu'on lui rendit. Outre ses onze tragédies, Racine a donné les paideurs, comédie très-estimée ; des Cantiques, une Idylle sur la paix, des épiigrammes, et les pièces qu'il fit dans sa jeunesse. Comme prosateur, il est encore au premier rang. Ses deux lettres contre Port-Royal, ses discours à l'Académie, son histiore de Port-Royal, ses fragmens historiques, les préfaces de ses tragédies, montrent un écrivain supé.

rieur, On a dit que Corneille avait plus de génie que Racine, mais que Racine avait plus d'esprit que Corneille, (voyez à l'article de d'O. livet le parallèle de ces deux grands hommes.) Qu'il suffise de dire ici que la langue s'est beaucoup perfectionnée sous la plume de Racine, et il semble que cela devait être : Corneille étant venu plus de trente ans avant son rival, se trouva seul au milieu du mauvais gout, sans modèle et sans guide, tandis que Racine vint dans un moment où le mauvais gout commençait à être proscrit, et il avait devant où à côté de lui Pascal, Molière, La Fontaine, Bossuet, Bouhours, Bourdaloue, Fléchier, et son intime ami le fameux Boileau qui ne le quittait jimais. On doit remarquer aussi que même les défauts de Corneille ont dû être de grandes leçons pour Racine. C'est à laide de toutes ces circonstances favorables, jointes à beaucoup de travail et à une grande connaissance des poètes grecs et latins, que Racine est parvenu à se placer au rang de nos prem ers poètes tragiques, et de nos meilleurs écrivains. Enfin, bon père, bon mari, ami sincère et gén. éreux, bon citoyen et bon chrétien, telles furont les qualités de ce grand homme. Il laissa en mourant une fainille composée de sept enfans.

Du théâtre français l'honneur et la merveille,
Il sut ressusciter Sophocle en ses écrits ;
Et, dans l'art d'enchanter les cours et les esprits,
Surpasser Euripide et balancer Corneille.

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DAVID-AUGUSTIN BRUEYS,

né à Aix (Bouches-du-Rhone) en 1640, mort à Montpellier en 1723.

Scène du Grondeur.

GRICHARD, vieux médecin ; L'OLIVE, Ariste.

Grichard. Bourreau, me feras-tu toujours frapper deux heures à la porte ?

L'Olive. Monsieur, je travaillais au jardin. Au premier coup de marteau j'ai couru si vite, que je suis tonubé en chemin.

Grichard. Je voudrais que tu te fusses rompu le cou, double chien ; que ne laisses-tu la porte ouverte ?

L'Olive. Eh! monsieur, vous me grondâ tes hier, à cause qu'elle l'était : quand elle est ouverte, vous vous fâchez ; quand elle est fermée, vous vous fâchez aussi ; je ne sais plus comment faire.

Gr. Comment faire ?
Ariste. Mon frère, voulez-vous bien.
Gr. Oh! donnez-vous patience. Comment faire, co-

:

quin !

Ariste. Eh ! mon frère, laissez là ce valet, et souffrez que je vous parle de.

Gr. Monsieur mon frère, quand vous grondez vos valets, on vous les laisse gronder en repos.

Ariste. Il faut lui laisser passer sa fougue.
Gr. Comment faire, infâme !

LOlive. Oh ça, monsieur, quand vous serez sorti, voulez-vous que je laisse la porte ouverte ?

Gr. Non.
L'o. Voulez-vous que je la tienne fermée ?
Gri. Non.
L’O. Si faut-il, monsieur.
Gr. Encore ! Tu raisonneras, ivrogne ?

Ariste. Il me semble, après tout, mon frère, qu'il ne raisonne pas mal ; et l'on doit être bien aise d'avoir un va. let raisonnable.

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